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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/journaldesjeunes42pari
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JOUUx>AL
DES
JEUNES PEllSOWES.
3
Z
IMPRIMERIE DE BEAU,
A SAINT-GERMAIX-EN-LAYK.
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^^^û£/t.
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i»\i;is.
Al iniu:Ai in j(M i;.N AI.
S«, I\1;K HICUtLlEU.
18^
JOURNAL
DES JEUNES PERSONNES
XVIir ANNEE.
--«S«^'
KDUCATION.
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s 'ÙIV:J
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'J! :^ U ^i^
LES HETRES DE S0LITIDE:«\
lA JAI.OISIK.
Une propnisioii natinrlle à nous faire
valoir, nous porte trop souvent, mes iil-
les ainu'es, à vouloir transformer nos
défauts, sinon en (pialités, du moins en
/jrrtivt's rvidrnti s d«' «rlli's de ces (pialilis
(pie nous préten«lons posst'der. Entre
tous les exemples tle ee jjeme qui se pr«'-
senteront »» votre souvenir , bornons-
nous pour le moment à eelui cpie nous a
ollert la l'u-ncilc d'inni^intittun \^'i] ; vous
u'aeeeptere/. plus maintenant, uVsl-ce
pas, eonnne/-»rrwir èiidrntt'Awwv cxtjf'me
sensibilité ^ ce tjni n'est au fond (|ne l.i
preuve rviiiente des dt'"St)rdi'es mor.iux
.1) Y. les l».in. 11 .1 llldf la 2'âerle.
(1) Voir l. III tif lu 2. >crlr. p. 2îi.
AiHim (les nrliclcn ronlrnii» »!.i!
m' |kmjI cire rcproiliilt, mn* le < t
furnicl «tcK aiiloiir(>, .«on» princ de pouiautloi en
riinnef.r •II.
Il- Snu! T. .III.- IV. N- 1 —
l>i\xluits ])ar l'cgoîsmc ? Eli l»ien ! mes
I lièirs amies, il eu est de même ilu j>en-
eliant, si prompt»^ d«"{;éuérer eu passion
terril lie, (ju'on désij^ne par le nom de
jaluitsie.
l*ersoime ne saurait s*' ci"oiiv lout-à-
lalt e\(Mnptde jalousie, c'c*sl-â-d ire de c«*
sentiment |NM'Sonuel qui pirnd ombrage
de I.i pri'f«**r»M»ee acx^onlée à tm autre.
Tunide d'abt)rd, le jaloux soulliY sans
.se plaindre; mais |HMt à |m u il arrive à
regarder eonune un \i»l li t«'ndn*sjk\
r.idmiralioii , la p^MisiT luènie dont il
nest pas ruiiicpie objet; quieonque ol>-
lienl la plus petite part tle ivtle ten-
dresM\ lie o't(e admiration qu'il veut
|K)ss*'der ou exeiler s«'ul ; qui«t>nque est
féfTt^ttiU (lu cri'/ r d\KX'up<'r la |>ou.vV de
la pei^ioune aintt'x* , csl ctMwidéu* |>ar \c
jaloux eonnne un tntomi; mais, eu
j\\\!M\ is:.o. I
im'iuc trnips, l.i p«>isoniu^ ainuHMKvivMil
l.i vic'tiiuc de soiijK'ons de tv)iis 1rs i:i-
sl.nils. Le j.\l(ni\ l.i ]nmrsMlt, s;ims se bs-
srr jamais, de srs cioutoi oiUinpcanls ; 11
la fatigue de ses plaintes, i!e ses n pio-
rlies, lie ses Imnieurs, de ses colères, et
plus il se rend détestable, ]dns j;ra:ulit
en lui la prétention ti élre iini<n(ciii(/it
aimé I
Quant à rr'///A'7;// qui e\(^ite sa jalou-
sie, il se croit en droit de lui prêter tous
les défauts, de laeeuser même des vices
les plus odieux. Suivant son caprice,
il le couvre de ridicule, ou bien il en mé-
dit, et, de la médisance, il passe rapide-
ment à la calonuiie. Rien ne lui coûte,
rien ne lui répugne pour f erdre son en-
nemi dans l'esprit delà personne aimée,
]>uis dans Topinion particulière ou pu-
blique de chacun des mend)res de la so-
ciété au sein de laquelle ils vivent tous
les deux.
L'envie, la hideuse et ignoble envie
agiiait-elle autrement? Et cependant, si
nous ne nous vttntons pas posiin'ciuc/it
d'être jaloux , très-volontiers laissons-
nous entrevoir que nous serions disj^osés
à le tlevenir ; c est prourcr que loin d'être
ifiscr:sihl(s, nous sommes doués, au con-
traire, d'une exquise sensibilité!
La jalousie di'ajlfrctio/t acceptée, je ne
vois pas pourqMoi nous nous refuserions
à admettre plus tard celle du pouvoir
qu'assurent aux hommes le savoir, liii-
telligence ; aux femmes, la beauté, l'es-
prit, la grâce, les talents I Je ne vois pas
non plus pourquoi nous hésiterions à
poursuivre de nos sarcasmes , à ruiner
par la médisance et la calomnie la répu-
tation de tous ceux qui obtiennent quel-
ques-ims des succès auxquels nous
crovons avoir seuls des droits.
\S équité exige que nous admettions
aussi les jalou-ïies de rang, de préroga-
tives, de fortune. L'épouse, la saur,
cioira n'être pas digne de ces titres si
(■l!i> ne se n;0!ilre j^a.s jnîouse i!es droits
de son époux, de son iière ; si elle n'em-
]Moie pas tous It^s nujvens pour ('eart(U"
d:- leur eiieniin les rivaux cpii lui font
oinbiage; elle rej;artlera comme uti de-
\()ir de ])erdre ceux-ci au|>rès des person-
nes liant ]il uves, des(jU(^lles dépend Ta-
vanci ment (jui Jalt l'espoir de l'époux ou
du frère INh's fdles chéries, la voie où
nous entraînent nos passions est glissan-
te et rapide ! Nous ne leur faisons ])as
\n\e seule concession, sans que cette voie
ne devienne plus rapide et ]dus glissante
encore.... Dieu seid peut nous donner la
force de ne point la suivre jusqu'au bout;
mais ne serait- il pas sage de réunir tous
nos clforts pour nous en détourner dès
l'entrée ?
Connue médecin, j'ai vu, dans ma
longue pratique, de pauvres jeunes gens,
de malheureuses jeunes iilles mourir
victimes de leur jalousie. Le mal moral,
s'il est profond, engendre le mal physi-
que. Comment ce mal moral avait-il
grandi au point de troubler si gravement
les fonctions animales qui entretiennent
le phénomène appelé la vie, que le mal
physique était deveiui sans remède?
II faut vous le dire, vous le répéter, à
vous, mes bien chères amies, qui êtes des-
tinées parles lois divines et huiuaines, à
développer dans l'ànic des enfants au ber-
ceau de bons ou de mauvais geruK^s ; ce
mal moral prend trop souvent sa source
dms la tendresse excessive de la jeune
mère, de la sœur aînée ou mère adoptive
(jui a'inmnt uni que me /if , éprouve une joie
inexprimable à se voir uniquement aimée
par ce petit être dont toutes les pensées,
toute la tendresse lui appartiennent. Si,
])lus tard, elle devient mère une seconde
fois; si, plus tard, la mère adoptive ac-
corde ses aft'ections ou seulement sa pro-
tection à un autre enfant ; si la sœur aî-
née se marie; si €nïn\ l'objet unique,
jusqu'alors, de leur tendresse, de leurs
3
wjins, doit 1rs païUifjor désormais avrc
un autre, la jilijiisic dont Ir {;rrine a été
nourri j»ar une aHéction exclusive, se dé-
velopp*' a\ec une effrayante rapidité.
La jalousie, ai je dit ! niais ne vovez-
vous pas bien que c'est légoïsme I Vous
avez appris à ce petit être à s'aimer
avant /"/// ; vous l'avez aidé à rap|>orter
/fini à lui ; à se rej^arder connue le point
important ancpnl /' /// vient alioutir ;
connue le' pivot unicpie de votrr vie, de
la vie de tont ce qui vous enlonri-, vt vous
voulez que maintenant il se soumette à
ne tenir (jne le second rauj; ?
\oIrr i(li|^ion divine vous montre que
les torts de e<tle jeune âme, qui n*a be-
soin qu<* d'être étlairi'e pour s'amender,
s<jnt en partie les vôtres Faites-lui eom-
prendn- connni lit vous êtes vous-même
victime mail leun use de son mallieur ;
f.iites-lui <'oniprendre , par ce doiiMe
exemple, qu'on ne manque pas impuné-
ment à la loi de T)i<'u qui ordonne ttail
niseniMe 1 amour du proi liain et l'onlili
ou plutôt le sacrifice de soi-même à au-
trui !
Non-seulement l'amour du proiliain
doit s'étendre à tous et à ( liaeun (!■ s
membres de la {;rande famille liumaiix,
mais il iliTiMid encore toute tendress»* e\ •
elusive ; la tendresse exclusive, donm e
ou re<;ue, n'est au JomI (pie l'amour «le
soi-même déj-juM" sous de trouqieurs de-
hors , »'t, de 1 amour de soi-même, ri*sn!-
lent des SiMitiments (pie Dieu iéj)rou\c,
l'injustice envers l'objet aimé-, li liauie
ruvei-s ceux qui l'appnH-bent.
One failes-vousdonc en ouvrant votie
Ame à tant de troul)les lionteux, vou> à
(|iii il a et»' dit : >• ^t/nrz mi tnnenii% fm-
t' \ tin birn à rrnx ifut v<>ns hois.*rnt ^ 1 1
priez pour irnjr tft i V'tiJ prrsrrutrnt et \hhij
rnlomnirnl fl) ! •• A ous faites le mallienr
de (pli \oiis aime ; vous |tei>é(-ute/. \oii>
(t) trat*ytlf selon «aiNf Manhtru,t\\a[*, \,
calomniez le procbaiiî, vous haïssez...
et vous vous dites cliré-tieenes I
J^es philosophes ont beaucoup t'crit,
sans conclure, sur cette passion terrible.
uve de l'égoïsme ; oui, saus conclure. Que
dit le vieux Montaigne en parlant de la
jalousie : •> Quant aux femmes, il n'y u
/ji'inl (le cunieil contre ce mn/j car leur
nature est toute confite en snuf/cnns, t»a-
niic tt cnriontc [\), » Acceptez vous, nit*s
filles aimées, cette conclusion ? Croirez-
vous, vous qui av» z étt- élevées dans la loi
de 1 Evangile, qu'il n'y a point de remède
contje la vivacité d'imagination, cause
j>remière du soupçon, contre la curiosité
vaine, et contre la vanité ?
l II antre philosophe. Charron, nou-i
dit : M Lr srnl mnj>rn ilt fcuiltr est tir se
rrmiie di^nc de ce t^uon délire, * Ceci
(Si plus juste et |>lus vrai ; mais il ajoute:
«« car la jalnnsie n'est tju une deffianec de
sr.y-me'inie^ rt nn fèmoi^nage de notre pen
dcmriifr 2). •» Ceci n'est point CDinpIè
tement vrai. Ouehjues âmes douées d une
dêlicatt^sse, dune sensibilité, d une nio-
desiii* r»*ell«", cons«'rvent, dans la jalousie,
sentiment tout |>er>onncl, les qualités qui
leur sont piopn's; ( Iles se jugent |)eu di-
gnes d afleetioa ; (Iles southt nt ; cil» s
|>lem«'nt, mais en si'cril : la |>crsounahte
iie remporte pas entièrement sur la dé-li-
caless*^ de leur âme, sur leur UKuWtie
vraie, et (pielques-uiies meuivnl du mil
«pii lis ronj;e et qu'illes n'ont jamais fait
eoiMiailre : ce sont là des exception^. Clu /.
le plus giand nombre, au contraire,
la jalousie |Hni( bien êtir un témoignage
du jHMi de mérite que notie const^irntY
nous force de ne(^nnaitie eu nous; uwiis
roij;u«il irrité re|H)Uvse (t Ite aeeiivitioii,
et bienlôt il nous |W'i>uade que ><-,<. uou>
uiéritons d'être aimé , que ^cui nous
avons dn>it à l'admiralion, au rang, a li
fititune, aux di>tinclioiiN de toutes le>
(I) h»i*t%tt hv. Il, chap. V.
(S) /'• /<! Sagette, lo. III. • i , \\\o
rspî'ct'S ; que ([ui(\>iujiio pciU ("'Lii' siuii)-
yoniu' de nous \'m\c ohslacK", (jiic (|ui-
conqno nous ]>oit(' oinl)r;i[;r est uw vi\-
ncuii, ('t que nous sonuiu^s rn droit de \c
tiaitrr sans ancnui nu'Miaj;rnuM»t.
31(3 filles cluMics, tic la jalousie à
Teuvie, il n'y a qu'un pas, ne Tavez-vous
point tU'jà roin])ris? Toutes deux sont
SfiHus ; toutes deux reuq)lissent de trou-
ble et de dt'eliireuHMits Vànir qu'elles
possèdent; toutes deux lui font unesouf-
franec des joies du proeliain. L'iuie
«'veille et nourrit la personnalité (jui
donne la soif iiH^xlinjjuible d'une affec-
tion sans })arta<^»e ; l'autre nous ron[je
sans repos, sans trêve, connue le vautoiu'
ronge Prouu'tliée I
« Jdlottsic est maladie (C une âme fai-
ble^ sotte et ins^rafe, » dit encore le plii-
losopljc Charron dans son livre I^c la
Sasaeise.
« I. a Jalousie est la mère -du meurlie !»
dit Tadmiralile Bossiiet.
A cette parole, vous voyez coider le
sauf» d'Abel , versé par la main d'un
frère î
Ou'il V a loin d'une ànic jalouse à une
ànie chrétienne I aussi loin que de ce
misérable globe à la voûte éloilée I L ànie
jalouse rapporte tout à elle-même; l'àme
chrétienne rapporte tout à Dieu. L'àme
jalouse ignore ou méconnaît la charité ;
Fâme chrétienne la met en pratique.
L'iinic jalouse n'aime au fond quVlle-
mèine ; l'àme chrétienne aime son ]^ro-
chain plus cpi'elle même. L'âme jalouse
s'abreuve de fiel et en abreuve tout ce
qui rentome ; l'àme chn'tienne fait pour
autrui tout ce qu'i lie voudrait qui fut
fait pour elle, et si elle reçoit le mal pour
le bien, elle s'élève vers celui dont rA})ô-
tre a dit : y^e rendez pas le mal pour le
nia!^ ai oatrtin-c pour oufro^c (l) ; et elle
(\)Mli:uie de fiire le bi(Mi sons l'ceil do.
de Dieu ; ( t lt\s ]»lenis cpi'clle verse sur
si s déceptions n'ont rien damer, car elle
a pardonné !
]M(\s filles aimées, ]v/'né(ii"/.-vous pro-
fo:5(lémenI des lumières (h' -lotre n^ligion
divine. Pratique/ enveis tous les êtres
créés la charité (pie v(^us enseigne l'E-
vangile, et, si parfois vous vous sentez
troublées par les excitations d'une jalou-
sie naissante, recourez à la prière, à la mé-
ditation : vous y puiserez la force de ca-
cher ce qui se passe en vous, et ce mau-
vais i^enehant, encore en germe, sera à
moitié douq)té.
Sachez le bien ; u:ie première victoire
qui a pour résultat de cacher des senti-
ments coupables, est bientôt suivie d'au-
tres victoires plus grandes, plus conM^)lè-
tes. ]ja répression d'un premier mouve-
ment obtenue, vous sentirez se dévelop-
per en vous une puissance morale encore
inconnue, et ime sorte de bien-être mêlé
de cette noble soufïVance de l'àme dont
s'acconq^agne souvent raccomplissement
du devoir. « Ccst en mortifiant ses pas-
sions^ et non pat en les eontrntunt^ rpie
se trouve, la vraie pn'u: du cœur {2 J. »
Oui, « le prcnner effet de la ve/tn est
fie causer une noble peine par les sacri-
fices qu elle exige (3).» ISLiis que de jouis-
sances inexjirimables devieiment la ré-
conqiense de l'àme vertueuse I La voix
de Dieu s'v fait entendre; la conscience
satisfaite se tait ; tout est ( ahne, tout est
repos, tout est bonheur I
S. Ulltac Teémadeure.
(1) Saint Pioire.
(2) Imitation, livre I, cliap. vi.
Ci) Kant.
UN M\!U\(;i: DANS LK GKANÏ) MONDE.
TBADITIO>i (1).
Les pMisioiiiiaiifs ne jouaient pas
dans le préau du eouvent des dames
l rsnlines de Punlivv ; elles étaient ré-
unies par [groupes et causaient entre elles
avec Ix'aueouj) de vivacité, les {jrandes
surtout. (Jn entendait ici et là ces mots :
M G.' n'est pas un mari, c est une pou-
pée (pt'il lui faudrait !
— Klle sera nrncpiise !
— J'ai vu le futur au parluii , il est
fort l)ien.
— îMais Heine n'est (pi'une enfant.
— Manpiise à douze ans !
— L<*s cadeaux seront niajinifKpn's I
— Elle ira à la cour.
— Elle aura des perles et îles dia-
mants !
— Et un lùi'u beau eli.ileau!
— Le mar<|nis tl«' Pi)r/.inis e>t de la
|)lns II. Mlle nolilessc !
— Heine de Kervallan aussi.
— On dit «pje ce maria[«o ne s'est pas
arrangé sans diHi<-ultés.
— Oui, à eaus»' de rà{;e de Keme.
— .'Mais le Marcpiis a si|;inrié à .M. de
Kervallan <|U d naltindrait pas.
— 11 veut aelider, avre la dnt, une
« liar{;e à la cour.
(îe n'est pas à \ers.nlles «pie Heine
l> mua finir son éducation !
— Il ne Tennuènera pas, ma elièivl
— Au f ail, ipie feiait-il là-bas ili* crttc
petite lillt
(I) Pnr l'rlTrl d'un M-nlirnrnt de convrnnnce
qiir, >niij» doiitr, on '■
HllUié aux nnniî» |». ,.l ,, ^ ^ ;
in.ilt \v» faiU priiin|i,)iix qui forment In lMi»e de
ro MHil , !>oiil ti>us t > li' '.i\ qui v»
fiirrnl li^inoinit.qin ' ; . 1^ prononrrront
••H!* nul doulc le véritable nom de ihèro<ne.
— Mors elle rentrera au couvent
connue dame {M-nsiounaire.
— Et elle nous donnera des fctrs !
— J e.Npère bien cpi file nous invitera
toutes à sou château de Keruao.
— J'ai dans l'idée que le ]NLtr(|uis
donnera une gouvernante à madame la
Marfinisc.
— (j est la dot cpi'il é|K)nse.
— IVrsomie n'en dt)ute.
— Hi'iuc n'est pa> ilu tout jolie.
— 31ais elle a de beaux yeux et un»-
pi'lite bouche; on u*e;t pas laide avec
cela !
— Elle est maij;re et brune à faire
p<'ur !
— Elle deviendra im'isibtc entre sa
haute n)illure et s*'S |>anier>.
— Elli" m'a invitée à s;i oi»*» .
— El moi aussi, moi .in>si I niéient
prestpie toutes les voix.
— Son invitation et rien c'e>t tout un.
— .Mon pèn» eu iiTcvra une en forme
de iM. de K»*rvallin.
— iM. de Kirvallan ne nous oubliera
]ias non plus I dirent plusuuus jt*uncs
|)ersonnes d'un air su|H-rieur.
— IMesdemoiselles, convenons «pie
n-lles (pii siMoni «les fêtes les raixinle-
ront aux autre?».'
— Oui, oui. sans rien omettre.
— C'est dit. — .'^les4lemois«•lles, la
reutn^; m classe va bientôt sonner !
Jouons! - s'txrièrenl les |ï«'iiles, et
1 1I«'N s'elanièrent en joy«'nx louibdlons
dans le nuheu du pn-ati, tandis tpie les
f^rutuifSy se divisant trois fwir tix>is, se
mii-enl à uiaivlier gravement sous \c%
allt (*s lie beaux tilleuls, en s** et)ininuni-
6
qiMiil mntii(ll<MutMit les ivlloxions que
ce iuaiii{^;o fais:iit naîtiv.
A celte «'poquo ( VOIS la iin du rc[;ne
de Louis XV), il n'était point rare de
voir des pères tlu "rand monde marier
leurs filles l>ieii avant 1 àj'/' où la loi le
]>erniet aujourd'hui ; les convenanec^s de
familles, le désir de former une allianee
sur laquelle on ne pouvait pas compter
pour ])lns tard, l'intérêt, l'ambition dé-
cidaient du sort d'une enfant. M. de Ker-
vallan ne faisait donc qu'une chose fort
ordinaire en donnant sa fdle, à(^jéc de
douze ans, au marquis de Porzinis; quant
au ^larquis, en la prenant pour feuune,
il n'avait en vu(^ ipie de s'assurer la for-
lune que cette enfant apportait en se
mariant et celle dont elle devait hériter.
Pendant la récréation. Reine, ajipelée
dans le petit salon de madame la Supé-
rieure , apprenait que, son sort étant
décidé, elle serait dans quinze jours la
feuune du marquis de Porzinis. Elle ne
l'avait vu (pi'une fois; mais elle conser-
vait de cette entrevue un souvenir agréa-
l)le. Le marquis était jeune, assez bien
de sa personne, et il avait ce ton d'ex-
quise politesse qui distinguait les grands
seigneurs : Reine u'éprouvait donc au-
cune répugnance à devenir la femme du
Alarquis; elle le dit ingénument à ma-
tlame la Supérieure, dans laquelle elle
avait trouvé une seconde mère ; car la
]>auvie enfint n'avait jamais reçu les
caresses uiateiiielles. M""' de Kervallan
('•tnit morte en lui donnant le jour.
(lependaiît. à mesure que uiadame la
Snpi'rieure ]>arlait. Reine devenait plus
sérieu>:e; c'est que, pour la ])remière fois,
on attirait son attention sur les devoirs si
graves, si importants que le mariage im-
pose ; elle commençait à comprendre
(|u'il ne s'agissait pas seulement du droit
de porter de riches parures, d'être appe-
lée nindamc la Marquise^ et que la jouis-
sance d'une liberté illimitée résultant du
mariaj;e, d'après ee quVlle avait entendu
dire à ses eonq>agnes, u'iMait <jn nii rèv(\
qu'une illusion. En ellet, les mots de
souinls'iion , iVolfrisia/fce, iX nhriôi:;ntion,
de (h-eoir^ résonnaient sans cesse* à son
oreille. Aussi avait-elle ])lus CMivie de
])leurer que de sourire lorscju'elle alla re-
joindre dans son appartement de pen-
sionnaire en vhnnihre^ dame l'iurielle, la
vieille feuune de charge de sa mère, que
31. de Kervallan avait placée auprès
d'elle.
Les quinze jours suivants furent rem-
plis par les fréquentes visites du 31 ar-
quis au parloir, par l'arrivée d'un
trousseau magnifique, et par l'envoi
de bouquets et de riches cadeaux, hom-
mages du futur époux. Reine s'accou-
tumait peu à peu à le voir; elle le
trouvait aiiuable, et la gaieté naturelle
à son âge renaissait dès qiril n'('tait
plus là; mais, en sa présence, la jcniiie
fille, naturellement très-timide, était plus
timide encore. Les manières du ^larquis
avaient une telle élégance, il disait avec
tant de grâce les choses les plus ordinai-
res, que Reine, pénétrée du sentiment
de son infériorité, osait à peine répondre
par monosyllabes, prononcés bien bas,
à des discours si fleuris.
Le grand jour arriva. La robe de la
mariée, en brocard d'argent et garnie à
j)rofusion de riches dentelles, s'étendait
en larges plis sur d'énormes paniers.
Ses cheveux, crêpés et poudrés, étin-
celaient du feu des diamants; une ri-
vière de diamants entourait son cou
frêle; des pendants d'oreille magnifiques,
des bracelets de toute beauté, des ba-
gues complétaient l'éblouissante parure,
objet d'envie pour im jjrand nombre
de ses compagnes.
Par l'effet d'ime faveur toute spéciale,
la bénédiction nuptiale fut donnée dans
la chap(>lle du couvent, ]iuis la noce
somptueuse se rendit au château de
M. de Kcrvalluii, ou, pendant deux s.-
niainrs, les fêles succédèrent aux fêtes
sans aucune interruption. Les vassaux,
les pauvres, venus de dix lieues à la ron-
de, en prenaient lenrpnrt; en Bret.ijjne,
alors comme aujtnuil liui, on tenait à
liomieur de se montrer hospitalier jus-
ques envers les plus InnnhK'S.
La nouvelle mariée, toutétourdied'une
existence si dillérente de la vie paisi-
ble (lu couvent, et sans cesse préoecu})ée
de la crainte de manquer aux lois de 1'»'-
tiquelte, aux exi»;enc<'S du cérémonial,
soupirait qneI<piefois après le moment
où, dans son beau ebàteau de Kernao, il
lui serait permis de se reposer de tint
d'a(;itatîons, de toilettes à faire, et de
faliyues.
Mais, à son (jrand cba{;rin, le .ALir-
quis, i>eu désireux tle s enfermer tète-
à tête avec une pensionnaire pi'estpie
muette, entraîna sur leurs pas la l'oule
des conviés, et Reine se vit appelée à
jouer le rôle de maîtresse de maison sans
avoir eu le tenq)s de s'y préparer; aussi
ragitalion et les fatijjues j]randirent-clles
dans une projwi tion t iVrayantc.
lAjrsipie, (pi«l(piel\>is, Reine se trou-
vait seule, elle S4Mitait peser sur son cfcur
uur amertume inexprimable iceslquelle
avait bientôt compris (pie son mari, in-
capable de man(pier aux é^jards dus à
nuuluniv la Marifuiic de l'orzi/it^y n'é-
prouvait pour elle (pie la j)lus parfaite
indifférence. Que tous les deux fussent en
tête-à-tête, chose rare, ou (juils fussent
entourés de leurs hôtes nombreux, ses
manières, sou ton respiraient I.i plus ex-
(piise politesse, et Reine >«• sentait d«'-
conoiTlée, jjlacée.
\a' IManpùs faisait, eu général, fort
|>eu de cas des femmes ; s'il l'avait osé,
il leur aurait rerus('' une âme : il leur re-
lns.ii( du moins \c bon sens, la raison et
surtout l'esprit <le conduite. A non avis,
le mariage n'était (Qu'une allaite de tx>n-
venancc : on se mariait pour ne pas lais-
ser mourir son non. Le fils aîné était
tenu d'eu soutenir l'éclat; les cadets, fils
et filles, appartenaient de droit à 1'- j^lise
et au couvent. Quant à ré[>ouse, si elle
était jolie, si elle avait du savoir-vi-
vre, elle servait d'oruement à son salon,
unis elle ne devait s'immiscer en rien
dans la direction de sa maison, confiée
aux soins d'un intendant et de ses f;ens.
Passioim»' pour la chasse et pour le
jeu, le ^larquis vivait dans un tourbillon
perpi'tuel ; sa feuunc s'y trouvait entrai-
ii('e lorscjuil invitait chez lui ; mais lors-
(pi'il répondait seul aux invitatiuiis de
ses amis, il la laissait, pend mf lî. . nuis
entiers, livrée à elle-même.
Ce n'était {io'int là ce que Reine avait
rêvé pendant le petit nombre de jours
qui avaient précédé son mariajje. Triste,
abattue, elle se surprenait à regretter le
couvent, les bonnes religieuses si afft»c-
tueuses pour les jeunes filles confié-es à
leurs soins, ses compagnes, dont la gaie-
té conunuuicativc l'avaient f.iit sortir
plus d'une fois de son caraclère naïu-
n Uement ivlli ehi et sérieux. TiHiies
( Dviaient probableuieut les plaisirs (pi«
goûtait Madame Ut Marqnrst dans sou
niagnili(pie manoir... Et O'tte soni|>>
tueuse demeure, les nombreux ' :.-
(pies dont Reine était entouii,, . . a-
(pietle qui réglait ses moindres actions,
(haines bien lourdes im]M>M-es par U
laiij; ( t la richessi^ tout senibl ait ixïu-
couiir pour lui fiire mieux sentir son
complet isolement! Il lallailà toute heuiY
et toiijoui-s se souvenir (|u'« lU" était
Madame la Marquij^f.
Dame ICuiielle, que le !Mar<pii<« lui
avait |>ermi$de plaivr au iiondin* de srs
Uninus, nxvvait I> ' ' i-
nui^i, -'■-- •■ '• •'•^- '
(pi'ai'
p(*et les plaintes naïves de sa maiii
mais chaque fois elle n|H' lait : • MaJ.uno
8
la IMarqiiise s'y fora. Toutes les daines de
liant parafe ne viviMit pas autrement que
IM'"»-' la Marcinise, et tous les jeunes sei-
f^neurs passent leiu- teni]>s à la eliasse et
dans les plaisirs eonnne ÎM. le Marquis.
Lorsque 31. le IMarquis reviendra, les
j>rands dîners et les fêtes recouunence-
ront. »
Reine soupirait et faisait si[;ne de la
tète que ce nVHait point à cela qu'elle
aspirait.
Son unique joie était de répandre au-
tour d'elle les bienfaits; mais il fallait
mettre des bornes à sa générosité. L'in-
tendant osait parler d'économie, alors
que la profusion régnait dans le château ;
alors que trente domestiques, hommes
et feunnes, passaicMit dans l'oisiveté les
jours, les semaines ; et cependant les
villages dépendants du manoir offraient
l'aspect de la misère ; les pauvres jour-
naliers gagnaient à peine dans une lon-
gue journée, commencée à deux heures
du matin, été comme hiver, tant que du-
raient les travaux, de quoi empêcher
leurs femmes, leurs enfants de mourir
de faim et de froid! Oui, l'intendant
parlait d'économie à celle qui savait que
le maître dépensait en chiens, en che-
vaux, et perdait journellement au jeu des
souunes dont la centième partie aurait
sufli pour nourrir dix familles pendant
une année entière !
Reine cherchait un refuge contre ses
pensées, une consolation à ses peines
dans la prière, dans le travail, et une
distraction dans les lectures que le Clia-
peliin faisait à haute voix pour abréger
les veillées déjà longues. Du petit nom-
bre de livres répandus alors dans le pavs,
où ne régnait pas ( ncore la monic des
bibliotlièqu<\s , celui que Reine préférait
c'étiit V Histoire de Bretagne ]>ar tlom
Lobineau. Cet ouvrage ouvrait à sa pen-
sée, à ses réflexions, des voies nouvelles.
Souvent Reine interrompait la lectme
pour demander des explications, et ses
questions montraient une justesse d'es-
])rit fort remarquable dans un âge si
tendre. Elle revenait avec insistance
sur certains chapitres , sur l'origine
de la noblesse , sur ses droits , sur ses
devoirs , sur le rang qu'avaient tenus ja-
dis les fennnes en Bretagne, siu' l'autorité
qu'elles y avaient exercée ; elle voulait
aj^prendre encore l'origine des corvées,
celle des privilèges, et le Chapelain s'é-
toimait des réflexions judicieuses qui
sortaient de cette bouche enfantine, des
conclusions que la jeune jMarquise tirait
de certains f:iits auxquels il n'avait pas
songé à s'arrêter jusqu'alois : mais ce
qui dominait, c'était un esprit de charité
vraiment évangélique, cet esprit se mon-
trait dans les actions autant que dans les
paroles. Ainsi, au grand étonnement de
dame Eurielle, la jeune Marquise avait
ordonné que, pendant trois jours de la
semaine, ses femmes travailleraient à
des layettes et à des vêtements pour les
pauvres. « Jamais cela ne s'est vu ! » di-
saient les chambrières entre elles. Mais
la 3Larquise prêchait d'exemple; elle
taillait et faisait tailler dans les pièces
de toile dont regorgeait la lingerie, et
qui avaient été filées au château, des
trousseaux tout entiers; pendant trois
jours, les métiers à tapisserie, les petits
ouvrages à la navette, en vogue à cette
époque et qui servaient aux grandes
daines à amuser leurs loisirs, étaient
abandonnés; les chambrières, comme
leur maîtresse, cousaient et ourlaient à
l'envi de la grosse toile de chanvre.
Le retour imprévu du Marquis vint
suspendre ces travaux, à la grande joie
d(\s femmes de la ]Marquise, et les iiètes
recommencèrent.
L'hiver entier se passa ainsi. Toute la
journée, Reine, richement parée et le sou-
rire sur les lèvres, faisait les honneurs
de chez elle à ceux qui arrivaient,
aprcs 1rs avoir lails à c«'U\ qui paiLiieiit;
mais le soir, à genoux dans son oratoire,
« lie priait et pleurait, cleinaiulant à Diru
la résignation dont elle avait besoin pour
accepter sans révolte la crurlle iiulillé--
renee de l'époux qu'elle aimait.
Au printenjps, le Marquis radieux
annonça que ses amis de Versailles Ten-
gajjeaient à venir les rejoindre, assurant
(pie 1«' roi, prévenu en sa faveur, le ver-
rait volontiers à la Cour.
Sans retard, on s'occupa des prépa-
ratifs de ce loujj voyage, et les hôtes du
^I.n<pli^ promirent avec empressement
<!«• prolonjjer leur séjour à Krrnao, afni
de distraire la ^Iar(juise de la doul' ur
(pie devait lui causer une séparation
peut-être de lonjjue durée.
La veille de son départ, le Maïquis,
après être resté enfermé une partie de la
matinée avec son intendant, fit deman-
der à sa fenune de vouloir bien lui :\r-
eorder la faveur de queKpies minut«^s
d'entretien.
I^s portes d(* l'appartement de la Mar-
quise s'ouvrirent dès qu'il parut , < t
un valet amionca : «< Monsieur le .^lai-
«piisî .»
H salua avec courtoisie, présent i I i
main A sa fenune ynniv la ramener an
fauteuil (]u'ell(* occupait au moment on
il ('tait arrivt', et s assevant dans celui
«pjc le valet avait avancé, il dit, d'un air
poli mais froid : <« J\ii souliaiti'*, IMadame,
«1 avoir 1 lionneur de vous voir un ins-
tant pour vous faire cotmaître mes in-
tentions. Mon séjour à la (lour nécessi-
tera sans doute (pielcpies saenliees ; <*e-
pen<lanl, je dé-sue ne vtnis en inqmser
auenn. Ma maiM)n restera donc montée
snr le mèm<' pied, et mon intendant
])rcndra vos ordr«s pour les réformes
intérieures (pii ])0!irrt>nt vous paraître
nM*essaires. Je tiens posiliviMucnt à ce
(pu* ces n'formes restent inaperçues. Il
ne tant pas «pi'on pni'i'îe me snpposiT
capable d'exij^er de vous, Mad <!ii> ! i
moindre privation.
— Pardon, monsieur le Marquis, niais
une si nondireuse livrée...
— Telle est ma volonté. Madame, il
doit être aussi bien avéré |>our tout le
monde que la retraite où vous vive/, est
de votre choix, que je ne vous l'iuqHjse
pas. Je n'ai pas, vous le savez, le ridicule
d'être jaloux, et j'entends ne point pass-r
pour un tvran. Vous aurez donc l'iJdi-
[jeance d'ail» r de temps en temps visiter
Mesdames de ]M«'nec, de Lantt'nac, d»"
Rosmadec et de Mirvaen; je vous prie,
en outre, de donner des repas aux fêles
pi*incipal( s dt» l'année; vous y inviterez
les dame^ et les s«Mgneurs iln v. ixi-
nap,e.
— ^lonsicur le ^larquis, dit Reine en
balbutiant , serons-nous privés... ]H)ur
lonjjtemps... de la joie... de votre pré-
s<ne(
.")
— Moi-même, ^ladame, je li-nore.
Jo.se esp«'rcr que vous uie ferez la j;ràee
de ni'{'ei ire (piehjuefois.
— .\h! monsieur le .'Marquis, jH>uvez
Vous douter du bonheur que j'éjMouve-
I «i en recevant de vos nouvel!» - ' Vf
jMiis(pi«' vous me jx^rmettez....
— (Test une f iV( ur (juc je soUicie,
"Nladame. *
.\yant dit iys mots, d st' lev i, saim et
disparut.
Reine pleura lon{^;teuips. J\u à peu
cependant ses laruu^ se tarin'ot
" J(^ ne serai pas toujours uuc enf.mtl
se disait-elle. Kt je me (^induirai de Iflle
S(^rte que, mal^jn» lui, il fmira |vir m'ai-
uier! ••
Mlle sonna ses fenuurs pour s<* faire
habiller, car il y avait c«» jour-là (;raud
dîner et bal.
I.e IManpns put, a nnnuit. i-t>uj;e de
.ses hôtes, et les jours suivants il fallut
(pie Reine, (\-\( liant sa douleur, .s'ocxiipit
des plaisirs de ces cxcrllents amis, qui
iO
prolon^^èrml \c ])liis posslhlo leur sijoiir
au cli.Urau do Kcniao.
Enfin cWc ivspiia!... cWc rlall seule.
Quiu/.e jours so passèiriU ru nu'ilita-
tions st'iieuses et on couiéienees avec le
Clin]>elaiu; la jeune feuune avait compris
que le inoniont était venu de remplir les
devoirs de maltresse de maison, ayant
charge ddmrs^ qui lui étaient iiuposés.
La Marquise fit mander l'intendant;
elle voulaileonnaitre le cliilïre des reve-
nus , celui auquel s'élevaient les dépen-
ses de la maison^ et elle ressentit une
vive terreur en apprenant qu'ime partie
de ces revenus, si considérables pour-
tant, était 'cnga(jée.
Boideversée par cette découverte , elle
demeurait nniette, tandis que l'inten-
dant, tout en riant en lui-même des pré-
tentions de cette enfant à se poser
comme maîtresse, lui donnait des expli-
cations qu'elle ne pouvait très-clairement
comprendre.
A qui demander conseil? quelles ré-
formes opérer dans une maison où les
valets, bonnnes et femmes, aidaient sans
aucun doute l'intendant à entretenir un
désordre dont tous profitaient?
D'un geste elle congédia cet homme
qu'elle savait être tout dévoué à son
mari, et elle couiut s'enfermer dans son
oratoire. Là, à genoux au pied du cru-
cifix, elle demanda, les yeux baignés de
larmes et les mains jointes, des lumières
pour la guider, des forces pour la sou<-
tenir !
Devait-elle faire connaître à son père
les désordres de son époux?... Non, elle
ne le devait pas.
Après plusieurs nuits d'insonmies ,
après avoir senti que personne, pas
même le Cliap.elain, ne devait être ins-
truit de ses angoisses et surtout du sujet
qui les causait, une idée soudaine vint
illuminer son esprit. Elle avait près d'elle
le conseiller le plus utile à ses projets de
rélorme, et l'instrument docile dont elle
pouvait se servir poui" les (wécuter, sans
mettre qui (|ue ce fùtdanssa confidence:
c'était Hélon, le valet de chambre que
lui avait donné son père.
Hélon a])partenait à cette race, aujour-
d'hui perdue^ de serviteurs fidèl(\s, dé-
voués, de générations va\ générations, à
la maison de leurs maîtres, et se faisant
un point d'honneur d'en soutenir le
lustre en ce qui dépendait d'eux. Reine
n'hésita pas un instant à se servir de Hé-
lon et à demander son aide.
Il écouta dans un silence respectueux
ce que sa jeune maîtresse jugea à propos
de lui dire sur la nécessité d'occuper un
nombreux domestique que M. le Mar-
quis ne voulait pas congédier, et dont
l'oisiveté, pendant l'absence du maître,
pouvait avoir des inconvénients graves;
puis elle parla du désir qu'elle éprou-
vait de donner du travail aux hommes,
aux femmes des villages environnants,
surtout pendant la saison où les tra-
vaux des champs se trouvent forcément
suspendus.
'< iMadame la Marquise a bien raison,
dit Hélon, le salaire vaut mieux que
l'aumône. Les vassaux seraient moins
pauvres s'il y avait dans le pays quel-
ques métiers pour tisser le fil, le coton et
la laine que les femmes filent toute
l'année.
— Pourquoi n'aurait-on pas de ces
métiers, Hélon ?
— Madame la IMarquise, il faudrait
en même tenqis faire venir quelques
bons ouvriers pour enseigner à monter
et à tisser.
— Est-ce que ce serait impossible?
— Non, Madame la IMarquise, mais
un emplacement pour les mettre?
— H me semble que les grandes salles
du rez-de chaussée des communs pour-
raient servira cet usage?
— Oh 1 si Madame la jMarquise per-
met que des iiu-tieis soient établis au
« liâteau, cela lèvera bien des difllcullt's.
— Je le permettrai, Héion. Mais quelle
strait à peu près la dépeiis<?
— Dans un jour ou deux, je pourrai
le dire à Madame la Marquise, et aussi
les idées qui me seront venues d'ici là.
— Prenez le tenqis nécessaire, Hélon.
Jt" s« rai bien aise moi- même de réllé-
( Iiir Croyez-vous que la livrée irait
travailler dans les ateliers, si j'en établis-
sais au cliâteau?
— Madame la Marquise, il y aurait
un moven de l'v décider.
— I.,«(juel.'
— Ce serait de payer le tiavail en de-
hors des (^ages.
— Et ce ne serait que justice, dit Reine
\ivement. Mais, ajouta-t-«lle anssilùt, je
i»r dois pas m en^aj^cr éttturdinienl dans
d» * dépenses au-tlessus de c<lles que je
\eui faire.
— Obi Madame la Manpnse n"a rien
a craindre de ce côté. L achat, rétablis-
sement des métiers, renj^j;ip,ement et le
voya^je de quelques bons ouvriers coûte-
ront sans doute un peu clur; mais si
Aladame la Mar(|uise me le jH'rmet, je
lui prouvrrai par descbilbes que ces dé-
pendes une lois couvertes, il y aura une
(,rand« économie, même en payant un
salaire aux (jens à jjajjes, à faire tisser au
(bateau les toiles de chanvre et di- lin
(pion fait faire chez les tisserands du de-
hors, ri les draps, les toiles ileioton or-
(Unaiie.
— Vous croyez? demanda Reine avec
un mouvement de joie.
— J'en SUIS sûr, Madame la .Mar(pn>4',
une é(*ononiie notable, sans eonqUer
tout le bien (pie cela fera dans le pays.
— Oh I je Voudrais que les métiers fus-
M lit déjà ici avtv les Ihiii> oiivrieis dont
NOUS parl« z!... Ib'Ion, il faut m .ip}H)rter
le plus tôt {M)ssible un ■•<
(lia coulera. Je parle lu -
!e c«* que
iiM ment.
au inoins! .Alalheureusement M. le Mii-
quis est absent pour lonj^tempsl le Cha-
pelain se plaint de voir les latpiais, les va
lets de pied passer des jounu'es entières
à jouer aux cartes ; nos pauvres vassaux
sont bien malheureux I... Tout cela me
tounneiite, me chajjrine... Allez, alltz
vite, commencer vos calculs, et dès qu'ils
s<Tont prêts, il fuidra me les apporter. •
Trois mois après, des métiers à tisser
le fil de chanvre, de lin et de coton, et
d'autres métiers à tisser la laine filée,
étaient établis dans les salles liasses des
communs sous la direction des ouvriers
que Hélon, d'après les ordres de sa maî-
tresse, avait fait venir de Laval pour
les toiles de fil, de Cholet |X)ur les toiles
de ojton, de Jouss* lin |>our les draps,
de .Malestrois j)our les grosses étofl«'S de
laine. Ib'Ion , premier contre-uiaitre,
avait su (h'eider la livrée à parlajvr
des travaux bien rétribuées; quant aux
femmes des villa{;es environnants » 11(^
vovaient venir l'hiver sans inquiétude,
car elles étaient certaint^ de ne plus
manquer de JiUi^e^ et leurs maris, leurs
enfants seraient assurément employés
|>en(lant toute la mauvaise saison.
Ot établiss4Mnent s'était fait ^.ii>
bruit, et sans que la jeune Marquise
maïKpiàt aux devoirs de bon voisinage
(jiie lui .ivait impos<'*s son mari. Elle
.dlail en grand ap|xuat rendre des vi-
sites ; elle en rt^wait, elle donnait de
grands repas aux jours i-onsacre.-» i>ar
l'usage, puis, avec un l>oiiheur inexpri-
mable, elle HMitrait dans le t^rrle des
uccu|vitions journalières «lu'elle avail su
se créer et qui remplissaient si < • t»'-
ment sa Nie que l'enuiii n\q-, i»l
jaiii lis d'( Ile, bien (pi\ lie vtvûl le plus
SiUiveiK ilaii« une sttlitude cviinpIiCi*.
l/inteiidant av.iil laisM' faiir, |»arfai-
tement assun', si c»» (a^rnf durait « son
nn* twp lot - <. qu'un mol Af lui
à son mailK i 1»«'»«r que les a;e-
i2
liois fonilés ])ar la Marquise fussont à
Tinstaut frruu's. Ut iiie pouisuivait donc
sans olistat'lr la tâclie qii't'lK* s't'ta'iL iiu-
post'v. Avec la vivacité criina};inalit)u (jui
est \c parta{;c de la jriuiossr , clic fonnait
une foule de projets; tous avai«Mit pour
but d'arriver à dc(;aj»cr les revenus de
son mari; et elle se disait avec une joie
enfantine : « Il aimera la petite pension-
nain., quand il verra ce qu'elle a été ca-
pable lie faire ! »
Les Ion Jolies rêveries, qui n'avaient
servi qu'à la rendre bien malheureuse,
n'étaient plus possibles : tout son temps,
toutes SCS pensées appartenaient k son
œuvre naissante. Elle se sentait joyeuse
et fière d'avoir deviné que Hélon était
l'aide actif qu'il lui fallait ; dans un
autre temps Hélon se serait facilement
élevé à la fortune par l'industrie, car il
en avait le génie, et il le prouvait. Un
mot de sa jeune maîtresse suflisait pour
développer dans sa tète les idées fécon-
des qui s'y trouvaient en germe ; la ré-
flexion les mûrissait, et, souvent, de lui-
même , il allait au-delà de ce que la
iVIarquise avait pu imaginer.
ÎNIais lorsqu'une lettre bien froide du
Marquis arrivait, l'espèce d'enivrement
qui résulte d'une vie active et occupée
disparaissait pour faire place à ce déeou-
lagement amer qu't'prouve un cœur
aimant, ramené soudain au sentiment
de son abandon. Plusieurs jours se pas-
saient pour la jeune épouse méconnue
et délaisî^ée, dans un abattement inex-
primable. Elle ne comj)renait })lus com-
ment elle avait pu perdre le souvenir de
ce qui faisait le malheur de sa vie ; elle
voyait s'évanouir d'un seul coup toutes
ses espérances. L'avenir, qu'elle avait
paré des plus riantes couleurs , s'assom-
brissait de nouveau, et ses i)leurs cou-
laient.
Peu habile, comme toutes les femnîcs
de son temps, dans l'art d'écrire, et bien
moins habile encore à cacher sa pensée,
vWc reeonnneneait viM;;t et vin^jt fois la
n'ponse (jn'elle croyait devoir au mar-
quis . et tpie celui-ci ne lisait jamais.
A'osant ])as lui parler de ce qu'elle avait
eu la hardiesse d'entreprendre sans avoir
demandé son autorisation, et renliM-
mant av(U^ soin c\\ elle-même une t<Mi-
dn^sse qui n'était point partagée, Heine
se bornait à tracer cpielques lignes insi-
gnifiantes et dont elle rougissait, car elle
sentait qu'écrire ainsi c'était se montrer
dijjnc de la froideur du !\L\rquis ; que
c'était conserver les traits d'une pen-
sionnaire gauche, timide, et ])rivée des
facultés intellectuelles les plus ordinai-
res. Le mécontentement d'elle-même,
quand la lettre était partie, le regret
d avoir fourni une preuve nouvelle d'in-
capacité, venaient se joindre à une dou-
leur profonde, et bien des jours pas-
saient avant que la pauvre Reine put
reprendre son activité et surtout quel-
que gaîté.
La droiture de son caractère, les sages
conseils du Chapelain lui avaient fi\it
éviter toute apparence de mystère dans
l'entreprise qu'elle poursuivait avec per-
sévérance; Reine n'avait caché soigneu-
sement que le motif qui l'avait inspirée
et qui la dirigeait; aussi, elle rougissait
d'une sorte de honte loisque les dames
du voisinage louaient son active charité,
en mêlant, comme de coutume, quel-
ques sarcasmes à leurs louanges. On
plaisantait, mais tout I)as, de rétal)lisse-
mentde métiers de tisserands au châ-
teau ; on y voyait la preuve que la petite
Marquise n'avait pas le sentiment de son
rang, de sa dignité; et l'intendant ayant
fait malicieusement circuler le bruit que
la 31arquisc, économe par nature, c'est-
à-dire avare, faisait vendre au loin les
toiles, les draps fabriqués par ses gens, on
répandait complaisauunent cette calom-
nie. Devant la jeune fcnune, il y avait
13
a(]uiii.'iti(iii. f];itl> ri<>s ])!us nu moins (>ii-
tr«'<'.s, ( t ( ll(; s'accusait au IriLunal di- 1 1
j (nitciicc (lavoir ii eu, sans osir It s ic-
|:GUssri", tlt s I()uaii(;{ s <|u'cllc ne uiciiLiit
«« IMn filîi', rcpor.dait le v('iicral)lc prê-
lir, qui avait aivi nu iit ])('nrlr(' dans cctl»'
àuic in^('iiuc, ( t (jui iri^jiiorait pas les
cujhanas cites par les dettes «lu ^lai-
<piis , si un motif ])ur( ment liinn.iin
vous a lait cf)mm( tire e( lie faute, l»u-
mili<'7.-vous devant les lioinmcs ])ar un
av< u l'ublic, après V(jns ëlie linn.ilue
devant I)i< n. Si. nii contraire, le silence
<pje vons j;aiil( /. < st, pour vous, lac-
conipiiss( in(Mit d'un devoir, ollre/ à
Dieu h'S souHrances cpie vous font subir
les rrjiroclics de votre conscience; de-
mande/ à sa bonté de les faire irnclilier
cl d'cIoi(jncr de vons le di'nion de Tor-
nueii: ..
Keine se taisait < t jiri ait mentah'inrnt
avec ferveur, lindis (pie K' (Chapelain
appelait les Ix'iH^dictions ilu (]i« l snr
cette jt une âme si tlt'vouci' , si (on-
raj;cuse.
.M. «le Kervall an, qui l'iail venu aux
ietes de la Toussaint, de Noël (t des
pieniii rs jours de i aimée. prèt«rà sa iillc
I appui de sa présence pendant les i^nhn
doniMS au cliàtcau de Kernao à ci s dif-
férentes jpnques, d .iprès l'ordre du Alar-
(piis ( t .suivant l'usaj;»' du pays, avait vu
avec ( tnnncinenl les ateliers naissants.
I*i( ine s'était bornc'e ù e\pos«'r à son
père (péayant trouvé qu'il v avait éeo-
nomie à faire fabritpiiM- au ( li.iteaii la
tt)ilr, le drap ordin nn\ cl (pie, di'sirnnt
oeeuptM' les loisirs d nn nombreux do-
uiesti(pie dont roisivelé donnait nais-
sance .1 bi«n des abus, elle nvnl tin
pouvoir tenter uu essai, non sans avoir
plis le»; avis du (lliapclnin.
iMais .M. tie Keiv.dlan ('lait mieux in-
struit des (b'soidies de sou ceudlT quc
Ui ine ne le p( ns.nl . d avait doue ei»ni-
pris le mobile qui fusait a{jir sa fille, et
respectant le secret qu'elle voulait g.ir-
der, il s'était borné à donner son assen-
timent aux g('néreux efforts et au dé-
vouement de cett«^ jeune femme encore
enfant.
Ainsi eneourafjtv, Reine, secondée par
Ilélon, étendit ranuée suivante la fabri-
eation de ses ateliers; on y tissait jus-
qu'à la mousseline pour les tentures, que
ses femmes brodaient ensuite. La jeiuic
iilar([uise avait fait venir d'Alençon et
de (]arentan des ouvrières en dentelles,
de Rennes des passenienlières et des
fianjjenses; l'aniu'e suivante, ouvriers
maîtres et ouvrièirs maîtresses ])urent
être remereit'S; car les gens du eliâleau,
les femmes, les enfants des villages envi-
ronnants donnaient a.ssez de travailleurs
( t de travailleus<*s bahiles pour suilire
an be.soin il'une grande maison.
Portant son attention >ur tout. Reine
fai.sait entretenir à moins île fraie et d'uno
in.inièr.' plus intelligente riniuiense po-
lag(U", le parterre, le \k\yc ; les aumé»nes
en vêtements, en fruits, en lé{;uines, en
bois, poiivnitMit miinienanl être di<îiri-
buées aveeplus «le larjjf^sse. \a^ l>ênétlic-
lions du (liel étaient elinqur jour ap|HléH»s
par des i^fviii^ n*ronnaissanls sur la tète
de cet an{je envoyé par le (ael |>*>ur sou-
lager tant de uialbeureiix, jus(pi'alor«
en butte aux inju^tiees et A la rapaeité
d'un intendant i\\\\ fiisoit mieux !ïe«
alfîiiivs que eellt^ de sou mnllie, i t fpii
fondait s;i fortune aux tlépens de cellr
d'un dissip.ileiu'.
Les demandes darjent devenaient
fi('(pnM»t<»5 de la part du Alarqui*; Tin-
tendant di-vait y satisfaire îuins auettn
délai ( t à tout prit; parftii*. «>' t .\
sa uu'ebanetMé naturelle, 1>I(msi:i« <i(»n-
nail à enlendrr t'k nradame la Manpii**
(pie bientôt re ne .vrrtienl plus setdeuieni
les revenus, que ce srr.iienl les Icitts
(pi'il faudrait engager; (jue le luouuMit
li
vieiulrait où 31. \c -NTartinis se verrait
dans la néeessit»' de lui demander sa
si};natuie.
«« M. le IMartjuis est le maître!» ré-
]:t)ndait la ]Martjnise d un air st-rieux, et
elle eon|;édiait [Moisant ; il se retirait
jo\eu\, ear il ne doutait |)as d'avoir
éveillé dans Tànie de sa jeune maîtresse
lie {jraves in<|uiétudes, seule manière
(juil eut de se venjjer de la faveur dont
jouissait Hélon,objetdcsa jalouse haine.
S. L LLIVC Trémadeume.
[La fin au prochuui \iiinéro.)
INSTIU CTION.
PCSSIE.
MES PENATES.
Petits Dieux avec qui j'iiabite,
Compaj^nons de ma pauvreté,
A ous dont l'œil voit avee bonté
Mon lauteuil, mes clienèts d'ermite,
iNIon lit eouleur de carmélite,
Et mon armoire de noyer :
O mes Pénates, mes dieux Lares,
Cliers protecteurs de mon loyer !
Si mes mains, pour vous festoyer,
De gâteaux ne sont point avares ;
Si j'ai t:ouveQt versé pour vous
Le vin, le miel, un lait si doux,
Oh ! veillez bien sur notre porte,
Siu- nos gonds et sur nos verroux î
Non j)oint par la peur des fdous,
Car, que voulez-vous qu'on m'emporte?
Je n'ai ni trésors ni bijoux;
Je peux voyager sans escorte.
Mes vfeux sont courts, les voici tous :
Ou'un peu d aisance entre chez nous;
Que jamais la vertu n'en sorte.
Alais n'en laissez point apj)ro{ lur
Tout front qui devrait se cacher :
Ces échappés de 1 indigence.
Ces fils de leurs heureux forfaits,
Si durs avec tant d'opulence,
Si bas avec tant d'arrogance.
Si petits dans leurs grands palais.
Oh ! que j'honore en sa misère
Cet aveugle errant sur la terre.
Sous le fardeau des ans pressé,
Jadis si grand par la victoire,
Maintenant puni de sa gloire,
Qu'un pauvre enfant déjà lassé.
Quand le jour est presque effacé.
Conduit, pieds nus, pendant l'orage,
Quêtant pour lui, sur son passage.
Dans son casque ou sa faible main ,
Avec les grâces de son âge,
De quoi ne pas mourir de faim !
O mes doux pénates d'argile.
Attirez-les sous mon asile I
S'il est des cœurs faux, dangereux.
Soyez de fer, d'acier pour eux.
iNLais qu'un sot vienne à m'apparaître.
Exaucez ma prière, ô Dieux !
Fermez vite et porte et fenêtre I
Après m'avoir sauvé du traîtie.
Défendez-moi de l'ennuyeux !
Dlcis.
15
LiTTi:i;ATriu
L\ I.OTKIUK I)K III \ Ni :F0 HT
ou
Lorj^AsioN I Air lî: lauuon
K>G:ii%o\\iC:8:st
m;, ir.lTP: IlOll-l N, nubrr'jlstr au villagcdc
Mtilbron^ près de Ungueudu.
Viiif'l-clBq .m*, air rapaiJe, pxil.tnt avec une cerlaiiiu
mii|>(mm:; pertoniic q'.ii a l.i pint liauU- opiuitin d'i-llc-
in''mc. — rostuun" «Je ilcinni^ollr de villa^*.
ROsKTTE , cousine de FéfxcUv.
Sri/ean»; jniii»" fille taio el n uvp. — r.ojfunu- plin
lanip'tgiiaiiJ (|ue rilui di* l>liLit<*.
rf.HlTîl], r»e»//f scrx:anii\ aulrefing nourrice
de Félicité.
Pailant peu et d'un ton nmptr; .^
r«X|>éric'ncc. — L^>tlume de pjTèii. i-*
el iiu futtau.
M;Ml;inie GODAlll) DuBKiiS i MïT.
(Tiaranli- an^ ; d'une elrginrc > ilriTaj^antc ; Voulant
prendre le ton du grand luooUaf. — Carivalurr.
AM.\M>.\. f^mm^ dr r*nmbre de madûmr
Godard.
^ inplquilrc ans; tréi-rlcç Jnfe ri l'air tfè»-»«ip«*-
I iix'iil.
in si'entr se pitsue an vilhinf de VfUirun .■ If ihriilrf repreiente iinr salle tVniihrrfè, t*t
/l'rttt, nue porir et ntie fvnêivr ; i\ H- oile, une poilt comlnisitnl dans une ifut/nbrt , ri unt t A- . ^ , . r i«
ditsie une g/ute; à fauche nm ttulfet, el ti,rce buffet un petit mitruir sut/KitJu rtu mutn (kttiti et ^tnâom.
sckm: pm:Mii:iuù :i .
KKI.ICITF: lis:n)l, noSITTK musant, ;is««k<ïe lur
une clini.»c liaiise, PKlilM-'. Illani nu fond. |>i<^i
do la foiii'lif.
Félicité lisant hmtt^ (fun ton sentent
deux: * L lunniiu' |»liilt>su|)ln' iw tli-
(1) Los nom» tir* pfrîionn.iars font Inscrits,
fn l^tr do rhnqno yrAiir, tl»n« l'ordre m'i Un pn -
^nnniicru ciiX'iiiômro ilni\« ni cMu' pi: • > • '-
\rnMiit au spi'i tniciir. I.c pu'inii'. i :^
In gniuhc Un )>pcotati'iir, le tcconil vient ensuite,
* ]>rtnl «pir» tic srs ]Mi:î( i|>rs : il iir se
■• l.iissf |».»s plus luniui.M r |».ir l.i iMïnnP
• (Ml par l.i nniivaiv forlmu* qui* le
" rtirlicr p.ir I.i Taj^uc ntciilissAiile ilr
- rOrt'.tn. •• Oiit^cel.! est vrai rthirii Hit î
UosF.TTK. Ail I un ani-iiac, êlcs-rotw
îiriircusr cl'nvoir vU'- iii^^truitr pnr le virtix
pi tifis«;(Mii (|ul II» imIi ( !i( ? V('t!i*ftiit< rt
^t Iw chnngomcnl^do p — r
! ■ - ■ 'r •-- V „
.1
k» s|t€cinlcun>.
1()
d'avoir appris à vous amuser en lisant
ces gros livres (jui luc l'ont bâiller, moi,
rien qu'à les re^;artlei I
Félicité. Ce n'( st pas seulement du
])laisir cpie j'y trouve, ma clière, c'est
le moyen de me mettre au-dessus des
faiblesses luunaines, d'être toujours juste,
sn<;e, raisonnable, motlén'e , ilans mon
lunnble ])osition.
KosETTE. Ali! ma cousine, il me sem-
ble ipie vous n'avez pas à vous plaindre
de votre ]iosition î être propriétaire de la
meilleure auberge de Molbron...
Peiune. Je crois bien que c'est la
meilleure I il n'y en a pas d'autre, et,
connue on dit, cifins le royaume des
aveuslt's . . .
Félicité t interrompant. Ah î ma chère
Périne, vous voilà encore avec vos pro-
verbes.
Peuine. Damel mam'zelle , ce sont
mes gros livres à moi.
Rosette. Si INI. Toffer était ici, il vous
appellerait encore la filleule de Sancho-
Pança.
Périne. Je m'en embarrasse bien de
votre M. Toffer ! un commis- voyageur
en loterie... qui veut toujours vous faire
acheter des billets... et qui a forcé Ma-
demoiselle à en prendre un.
Rosette. Ah I à propos, ma cousine,
je lai retrouvé; le voici. [Elle prend
dans sa corbeille à ouvrage un billet
fjicelle apporte à Félicité.)
Félicité, prenant le billet. Merci ,
Rosette.
Rosette souriant. Si vous alliez pour-
tant avec ça gagner le gros lot, la ba-
ronnie de Cracofmann I devenir une
grande dame I
Félicité. Cela ne changerait rien à ce
que je suis, ma chère ; riclies ou pauvres,
les honnnes sont égaux ; et quand on a
des principes...
Périne. Oui, oui ; mais il y a un pro-
verbe (pii (lit que fjuniul le veau a fait
fortune, il veut qu'on l'appelle M. le
bœuf.
Félicité. Et vous en concluez que
mon <'araetère changerait avec ma posi-
tion ?
Périne. Damel manrzelle, c'est dans
la nature moi-même, voyez-vous,
(piand je vas à la ville sur le vieil am^
(irison, je veux qu'on me fasse place, et
je regarde les pi<'tons comme rien du
tout, tandis que quand je suis à pied je
bougonne tout bas contre ceux qui se
font porter. C'est dans notre pauvre na-
ture d'être fier avec ceux qui sont plus
bas, et de jalouser ceux qui se trouvent
plus haut : Faut pas, comme ou dit ,
(jue le toit du voisin dépasse noire grenier.
Félicité. Parlez pour vous, Périne, et
non pour ceux qui ont des principes î
Quant à moi, je déclare que je n'ai ni ja-
lousie, ni fierté. J'estime les gens à leur
valeur et non d'après leur fortune ou
leurs titres !
Rosette, qui est allée à la porte du
fond. Ah I ma cousine, voilà un équi-
page qui s'arrête devant la cour.
Félicité se levant vivement. Un
équipage I II nous arriverait des voya-
geurs en équipage?
Rosette. Il en descend une belle dame
en (hntelles et en falbalas !
Félicité. Vite, vite, rangez tout ici...
[Elle range la chaise sur laquelle elle
cl ait assise.J
Rosette toujours à la porte du fond.
On vient de l'appeler Madame la Mar-
quise.
Félicité. Une marquise I je vais à sa
rencontre.
Périne à part ^ ironiquement. Pour
prouver qu'elle ne fait attention ni aux
titres, ni à la fortune. Oh ! pauvre espèce
humaine ; c'est toujours la même chose I
Comme dit le proverbe: D'un sac à cJiar.
bon on ne peut pas tirer de farine. [Elle
sort prtr In droite).
17
SCENE H.
FÉLICITÉ, LA MARQUISE, ROSETTE.
Ea iM^RQUisE. Al»! quolle liorirur !
(le In l>ouc, (les orniùiTs !... mais on ne
balaie donc jamais vos jurandes routes,
il n'v a donc point de police dans ce
pays ?
FÊLICITK. Pardon , IMadamo , nous
sommes ici à la campajjnc,
L4 Marquise. iMais cela n'empcclie
pas d'avoir des trottoirs; à Paris, il y en
a dans les lieux les plus cliampètres.
Félicité. Ah! Madame arrive de Pa-
ris?... Donnez donc une chaise, Rosette.
(Rosette va cherclier une chaise). Et Ma-
dame 9^ rend...
La Marqiise. Au château d'Obers-
tadt , un ancien marquisat (pie je viens
d'acheter.
Félicité. Quoi! Madame serait la
nouvelle propri<''taire? [A Rosrtti- qm r.jj-
portr une chaise^ : Un fauteuil, llosett»',
donne/, un fauteuil. [Ihtsitte donne un
faut(iùl\ F V lui te remonte rcr^ In porte
(lit fnnil^.
UosETTK. Voilà, madame la Mar(piise.
La 1M\HQL'Ise. Fort l)ien. {^S\nscyant.]
Ah ! Dieu, que c\-st dm î
RosKTTi:. Dur, notn* j;ran(l i.uiic ml .'
il a été lait pour les malades.
Ia M vng\ im;. Pour les maluh-s d«'
voire classe, ma chère; mais moi \c ^uis
d'une .sensibilité*. - l'Aie se retintrne sur le
jnuteuil). Oh !... on u'tMnploie donc point
les élasticpies dans votre département?
KosKTii;. Panlonnci-moi, madame la
]Mar(piise, p4.)ur faire cl«'s jarretièn»s I
L4 MARyrisK rVr>///ie>. Des jarretièiTS
en nvssorls de fauteuil! mais c'est alors
un ]>ays ih* siuva{;es. ' htle se lt\'e ; trli-
rite, à (/ui Prrine est venue /mr/er du tir -
hors^ retleseentl vh'enient vers ta Mar-
ffuise.
Félicité. Ah ! mon Dieu ! Quel con-
tie- temps (i;.
La Marquise. Qu'y a-t-il?
Félicité. On vient de s'a|H»rc^voir que
lavant-train de la voilure de madame
la ^Marquise est brisé.
Ea >E\RgiisK. Ihisé?
Félicite. ]NEidame la >farquise sera
forcée d'allendre qu'on Tait réparé.
Ea -'Mvrqlise. ]Mais c'est .impossible ;
il faut (pie j'arrive ce s<jir à mon château
d Obersladt. E intendant est parti en
avant pour préparer la réception qu'on
doit me faire: feu d'artifice, arc de triom-
phe, illuminations. J'ai réjjlé moi-même
toutes les surprises ; si je reste ici, tout
est mancpié. 'A Fèlictlè :J Déclarez, au
postillon cjue je veu.v partir, M.idemoi-
selle, que je le lui ordonne.
{^Rosette f/ui est allée à la porte du fond et
fjiii a parle n son tour à Penne, re-
vent verr la Marquise.]
Rosette. Pardon, madame la M:u
quis<% il dit que la voiture est en liop
mauvais él.it.
Ev AKiiQi isK. E*inq>crtincnt! uneU^r-
line (pii m'a coéité cin(| mille francs; et»
sont vos routes ipii l'ont anéantie.
Félicite. Je ferai observer à madame
la ]NEu(piis<*
I.v Marquise /*/>i/^/rr»m^///// ri s'ani-
ma nt à mesurt. Je vous ré|H*le, ^fade
m(^is( Ile. (pi'elles sont alTreus»s .
]\'»si riK. Mais, madame la .'NIarquis(\..
I V MvHQUISE tinterrompant. Que a"
sont des routes f.iiles |K)ur d« s |viysaus.
Félicite, (-eprntlant, madame la Mar-
quise...
La .Marquise i'inferntmf>anr. Et que
des ;;ens (X)uune il faut m* sauraient s'v
ha.snrder.
RosKrTE. \lt»r> . mailauK* l.i ^Eir-
quise...
E V ^î ^RQUISK rfnlrtronj'ttni. El (pie J«'
\ \a M-inviUo, FflifHé. Rr^llf.
I 1
18
vous trouve l)i(Mi ii.udio, lua olicrr, do
les (It'lViulre coutiv moi.
RoSF.TTE reculant (Ircoriccrtrr. AlȔ si
les graiul(\s routfs ont ru dos toits onvors
madame la 3Iar([uiso, c'est J)i(Mi dl lie-
ront!
Felicitk ironiquement. îMaliitenant
que le pays aura le l)onlituu* de posséder
une personne eoninie il laut, le Gouver-
nement s'empressera, sans doute, d'amé-
liorer les voies de comnumieation.
LAiNlARQLisE.Jerespère bien; mais, eu
attendant, comment me rendre à Ober-
stadt, car il faut que j y sois avant deux
heures.
Rosette. Oh ! c'est bien facile; par la
petite route de traverse, il n'y a pas plus
d'une lieue. Madame la iMarquise pour-
rait la faire en se promenant.
La 3Iarquise scdndalisér. Comment,
à pied I Tous voulez que j'aille à mon
château à pied ?
Rosette. Damel ça m est arrivé
bien des fois.
Félicité ironiquement, kxow'?,^ Rosette,
parce que vous êtes une petite paysanne ;
mais apprenez que les gens bien nés ne
marchent pas.
Rosette. Alors Madame la Marquise
pourrait monter notre vieil âne.
La Marquise avec indignation. Hein!
poiu" qui me prenez-vous ? Faire une
entiée à âne dans l'antique marquisat
d'Obcrstadt I
Félicité ironiquement. Fi donc I c é-
tait bon pour le Fils de Dieu, entrant à
Jérusalem; mais 3Iadame la ^larquise
est de trop bonne maison...
La 3ïvr.Qi ise. J'aime encore mieux
prendre patienc(^; seulement qu'on se
hâte de tout remettre en état.
FÉLICITÉ. Le charron s'en occupe,
]NLidanie.
L\ Marquise. P\)rt bien ; en atten-
dant, veuillez me donner une chambre
où l'on puisse se reposer.
JxosF.TTE allant vers la droite. Il y a là
la eliambro jaune...
La IMarquise. Oli I le jaune, je l'ai
en horreur, il me prend sur les nerfs...
C'est peuple ! Chez moi tout est blanc,
rose ou bl( u céleste ! Les couleurs tendres
reposent l'àme et avantagent le teint....
Mais à ])iopos, que devient donc ma oa-
mériste?
Rosette, qui ne comprend pas, La
ca... nié... riste... c'est quelque bagage?
Félicité souriant. Et non ; Madame
la î\Larquise veut parler de sa femme de
chambre.
La jALarquise. Oui, Amanda ; ouest
donc restée Amanda.
FÉLICITÉ. La voici. [Félicité retourne
à la gauche et reprend sa lecture.)
SCÈNE IIL
I.rs MÉME.s AMANDA kt PÉRINK portant des
cartons (1).
La MatiquisE, aii^rement h Amanda.
Et arrivez donc, ÎMadomoiselle ; où res-
tez-vous? pourquoi ne venez -vous point
recevoir mes ordres?
Amanda. Parce qu'il fallait d'abord
exécuter ceux que Madame m'avait
donnés et retirer ces cartons...
La Marquise s apercevant qu un des
cartons porte par Pcrine est écrasé. Ah !
grand Dieu! Voyez, voyez , Mademoi-
selle.
Amanda. Quoi donc?
La IMarquise. Le carton...
Périne. y avait trois malles par-
dessus.
La IMarquise, qui a ouvert le carton en
retire un chapeau complètement aplati
Ciel ! mon dernier chapeau d' Alexan-
drin o.
PÉRiriE. Il a l'air d'une crêpe !
(I) Félicité, Amanda, la Manjuise, Pérlne,
Rosette.
19
Rosette, 7/// s' nt approrhée it (jtti re-
garde le chafjeaii. Oli I et ce |)t'tit coq
<|U rLail là en {'iiisr de j)Iuinet !
L\ MAiiQLTSK. LU oisf.iii du Paradis
de trois louis; voyez, iMademois<.lle, dans
quel état...
PÉHl.NE. Jl M a |)lus que la n>oiti«' de
sa {|ueue.
Ama.nda. .Alun J)ieu, .Madame, ce sont
les cahots.
La -"NLAiiQi ise. Du tout, c'est votre
lu'^lijjence, Mademoiselle, c'est votre
maladresse.
Ama.nda bit ssrc. Je n'ai jamais pass("
l'our maladroite jusqu'ici. Madame.
La INL\RQi ise. Probablement parce-
<|ue vous n'aviez, rien à {jàter.
Ama.nda uiurcmeni. ]NLidame oubli»*
(jui j'ai servi.
La Mai ytisE. Mon Dicul nous devez-
avoir servi (|uel(|ue boutiijuière de la
rue Saint-Di-nis.
Ama.\u\ j/lus aigrtmcnl. Pas avant
d'être entrée chez ^Madame.
Lv MiiîQLTSK. Qiu* voulez-vous dire,
Madrnjoisrile!*
Amenda Je veux due, (|ur quand on
a pu satisiaire madame la Mcomtesse
d'Arvilli<'rs, mademoiselle de IW'aïuuont,
( ( madame la duchesse de Mortain, on
ne doit pas e(re trop mal.idroile pour
sjMvir des bourj;eois4'S.
Lv M vin^lTSE. Savez vous cjne vous
è((*s d une remanpiable inq)ei unence?
Ama>ii)A. Alors, c'est que c eï.t un d»'-
fant <pii se j;a<;ne, !NLi<lame.
\.K !M\iiyiisK. Lneore I Ah! c'en est
Imp, prenez {;arde de |>ousser ma pa-
(:enee .1 boni. ..
Am\M)V. M.idnne n'a qu'a supj>os<T
qu elle n « ^l.
Li ."M ii;yl.l.sE. A ous voul< / 'I'"!. ipii-
je vous «lonne votn* et)nj;é'.'
VMvxhA. V nionis qne ALidame n ai-
me nm u\ que je le prenne.
La m a rq lise trn en eolt-rr. Eh Lieu !
.ALidemois«'lle, je vous chasse I
Amanoa. Depuis un mois que je subis
les caj)riees de .Mailame, vt)da la pre-
mière l>onne parole quelle m'adresse.
Lv AÏAnytiSE de pliLS en /jlm irritée.
C'est bien I vous me paierez cette iiiso-
lenee. Allez, alhz ; niais surtout {;ardez-
vous de jamais envoy«T vers moi aux
inlorinatioiis, ou j Cn donnerai de déles-
tables.
Amvnoa. Madame est li-op Ixjune; je
me jjanlerai bien de dire que j'ai eu
l honneur de la servir, cela me ferujerait
toutes les bonn«"s ntaisons.
La Mauqitse. Et |>ourquoi cvla, Ma-
deu»ois<'lle?
Ama.M)a. Parce que les j^^randes dames
ne voudraient pas prendre la fenuue de
chambre de madame Goilanl, l'ancienne
marchande à la toilette du marche S. tmt-
(fcrmain,
Felirtir, R<t\eite et Pèrme poussent
une rxi tiirnatinn de Mirprise en regartlunt
la Alft/'/mW.
La !M vUQLTSï/iOAi d'elle. ALdli uri u>e!
^ortez, stirtezl
Aii\NDv. ALidame oublie que j«' ne
suis plus à sou s<'rvicv.
La .Mahqi ise. -\lors, c est un>i «pn
sors, pour u avoir pas à &up|>orter votre
piési'nce. El'e entre à dnnft\)
SCÈNE n.
KosBTTE rrA#/f//i/r/e M/e. Ah! .ih ! ah!
la .^larquiM* cpii a l'ti* uiart'hande à la
toilette:
AMAX:tA. Fort beureust'uient |x>ur
elle, ear ce sont les viedles j;uipuivs,
les Siùcs irteiutes el l«*s uiauchons tléiiio*
des, (|ui l ont rendue miltionuaiie.
vD Amantlt, Krlicilc, Roïniu*, IVrinc au fund.
20
Fkucitk. Va qui lui ont i-nMinis d'a-
clictcr \c (lomainc (V()l)tMst;ul(.
Amvndv. (]c (jiii lui a doiiiu'iMi iiîènic
lemps un tidv, un nom...
Fki.ICUK. Va des lidicMilcs.
Rosr.TTK. Oh I m fait de iidi(udos,
par r\(Mn]d(\ on p»Mit dire cjn'dK* est
plus (pif uiillionnairi* 1 Tavez-vous rn-
triidur parler de son Iioiicur jiour \c
jaune?
A.MÀNDA. Ce qui ne l'enq^ochc pas
d'aimer son teint.
llostTTK. Et quand je lui ai parlé
tout-à-riieure de se rendre au château,
sans attendre sa voiture, avez-vous en-
tendu? {/"'//(' iniilr le ton de In Mnrfjuisc.)
« Pour qui nie prenez-vous, uia chère!
uue femuic connue moi, aller à pied! »
On aurait dit qu'elle était venue au mon-
de en équipa[>e.
Félicité. Et avec cela, d'un dédain
pour les autres... d'une dureté. Comme
elle a con^^édié îNIademoiselle !
Amanda. Oh ! pour cela, je ne mVn
inquiète pas; elle a trop besoin de uioi
pour uie renvoyer séritnisement. Je suis
la seule qui sache lui faire des sourcils
et teindre ses cheveux.
Rosette. N'importe, je ne comprends
pas, ([uaud ou a été soi-même parmi les
petits, que de grandir ça vous tourne la
tète.
PÉRI.ne, qui est allée s^ asseoir au fond
rt s'est remise à filer. Oui, Oui, connue
dit le ])roverbe : Ceux qui re'j^ardeat du
haut d'une toiir^ jjreiiucut Ions les honuues
jioiir des fi air mis.
FÉLîe.iTÉ, (Tun ton sentencieux. Parce
qu'ils lîOnt ])as de principes! Mère Pé-
line, avi c un ]kui de philosophie, on
reste au-dessus d(\s chances heureuses
ou funestes de la lorLunc.
A l'iit éTOncmciU le sage est préparé.
Rosette. Ainsi, ma cousine, vous
pourriez, devenir riche connue le roi,
ou pauvre connue notre hedeau, sans
ehanj>er (h* caractère?
Fr.LiciTÉ, d'Ella ton sentenilenr. Pom*-
qnoi en eiianj-rrais je, ma chère? La ri-
("hesse est quelque ehosi; de ])assager ( t
de S(U*ondaire connue la pauvreté: l'honi-
me a sa véritable destinée en lui-mèni(\
Amanda. Ah bien oui! mais, pour
mon conq')te, je ne serais pas fâchée de la
eha;ipc r (( t:e dcstiiu'e ijue fai en moi-
nieme^ VU qu'elle m'a toujours fait servir
les autres et que je m'arrangerais bi(Mi
d'être servie à mon tour.
Félicité souriant. IMalheureusement
on ne pcnit plus Compter sur les hérita-
ges des oncles d'Amérique.
A.MANDA. Non; mais il n'y eu a pas
moins des coups de fortune pour c(m-
taines gens. jMademoiselle de Reaumoiit
avait u!i cousin qui a gagné, dans une
soirée, deux mille louis au lansquenet.
Rosette. Deux mille louis! oh! moi
j'en serais devenue folle !
FÉLICITÉ. Toujours faute de principes,
ma bonne.
Amaxda. Et ceux qui ont g<Tgné des
domaines à la loterie de Francfort ! c'est
bien autre chose ma foi! Pendant la
route, 31'" Godard m'a fait lui lire le
Journal, et j'ai vu la liste des lots. Il
y a une baronnie, avec des moutons et
des paysans!
Rosette. La Raroimie de Cracofman?
Aman D A. Précisément.
Rosette. La loterie a donc été tirée ?
Amam)A. Les numéros sortants étaient
dans le Journal.
FÉLICITÉ, t/rs-vireme/it. Yous les avez
lus?
Amanda. Certainement. Je les ai là.
FÉLICITÉ très- vivement. Ah voyons!
{^Amarula va chercher le Journal dans un
des cartons. )
Rosette. Dites-done, ma cousine, si
vous aviez g«^gné qu(^l({ue chose par
hasard ?
21
Félicitk. INFoi? qurllr folie! je n'y
pense même pas. {Â Amnmla^ tivcc int-
/jntirnrc.)\ous iic trouvez pas le Jour-
nal?
Ail A M) A lei'cntiftt livre le J un ruai.
Voici (I).
Rosette. Ahl Dieti ! ma cousine, le
cœur doit vous l)altre I
FÉLICITÉ. Fi donc, ma cliè're, rpiand
ou a des principes... [f'n'nnmt n .Ininn-
r/^i.) Voyons, de (jrace, IMadeuioiselle.
AmAM)A fjiii (i cficrclic (larfi /e Jottmnl.
J'v suis, tenez! [Elle lit.) La luaisou de
Francfort .';n};n«'e ]iar le n* 1073.
Rosette. C'est ]>as ca.
Amanda liront. Le moulin de KoMjij;
{5a{;nc par le n" 2 I;>1 .
KosETTE nvce impntirnce. C'est pas
Chcore ça.
AMA>nA. Les l)ois de RosIimî ^^a^jut-s
par le n" ir)02.
Rosette. IMais après, après... dites
seuleuient les cliiflres.
A.MANDA. Fil! l)ien voici : les numéros
j;aj;nanls sont 012, — G034, — 51, —
y 71).
FÉLICITÉ trcs-vivcmcnl. C'est tout?
Amandv. (Ini.
Rosette en joignant les mains. W\ ! ma
cousine, vous n'avez rien.
Ff.licitÉ avec effort. W\ bien ! ma
clière, \\\v\\ vovez-vons troultl»»'? Je
vous r«'pèlc(jne, (piaml on a de la pliilo-
sopliie, 1 » houne ou 1» mauvaise chance
ne peut vous f.iirr sortir de votre tran-
<|niHit('; et si j'avais {;aj",né la liaronnie. ..
.\iiVM)\. La liaronni<-... ali ! mais je
1 .u oulilit'e, uu»i, elle appai tient au
Fklic.itk avec tin rri. Soixante-six !
RosKTTK. C'est le numéiodc luacou-
smt
. f
A M
VM)V (l Pli.IM. Fst-i-i' lutssilili-"*
^r Ui)ScUi', IcliciU", Aiunr.Jj. l*irlne.
FÉLICITÉ tirant le billet de son fit Un.
Oui, le voilà, rejjardez.
TolTES rp^^anhint lehillrt.So\\:ii\tvs\x î
Félicité hors (Cel'.e. Je suis baroiuic !..
{Elle chancelle.) Rosette, souteuez-inoi!
Rosette. Dieu! ma cousine se trouve
mal. [Elle la soutient et C aide à *' asseoir.)
Péri>e. J'en rtais sûre! '^Elle s'em^
fjrcsse auprès dr Féliiitê.) (l)
Amam)A. Alil par exemple!
Pkbi.nk à flosette. Vite ^de l'eau! {ïlo-
stttc va rl.crchrr un verre ttean sur le
biiifit h gauche.)
A.MANDA ironirjurrnrnt. !\Lii5 rap]H'lel-
lui donc ses principes.
Péhine. \ aut mieux apporter du vi-
uai(;re.
A ".u M) V . Voici . ' Elle fnrsrnte nn flnenn
de sels, et le fait respirer h F • .' ■ qui
rouvre les y r ut.)
Rosette. Ca la lauiuic.
Félicité revenant a cite. K\\\ uierci,
je suis mieux... c'était seulement la sur-
prise... ."Mais, ditrs- moi, vous êtes cer-
taine (pie c'est bii*n le miuiéro HG?
Aliv.NDA donnant le Journal. \ oyci
vous-même.
Fk LICITE lisant. Oui, l'isl écrit Cil
toutes lettres.
PÉI'.INE. Le l)m.ili>le iK \\ jm.^Ii iloit
le savoir, lui «pii éi lit rli.n : .' de la sou-
scription.
Félicité se fevnnK Vous avez raison !
Court z clicz lui, Périuc, iHUir vous assu-
rer...
PKniM:. Faudrait p» >" -"t" 'mî 11....1.
trer li- l»illel.^
Fklicitr. Soit; mais soii^jet li'u-n que
vous m'en rc|>oiulcz !
Peiunk. Craii;n»z lieu !
FriiriTF. Au reste il t >î im.^^i>u»...
Vile, Périue, je vous attends. {Prrine set
far te fond en rntf»oftn/tt te Idttrl.) 11
faut <pie je SAolie tpicllcs sont K^ fonu.i-
;l, lloti uo, t-iic u-, l'crinc, Âir.anii.i.
i
99
Il les à remplir pour taiic valuir mes
ilrolts.
Ama.M)\. Il me S(>mMt' (jiril va (piel-
(jue chose à ce sujet clans le journal.
Fklicite. Voyons. {/î/lr lit.) « Les j;a-
i;nants sont invités à se l'aire connaître
sans ritartl an\ bureaux de direction
dont ils i-elèv(Mil. » — Pour moi, c'est
celui d'IIa^uenau ; je partirai aujour-
d Inii même.
Rosette. Aujourd'hui ! alors faut que
j'aille retenir la carriole de Baptiste.
Félicité se récriant. Lue carriole! à
quoi pensez-vous, ma chère? lue prenez-
vous pour une marchande de volailles.
llosETTL. Cependant, ma cousine...
Félicité. Cependant il y a des conve-
nances qu'il faut resjH^cter ! Vous devriez
comprendre que quand on va s'appeler
madame la baronne de Cracofman...
Amam)A ironif/ueiJurit. Et quand ou a
des principes...
Félicité. On ne peut voyager qu'en
chaise de poste.
Rosette stiijx'fditc. Vous, en cliaise de
j^oste I
Félicité sccUetiu-nt. Et pourquoi pas,
ma chère?
Rosette. Ah I j^rand Dieu ! et quand
je pense qu'avant-hier encore vous avez
lait la route sur Grisou.
Félicité iinpaticntéc. Il ne s'agit pas
d'avant-hier ! veuillez passer chez maître
Landofpour l'avertir.
Rosette. Tout de suite, tout de suite !
'Ri le va yrendic so/i chdlc.) Ah ! Jésus I
quel changement I me voilà la cousine
d une baronne.
Félicite. Mon Dieu I vous l'avez déjà
dit vingt fois.
Rosette. Ah ! ce nVst pas assez, je le
dirai mille, je le rt'péterai à tout le mon-
de... ici et là-bas; car vous m'emmène-
riz avec vous, n'est-ce pas, ma cousine?
Félicité. Nous verrons, nous verrons.
Rosette. C'est donc pas sûr?
Félicité. Mon Ditui ! ma chère, la vie
que je vais ètie lorcée de mener est
telKnient en dehors de vos habitudes,
si étrangère à votre éducation et à vos
goûts...
Rosette. INÏais, ma cousine
Félicité. Songez que je vais être for-
cée de recevoir à mon château de Cra-
cofman toute la noblesse du pays ! ^ ous
concevez qu^au milieu de cette société
distinguée...
Am.vnda itnniqucmcnt. La famille de
madame la Baronne serait déplacée.
Rosette. Couunent?
Félicité. Et puis c'est toujours un
malheur de sortir de sa classe, ma chère;
croyez-moi, gardez votre humble posi-
tion, vos goûts modestes... et allez me
chercher la chaise de poste.
A.MA>DA. D'autant })lus (|ue voici l'ex-
revendeuse qui arrive.
Félicité (H'cr emprcsscriK nt. Madame
la marquise d'Oberstadt, ah I fort bien !
( Avec un geste supcrbr.yQii'on nous laisse.
Rosette varnit stupéfaite^ A/nanda s^ ap-
proche d'elle en souriant^ lui prend le bras
et C emmène par le fond en lui parlant
bas,
SCÈNE Y.
FÉLICITÉ, LA M.\RQU1SE.
La Malquisk. Ce que je viens d'ap-
prendre serait-il possible. Mademoiselle?
la baronnie de Cracofman vous serait
échue en partage?
Félicité avec une dignité cojiiiipie.
C'est la vérité, iMadamc.
L4 31akqi:isk saluant aecc exagéra-
tion. Ahî macUunoisclle la Baronne !
Félicite .saluant dr la même tna/iière.
Madame la Mar([uise.
La I\Lvi]QUlSE saluant. Le lias u'd de
cette reiieontrc est j)our moi un hon-
neur!
23
Féltcitr uiJudnt. Et puiu mol nti
bonlif'iirl
La ^lABQnSE saluant. Je |iiiis enfin
parler à une personne n<'e.
Félicitk saluant. Moins ikV (jne vous!
La iMahqiisk. Lt Mademoiselie la
Baroinie part pour son tloiiiaine?
FÉLICITÉ. J\'ittends la eliaise de posU%
Madame la Marquise.
Lv ^rAiiQMSE. Vwv ehaise de poste!
vous vova^je/, en eliaise deposti*' mais
vous allez être brist'e de fati[;ne!
Félicité. Il est certain (|u'il faut du
coura[!;e !
La INLarqlisf. Surtout quand on a des
nerfs connue nous! ear vous drvez avoir
des nerfs, Matlemoisellc la Baronne. *
Félicité. Enormément , Madame la
IVL'n(|nise.
La Marquise. J\idmire toujours nos
paysans, (jni p»'uv(Mit rester exposés au
froid et au eliaud, au soleil et à la pous-
••i«/i '
siert
Félicité. ÎMon Dieu! ces gens-là ne
sentent ]>as !
La Marqiiisk. JVspère que, quand
Mademoisell<" la l»aronne rej)assera le
Rliin, elle nf irliiscri pis i\c vrnii viNidr
Oherstndt.
Félicité. A la condition (pie mailame
la !Mar([nise voudra bien tinhellir Cra-
colman de sa pn'senee.
La lAfAnQl isk saluant avec rxa^rra-
tion. Ali ! iNLiilemoistlIe !
FiiMCiTK saluant de mvine. Mada-
me!
La ]MAnyrisE. ALùs j Cmpidii* Ma-
demoiselle la flironne de faire ses pn'-
pa rat ils.
Félicité. Nulh'im'ut.
Lv AlAnyiisK. (lepeiulant \>^^\\\' sa
loilritr de voyage.'
FlliciiÉ rinbariasstc. .Mon l)ieu î
INLidame la ■Marquise m»' voir ]>iise au
tlépourvu....
lv Mauquisk. Est-ce possible.^
Félicite. Et je compte partir cx)mme
je suis là.
La .AIarqiise. .\li! fi! je ne le souffri-
rai pas! J'apporte de Paris les uioiles les
pins nouvelles ; je reux que ^Lidemoiselle
la Ijaionne choisisse..
Félicité. Moi! oh! Madame la >Iai-
qniM-, je ne me permettrai pas
La ^MaRQITSE qui est allée à un carton^
d'où elle tire un chapeau ridicule. Allons,
allons, pas de résistance : que pensez-
vous lie ce chapeau l)I
Félicité. Je le trouve... foudrovanll
Lv AIarqiise. C'est moi qui l'ai in-
vent»! il est le seul de sou espèce! Une
femme d'un certain rang doit se distin-
guer de loin, rien qu'à la aùlfnic. ( !'l!c
a /ni s le chapeau à Félicité.)
Félicité. Il est certain que celle-ci
donne un très-grand air.
La iMarqUISE prenant mini tin auifc
carton un par-dessus ridicule. Et qUC
dites-vous de ce camailî il a toutes les
eonleuis du prisme. {Elle ie pose sur les
é/ au les de Félicité.)
FiLlciTÉ ravie. J'ai l'air d elie vctue
d'un are-en-eiel.
Lv AUnguiSE. Maintenant, .>Lidi moi-
selle la Baronne de Cracofinau peut faire
sou entrée ilans tes domaines.
Félicite se mirant ii droite. Je vous
srmhle donc présenlihle, Madame la
IManpiise.'
La .MARQruR, tjui se mire it ganehe,
sans regarder Félicité. Adorable, Made-
moiselle la Baronne. {Se retournant.) Mais
moi-même, eomunnt m** irouvez-vouii
Ciwec ee bonnet !*
Félicité. Effroyablement distiu^uév.
( FUr se promène en prenant des attttu -
des e-rtraifigantes.) Que dites- vous de
ma tounuiir. Marquise :
La .Mahqi isb, 7'4/ se / en sens
imeise en ié\'cntant d'tuu • 7 •« -
r LaM.i
'il*.
24
Etoiuilissnnto I Ouc vous s(mu1)1o de ers
nianièrcs.'
Félicité. Pyraiiiidalos ( l) I
La IMaRQIÎISE Cfnl'rdssdm Fclicilé.
Clièro lu'llt^ I qu'elle a de (>oiîtI
Fklicitk l'< nibrdssnnt. Exeellente INIar-
quise! Que de ju[',eiiient !
La IMapqiîisk //// prcfuint la main. Il
n'y a que les [jens de notre classe pour
savoir ainsi se eouqirendre.
Felicitk avec sentiment. Nous voilà
auiies !
La Marqiise de manie. Pour la vie!
Félicité. Ah I voiei T impertinente
eanu'riste que vous avez cliassée.
L\ INL^r.QrisE. Oh ! mon Dieu! je n'y
pense déjà plus; les sottises de ees espè-
ces ne vous touchent pas ; c'est même
du meilleur ton ; une camériste polie
sent sa bourjjeoise d'une lieue.
FÉLICITÉ. Alors vous garderez Made-
moiselle Amanda?
La INL\rqt ise. Dans l'intérêt des bon-
nes traditions. . . et puis elle coiffe comme
\\\\ ange ! Vous concevez que ce sont dés
considérations morales. . . .
SCÈNE YL
Les mêmes, AMANDA, puis ROSETTE
et PÉULNE(2).
Amanda à la Marquise^ d'un ton de
grande déférence. Madame , la berline
est réparée, je viens de la voir atteler.
La Marquise. Fort bien; nous au-
rons à revenir, î\Lademoiselle , sur vos
insolences de tout-à-l'heure.
Amanda. Que Madame la Marquise
m'excuse ; ce sont des habitudes prises
dans les grandes maisons.
La Marquise. Il suffit; vous me sui-
vrez au château.
(1) Félicité, la Marquise.
(2) Félicité, la Marquise, Amanda.
PÉaI^K an dehors. iMademoiselle l'éli-
cité ! où est iVIademoiscll(^ J'élicité?
Rosette au dehors. Par ici, mère
Péri ne. ( Elle parait à la porte du fond
avec Vérinc ci lui montre l'V'licilé.) Par
ici.
FÉLICITÉ allant vivement vers Rosette
et Périne. Eh bien! amenez-vous la
chaise de poste (l) ?
Rosette. Ah ! bien oui, des chaises
de poste! il n'y en a plus besoin.
Félicité. Que voulez-vous dire? Le
numéro GO n'aurait-il pas gagné la ba-
ronnie?
Périine. Faites excuse.
Félicité. Alors elle est à moi. ( Elle
prend le billet (jue Périne tient a la
ma/n. )Yoyez mon billet... il y a bien
deux 6.
Périne. Voilà l'erreur.
Félicité. Comment?
Périne. Ce sont deux 9.
Toutes. Ah !
Félicité saisie. Deux 9 ! Qui vous a
dit?...
Périne. Le buraliste.
Félicité. Mais comment sait-il lui-
même?...
PÉRINE. Parce qu'il y a un point, et
qu'il assure que ces choses-là ne se met-
tent jamais avant les chiffres, que ça se
met toujours après!
Félicité regardant le billet. Ciel ! il a
raison! J'ai lu le billet à l'envers. ( Elle
se laisse tomber sur une chaise. )
La îMarquise. A l'envers!
Rosette, (pii a pris le billet et (pii
le montre. Certainement; en regardant
comme ça, il y a GG — et un château;
mais en regardant comme ceci, il y a 99...
et rien du tout.
La Marquise. IMais alors, IMademoi -
selle n'est point baronne?...
(1) Rosclte, rélicilé, Périne, la Marquise,
Amanda.
25
KosETTE iwcc intention. Pour le mo-
inoiit, ma cousine reste aubergiste.
L\ IMabquise. Aubergiste! Ali! grand
Dieu ! et moi qui lui ai parlé comme â
UMC rgal»! I
FklicftÉ se Icifint avec firrlè. Je ferai
observer â iM'"'^ Godard...
Là 31abql'ISB l'interrompant. Asseï,
IMademoi selle !... Ainauda, remettez en
place mon chapeau et mon camail (l).
Félicité se (Uponillnnt de l'un et de
l'autre. Ah ! en elVet, j'allais oublier que
Madame doit en avoir besoin nous
approelions du carnaval!
La iM\RQLlSE. Adieu, ma chère. Tâ-
che/ de vous consoler de ne pas être
baroime.
Félicité. Pour cela, Madame, je n'au-
r.ii (jn'à me rappeler ce que sont cer-
taines marquises. [La Marquise mrt avec
Aniandd. )
RosF.TTB lo regardant sortir en riant.
Est-elle en colère, est-elle en colère!
Ah ! bien, ma eousine, vous l'avr? joU-
ment remise à sa place.
Félicité. J'ai en horreur la vanité!
"RosEiTE^nemenf. Oh ! je le vois bien...
maintenant! Aussi faut dire que vous
av( z reçu un lier eoup 1 Perdre comme
ça une baronnie... faute d'un point!
Félicite reprenant son ton senten-
cieux. Qu'importe, Rosette, quand on a
des principes? Avec de la philosophie on
trouve toujours sa force en soi même î
PÉium, (]ui s'eit remise ii fiUr. Oui.
oui, mais faut pas trop s'y fier ! La phi-
losophie, c'est comme toutes les choses
de ce monde, ça se dtx:hire à l'user ; faut
toujours que Dieu nous aide, en nous
épargnant les tentations, vu que connue
dit le \iYO\'cxht '. L'occasion fatt le lar-
ron.
Emilb Souvestre.
l2'I>2>:Si3
TUAVAL'X A L'AKillLLE.
Toilettes de bal. — Toilctlcs de ville pour les jeunes personneii, les femmes et les enfants. — (x>ï,
façon du point dr Bruxelles. — Col, étoiles en uioussi'line. — Cou?sin orirntal. - ^ -
pe.". — Miig-iï-in dri Trois SaMif!*. — VerritVe.— Houls rimes. — Musique nuUN .
njnndesou mlol.— Recette pour lu conservation de In tapisserie et velours de laine. — Gàlcau Uc
|)omnii» (W- terre.— G«*noisc. — Marrons glaces. — Broderies diverses.— Patrons grandtur natmrt
— T.i[ii>>«i'i i»' ntl.iri"'»*.
Ont- dis lu, (hère aune, de ces deux
toileilrs de b.d si fraîches, si jolies? La
• jeune lille tout en rose jwrte la coillurr
en (lems un \w\\ rrhnelre^ qu'on ap|H^lIe
guirlande i\'rrillta. Cette guirlande se
compose d<*Iis<'iT)n ros<'avec branches de
(0 Ro.<ïette, Félicité , Amnnda, la Marquise,
Périnc nu fond.
lemlles et lH)Uli>ns. iilond»ant île p-ir-
tcut ; les lirelK)Uchons sont relevés de
( h u|ue cûlé à la ftotka, L« coifTurrs,
dans le genn» île o lie de la jeune |>rr-
.sonne tout en blanc, sont en général pn*-
fériVs, et aviv rai.von, par qnit^.nqu»' n'a
plu* trize ans. C<\s roM-s du llen-.de U -
(jères et fraiclit^ siérnl à tous les vi>.i(;rs.
;
2G
et les l)aiu(t\iux plats so conservent mieux
au hal {juo les bandeaux lioullants, quoi-
qu'on ait iuiaj;iué de l'aire des peij^nes ap-
propriés pour les soutenir. A propos de
pei^;nes, eelui qui ritient les cheveux
par derrière doit èlrt* en écaille avec ga-
lerie à jour.
A eux-tu varier ces eliarniantes toilet-
t \s? Ilahill(^ de tulK' rose, avec dessous en
satin rose, la jeune lille eu blanc, et re-
lève avec des nœuds de ruban la jupe de
dessus, garnie alternativeuient de ruches
de tulle rose et de rubans de satin de
uièuie couleur, posés à plat.
Habille de blanc la jeune fille en rose,
et borde chacune des jupes avec l'un de
ces charmants rubans découpés et fa-
çonnés qui jouent la broderie ; ce même
ruban formera les échelles du devant de
la jupe et du corsage ; la coilTure sera
composée de petites Heurs d'aloès, en
chenille, entremêlées de feuilles d'eau.
I.a grosse chenille est beaucoup cm -
])!Ovée pour coilfure, pour effilés bordant
les robes ; il en est ainsi du velours dé-
coupé en feuillage ; on en fait des appli-
cations charmantes s\u' le tulle, sur la
dentelle même. Je t'indique ces divers
genres d'ornements parce qu'ils sont plus
vit'^ laits que la broderie en soie ou en
chenille brodeuse de couleurs vives, éga-
lement à la mode. Aimes-tu mieux quel-
(|ue chose de plus simple encore et de
très-élégant? Fais ta robe en crêpe lisse,
i\c\\\ jupes, et garnis le bas de chacune
d un ou de trois bouillonnes de satin de
même couleur.
Quelques jeunes personnes se coilTent
à la f'alois ; les cheveux, dans cette coif-
lïne, montrent toutes leurs racines, com-
me dans la coiffure Mccltcis adoptée par
beaucoup de fenmies ; ds doivent bouffer
de chaque coté ; à la torsade de derrière
semêlciitdes Ikursetdes rubans, letom-
bant en j';rappes autour du cou. A te dire
vrai, il faut être bien jolies pour r!.'<(jncr ^
cette ( oillure, et il faut encore avoir un
excellent coiffeur. Je ne la conseille donc
pas, je l'indique seulement connue étant
à la mode. Que je n'oublie j>as du t a-
vertir que les bas de soie doivent être
brodés au ])lumet's en soie.
Ce n'est j)as tout qu'une toilette de bal,
il faut encore une frileuse^ ou pclennc
F( uldii^e ou Ponipdilour pour iorlie de
bal. Ces pèlerines longues et amples se
font en satin de nuances claires et se ra-
dient en ruban pareil. Aimes -tu mieux
quelque chose de plus chaud que cela?
Coupe une sortie de bal sur le patron de
caraco que je t'ai envoyé au mois de no-
vembre ; tu choisiras, pour le dessus, du
cachemire blanc ou rose; tu oueteras et
doubleras de même couleur. La sortie de
bal, comme la jacquettc, descend seule-
ment un peu au-dessous des hanches ; le
dos se coupe tout droit, d'une seule pièce,
sans coutiue cambrée dans le milieu ; les
manches doivent être larges. Tu l'orne-
ras de galons posés à plat ou de passe-
menteries, et tu y attacheras un petit
capuchon pointu, avec un long gland,
comme ceux des burnous, ou bien fron-
cé à la façon des Tliéresicnnes de nos
grand'mères.
Yeux -tu, et tu le voudras sans aucun
doute, pouvoir ganter sans danger les
gants les plus justes? Aie soin, avant de
terminer ta toilette de bal, de te frotter
les mains et les bras avec de la pâte d'a-
mandes au miel, et remercie-moi de t'en-
vover, à la fin de ma lettre , la recette de
ce précieux cosmétique.
Les confections pour fennnes , pour
jeunes filles, pour enfants , ne s'ajustent
pas rigoureusement à la taille, elles la
dessinent légèrement. Le noir doublé de
noir est ce qu'il y a de plus distingué. Le
manteau Talnia ^ cno\\\\Q rotonde sans
ouverture pour les bras, dont le devant
est orné de brandebourgs terminés par
des olives ou par des grchts ségoviens, est
27
la (onli ciio;) Il I lus (listiii^u»V ; mais il
laiit iiii (Cl tain savoir pour la l)icii por-
ter ; aussi ci» voit on très-peu, uicnie dans
le monde j'h'/jant. Tu diras à ma cousine,
(jni veut altsoInuK lit ttie une vi<'ille
ienune, (jiie l«'s ])ardessus en soie ouati'e,
à {;iaijde pj'lerine, sont ee qui convient le
mit n\ aii\ Icmincs d iiii certain à{;e. Les
couleurs v\\ vojjue, sont le noir, le grenat-
marron, le vert-lonci'.
i^a passementciie a des irn'cn'i'ins
sansnondire; ce (|nc j ai r»'inarqu('' de
plus iionv<an , c<- ^<)nt (l«'S {jalons veinu-
les pour orner les étoiles de soie. Mais les
ianlaisies ])our pardessus, paletot, eara-
«•os de petites filles et de j>ctits jjarçons,
m ont paru ('(le pins nomlncuses encore.
Jaunies, ornements, tout est varié à lin-
lini. l.e lenire j>oni cliajx'an est lus em-
plov»' pour les enlaii(s, les jeunes per-
sonnes et les lemnics. On doulile la pass(*
des eliapeaux (pii nous sont d(*stiné-s, en
satin l)lane ou <mi vert Islv plisse- »'omme
pour l( s c.ijjolcs ; (pielcjnes co(|ii( s en i n-
lian de eonleni p ik ille j;arnissent cliatpu'
coté*, et k\v\\\ lon|;ues hiides hianclies o!i
vc! f Islv forment le lueud sous le menlon.
Les |)aletots |)()nr p« lites lill»'s (pii m Ont
paru elle les plus jolis, sont très-caïubri's;
le salin à la reine, le j;i«>s «ll^cosse ol»-
tiennent la pu'Iereuce. On les {jarnit de
dentelle d«* laine qui a ravanta{;e de ne
point se < liillonner ; capotes de salin très-
évasées, ornées de |>elites touiVes déplu-
mes avec « lii>n\ sous la passe.
nionses de loiMes les sortes pour len
])elils j;aieons, paUtot coin t à {;rande pè-
lerine, « liapeau en leulre orné- d'un seul
j;alon, p intdon Ion|j en étoile pareille à
la bionse. I.t s liloust-s tlite.H l'uitnms /" ,
sont II c^-eniii le> (( sr honlonneiil à la
taille, avec nue lii;;e ccininie en enn
verni.
i.cs yniis' nninclirs «pie nous itoilons
soni laiiit.i lioullant.H, la nté>t a v«v dtm vo-
lants rrtnmlumi en eiilomion , 1 i .Hous-
manelie est alors plus laqje d en bas qm
d'eu haut; tantôt ce sont des volants n-
rn ont/if/ 1. s coiuiuv ceux dont je t'ai ouvové-
le dessin, et un tleruier volant se rabat-
tant sur la main. I^ jaconas et la !»ro-
derie anjjlaise conviennent pour tous lt%
jours \ eu demi-toilette, les snus-niancht-s
se ftjiil en mousseline brodée, volants pa-
reils et brod»-s ; mais pour les toilettes
Imbillre^ ^ \c inllf dcnlellr uni, terminé
par tr(»is bouillons dans les(pn*ls on passe
des rubans, est ce (pi'il v a «le plus cou-
venabl»-.
Les iHMtlies sont toujours de mode
pour l«s robes dt'colletées ; on porte aussi,
d«'S eorsa(;es en \ . et des «'orsajjes en
rteur^ Incrs^ comme celui que représente
notre p,ravure ; cette dernière forme est
souvent accoinpajjnée tlun ou «le «leux
nvers };arnis d«' même que la ri»l)e. Par
«leriière, le dos ajush- est, dans le bas,
l«''j;èi«'nMMit busijut-. J«* ne le parlerai pas
i\o louiiuu*; ce i fixe n'est pas de notre
àj;e ; je tivei tirai seulement «pie lt*s
m iiM lions se poihnt petits. Ouant aux
bracelets, ceux en vel«)urs «iroits à lonj',s
bouts flottants , fernu'-s par des ImmicIi-u
plus ou moins ri<lies, ont toujoms la
voj;n«' ; mais il nous est />rriiii» d'eu jxir-
ter «ranires plus éléj;auts.
.le terminerai en te citant une très-
joli»' fantaisie, (le sont des inlrusn ou
fiirii hnns «n tulle noir brode en |>«'lile
«luMiill»*, au passé, de tx^uleurs vives.
(i«*la sie«l lort bien sur 1« s «bevi-nx. .b
l ai eiiNoM- nii «liarmant patron; clien'be
«lans t«s noinbreuv tiessms un ^rinr |><mu
11* r«)nd et une f^uirlumlc \M^\\x \e lH»r«l.
\ oyons maintenant de quelle la^-ttn d
tant nous > pi«-ndiv |>our exéxniter notre
beau col ii" 1 .
I,a bio«l(-iie en lan't et |HMnts «le ileu-
I) ll<- lia plus la vo|;ue , mais olle «pu l'a
lempl.icet-, et qui imite à s'y méprentliv
|«' |Miint «!«• iiru.x» lies, tKVU|H' bien des
mains babilcs.
CoiniiHiui' |)ai' iloiilthr Um ilcssin
avrc un niorci au de soie.
Tu as adu tr vUc/. (iuyot, vue de JUis-
sv. (Il n\ ji()ij;iu'< s de fil trirlaiulr, l'uiio
(lu II" ()0(), l'autri> (lu n' 1 200.
l'it mis (/lu- 1)1 lus de (il n" 000, tords-
Ics un ycuentic les doij;ts et attaclie-K^s,
conuur tu attarluMais \e lacrt, sur le con-
tour ilu dcssui, ]iar «les j)oints i^lacH'S ilc
rrnliuiètro ou ctMitiiuètre, ])our les lijju(^s
(iKMtt s ; daus les lignes eourbes, tu rap-
procheras davantage ces points. Aie bien
soin de ne pas cesser de tordre cnseud)le
tes dix fils n" GOO pendant ce travail pré-
paratoire, (|ui doit être lait avec atten-
tion.
Ton dessin étant ainsi tout tracé ,
prends une ai[;uill(''e du fd u" !200 et
recouvre tous tes fils cousus d'un point
de feston un peu lâche ; ne serre pas, si
tu ven\ conserver la souplesse à ton tra-
vail, ('/est dans ce point de feston que
viendront se rattacher les points de den-
telle ; tu les varieras suivant le besoin : le
fond, point de tulle' les fleurs et feuilles,
point mat. Tu peux abréger le travail et le
rendre plus rt^gulier en })iquant ton ai-
[;uille, la tète vers toi, comme pour com-
mencer une reprise; tu entoures une ou
deux fois de fd la pointe de ton ai^juille,
te guidant en cela sur le genre de point
que tu veux faire, ]>uis tu la tires douce-
uient par la pointe. Faits ainsi, les points
de dentelle sont plus n^guliers.
Le col teiininé, il faut le border dun
picot. Fais quatre points de feston sur le
fil du bord, en ])arlant de Tencolure. Tu
t'esumnied im crin blanc; fais un point
de feston eu y prenant ce crin ; ])lace
ensuite ton aiguille connue je te Tai in-
difjué tout-à-riieure , entoiue-la une
fois tle fil et tire-la ; fais (Misuite quatre
])oints de feston sans y prendre le crin;
prends celui-ci au cinquième point, ar-
rête le j)icot comme je viens de te ren-
seigner, et toujours ainsi jusqu'à la fin.
28
Tu jclircs le crin à mesure; il ne sert qu'à
donner un(^ dimension égale à tous les
picots.
Tu auras soin, pour détacher le col
du dessin, de coiqier, du c(jté de la soie
qui le doul)le, tous les points c|ue tu as
laits pour maintenir ton trace. Tu cou-
peras le plus près possible de ton travail,
ceux de ces fils que tu ne pourrais pas
n^tirer sans compromettre cet élé'gant
ouvrage.
A eux-tu exécuter quelque chose de
]>lus facile? Arrète-toi au n" 2; prends de
la mousseline claire et coupe (ne déchire
pas) des bandes larges de 22 millimètres.
Tu les plies de chaque côté de cinq mil-
limètres environ, puis en deux, les bords
en dedans. Prends une aiguillée de fd
d'Irlande n" 140 et fais, en traversant les
quatre doul)les de mousseline, des points
devant en zigzag ; A te uionti'c le tracé
que doit former ton fil ; B est la bande
de mousseline pliée. Il te faut /ui^t dou-
bles zfi^zfit^s. Tire ton fil doucement. Tu
as huit dents. Coupe la bande de mous-
seline, et réunis ces huit dents, à Fen-
vers, par un surjet fin; voilà une étoile
terminée. Fais-en d'autres , et (juand tu
en auras assez pour former un col, atta-
che-les les unes aux autres et remplis-les
par des inouliiicts ou par des points à
jour.
C'est pour toi que j'ai copié, sur l'o-
riginal même, le coussin vérit(d)leiiient
oriental dont je te donne le quart, n" 3.
Achète 40 centimètres de toile verte,
18 mètres de soutaehe de soie jaune ou
de soutaehe d'or, et des rognures de
drap fm de toutes les couleurs indiquées
sur le dessin.
Tu tailles la toile verte de forme car-
rée ou ronde, suivant cjue tu veux faire
le coussin rond on carré ; tu ponces sur
cette toile, avec du blanc d'argent en
])oudre mêlé de sandaraque, par j)arties
('gales, ton dessin que tu as picpié ; tu
29
fixrs Ir poncis av<(: nu U v tli.iihl, puis
lu te jiM'ts à rouvra/jc.
JJUissurla toile les fraj^mcnls dr tlrap
(l((!Oiip<*s, m l« s faisant cioisrr l un siu*
1 aiilrc (riin niilliinrdc cnviion. Tn l< s
.tssciiiMcs par iiM point an ièrc peu lap-
juocljr, et lu fouvns les routiufs avec
la sonlaelie.
Oiiantlce travail est Icrnîine', In Tas-
senihirs avee un dessous en perealine, ( t
tu reuiplis lie crin l)ien (liié. (>.'u>Im' le
surjet (1m tour avec un<' {;a!)se en laine
(le couleurs vives , et si le eoussiu est
carré, onie-le de (jii.Uii- j;laiids assortis,
t'jjalenu'nl en laine.
Si tu prt'lères le velours, tues l>ien li
uinitresse de r( nipl iit i" ai;isi le drap. Ai-
iiies-lu mieux île la lapisserii-.' traMSjH)rle
ce dessin siudu canevis u" I 1, efrxéent»-
le au point (^nl^• ; ni;i:s, menu' alors, il
l;iut (/' yu.'/cr av( (• de la s<;ut:ielie de soie
ou il Or, le eonlour d^- tous les arabes-
(pies.
Je l'.ii envo\('' une servu Ite eani'e
pour niairons ; en voici une ronde n" 1,
(]U<' neus devons à l un«' de nos ainetldes
amies. i]i\\r ci assure ipiil vaut mit u\
r.iire ces servirtlcs en eoton li'.anc <p» »mi
l.iinc lie couleur , parce i\uc. c'est />'/.»
f/ji/)ë(t%snnt. \.v M" ô est la ileutelle desli-
n«'e à 1.1 {;ainir.
(ie dessin peut «'neore te servir ]»our
1 lire en l.iine, au eroeln t earn*, un des-
sous de l.Tinpe ; iVuill «;;e vert vil sur
lontl Imiui : le n" C» peut aussi être em -
pIoNt- iu\ mêmes usaj;«'S, ou liieu eneoir .'i
an;;mentrr 1«" nond)ie d<*s tldiimrt de ton
eoii\ re pi< d,
A pi«)pos tle dr>'>oUS de litnnc, ji ^ us
l'indupier la uruiière d en faire un. peu
eoùleux, et «pii e.\ij;i" peu de travail .
Prends une pelote di rr#//e fieelle, fuir
il liK n unie ; forme un uoiid et enlouic
ce uieuil «l'un p«»iut de feston eu lame.
'I\nu iH' autour du noud avec la licelle
que tu HiouNri's .\ uiesurc tic ci' luèiur
point de feston in lU'ui .m il us le pre-
mier tour il»'-jà fait. Tu continues aiusi
jus(ju'à ce fjuc ton dessous de liuipc ait
atteint la {;ranileur ipie tu ilésiivs. Il
faut avoir {;ranil soin de iic pas ser-
\x\ la licelle , autreuirut tu donnerais
uai'ssanee à un cliape.ui |>i)intu, et de ue
pas la laisser lâche, ou hieu Tensi'udilc
iormcrait des plis connue uii éventail ;
là {;it toute 1 1 diflieulté. Tu couipreuds
(pi'on peut clianjjer de liiuc de deux eu
diux ran{;ées, umbrir^ nuancer^ eu un
umiùnl/anter c2 |;i*ntil travail ; tu le ter-
mines par dtux rangées de fdet siuipl^,
ou j>ar 11 «lenit lit- que je l'ai deruière-
n.< nt indiquée |)our orner iixfiiicii^e»
Le n'» 7 t'ollre un hnuipittde pensé» s
destiné à un dessus de pt lotte. Tu le biT>-
deras en soies de couleur, sur c.icheuùix^
(;iis, ou sur Casimir, à ton choix. L'ue
j;n use violette it verte, foruiattl boucle à
eli lemi des (prilre coins île la |H'lotl(*,
eomjtlèleia cet éléj^anl travail. Tu p<ux
te servir aussi de ce joli tlessin jH>ur le
milieu d un |H)rte-montre ; lu nionlei'as
celui-ci de la minière que je l'ai expli-
<pi(-e le mois dernier.
^ ois poiu' le leste à la im ui ni i \ lui .
Je suis pressée d'arriver à te parli r du
m.ij;asin iKs />•*/» Stmis^ i ue de I^ifayelle,
près réalise Sainl-^ ineenl de Paul, que
ji' l'ai di'j.i rccouiuiaudé et qui devient
chaipie jour plus reiinnuiandalile, car
mesdemoiselles Lechilre .sont d une
adresse uierveilKuse |K)urlous les ouvra-
bles de fanliisie. Klles douueuldes leyous
cl M/. «Iles (1(11 \ille, à des piix hiea mo-
dérés, cl avec elles on appnnd à faire
admirahleuient 1rs Ih urs eu laine, en
papier, tous les |Hjiuts de cixh^Ik ts, de
tricots, de lilels, ele., rie. Ell«*$ oui d«
eehautillons eharuiants à uionlJ-er. On
p( ut s'adresser à elles |HMir l<*s envois
dans les d»'|KUtemenls de l(»ule m»i le dé"^
ehantillons avec les explications n»xi*s-
saires. Uetxnnnuiudelesde ton cùlé â l(*s
ainirs, rt sois assnrt'r qiir de tonte part
tu ne recevras que des kmiu reieuients.
Que je iroul)lie pas de le parler de deux
.si)éci(ilius\w\\v la dtMUelle : Tune, dans
lelieau qiiartieiMuadenioiselle Hette, 12,
rue A i\ ieiuie ; Tanhe, dans le i>n)^ des
«'•(udes, Miadame Planche, 3 1, rue des
Postes. Madame Planclu^a un talent l)ieu
piécieux : elle transporte iwvc tant d a-
dresse sur des réseaux neufs les anciennes
dentelles, que celles-ci reprennent tout
leur éclat, toute \v\\v valeur; rien de plus
inqiortant dans un t( inps où la dentelle
a plus que jamais la voj^ue.
Eu^;ène nous a pari»' Tautre jour avec
une {grande admiration dune verrière
exécutée par IM. Louis de IMo7,an, d'après
les cartons ori[jinaux de INI. Aujjuste Ca-
linard ; c'est la repiésentation de la lé-
gende de saint Landry, l/autre jour mon
oncle et u>oi, en passant place Saint-An-
dré-des-Arts, 30, nous sonnnes entrés à
la librairie archéologique de A ictor Di-
deron et nous avons admiré la copie de
cette verrière qui ornerait admirable-
ment la chapelle dim château ou l'hum-
ble église gothique d'un village, si quelque
âme pieuse et amie des arts voulait faire
ce cadeau à sa paroisse, l^es belles étren-
ues à offrir!... One ne suis-je i iehe ? La
vcriicrr de saint Landry iiait étaler ses
tons si brillants, son dessin si ]iur, aux
longues et étroites fenêtres en ogives de
la jolie église on j'ai été baptisée !
Puisque j'ai nommé Eugène, il faut
bien te dire quil est mécontent de voir
INL «le Lastoure le r(Mn])laeer dans le rôle
de Sphinx qu'il s'était attiibné pendant
quekpie temps. Nous n'avons fait qu(;
rire de ses dolentes plaintes, et nous lui
avons promis qu'il aura le ninn(>j)(>(e des
bouts rinu's, s il en donne d'acceptables.
A oici ceux (|n il a pr('s(Mit«'s à mon oncle.
; (;lu;\^(;r..
Bal.
An>F.>( K.
30
Anmbai,.
SovRinr .
TOL JOLI s.
Maldill.
JOLUS.
Au ])remier de Tan, Eugène, recon-
naissant du porte-cigarres en t'pingles .\
tètes et chenille que je lui ai doimé, m'a
apporté de la nnisique nouvelle char-
mante; ])aroles et mélodies sont conqu)-
sées par ÎM'"* Clémentine de Poli. —
Fleurs (les innntngnes^ morceau très-facilt?
et très-moral. — L'Ange ou hereeau^ très-
joli. — Lx Pater^ beau chant religieux.
— J'aime le soir! douce rêverie pleine de
poésie. — Cantique à Marie, pour deux
voix. — Le Fou de la vallée. — Qne de-
viendrait tua mère ? morceau touchant et
plein de sensibilité. — La Chanté, dédié
à îM'"e Lefébure Wely , qui le chante
admirablement , comuie elle chante tou-
jours, et qui trouve cette mélodie d'un
genre tout-à-fait en dehors de ce qu'on a
publié jusqu'ici ; enfin le Retour, grande
walse facile et brillante. Nos jeunes amies
pourront se procurer cette jolie musique,
chez Boieldieu, 34, passage Choiseul, et
chez notre éditeur Mayaud, 7, boulevard
des Italiens.
Il paraît aussi chez Brandus, 97, rue
de Riclu^lieu, un Jlbnm de M^^^ Viard"t,
que je n'ai pas encore vu. Je t'en parlerai
plus tard. Ainsi, tu es charmée d'avoir
connue moi la (Gazette musieate! je le
savais d'avance.
Léonie suit en ce moment deux cours :
celui que fait AL Lourmand à rilôtcl-
de-Yille, pour les jeunes personnes et les
fenunes qui se destinent à renseignement,
cours f^ra'urt professé depuis dix -sept ans
avec un zèle admirable, et qui a lieu
tous les dimanches, <le une heure à trois,
à la ÎMairie du neuvième arrondissement,
rue (icoilrov-Lasnicr; et le cours /u/)c
de soliège et de chant de iVI"^' Jîlanche
jMaricot , 3*2 , rue N(^uve-Saint-A«i(;us-
tin. IM"*' Blanche Alaricot est élève de
3i
M. ]Montaiiiuo, de Turin : c'est cluz lui
que \c «.ours st* professe, lu autre cours
pour le piano a lifU clic/ >1"«-" ^laricot,
4('), rue de A erucuil. Ces cours, peu
nninhreiix chacun, sont fréquentés par
la l)onne conipajjnic.
Notre (îlain- Hcrlou a nii ^iwws < lom -
(lissant. Emile Piuiieiit lui-niènie admire
son (;énie nmsical ; yi"^^ Pauline > iar-
dot lui a demandé une mé-lodie , et
M""" Lefébure Welv a promis de clian-
trr une de ses jolies romances.
(>aroline ma envoyé pour toi ( t pour
nos amies les receltes (pie je mets en
fjost-scriiittini.
Au n'voir, chère Adèle.
Aji.lli A lîUlCOG.NE.
Cosi/irtif/n".
Pâte li' amande t au miel.
I i kl o rrainaiiilrs aincres pt'léfs.
Iji) ^^.l^l^^p^ df p/ynous (amamles du piiW-
II (aul piltr le luut dans uu murlicr, et reduiru
CM iiiif I &U' Ires linc.
Tu HJoiitrs alors :
Sucrf blanc rApi* lin 32 grammes.
MirI blanc 'M -
Bttiiiie eau-df-vie 64 —
Mi''l<- liifii pendant une bonne diMni-ht-urc . Tu
parfnnit's nihuile n>fC uni- ou deux KouUen il'cs-
wnci' de ro>e, «1 lu «n'aies l'in ore .Mils rn puis.
/k'ceifc jxiuv la conservalion de la tapis-
iivie rt du rciours de laine.
Fais bouillir prndHnl un*' *i<mi-l fiiri- dNn»
troii» (|tiiirl9 tif lilrr d'e.iu une coloquinlf dr
nuiyrntje um-^rur. Me>ure un di'inl Mri* ili- c»Mle
eau, v\ jr!lr«-y .% ;;riinmr« de iinnim»* .Mlr/içniilr.
(ju.md II' meliiDCf n^X froid, lu > trrnipi^ un Rro«
pinreou, et tu rn enduis l't-itvrrt de la tnpIsArrle ou
du vrlour» avant «b* Irn faite in >nler t n menbles.
Les niitiK ne s'y nltnijiuTDnt jam.ii».
(iiUenu de ponnu'K ,f,' terre.
Entrimcli
F«is cuire «i>u% la ce mlr • «lun/r | umine* de b-rre
Jnuno , et'luebr-l«'i», il nul» .i» «;.ui* un»' (-.«v»«*-
rôle «ver un pnj d • »»•!, Ia moitié d une rront- ili*
Citron rAp«, et tout en rrnmaiil »ur le fourneau.
.elle daji> ccl'P pale un morcj au d» Inurre Ira s,
puis un p» U dr crimi*. sans ^e^*e^ de n.tler, du
sucre en poudre suivant ton poùt. Relire du
lai>.'e un peu refroidir. Parfume a*PC une 1
cuirerée d'eau de fleur» d'oranger- Cai*e huil œ«f».
quatre avec li-un. biancj. ; d.'> quatre autres, tur.e
prfuds que lis jaune*. Buls-Ies bien eoArmMe, tt
m^b- à la pAte.
Beurre un moule. FndiiU !«• é^\*m*-T\\ parl«Ql
de mie de pain réduite en poudre finr. Vnv t."»
pâte dans le moue; pose celui-ci lur de» o-uilrr»
roupes, le four <!e campa.:ne par-d< ssus ; en Irois-
quarts d'Iieiirt* le galf?.u e>l cuit a poiul. Serrer
chaud.
G&iwise.
Entremets.
t ne de nos amirs ma drmaiide de donner de
nouveau une rerrltp dija publiée par le Journal
pour faire un SandlKuifi, ou ;:àteau de !>al)'.c. Je
vais lui offrir niieu.\ qur ct-la. ♦•n re m-o* que Ir
gâteau de salle exijre une ; '
fjiies Aewrea, tandis qiu* !i , i-
iie. a mérité le surnom dr tôt fait.
Prends «les Iw'aiice». P ace dans Tun d«s ptalrani
trois u-nfs fraÎN. dans l'autre leur yoid» eu surre
blanc raj.e. Ot< ■ mit» a la | Ii
larme, et fai.«. le i; • :>qutle>ucrr
ci. 1 1 pesr de même le même poids» de Icinr lin
et fra ».
Râpe le zeste d'une t/ewii-ecorce de cllrun; ajoute
uu ioiipç'in de noix muscade râpce, quelquis gr^ios
de srI Manr.
Tu as fail fondrr le l»eurre dans un n* it
sans U' laisM-r bouillir. Jrllrb-y le sucrr, le «
la muM-ade. le 5el, et mé r b:en. Ajoute la farine.
Melf, mélr. Ajoulr les j.iuues des trois rrufs dont
lu as rrtirè 1rs blAnc>. Mêle pend.ml un ton qii it
il'beure.
On a l)eiirré soigoru^enirnl un** to«irtiere; on a
fait cbatiffrr le four de campagne ; on a battu !r»
bl ini's d'u'nf> en nelg»*.
T.'Ul étant priH. nuMe les blanc» d'œ ifs en n« Is»-
a la làle. Bats le loul vueen»» ' ; -»
minntr». Ver*e alors dans la t f-
ri sur de» cendres n»U8e». le l«»ur ii< «• par-
dev-us; • n Irttis quarl^ d lieure U s- • ruilr.
Comme Ir uAlrau dr Mbie. elle est meilleure enror»
If 1, le BHHeHdrmném^ que le jtHir OM^a)*
ou .^- latte.
Marrons glarrs.
I)e**crl.
J»' fengaue a tenter un rwal en pelil« avant d*©-
pérrr m urand
l'^tromrnce par faire du »»rop cUnIk. fais-la
cuire au jx'lil 'ifttle. Irrn • • ' îe
to«iriiaiit aut l'aroi' 'f »"-
cbrtle, tu vtM» le >i
rs>i4 .'.-I iii> k OM rt «1
32
Tu .is coininfiioé p.ir tcni'rM'r ceux-ci jiisquà
f/fwi/ cuisson, cl pnr les dcpouilIiT dp toutes leurs
pellicules; peu iriuslaiits suMiseiit pour achever de
les cuire dans le sirop.
S'ils doivent ctre servis le soir, retire-les, et
fais-les ej^outter ^ur une claie dans un lieu bien
cil ui'l, puis nifts-los dans une aiinoire bien sèche.
Si lu les prépares ;plusieurs jour.s d'avance, >crse-
les dans un pot de ^rès avec le sirop; lorsque tu
^()U(lras li-s servir, fais-les époutler comme je viens
de le le dire, et dresse sur une assiette.
Expliciition de la plcju.hc de Broderies.
(PKTITK ÉDITION.)
N" <• — Dessin de col, façon point de Brn.rrllrs.
N"2. — Etoiles en mousseline pour faire un col.
K" 3. — Coussin oriental.
K" 4. — Serviette à marrons ou dessous de lampe.
N" 5. — Dentelle à exécuter au point de crochet.
N" 6. — D'ssdus de lampe.
IS" 7. — Broderie au passé pour di'ssus de pelolle.
(grande Édition.)
N" 8. — Coin de mouchoir. Tu peux, à (on choix,
exécuter ce dessin au plumetis avec du coton
blanc, on bien au point de chainelte avec des soies
de di\ erses couleurs, p'ure fort joli et à la mode.
Ko 9. — Dessin, pour un porle-raonuaie. Tu le
broderas au petit point sur canevas de soie, avec au
moins trois nuances de soies jaunes. Ton goût te
guidera pour placer ces nuances.
K"10. — jRiche dessin de cane/.ou. Ceci est l'un
des devants du canezou. Cal(iue-le à l'envers, et
lu auras l'autre devant. Le mois prochain, je l'en-
verrai le dos de ce joli cane/.ou. Si tu trouves ce
modèle trop prand pour le garnir autour d'une den-
telle haute de 12 à 15 millimètres, supprime la bor-
dure de (leurs, vl remplaeela par la double dent
de lésion n" 11. — Tu peux ii ton }îre employer le
plumetis sur mousseline, ou la broderie en applica-
tion sur tulle.
N'" 12 et 13. — Eniredeux et volant en broderie
anj^laise.
Patrons grandeur îiature.
Tu trouveras au revers de notre belle planche le
patron de la robe ouverte en tal fêtas bleu glacé de
blanc que l'a portée la {•ra\urede modes du mois
dernier- Ce patron sort des ateliers de Mme Besson.
— Sur la même planche est un maiinilique dessin
pour nappe d'autel que lu exécuteras en applica-
tion sur tulle. Le milieu est indiqué. Tu reproduiras
de Taulre côté la {grande dent de gauche, et de
même ainsi dans toute la longueur de la nappe
d'autel.
Tapisserie coloriée.
Voici le pendant du beau bouquet de pavots que
je t'ai envoyé en 1847. Ce dessin n'esl-il pas char-
mant et brillant de fraîcheur? Tu peux en faire une
miniature en l'exécutant au petit point pour un
buvard sur canevas de soie, ou le grandir en l'exé-
cutant sur de gros canevas pour tapis.
LES JEUX DU SPHINX.
CHAR/^DR.
En vous mettant en mon premier,
Bien dispos, bien joyeux, et rempli d'espcranee,
Vous êtes assuré tFavance
Qu'au bout d'un certain temps vous serez mon dernier
IMais quoi ! ce résultat ne vous importe guère,
Tant le plaisir pour vous a des attraits puissants!
En cherchant le repos sur un lit de fougère,
Le jus de mon entier rafraîchira vos sens.
GUERMF.
33
ÉDl C\TIO>
ajî!LJ©Li<SST ^JS SiI^iiAîï^,
SUKTS DK MJDHAIIO.XS.
LA VRB1T\BLE PIBTl.
La pu'ié. vrrilable est l'ordre «le la so-
ciété, laisse cliacun à sa place, fait de
r<'tat où I)i<ii nous a placés ruiiique
voie de notre salut, ne met j)as une p« r-
fection cliini«'rique dans les œuvres que
Dieu ne demande pas de nous, ne sort
pas de l'ordre de ses devoirs pour s'en
faire d'étranjjers, et regarde connue des
vices les vertus qui ne sont pas «le noire
état.
Tout ce qui trouble l'iiarmonie publi-
que e^t un excès de riiommr, et non un
/.èle et une perfection de la vertu. La re-
ligion d«''savou<' 1«'S œuvres les plus sain-
tes qu'on substitue aux devoirs, et l'on
n'est rien devant Dieu quand on n'est pas
ee (pie l'on doit être.
C\"stse faire une fausse idée de la pié-
té de se la lijjurer toujours timide, faible,
indéeist^ scrupideuse, bt)rnée, ^e fai&ant
«les crimes de ses devoirs et une vertu
«le ses faiblesses ; oblij^ée irajjir et n'«)
saut eutrepren«lre ; toujours sus|H-ndue
.Vticiin dcA articles coiitoiiiiH linns ce rrrueil
ne peut «Hic reproduit, umm le eonsfnlenH'Ml
foriiH'l dc.H iuitcins, MHit prine d(* pomutiitri ni
•«»ntief.iron.
entre les intérêts publics et ses pieu«<e5
frayeurs, et ne faisant usage de la reli-
fjion que pnir mettre le trouble et la
confusion là où elle aurait dû mettre
l'onlre et la règle. Ce sont là des défauts
que les bonunes ujélent souvent à la pi« -
té ; mais ce ne sont pas ceux de la piété
même. C'est le caractère d'un esprit fai-
ble et borné, mais ce n't^st pas une suitf
de l'élévation et de la sagesse «le la nli-
gion. En un mot, c'est l'excès de la vertu,
mais la vertu finit toujours où l'excès
c«>nunenre.
La piéti- véritable eleve l'esprit, en-
noblit le eceur, allennit le courage. On
est né poui de grandes clioses quand ou
a la force de se vaincre soi-mcnu-.
L'bomme de bien est ca|Kible de tout dès
qu'il a pu se mettre par la foi au-d(^NU>
«le tout. C'est le liasard «pii fait les ln'--
ros ; c'est une valeur île tous les jours
(pii lait le juste. L*-s |>assions peuvent
nous placvr bien liant, mais il n'y a qur
la vertu (]ui n«)us «'lève au-dessus dr
n«jus-mèm«*s.
>Us»iu.u.>i.
Il" SKMIt loine IV.
N* i - 1 » vr.ni; |H'0
34
UN MARIAGE DANS LE GHAND MONDE.
TRADITION.
(5Mi7e tt fin,)
Deux années avalent passe ainsi, lors-
que, vers la lin de Tété, Reine reçut
de son mari une lettre plus aimable que
de coutume. Il lui annonçait que, vou-
lant se trouver au cliàteau de Kernao
pour la saison de la chasse, il espérait
avoir le bonheur de l<i re^'oir dans les pre-
miers jours de rautoinne.
Reine relut et relut encore cette lettre;
elle croyait y voir la preuve de l'afFec-
tion à laquelle elle aspirait, et elle remer-
cia Dieu du fond du cœur. Son premier
mouveuK^nt avait été de répondre avec
effusion la timidité la retint cette fois
encore ; elle se contenta décrire avec
froideur, que 31. le IMarquis serait tou-
jours le bienveim dans son cliâteau,
où l'attendait une épouse soumise et dé-
vouée.
Il y avait peu de préparatifs à faire
pour le recevoir, car l'ordre régnait plus
que jamais partout.
Le coureur du Marquis précéda son
maître d'un jour seulement, et lorsque le
lendemain M. de Porzinis descendit de
cheval, il fut reçu par sa femme qui
l'attendait sur le perron et qui le con-
duisit au salon, en passant entre deux
rangs de domestiques revêtus d'une
fraîche et brillante livrée.
La figure du Marquis était soucieuse,
tandis qu'autour de lui on ne voyait que
des visages radieux.
« Combien vous êtes embellie, îMa-
damel» dit-il en pressant légèrement sur
ses lèvres la main de la Marquise, qu'il
venait de conduire à un fauteuil, et en
prenant place auprès d'elle.
Reine rougit; cette rougeur amena un
sourire sur les lèvres du^Iarquis.
« Le château lui-même me semble
embelli, ajouta-t-il. Tout ici est d'une
fraîcheur I... Avez-vous donc fait renou-
veler rameublement?
— Je ne me le serais pas permis. Mon-
sieur, sans avoir demandé vos ordres,
répondit Reine timidement.
— Il faudra y songer pour Tannée pro-
chaine. Le parterre est brillant de fleurs
comme en plein été.... J'y remarque
quelques changements, il me semble....
Mais nous verrons cela plus tard. Som-
mes-nous seuls. Madame, ou bien avez-
vous fait quelques invitations ?
— J'ai pensé. Monsieur, qu'après une
si longue absence vous seriez bien aise
de revoir vos amis les plus chers ; ils se-
ront ici pour riieure du dîner.
— ÎNLais, INIadame, voius ignoriez le
jour de mon arrivée !
— Depuis une semaine entière. Mon-
sieur, vous êtes attendu chaque jour.
— Yrai, INIarquise, on n'est pas plus
aimable ni plus charmante, ajouta-t-il,
les yeux fixés sur le joli visage de la Mar-
quise, dont l'embarras, la rougeur ajou-
taient de nouvelles grâces à ses grâces
naturelles. Aurez - vous , Madame , la
bonté de me mettre au fait des nouvelles
du pays? Vos lettres étaient d'une briè-
veté désolante, et j'en ai gémi souvent! »
Reine, très-intimidée, mais heureuse,
35
s'inclina en silence. Le ton du Marquis
devenait de plus en plus aft'ectueux, ten-
dre même. C'est que Reine était n'clle-
nient fort jolie. Le di'veloppenuiit de
ses facull('s intellectuelles, la beauté de
son âme donnaient à ses traits n''{;uliers
un<' expression enchanteresse ; l'enfant
était f«Mnme mainUiiant, et Icmnie de
lutrite; fenune dans la noble et sainte
acception du mot.
L'enti-elien se prolongea, jjràce au
iMarquis, car une insurmontable timi-
dité- paialysait et les pcnst'es, et les lè-
vres de Reine. Kniin ^L de Porzinis de-
manda la p(*rmission de se retirer dans
sou appai tement pour prendre quibpie
repos.
A peine avait-il ilisparu, que la jeune
fennne s'adressait à tlle-nième les plus
vils reproches. •« (^)u d a dû me trouver
{jauclie et sotte! • se disait-elle, et les lar-
mes du rej^ret pliuôt cpie celles du dépit
mouillaient SCS paupières. « Lui (pti vient
de la cour, lui (|ui, depuis deux ans, n'a
fréquenté que tles lénnnes aimables et
sj)irituellcs! hélas I mon Dieu!... non,
je ne pourrai jamais lui plaire! »
Le iMarquis de sou coté disait : « La
petite pensionnaire est devenue bien at-
trayante!... c'est à n'y pas croire !... Dès
en arrivant j'ai ressenti quehpie cho.sc
de doux, d'inaccoutunK- !... l'eut ici me
parait réelltMnent end)elli... (]ourrais-je
dtine le dan{;er de «levenir amoureux de
ma femme .' (!e serait plaisant ! "
Mais y\, de Por/inis, ne s'arrèt.inl ji.i>
à celle idée, attribua au calme de l'an-
litpic el solitaire manoir, au silence de
ces vastes forêts (pi'il découvrait de s«-^
fenêtres, le stMiliment élran(;e qii'd \( -
nait d'éprouver ; ce calme, ce sdenee nl-
fraient un conliaste frappant avec le
bruit «lu p dais el du pan- de Versailles:
là était \v secret d'une sensation toute
nouvelle.
Oepeuilaiil, Inrxpie pentlant le repa-i
il ])ut vuir avec quel ordre parfait se fai-
sait le service, et lorsque le lendemain,
en se promenant dans le parc avec ses
convives, il put remarquer qu une en-
tente unique et habile devait ici diriger
tout, il dut se dire que l'influenee exer-
cée par une fenune jeune et diarniante
.s'étendait assurément des êtres animés
jus()U*au\ objets matériels soumis à sa
douce puissance, ^ulle part ne se retrou-
vaient c« t oubli , cette néj^ligence qui
tiahissent souvent, dans les maisons les
plus opulentes, l'absence du cxjup d'œil
du maître et les inspirations mescpiines
d'im inlenilant charjjé de couunander
seul aux valets; ici, au contraire, jus-
(pie dans les moindres détails, se faisait
sentir imc volonté éclairée el ferme.
Le ]\Iarquis avait trouve ses équipa ;e5
de chas e en meilleur état que jamais.
Les chevaux, les meutes, la fautt^nnerie
avaient été évidenunent l'objet de soins
recherches, » t il en éprouva une iTcon-
niissance dont Texpression lit naître
dans le caur de Reine la plus tendre iv-
connaissance. Cepciulant elle n'osait
point parler à son mari des aleliei'S éta-
blis dans les salles basses des connnuns.
l uil «lie craignait l'expression d'un blâ-
me (pii aurait {;àt«* la joi«* dont son cœur
était inonilé. 1>' .Martpiis demanda à les
visit«M-. iMoisant s'élait permis dVn |xar-
1er av«c un certain ricanement qui
avait déplu; car la jeune .'Nfarquist^ excr-
eait en ce moment un empiiv absolu.
«pioiqu'ignoré d'elle, sur son mari ; 1 1
elle re«yUl ilc nouv«aux éloges au sujet
des n'fornu^s sages qu'elle avait su éta-
blir sans nuire à l'éclat de sa maison.
Kniviiv d'une apprubati«)n bien ines-
per«'«*, pour la prcnnère fois Heine prit
pari aux fêtes «pii se donnaient elie/ • "■■
et à celles auMpielles elle était in^
avec la gaîté de son âge. Klle se croyait
aimée, a inié'C connue elle aimait '
Ce Imnheur fut de <x>urtc durée. I.r
•M)
mois suiv.iiu, IcMaïquis était ivdovenii
soucieux rt iiulilVéïvnt. Mmacé de voir
mctlifen v(Mite quelques-uns de ses do-
maines, à la demande de créanciers las
d'attendre le paiement des engagements
échus, il vint un matin prier sa icnnne
de signer un acte dont il ne lui donna
même pas lecture. Elle obéit sans hési-
ter, espérant dissiper, par sa condescen-
dance, les nuages qui couvraient le front
de son mari.
Le ^Marquis prit Tacte , le relut et
le rejeta sur la table en frappant du
pied.
— CVst de l'argent qu'il me faut, dit-
il. Où en trouver?
— N'est-ce que cela? s'écria Reine
avec un doux sourire.
Elle passa dans la pièce voisine, et re-
vint apportant son riche écrin.
— C'est de l'argent, vous dis-jel répé-
ta le IMarquis avec impatience.
— \ous en aurez demain, Monsieur,
répondit la jeune femme que sa violence
trop connue effrayait. Est-ce assez tôt?
— Demain î... Demain soit I »
Et il sortit brusquement... Biais tout
à coup il rentra en disant : « Je ne veux
pas que vous vendiez vos diamants, Ma-
dame. Avez-vous donc l'intention de
faire croire que je suis ruiné ?
— iMoi, jMonsieur I
— ^ ous aurez besoin de vos diamants
pour la fête que donne le mois prochain
la comtesse de IMénec. Point de folies ro-
manesques. 3Ioisant me trouvera cette
somme à tout prix.
— Ah I Monsieur, s'écria vivement
Reine, 3Ioisant vous entraîne à votre rui
ne ! Souffrez que je vous conjure de faire
examiner ses conqites par l'intendant de
mon père...
— A lin que votre père, nVst-cepas,
viennct uie prêcher l'économie !
— Ah! Monsieiu-, pouvez -vous sup-
poser.. ï
— Cond)icn valent vos diamants ,
Madame?
— Plus de cent mille livres.... Deux
cent mille livres, je crois. Je les porte ra-
rement...
— Il vous les faut ])our la fête de
Madame dcMénec.
— On aurait le temps de les enlever
des montures et de les remplacer par des
pierres fausses.
— Vous croyez?
— D'ailleurs, Monsieur, j'ai ceux de
ma mère.
— Il est vrai... j(* l'avais oublié.
— Vous consentez, Monsieur, n'est-ce
pas? Oui, oui, vous consentez, et vous
me permettez de charger Ilélon de faire
faire cette substitution ? En partant à
l'instant pour Lorient, il peut être de re-
tour demain du matin, aussitôt qu'il au-
ra touché les fonds. »
Le INLirquis allait et venait avec agita-
tion dans le salon. Enfin s'arrêtant de-
vant sa femme il dit : • Ceci doit se faiie
à mon ins'/, vous comprenez, IMadame?
— Oui, Monsieur, à votre insu.
— Vous êtes un ange I »» Et portant
froidement la main de sa femme à ses
lèvres, il salua. et disparut.
Reine, sans se permettre une seule
réflexion sur cette scène qui laissait dans
son âme une profonde amertume, sonna
son valet de chand)re.
Un instant après, Hélon recevait en si-
lence les ordres de sa jeune maitresse,
mais il ne se montrait pas empressé
d'obéir.
« Il faut partir à l'heure même, dit
la Marquise en lui remettant l'écrin.
— 3Ion devoir, répondit Hélon, est
sans doute d'obéir aveuglément à Ma-
dame la Marquise ; mais serais-je un ser-
viteur fidèle si je lui laissais ignorer que
]M. le Marquis...
— Il sullit, Hélon. Paitez, et soyez
de retour demain matin avec tout l'ar-
37
fjnit (|iir vDus pourrez vous procurer.
— ^c deniande pardon à madame la
Marquise, mais d s'a(]it deveiidnrt non
d'enjjnjjer 1rs diamants, si jai hien com-
pris?..
— Vous ajjire/, eu ce point de la uia-
nière la plus convenable. Une vente
définitive vaudiait mieux.
— Et à l'insi' de ."M. le Alarquis?...
— Quand je parle, je veux être ol)éie ! »
n''pli(jua la jiune lennnr d'un ton qui iir
soulVrait pas de n'plique.
Le ]Mar(|uis fut eliarmant le reste de
la semaine, il peu de temps après, Heine,
toute Itonteuse, se montrait chez la com-
tesse* de !>lénec, parée de j)ierres fausst's.
Elle avait voulu mettre les diauiants de
sa mère, uiais le Marquis s yétiitopposé,
disant (pit lie devait paraître avec les
siens, dont tout le uionde admirait la
beauté, et personne ne se douta de la
suprrcluiie.
L'hiver était venu cependant ; le ^lar-
fpiis connnenrait à rejjretlei" A • rsaiUes.
11 préicndit vouloir renouer îles né'jjocia-
tions pour un réjjiment (ju'il avait envie
d'acheter, et il dit adieu à sa jeuni'leunne
et à son vi( ii\ manoir.
Cette nouvelle séparation lut plus
cruelle encore que la première pour la
pauvre Reine. J'oui espoir d etie jamais
aimée était perdu ; elle ne pouvait plus
se faire illusion : uiais Dieu lui accor-
dait du moins une consolation bien dé-
sirée ; elh" avait la certitude d'être bien-
tôt mèn\
Moins timide (pi'autrefois , ( ar die
conqtienait enlin (pi'cUe pouvait vUr
utile et elle Ir voulait, elle parlait sans
cesse dans s<'s leltn*s au ^^lrquis de cri
enfant à naîtn\ dt'jà si chéri, et tpiVlle
était (Il cillée À ni)urrir elle - même ,
afin jpir son premier iv[;anl, <pie sou
pn*mier sourire lussent à elle si'ule. Le
Marquis ne n'pondait pas. Enfui, un
jonr il éniNitivs li(',nes : •• Si vous nie
rlonncz un fils, je vous livre Moisant,
parce ^pie je ue veux pas qu'il ruine de
fond en comble mon héritier de nom et
d'armes. Si vous ne me donnez qu'une
fille, il sera inutile de nie le faire écrire ;
je le saurai assez tôt à mou prochain
ivtour près de vous. •
En lisant crtte lettre. If co ur de Reine
se serra, ses yeux s<* remplirrnt de lar-
mes. Etait-elle destinée à mettre nu
monde une créature assez infortunée
pour se voir repoussce, dt*s avant sa nais-
sance, par son père ?
Un matin, la cloche ilc la chap«lle cl
celles des éj^lises des vilbjjcs voisins, lan-
çaient au ciel «le joyeuses volées ; un hé-
ritier était né au marquis de Poi-ziuis :
c'étaient madame la comtesse de 3^
et ^L de Kervallan qui le présent ii::i
au baptême, tandis que tlans le château
tout se pn'parait pour un somptueux
banquet et que la jeune mèit*, les mains
jointes et les yeux humides, offrait à
Dieu de fervent»^ actions de grâces. Elle
avait un fils ! elle avait à aimer de toulf
son âme, à élever, à prottjjerun être au-
quel son amour et h' plus saint des de-
voirs lui ordonnaient de sr dévouer sans
rt'serve î
A dater de c»- jom , la jcnnr nui .
nourrice et berceuse, osa feruuT sa |>ou.
aux parasites qu'elle avait dû accueillir
jusqu'alors, afm de ménager l'orgueil d»*
son mari. Reine avait couipris qu'un (l<
ses nouveaux devoirs était de mettre un
terme, i.\%ï moins en et* qui dé|>eud)it
il'elle, à lies ilt'-(H"nses ruineus<'S.
iVIoisant fui congédié et n'uiplaiv par
nn autre intendant, du choix de M. de
Kervallan, et aloi^ s<Mdemenl la^Lirc|uis<*
connut avec crrtitiule les enjjigenuMits
pris par .son mari, et qutlle-meme avait
sanctionn«'*s, pui«;qu'elle avait donné sa
signature.
Elh' lut eiVraytv eu sond.mt la profon-
tleur «lu goulïiv que les prodigalitt'> «lu
38
Marquis avaient civiisc. La plus {;raiulo
partie des tloinaines et des métairies se
trouvait enpap,('e ]>our ])lusieurs aniu'es ;
et il fallait se eréer des ressources nou-
velles, afin de satisfaire à des exigences
incessantes de la part d'iui lionnuc dont
la passion principale était maintenant
le jeu.
L'intendant parla de mettre en coupes
ré[>l(vs les forets {'.iboyeuses dans les-
(jnelles la hache n'avait pas retenti de-
puis plus de vinpjt ans, ou hien d'établir
des coupes partielles qu'on domierait en
exploitation à des sabotiers.
La jemie JMarquisc répondit (pi\île
réfléchirait.
Jusqu'à ce jour, iMoisant hii-nième,
qui avait taiit dVmpire siu- Fcsprit de
son maître , n'avait pas pu décider le
3Larquis à tirer parti des bois qui péri-
clitaient sur pied. Ardent chasseur, et
faisant peu de cas des plaintes des lal^oii-
reurs, dont les champs étaient voisins de
ces forêts si abondantes en gibier, M. de
Porzinis avait expressément défendu
qu'on y pratiquât des coupes. IMais la
nécessité était là , impérieuse connue
toujours , et d'autant plus impérieuse
qu'une nouvelle demande d'argent ve-
nait d'être faite par le iMarquis, et il
annonçait en même temps la prolonga-
tion indéfinie de son séjour près du roi.
Hélon, consulté par sa maîtresse, ré-
pondit qu'avant peu il serait en état de
dire si l'exploitation d'une partie des bois
par les sabotiers offrirait des avantages
réels et ne mettrait pas en fuite le gibier
auquel le IMarquis tenait par-dessus tout.
Quelques jours après, il apportait, avec
les renseignements pris à ce sujet , le
résultat de ses calculs , et la î\Lirquisc
comprit que mieux valait augmenter les
revenus que de réaliser tout-à-coup une
forte somme qui serait bientôt dissipée.
Elle ordonna donc que chaque année on
ferait une coupe partielle ; c'était d'ail •
leurs se réserver !es ressources otlerle
par ime c(-u]>e générale, si de nouvelles
dettes obli{;eaient à de nouveaux sacri-
fici^s. Ih'lon fut chargé d'appeler dans la
foret des l)andes de sabotiers.
A tous les marchés, les femmes de la
Ilaute-lhetagne, dite pars Gw/M, viennent
apporter les sabots fabriqués dans les
bois ])ar leurs maris, leurs enfants et
elles-mêmes. Ce sont elles qui mettent
en relations les ]>ropriétaires des forêts et
les chefs de chaque bande ; ceux-ci se
présentent ;dors poiu' traiter d'une
coupe de bcis. Gullais et Gnlhiiscs for-
juent \\w peuple à part dans la Bretagne.
Presque toutes les femmes sont jolies,
bien faites, et la fréquentation des mar-
chés leur donne un certain nurge du
ihoikIc civilisa^ , tandis que les hommes
sont et demeurent éternellement de véri-
tables sauvages ; ils ne soldent de leurs
bois que fort rarement et, ])lus rarement
encore , on les rencontre le dimanche,
après vêpres, sur les places des villages où
l'on danse des branles, et où l'on joue à
la crosse et à la soûle.
Bientôt le silence de l'antique forêt
fut troublé i)ar les coiqis retentissants
de la cognée. Il fallait commencer par
abattre le bois nécessaire à la construc-
tion des cahutes de sabotiers, dont cha-
cune a l'aspect d'une grande ruche. Un
cercle est tracé sur la terre nue ; des
perches, assez hautes pour qu'un homme
puisse tenir debout dans le milieu de la
cabane, sont plantées tout autour; on
les lie ensemble par le haut eu laissant
une issue pour le passage de la fumée,
car le foyer, consistant en une pierre
plate, est placé immédiatement au-des-
sous de cette ouverture. Les ])erches sont
ensuite entrelacées de branches d'aihres,
et, avec de la terre et de la mousse pé-
tries ensemble, on remplit les intervalles
de ce treillage grossier. La porte, com-
posée des mêmes matériaux , se ferme
39
par une simple cheville de ])ois. Dans
rinU-iifur , sur des planches à peine
cqiianies, sont placVs les outils, le cliau-
dioii de cuivn* jaune dans Iccjucl se fait
la bouillie de blé noir, de mil ou d'avoi-
ne, puis les assiettes et les cuillers de
bois. L<'S escabeaux, de même que la
vaisselle^ se renouvellent à chaque em-
rnénnrrfint nt ; loiS(|ue les sabotiers de mé-
nagent^ ils n'emportent avec eux que
leurs outils, le chaudron de cuivre et le
tn'pied de fer; tout le reste est aban-
donné ; enfin des lits de feuilles sèches
reçoivent la fanjille entière.
La jeune Alarfjuise prenait plaisir à
suivre le\s difT'ienles phases de r»'lablis-
scinent des saboti<'rs. Llle parlait à che-
val, accompa{j;née de Ilélon, auquel seul
elle confiait son fds, pour les visiter, et
peu à peu ces pauvres {;ens s'accoutu-
niai«Mit à ne plus prendre la fuite à la
seule vue de la dame du dtaican; ils
osaient niènie, devant elle, danser au
son du biniou, et lancer la soûle, gros
billon rempli de son, plus dur qu'ime
pierre et tlont chacun, au j^rand danger
de tous , cherche à s'emparer lors-
qu'il retondre à terre, afin d'avoir l'hon-
neur de lancer la snu/e à son tour le di-
manche suivant. Jamais non plus elle
n avait déd. iij;ni'' d assister aux divertis-
sements que ses donies(i(|ues et ses vas-
taux prenaient le dimanche sur la place
du village de Kernao, et citait ainsi
qu'elle se faisait a<lorer. r«-rnie, mais
l)ouue, just<\ mais charit ible, <li{;ne, et
pourtant in<lul(;ente , <-lle inspirait un
amour mêle de vénération. Lors<pie les
paysans la rencontraient desceiulant
vers le villaj^;e avec son fils dans ses
bras, ils s'arrêtaient, ôtaient leur grand
chapeau, et, disant un ./••<•, ils priaient
la bonne sainte Vieij;e et son divin l'ils
de bénir dans le ciel la mère et l'enfant,
comme chacun les bénissait sur la terre.
Depuis trois ans Arthur était au mon*
de, et il n'avait pas encore reçu les ca-
resses de son père. Le iMarquis trouvait
inutile de revenir dans ses terres, puis-
que les somnu s ({u'il demandait lui
étaient ponctuellement envoyées, au jour
dit, par son nouvel intendant, et puisque
celui-ci ne lui parlait pas sans cesse,
comme Moisant, de transactions à con-
sentir , d'engagements à remplir ou à
prendre en personne. Aussi écrivait- il
à sa femme : .. Remerciez pour moi
>L de Kervallan de m'avoir donné cet
habile homme. Vous pouvez lui accor-
der votre confiance comme je lui ac-
corde la mienne, et voir sans inquit tude
la prolongation de mon absence. L'ad-
ministration de ma fortune est en bon-
nes mains. •
■ Le dirait-il encore , se demandait
Reine, s il savait ce que j'ai ose!*....
Dieu m'aidera, sa bonté me soutiendra
dans la tâche difficile que sa sagesse a
jugé- à propos de m'imposerl »
L'exploitation de la foret, entreprise
par la marquise, avait pris des pro|>or-
tioiis de plus en plus étendues, et les pro-
duits allaient en augmentant. Scieurs de
long, charbonniers, venaient s'i'tablir
dans les bois de Rernao, avec l'autori-
sation de l'intendant ; car la marquise
s'ellaçait toujours le plus |H)s>ible. Ou'a-
vait-elle besoin de p'outer à son mari
qu'elle était caf»nbtc ? ne lui sutVisait-il
pas lie la joie de l'ètie en ellel '
Après cinq aniuVs d'absence, le mar-
(}uis revint vwUu dans son manoir. .^lais
usé-, vieilh avant 1 âge par Ic^ veilles pro-
ItMïgées et l'abus il«s plaisirs, il ne re$- |
MMiiblait qu à yn'\nv à lui-même, la niar-
quis<\ au (xintraiie, heureuse du bon-
heur qu (lie diHinait à son fils et à tous
ceux (pu rentouraienf, était plus ivlle
et plus fiaiche «pie jamais, tx'lte vie ac-
tive et si bien nnuplie, l'emploi utile des
facultés de rintelligencx\ l'exercice d'une
(haiitc trlairee et le calme qui nS»ult<.
^
10
dt; raccoiiiplissoineiit ilf so-» (Uvoirs, iv-
jiaiulainit sur ttJiitr sa |i(MSOime f[U('l(iue
chose il(^ |»ur, de a'h'slo.
Le cliàtf.ui, ])our irrevoir le maître,
avait pris iiii air de fête ; toute la maison
était là, et Ai tliiir, bel enfant aux che-
veux et aux veux noirs comme ceux de sa
mère, se montrait tout ensendjle fier et
embarrassé de son h.ibit de velours et
de sa culotte de soie aux broderies d'or
et d'arp,ent, du jabot de dentelle, de la
petite épée qu'il avait au côté et de son
chapeau j^alonné el à plumes. Il se mi-
rait dans toutes les glaces, ne se sentant
pas de joie d'être habillé comnic nu .\ei-
g/irnr, lui qui avait toujours été jusques
alors si simplement vêtu.
Le marquis accorda seulement (juel-
ques caresses à son fils, et Reine comprit
quel'amour paternel ne régnerait pas plus
sur ce cœur froid que n'y avait régné
l'amour conjugal. Dissinmlant sa dou-
leiu", elle fit avec tant de grâce les hon-
neurs de chez elle aux hôtes revenus en
foide, à la première nouvelle du retour
de M. de Porzinis, que celui-ci, étonné,
dit à sa femme, d'un air de galanterie :
« Quelqurs mois de séjour à Versailles
suflhaient, Madame, pour faire de vous
une femme accomplie,
— Si c'est votre bon plaisir, ]\Jon-
sieur , répondit Reine , je resterai de
préférence ici.
— Je n'exige rien, Madame, » répon-
dit le Marquis ; il ne se souciait nulle-
ment de conduire sa femme à la cour,
car sa fortune actuelle ne lui aurait pas
permis de tenir sa maison avec le faste
qu'il croyait nécessaire à son rang.
Ce ne fut pas sans de grandes précau-
tions que l'intendant lui fit connaître
qu'il y avait eu nécessité de mettre en
exploitation une partie de la foret de
Kernao. D'abord le Marquis s'emporta,
uienayant de chasser raudaei<'ux qui
avait osé porter la cognée sur ses
arbres et déloger le gibier. Mais lors-
qu'il eut jeté les yeux sur le pruditit cjui
n'\snltait de l'enln^prise, il donna l'ordre
(pie de semblables exploitations fussent
établies dans tous ses bois sans excep-
tion.
« Nous sonunes plus riches que
jamais, dit-il à la iMarquise. Loin de
chasser mon intendant, je veux le récom-
penser de son habileti* ; ({u'en dites-vous,
Madame?
— Je suis de votre avis , Monsieur, >»
répondit Reine, qui trouvait dans ces
paroles la récompense la plus douce de
son courage et de sa persévérance.
M. de Porzinis voulut aller avec tous
ses hôtes visiter les sabotitTS. Il ])arut
étonn(' en ne voyant autour de lui que
des figmcs qui expriniaient le bonheur.
La Marquise avait permis que ces pau-
vres gens eussent des poules, des chè-
vres, quelques bestiaux; elle en avait
fait donner à ceux qui n'en pouvaient
pas acheter. On apportait cliaque jour
au château, de la forêt, comme des vil-
lages environnants, des œufs, du laitage,
du beurre ; on recevait en échange, et
suivant le besoin, du grain, de la toile,
de bons vêtements, et l'on avait la joie
de voir madame la IMarquise qui prési-
dait toujours à ces distributions ; elle
connaissait chacun par son nom et elle
n'oubliait jamais de s'informer des vieil-
lards, des enfants et des malades. Cette
espèce de conunerce d'échange était
avantageuse des deux côtés ; les ateliers
du château avaient pris aussi de l'exten-
sion ; depuis la toile de chanvre jusqu'à
la baptisle, depuis le gros drap brun jus-
qu'à celui pour la livrée ; depuis les ga-
lons de laine jusqu'aux passementeries
nécessaires pour l'entretien des meubles ;
depuis la toile de coton jusqu'aux mous-
selines ])our ameublement ; depuis les
dentelles qui ornaient les tables-toilettes
et les lits jusqu'aux fines dentelles dont se
41
parait la Marquise, tout se fabriquait au
rliâteau. La main-d'œuvre étant coiuptte
presque pour rien , et une charité bien
entendue étant la rè^le établie, les pay-
sans, les sabotiers {^afjnaient à recevoir
en nature le prix de leurs denrées, tandis
que le cliàteau puisait, dans récoulenient
de ses pioduits, des ressources incessan-
tes. C'était ainsi que la niarquise était
.inivé-e à faire face aux dépenses de sa
maison, et à pouvoir prélever, de tenq)S
••n tiinps, sur la totaljlJ- des reveims non
en^afjés, de quoi fournir aux prodigalités
de son mari. Elle espérait parvenir, avec
lie la constance dans son œuvre, à étein-
dre enfin toutes les dettes contractées,
et à laisser à -i»ii fils uik* ]»« II«" for-
tune.
iM. de Poi^inis, touché du résultat,
ne soiij;ea point à ri monter à la source,
liais il vit avec une vive sa ti-^ faction qu'il
)>ouvait contimier de consacrer sa vir
• lU plaisir.
La mort de Louis XV, l'avènement
«le Louis XVI viment lui fournir un pré-
l.'xle honorable de retournera la eom ;
il le saisit avec rmpr«.ssrnu-nt, disant qui*
son titre de père lui ordonnait «l'onvrii
la eaiiière à son fds.
Keine sentit (pie son sort était déridé à
toujours, et elle demanda à la ]Mère de
toutes les douleurs de la rendri' heureuse
dti moins par S4'S enfants; car un«- s<vonde
lois tllo allait être n»èr»'.
Le Marquis ne répondit pas à la lettre
jar laquelle le eliap<"lain lui annonçait
qu'il lui était né une fille, et 11 mar-
' i: •' c()nq)iit que celte enfant était
. \ ' "ri' au elolirr.
iJi' voulut nourrir sa fille connue elle
vali ni^urri son fils ; celte pauvre en-
liiil npoiiWr par son jièn» lui était bien
chère, et. souvent, uqncs du b<T-
cr.ui i)\\ Marie emicmiic lui piés4'ntail
rini.ij;^ li'ui» anjje, K<ine se dem uulait
>i la paix du couvent ne valait pas mieui
«juc toutes les amertumes qui avaient
rempli sofi existence depuis l'âge où, par
1 » volonté de son père, elle était devenue
marquise de Porzinis.... Mais ses incer-
titudes cessaient, lorsqu'cntourée de ses
enfants. Reine recomiaissait que le bon-
heur d'être mère est si ^r.md, qu'il peut
consoler de tout !...
Le .^Lirquis avait ordonné délever
son fds ct)nnnc il convenait à un {jentil-
honnne. Arthur devait appnndre à mon-
ter à cheval, à faire des armes, à chas-
ser, à danser ; plus tard il recevrait l'in-
stniciion n^x^essaire à son ranjj.
C était avec l'inquiétude d'être bientôt
séparée de lui, cpie R< ine s'alLichait a
développer dans son Arthur h's princÏTu ,
i\c la religion et ceux de riiomieur. 1. i
lui apprenait aussi à voir d«^ honunes,
et non des êtres d'une nature inférieure
à la sienne, dans ceiLX qui un jour lui
s«Maienl soumis; et, par son exemple, rllc
lui faisait conque. idre le prix du i.- \ir
bien remplie.
La gaiié de ses deux iN'aux enfants
réveillait la sienne; elle partageait leur
jeux, elle les utiissait à clh* par luus les
liens de ralïevlioii la plus tendiv ; « 11»
leur ensei';nait l'art «le s«' fain* aimer de
leur entouraj;»', et les jours, les mois, les
aimées pass^nent maintenant pour elle
91 doucement, que sans t-ess** elle niuer*
ciait l)(cu de lavoir f lite si heun*iise.
Soudain, le bniit de la mort du ALir-
qiiis «en pamlil. Les nus |virlaient d'une
maladie nui lui avait à peine donné le
temps «le se rec»»nnr»iire, les «utn^ d'un
coup d'éjvV reçu dans tme nMicunlrr.^ |.i
suite «l'une querelle au jeu.
\^ cause de elle mort si pnnnpte ne
fut jamais bien (ttnnue. mais à |H*ine
i;;. e de vingt huit ans, la marquise de
Poriinis m» trouvait veuve.
Le o)iiseil de funille la noinu. > tuii lo
de M*s enlinls. lemoij;na{;e ti>ueh i:' -î.-
I.( huile isiime qu'elle avait in^,
42
ircoiupciise nu'iiU'OiVuiio vie de dévoiu'-
iiieiit.
S<.\s larinrs roulèrent lon(',teiii|)S, car
elle n'avait pa$ cessé dainier celui tlont
rinditV» rence et Tinconduite avaient lait
le tonnuent de ses plus belles années, et
ce fui dans rexercice de la ])iété, dans les
soins à donner à ses enfants et à Tadini-
nistiation lie leurs Liens, qu'elle pui^a
des consolations et du courage.
Libre de (liri(;er à son {;ré son iils, sa
fdle, si tendrement aimés, la marquise
jouit enfin de quelques années de vrai
bonheur. Arthur adorait et révérait sa
mère; 3Iarie ne vivait que pour l'ai-
mer; leur confiance, leurs joies, leurs
plaisirs, tout était des sources de jouis-
sances vives pour le eœur maternel
INIais, sur cette terre, rien n'est durable,
et de nouvelles épreuves Lieu crnelles de-
vaient rappeler à Reine, si parfois elle
avait pu l'oublier, que ce n'est point ici-
bas qne la vertu trouve une récompense
dijrne d'elle I
ÎMarie avait à peine quatorze ans;
bt lie tt jolie connue sa mère, elle était
recherchée en mariaj^e par un j^rand sei-
gneur doué de ces dehors qui attirent :
beauté, esprit, langajje séduisant, rien
ne manquait au comte de .... prince
de. . . . 1 ien, qu'une réputation pure.
Justement eiliayée, la .Marquise voulut
éloi^jner de sa fille cet homme que des
liens de parenté unissaient à sa famille...
IMais le prince était ruiné; il avait be-
soin de la dot de 3Iarie.... il sut com-
pronieitre celle qu'il prétendait aimer, et
il fallut accepter, en [M-missant, la répa-
raticMi qu'il ofliait
L'année suivante, la nouvelle épouse
se réfn^^iait au couvent des Dames L'r-
I sulines de Pontivy 1 1 ])l.iidait en sépa-
ration !
( hu l coup alheux ])onr elK' qui avait
fait le sacrifice conq)let d'elle-même à
l'honnc m (lu nom <|u'elle portait!
^'était-ce pas elle que sa fille aurait dû
consulttr avant que d'ajjir?.... Elle lui
aurait dit (jne la perte de toute sa for-
tune était mille fois préférable au scan-
dale d'un tel procès î jNLais la jeune
lemme révoltée de la contluite de son
mari, avait cédé à un premier mouve-
ment... Le repentir était venu aussitôt,
puis eiliayée de la juste sévérité de sa
mère, elle n'avait pas osé lui demander
un asile.
Pendant que la Marquise pleurait amè-
rement sur le malheur de »a fdle, mal-
heur irréparal)le, sans fin, sans remède,
la tourmente qui devait bouleverser la
France et bientôt l'Europe entière, com-
mençait à répandre paitouttle sourdes
agitations. ]\Liis, au manoir de Kernao,
à peine si retentissaient parfois les bruits
sinistres, précurseurs de l'orage, et l'on
n'y croyait pas. Dans cette contrée, éloi-
gnée des villes, re.xistence continuait
d'être d'une monotonie paisible. Le jeune
Marquis, cédant à la douce influence de
sa mère, vivait éloigné des hommes de
son âge. Il aimait l'étude ; la Marquise
entretenait avec soin en lui cette source
féconde des plus doux plaisirs...
Soudain de terribles nouvelles arrivent
coup sur coup... Le Roi, la Reine, la
Famille royale ont été enlevés de Ver-
sailles et amenés à Paris... Ils ont pris la
fuite... mais on vient de les arrêter ù
A arennes !
« Partez, mon fils, dit la Marquise ;
faites votre devoir ! i<
Et elle resta seule, seule avec ses an-
goisses, seule avec sa douleur !
La noblesse, les paysans, tous prenaient
les arnu^s ; la guerre civile secouait par-
tout ses torches en.sanglantées...
Bientôt les portes des couvents tom-
bèrent devant les troupes républicaines.
!Marie, déguisée, arriva, après avoir couru
bien des dangers, au château de Keruao.
Sa mère mourante lui tendit leg bras,
43
pronoDca ie uoiii d Arthur et s (.'vaiiouit.
Tant de iiialluuis, des douleurs si poi-
fjiiantes l'avaient emporté sur la rési{;na-
tioii, sur le couraye.
Le jeune .^larquis, eiiuaiin.-, apies ia
mort du roi et de la reine, par le Ilot de
rénii{;iatlon, avait quitté la France, et
personne ne pouvait dire quel était son
sort. Le eliàteau de Kernao et les domai-
nes olïraiint les traees dune dévastation
réeente... Pailout la désolation, la ruine
le silence de la mort !...
« La main de Dieu s'est appesantie
sur la France et sur nous ! dit la Marquise
qui sentait approcher sa dernière heure.
En ce qui me touche, je reconnais sa
justice ! Je m'étais enorgueillie dans mes
enfants!... je suis punie dans mes en-
fants... Je m'étais enorgueillie dans mes
0,'uvres... mes œuvres ont été détruites!..
«• Et qu'est-ce que notre vie? sinon une
» vapeur qui parait pour un peu de tenqis
» et <pii di>j)arait ensuite (l) I »
Après un moment de silence, elle attira
sa lille sur son eo'ur ilont les battements
étaient presqu'insensihles, pria avec fer-
veur, et murmura d'une voix éteinte :
i< Mon Dit u, notre sort à tous est dans
vos mains et non pas dans les nôtres I...
je l'ai trop oublie!... pardonnez-moi,
mon Dieu!... Daignez prendre pitié de
la France et de tout ce qui m'est cher ! •
Ses yeux se fermèi-eut... Elle avait
cesse' de souiliir!
A peine se souvieut-ou aujourd'hui
<lu dernier marquis de Porzinis; il mou-
rut ignoré sur la terre étiangèrc ; à peine
5e souvient-on de sa sœur, la princesse
de... ; pour échappera l'échafaud, elle
épousa, après la mort de son premier
mari, un ohscur chirurgien d'année
«pi'elle suivit loin de sa terre natale ;
niais il nVst pas un vieillard qui u'ait
conservé avec un respect religieux la mé-
moire de Madame la Miinjuue. Pendant
les longues veillées de l'hiver, jusque
dans les plus humbles chaumières, on
raconte les soulTranccs, la piété, les bien-
faits de celle qui sut comprendre, dès
rà|;e le plus tendre, que, de la femme,
dt'|)endent l'honiu ur et la fortune des fa-
milles; et chacun )x*nit son nom; et cha-
cun glorifie les hautes vertus qui ont en-
t<nué ce nom d'une auréole si brillante
« l si pure !
S l I LlAC-THEMAntlRE.
lîN'STKl (;ilON.
^ W JLl N> — JJ
I.FS DEI V iLMARACnA.
rAki.K.
l n almanaeh de l'an passt'*.
Etant sur un bureau cote à tvle pl.nc^
Pivs d'un almanach de l'annér.
Lui (lis lit : « (Hier voisin, quel crime ai -je tlonc fait.
(I) Saint Jacqiicf.
1
44
(hi\)n ail si l)iiisi|iUMU(nil clianj^r ma (.li'stinée?
INIoii maître à cliaqiie instant m'ouvrait, mr consultait,
Kt maiiit«'nani ma basane lanée
A la poussière, aux vers, (ItMueure abandonnée,
Tandis ([ue le caprieii u\
Seujble avoir j>our toi seul et des mains et des yeuxl...
L'autre ahnanacli, louL irais tloré sur trancbe,
l.ni répondit : « ÎMon pauvre ami,
Tu n'es plus de ce temps, et le tien est fini.
Quand nous, nous sonunes au dim;nieli(^,
Tu n'es encor qu'au samedi.
Ne t'en prends qu'à ton millésime;
Si, grâce au mien, je suis ce que tu lus,
J'aurai mon tour, et mon seul crime
Sera d'avoir compté douze lunes de plus. »
Ainsi tout passe et change en ce monde fragile.
N'être plus de son temps, c'est connue n'être pas ;
Les hommes sont charmants tant qu'on leur est utile ;
Qui ne l'est plus, ne voit que des ingrats.
Résignez- vous à ces tristes pensées,
Gens d'autrefois, puissaîices renversées,
Yieux serviteurs, anciens soldats,
An^ants trahis, beautés passées :
^ ous êtes de vieux almanachs.
VlENiNET,
De l'Académie i'nin(.'ai!ii\
HISTOIRE.
l'iia ioftf të» li£«îorê(ssBO!^«
MGNLMKr^iT ÉRIGE A L lG^OMlINIE.
En 1843, existait encore à Copenha-
gue im monument ])lus extraordinaire
peut-être par la pensée qui Tavail inspiré
que par son aspect étrange; nous ne sa-
ciiions pas (pie l'histoire en présente un
second exen)j)le.
Vers le milieu du dix-septième siècle,
In cour suprême déclara le comte Cortiz
d Chleléld, grand maréchal du royau-
me, coupable du crime de haute trahi-
son ; l'arrêt portait que le criminel serait
conduit lentement par les rues principa-
les de la ville ; que, pentlant le trajet, il
serait tenaillé toutes les cinq minutes;
q« l'arrivé au lieu du supplice il serait écar-
telé, que son corps serait briilé ensuite,
et ([lie ses cendres seraient jetées au vent.
INIais là ne se bornait pas la sentence : les
45
biens du coupable devaient être confis-
qués au profit de l'Etat, et, sur l'euipla-
cenient ocx;upé par son palais qui serait
rasé , un monument serait éri^é pour
rappeler A ToLJoi BS le crime de Corliz
dLlilefeld.
La sentence terrible ne put recevoir
son exécution pleine et entière, le crimi-
nel avait fui ; mais, à la place du palais
rasé , trois énormes pierres bmtes se
ilressènnt plac< es Tune sur 1 autre , et
«elle inscription lut {jravée en creux et
d'une manière bien lisible sur celle qui
formait le couronnement de cet étiauge
monument :
A l'ig.no.mlme
ET
A L\ HONTl PEHPETIELLE
DE
CoUTIZ 1) l HLFFELD,
TRAITUE A LA PATKIE I
Les annérs passèrent, la ville de Co-
|H*nlia(jue s'embellit , des habitations
élép,antes s'élevèrent autour de la grande
place dont ce iiionument occupait le cen-
tre. Bientôt on se plaijjnit île lelK t triste
et if'|>oussant que présent lit rasstMnbla[;e
Ijrosbier de ces pierres noircies par le
temps, et qui, se dress<int là, sombres,
menaçantes, réveillaient à tout insLint
l«' souvenir du plus lionteux de tous les
crimes. On sollicita avec ardeur, avec
persévéï-ance la dt^truction du monu>
ment; mais la sentence portait : a tol-
JOi'BS ! comme s'il di-peudait de riiomnie
de pi-rpéluer it ii»uj,uri par un amas de
pierres plus ou moins iv^lier , ou La
gloire ou l'infamie I cx>mme si à l'Eu^niel
seul n'appartiennent pas ces mots :
A toujours !
Dernièrement, celte dcstniction a « i«
enfin accordée.
Des doutes s'étaient ëlev»^ dès long-
temps sur la réaiité du crime dont G>i U/
d'Llilefeld avait été accusi*; quelque>
historiens aflirment qu'il fut calomnié-,
mais non pas coupable.
Viwc supplique ayant étt* présent»*e au
roi jMJur démander grâce en faveur d'un
accusé qui n'avait même pas été entendu,
et contie lequel oo u'avait jamais pu
trouver de preuves écrites, la ménioii - 1
Cortii d LiileiVld a été réhabiUtee ap:^>
doux sic*cles, et l'ordre a été donné d-
détiuire leinoaiimenlénjjéà l'I^nonii .j .
Ainsi ce nom, voué |iendant deux >.«--
clés à l'exécrallon publi<]ue, était | •
être celui d'un honmie innocent! On .
leçon jxjur ceux qui sont ap|H.*les .i j i>)-
noncer sur la vie et sur l'honneur de leui^s
seinblibles !
(i:rviu:s dl iiii:M'AL<\>cK.
UJi LUTERIU.
La ni lin sur ta (H)nsoience, mes ainui-
bles lectrice!» , (pi'avez-vous pensé , je
vous |)ri»*, en voyant tous l<*a trafics (par-
\Um\ de l'expression, mais elle t*st juste),
auxquels ont donné lieu deux grandes
U)t< ries, dont l'idi'»' première était noblt*
et ht lie, car il s'aj'Jssait de lendn' une
main nmic aux arts, aux div«*r!irs iu-
duNtries qui s'y rattachent , Cl de leur
oA'rir, non |>as raumùur, uui$ le saLiitr
aetpiis par le travail .'' Qu'a vci-vous |>*!;^é-
I enet>i"e, je voua prie, en voyant la fouie.
altinv |vir l'appât ' i » tôt, ix»urir a.:\
journaux nr% ou «; Delà pUipai t
des journaux *i /. d ne n^^f'-n à
l'.ibonnc, pour iouvcnir y
i6
qiiittaïKT irabonncmoiit; mais les jour-
neaiix ncs ! do tlcux choses \\\uv ; raiiiu'o
drniiî'iv on lt\s a payés trop clirr, car
ralioiincmciit no domiait pas droit à des
billets di^ loterie ni à des primes , ou
bien les billets de loterie et les piimes
qu'ils piodi^jueut aujourd'hui sont sans
valeur.
Je méditais proi'ondt'meiit sur ce di-
lenune Tautre jour, en traversant les bou-
levarls, et en roulant, sans y son<>er, entre
mes doij^jts un prospectus que venait de
me remettre un de mes amis ; je me de-
mandais comment il se faisaitqii'en Fran-
ce, où Y esprit court les rues, expression
consacrée , il soit si facile de trouver des
milliers de dupes; qu'en France où tant de
personnes se vantent de ne croire à rien,
on rencontre à clmcpie pas une foule de
gens dont la crédulité est en vérité celle
de Tàgr dor?... Entendous-nous ! je
vous parle du tejups où For monnayé
était inconnu ; ue confondons pas , s'il
vous plaît, la métaphore avec la réalité..
— Allons , encore une loterie I m'é -
criai-je en m'arrètant brusquement.
J'avais uiachinalement déroulé mon
prospectus, et je lisais : OEuvue de
Saipit-Ilin, colonies ogriroles de la Bre-
tagne. — Loterie autorisée par le gouver-
nement.
Puis , me rappelant que c'était Emile
Souvestre qui m'avait rcuùs ce papier,
qu'il m'avait dit être l'un des conunis-
saires, ce qui m'assurait que je n'avais à
craindre ici ni spéculation^ m jongleries ^
mais que je pouvais compter au con-
traire sur de la droiture, et sur des vues
véritablement bienfaisaîUes , je lus, et
j'apjiris que, dans le département des
Cot( s-du-Nord , au bour^ obscur de
Saint-Ilan, un jeune honnne, M. Alexan-
die Duclézieux , retiré dans sa pro-
priété sur les bords de l'Océan , avait
mis pendant lonjjtenqxs toute sa joie,
tout son boidieur, à domier du travail
et du pain à une foule de malheureux :
mais le nondjr.? de ceux qu'il secourait,
au{;mentait de jour en jour; M. Duclé-
zieux comprit que pour occuper tant de
bras inoccupés, que pour éclairer tant
d'intellijjenees plonjjées dans l'ignorance
d(^ la reli<>,if7n et des devoirs, il f^illait
consacrei- à cette œuvre de bienlaisanee
sa vie et sa fortune..
C'^pendant, il lui était impossible de
se charger indistinctement de toutes ces
misères; il se dévoua donc à lanudtitude
des enfants déshérités des soins de la
fanùlle et des bienfaits de l'éducation.
Secondé par un soldat de la vieille garde
(permettez -moi, mes aimables lectrices,
d'ouvrir \mv parenthèse, et de vous dire,
à "propos de ce vieux soldat, qu'un
jour je vous raconterai des merveilles de
charité faites par un vieux bombardier
qui date de la même époque; je vous
promets un récit plein d'intérêt , vous
verrez) ; secondé donc par un soldat de
la vieille garde , IM. Duclézieux essaya
sur de malheureux enfants, pris dans les
prisons , la régénération qu'il projetait;
ayant réussi à les ramener au bien , à
faire naître en eux l'amour du travail, il
étendit son œuvre, et il résolut de diri-
ger vers l'agriculture, qui manque de
bras en Bretagne, où se trouvent encoïc
tant de terres incultes, cette population
si abandonnée d'enfants pauvres, flot
menaçant qui s'élève contre une société
troj) oublieuse des misères sans nondjre
tl'où soitent les crimes ! M. Duclézieux
groupa ses enfants adoptifs par famille
de vingt sujets chacune, sous la direc-
tioii de quatre contre-maîtres.
Dès l'armée 18 40, une maison-école
fut fondée à cette fin. Deux années après,
la maison-école pouvait fournir les con-
tre-maîtres auprès de ces enfants adop-
tifs, et deux essaims, sortis de la ruche de
Saint-llan, allaient s'établir l'un à ÎMes-
lin, l'autre à Bellejoie. Tout le pays fut
47
ému de voir ces familles s'entr'aider
pour ensemencer, faire la n'colte, battre
les grains. Le sentiment de Xhimneur^ lié
anx principes relij^ieux , a été tellement
réveillé chez ces malheureux abandon-
nés, que. jusqu'ici, les ])lus petits moyens
ont suffi pour stimuler leur zèle. La
seule chose qu'ils redoutent, c'est d'être
privés de Moniteur de travailler avec
leurs camarades.
L'Œuvre de Saint-llan n'est donc pas
à l'état de projet , elle a pour elle la
const'cration de rexp<'rience; il ne .s'agit
plus aujourd'hui que de lui donner tout
le développement possible , en consti-
tuant la maison-mère , en créant une
colonie centrale par département , et
enfin, en propageant la cn'ation de co-
lonies partielles.
Déjà, la maison-mère a sous la main
une colonie agricole , une maison de
moniteui*s, une école de contre -maîties,
une maison d'aumôniers, et deux colonies
partielles avec ateliers propret à l'agri-
culture et aux dilfirents besoins de l'OEu-
vre : u»ai:> d'autres efforts que des efforts
individuels sont nécessaires pour com-
pléter ce qni reste à faire. Le Conseil
général des Côtes- du-Nortl a vot»\ pour
trois ans , une subvention annuelle de
8,700 fr. , et le gouvernement vient,
après avoir accordé un secours consi<lé-
rable, d'autoriMM" uiir L<)l«iie dont le
prodnit |M'rmettra île iondtr à |MM|Hluit»'*
la maison -mèie d'où sortira , tous les
huit ans , un«* popul ilion vigoureuse de
deux milh' j«'unes gens, élevés <lans des
habitudes de moralité , d'onlre et île
Uavail.
Vous ne trouverez pas, mes ann.diles
hx'lriees , tlans lelt»' loterie île bienfai-
sance des lots de l'Jû nnlle ou de 70
mille francs seulement, des païun^ de
diamants depuis dix nnlle jusqu'à qua-
rante francs , avtx^ un journal né uu à
naître par-ita^ut le marche ; vou» v trou-
verrez en revanche les travaux à l'ai-
guille , les jolies aquarelles que vous y
aurez envoyés , probablement encore
quelqu'œavre de grand artiste , car les
arts s'inscrivent des premiers lorsqu'il
s'agit de bienfaisance, et si vous prenez
un billet de un franc, vous aurez gagné
à coup sûr, alors même que vous ne
gagneriez rien dans les lots offerts, puis-
que vous aurez contribué [>our un cent
cintjnantc miUicme^ à la fondation d'une
œuvre qui doit faire de l'orphelin mou-
rant de misère et de froid au cx)in de
quelque buisson, un citoyen utile au
pays, et puisque vous auriez arraché une
âme iuunortelle aux suggestions du vice.
\a^ siège de la commission, compc»st*€
des hommes les plus rixx)mmandables,
vsi chez 3/. Lvnormandy l4, rue .Yfwre-
des - Pctili - Champs : là , doivent étiTe
adressés les lots, et là, se prennent les
billets.
Tout en lisant , je m'étiis achemine
vers les quais , et tout en réfléchissant,
j'avais traversé les ponts , marchant de
plus en plus rapidement ver* l'ermitage
de notre chère directria', à qui je vou-
lais faire part de ma ruot vaille , une
vcrititblr Lotentt de btrnf,rsani r . îian<
appdt d'ancune esj>cce , sinon la certi-
tude de faire beaucoup de bien, et un
bien durable.
On m'élouta attentivement, puis une
lettre ouverte me fut pn'*sent«v, |>ermeC-
tez-n»oi, utes aimables Uxtriees. de vous
en offrir la copie :
« Je tiens , ma bonne Pauline, à le
donner moi-même la description d'une
nouvelle espèce de I»teiie que nous
venons d'inaugurer à Wininm»^ : nous
sonmies en droit, tu vas le voir, de de-
mander un ùre*'rt d'iri*^ntinn.
• Nous étions bien endnirrasscvs pour
hattre nionnute, au conuneiuTment d'un
hiver inip précixx» et déjà fort rude,
lt»rîiqu'une de nous éuut l'avis de conijw-
1-^
48
ser iinr Lotorie, non do res jollrs siipcr-
fluiti's (jiii siiraboiulont dans los villos,
telles que l)oiirs(\s, coiboillrs, pantoufles,
etc., mais de coupons de toile, de drap,
de calicot ; d'accepter un aunajje d'in-
dienne , un hectolitre de pommes de
terre, une mesure de charbon de bois ou
tle terre , (pieUpies kilos de farine , du
beurre, îles bons de viande, de vin, de
chandelle, de savon, de grosses assiettes,
des sabots, des chaussons, des bas de
laine, des brassières, des lanjjes, des
bonnets de futaine, enfin tous les objets
d'utiUté domestique, dont riienreux j;a-
j'uant pourrait ensuite (gratifier l'une de
ces familles malheureuses, chez lesquel-
les manque jusqu'au nécessaire le plus
nécessaire.
» Aussitôt dit, aussitôt fait, et les lots,
et les bons , ou engagement de donner
jusqu'à des meubles de bois, jusqu'à des
paniers de ponunes, de légumes, des
fagots, des litn s de haricots, etc., nous
sont arrivés ; fermiers, bouchers, meu-
niers, épiciers, paysans, tout le monde a
voulu olTrir un lot ; les gens Icffics ont
envoyé du papier, des plumes, de l'en-
cre, des livres élémentaires destinés aux
enfants qui fréquentent l'école. L'argent
que devaient produire les billets, était
destiné à payer les loyers, charge si lour-
de pour les pauvres gens.
» Nous avons placé tous nos billets
jusqu'au dernier.
» Je Jî? saurais te dire la joie des ga-
gnant», le jour du tirage! Chacun cou-
rait p ■»r':n* ou annoncer à ses protégés, les
bons vêtements , les provisions qui lui
étaient échus en partage , et jouir du
bonheur qu'il répandait; je doute que
!e gros lot de la Loterie nationale aitap-
}oit('' à celui (jui l'a {',i;în<' , un plaisir
^ aussi vif (pie i rlui là , car le bonheur
d'autini e>t la source la ])lns ]>nre et la
plus douce de noire projnc bonheur. Ga
gner le <;j()S lot, c'est seulement ilevenir
plus riche, et c est souvent voir augmen-
ter le nombre de ses désirs, de ses be-
soins; mais gagner ce qu'on n'a pas pu
donner en quantité suflisante , des j>ro-
visions pour ceux qui manquent de tout,
des vêtements et des moyens de chauf-
fage pour ceux qui meurent de fi oid ;
dis, Pauline, n"(\st-ce pas obtenii- de la
bonté de Dieu des joies divines? ■>
La lettre est signée du simple nom de
Mathilde.
Mes aimables lectrices, lexeinple de
cette charmante Mathilde et de S(\s eom-
])agnes , n'est-il pas bon et facile à imi-
ter? Dans le plus hund)le village peut
être ouverte une Loterie de ce genre, et
ce ne sont pas seulement les pauvres qui
y gagneront , ce seront tous les billets
pris ; jouissances pures ici-bas, éternité
de bonheur dans l'autre vie. Qui donne
aux pauvres y donne à D eu !
Mais donnent-ils aux pauvres , ceux
qu'on voit souscrire dans l'espoir de ga-
gner le gros lot dont leur esprit est uni-
quement préoccupé, quand ils prennent
part à une loterie de bienfaisance. /... Lote-
rie de bienfaisante ! quelle dérision, alors
que cette Loterie fait naître la cupidité ,
alois qu'elle n'éveille que les passions les
plushonteuses, les plus basses, lafièvrede
l'or, l'envie ! alors que cette Loterie
amène l'oubli complet de ceux en faveur
desquels la charité publique a été invo-
quée !
Il n'en est pas ainsi de la Loterie pour
l'œuvre de Saint Ilan, et si certains lots
en nature ne peuvent être admis dans
une OEuvre à laquelle on souscrira de
tous les points delà France, des layettes
complètes , de bons vêtements en gros
drap ou en tricot de laine, seront assuré-
ment reçus avec reconnaissance , ri
donneront aux gajjnants lis douces
jouissances goûtées tout ri'e. nnnent par
les heureuses jeunes filU-s île A\ a/emmes-
lès- Lille. Feunvnm nr LvsroitiŒ,
49
MKLANGHIS.
UN VOYAGE E.\ DILIGENCE.
Le si{j;nal est donné ; Ip postillon fait
cl.Kjiirr son fojiet, les clicvaiix s «'lancent,
la lour<le voilure se met en mouvement;
on J>'u t, on est parti, répt'lant les signes
de ladieu aux amis qui ont accompa{;né
les voyajjeuis jusque dans la euur des
Messajjeries.
Penilant qu ou h imim i'.iiis, eliacun
ii'j;arde aux ])oitières; mie lois liors i\c>
barrièiTS, on s<' regarde les uns les autres
avec plus on moins de l)i( nvrillanee.
Les places de Tint» rieur <'tai<Mil o<'eii-
pées par trois jeunes filles : im<" dame
d'un certain â{;e, et un liomme au main-
tien imposant. A tout sr/f^z/rur honneur !
I/honnne, étant le roi de la nature, doit
rij;urer le jireniirr dans cette };alerie de
portraits.
M. Firinin n a point un physique
précisément ajjKable : air afl tiré-, ton
doi toral, r«{',ard in(piisil«'tu, lèvres pin-
cé(*s, maintien roide, jx rrutpie nt n\t\ et
un peu trop rirlie en «lirveux d un hlond
hasardé : c'est ass<z vous dire (pie ce
voyaj;enr sent l'importanci' de ce (|u'il
lait. iM. i'irniin, s<- (i;;urant qu il dirige
tout , compte p(>nr jteu de chosi' c^n-
iluetcuret postillon, |iitm i icn s'ins doute
essieux « t « lievuix ; il n.t t hi «pu ni-
mcnt la tite h la p«itierc» doime des
oidres, reli\i' les dé-lits, corri ;• '■ - dius;
en uti mot, il pn'biile.
/il util , sa nièce, jeune hlondr élé-
j{ante, parait vivement ccjnlnuiée ; elle
ne parle pas cl se donne un petit air in-
di(',nc (pii lui sied assi / hicn.
<^)u a-t ( 11« .' liiiis! un|;i nul clia;;rin !
M. l'uniin a lait relenir .ses pluYs par
un domestiqtie maladroit ; il y a eu un
malentendu, et, au lieu du coup*'* il a
fallu , hon {;n'" mal j;ré', monter dans
Tint» rieur î Elle, Ztn u<le I une i-léjjant»-
lie la ('hanssée-d'Anlin tlans rinltiieur!
exposée à faire tles rencontres fort j>ru
a|;réables, quelle infortune! Elle ne |HUt
même pas avoir une eu(X)ij;nui*e ; d au-
tres vovaj^euses sont monte'es en voilure
avant elle : son oni-le, qui est soutirant, a
droit à la place la plus counnode , et sa
sdur Adèle, qui M' porte bien, aeu {;raud
soin de s'in:>taller le mieux |>ossible ;
/«'•n.iKle, entrée la dernière , n a trouvé
de vacant que le numéro G où elle a |H)ur
p<'rspective \i\\ b.illotl«j;e per|K luel. |M»iiii
d<* souuneil , nu mal «le eo'ur insup|H»r-
table — Klle s «'St lamenté*e tl'uiic voix si
plaintive (pie la conq>alissante (charlotte,
h'j;ilime propri«lairi* de renc<éi{',nure nu-
m«'ro 1>, la lui a otlerle. Elle n aivepl»-
en i^ran fr J/tmr, à ce (|u*clle croit, v'vsi-
à- «lire « .1 r«Mn« rcianl à peiu«*.
llharlott(\ en possession du numéro r.
oeeeupe (*ctt«' plaiv (jue vous sav* z, où
devant votre visa|;e |M*ud un Iouj; ujor-
ceau d«* cuir que vous s.ùsissi /. qu.md
vient te soir . « t «pn vous lient lieu
<l(* percluùr « t de balaiicrtirc l(Mile la
nuit.
En luMOIiii' «pu > ni \ i\ I «•, ^i . i II imti
avait bien ollert s.i placeù (Jli ulolle, uiai>
(H)unue il sVl.ùl plaint eu uiéuie tcuip^
d im eeii.nn ihumalisuic à ré|KiuIe p,aii-
rhe, dont il donn.ùt le bulletin foutes le>
dix minutes, («lurlolle n'avait point
I aeeiplé*.
.\«lele, lYtte jeune lille qui sir f-
plaisir des plii au front et un rrp,uil f.i-
louche, nVsl point, couinie vous le |K>ur-
50
riez croire, une tra{^;t''cliei)iie répétant
intérifurcuuMit son rôU" ; non , c'est tout
siniplenuMU la ycrur de /énaide, Adèle
la brillante, la CDcjuette, qu'un nialluuu" i
vient (le frapper î Elle a consacre plu-
sieurs semaines à Tachât de mille baj^-t-
telles rtiiissanifs; manchettes, mouchoirs
de ])Oclie, Heurs artifieiilles, rien n'a été
ne{;li{;é une insuj>portable femme de
chand)re a lait les malles de sa j(une
maîtresse, et toutes ces merveilles sont
restées à Paris dans la connnode de ma-
dcinoiselle, dont mademoiselle a em])orté
la clef! Il y aurait de quoi pleurer, mais
Adèle est forte dans l'adversité ; elle se
contentera, à chaque secousse de la dili-
gence , de faire une rude admonition à
radministration des messageries , elle
trouvera le trajet d'une longueur déme-
surée , les repas abominables, les nuits
fatigantes, les jours ennuyeux, le voyage
assomiuant !
Elle commence à se plaindre à M. Fir-
min, cpii lui ré])ond qu'aujourd'hui le
service public se fait indignement; que
les euq^loyés ont perdu tout sentitnent
des convenances; et que, s'il n'avait pas
soin de parler ferme , ce serait encore
bien autre chose 1
Sur ce, au premier relai, il appelle le
conducteur pour lui faire observer , en
termes énergiques, que la route est cou-
verte de poussière ; que lui, M. Firmin,
devrait être dans le coupé sans im in-
concevable malentendu, et (jue lui, con-
ducteur, est un homme insupportable
par suite des mésaventures précitées. Le
conduclenr répond d'un air jovial qu'il
est (/é.solé, puis il reprend sa l)ipe, assu-
jettit sa casquette, regagne sa place et
s'écrie : •• En route ! »
Permettez-moi de vous présenter M»"»
Robert, la meilleme femme que je con-
naisse parmi les plus honnêtes boiu'geoi-
ses du Marais; la plus palicnite, la j)lus
compatissante, la plus polie, la plus sei'^
viable, mais aussi, coumie pour avoir les
monopole tle tous les adjectifs , la plu
ennuyeuse.
Cette bonne M'"'' Robert, qui depuis
seize ans et quelques mois n'a pas quitté
son troisième étage de la rue Saint-Louis,
va passer un mois à Rochefort où l'ap-
pelle une all'aire sérieuse : elle sert de
mentor à Charlotte , trop jeune pour
voyager seule : habitant le même quar-
tier , ces dames se rencontraient sans
cesse à l'église ou dans la rue ; la famille
de Charlotte a demandé à la conqilai-
sante voisine de prendre la jeune fille
sous sa protection, et elle y a consenti
avec empressement : mais quelle protec-
tion ! Depuis le commencement du
voyage 31"'^ Robert m(;urt de peur; tout
est pour elle un juste sujet d'efïroi : le
hennissement d'un cheval, les jurement*
d'un postillon, tout l'épouvante; elle ne
supporte absolument que la position
horizontale ; dans les descentes, elle ne
doute point que la voiture, en passant
par-dessus la tête des chevaux, n'arrive
avant eux au bas de la montagne. S'agit-
il de gravir une côte? elle voit le moment
où l'équipage entier doit rouler à recu-
lons, et se briser en mille pièces ainsi
que son contenu , y compris les bras et
les jambes de I\I"^^ Robert. Traverse-t-
on un bois? elle annonce que cette nuit
sera très-probablement la dernière pour
elle et poiu' ses voisins ; elle a oui parler
de bandes de voleurs cachés dans ces
repaires. Pendant qu'elle prépare sou
oraison funèbre , la diligence s'arrête
tout-à-coup, le conducteur connnenee à
jurer, les chevaux pialfent, des honnnes
entourent spontanément la voiture;
d'une main, l'un porte une lanterne sour-
de, de l'autre, il tient... on ne voit pas
bien... probablement un grand coutelas!
on parle, on s'anime, on crie... IM'û*^ Ro-
bert éperdue appelle ses voisins et voi-
sines, ils dorment I... la frayeur l'exalte
51
elle se dévoue, met l.i tête à la portière...
C'est un K'iai.
Cis passafjos continuels de Tellroi à
res|><''iance, du calme à la terrt ur, ont
jeté iM'"*^ Robert dans un état j)itoyal)le,
et sans les j)aroles eiicouraj^eantes de sa
compaj^ne, elle se trouverait mal à tout
instant. C'est (|u'elle est si bonne, cette
petite créatiu'e que vous apercevez à pc inc
tant elle est mi^nomie I Cliarlolle n'est ni
riche, ui bt^lle, ni savante : persoime ne
la remarque, elle passt^ inaperçue ; mais
(?eux qui la connaissent l'aiment et l'ap-
précie jit : sa famille, ses <^onq)a{;nes, ses
amies lui ont (ionné d'un conunun ac-
cord un nom (pii la caractérise : c'est
tout simplement une bonne en/tint.
Cbai lotte est sensible sans être exaltée,
dij|nesans fierté, modeste sans tiiHidité;
a\ant passé- «le l()nj;ues aimirs dans l'é-
dmation |)ubli(pie, rlle a vu tant de dii-
fiTcnls caractères , tant <le bizarreries
dans tous les jjemcs, qu'elle s'est prom-
plement décidée à prendre son parti au
sujet des petits riens contre h'squels
lienrleiit nos pas.
Cliarlolle considère la vie comme du
liant (I un baleon, d On 1 on vo't passer
l'interminable corté'{;e des douleurs, des
uiisèies et des dé-eeptions bumaiiies. Klle
rej;ai<le, non en stonpit*, mais avec cette
Ka|;e mestu'e tpii donne à eliaipie mal-
bru reux ce (pTil lui taul dt* eomp.lssiou.
Ouant aux petits ennuis, aux manies,
aux ridicules qui se traînent en ina&se à
la suit!" du <'orjéj;e, Cliarlottr se réserve
\v dn il i.Vc\\ rire, s.uis doute p< ur n'en
pas pleurer. Klle se plie aux circonstan-
crs, aux «'xic^encrs d»* chacun, s;ms per-
dre ta droiture de son jugement, mai.-;
aussi sans puiendre n'Iormer le monde,
tilche qui, tout d'abord, lui a paru être
au d«'ssus i\c ses forces.
Cependant il est dix lu-un s <lu s<iir :
uu p,rand silence rèjjue, la dili{;eucr s'ar-
rête, vi le eondueleur, avec son impassi-
bilité ordinaire, annonce qu'il faut pas-
ser ime rivière à bac, et cela par une
raison bien simple, labscuce d un pont.
Il oihe aux voyageurs de descendre si
bon leur semble, ou de r<^ter à Icui*
place, selon qu'ils pivfèreiU être novi^ à
pied ou en voilure s'il y a lii u. Quant à
lui, rien ne l'émeut, ni la pluie qui
tombe à toirents, ni la vase dans la-
quelle il compte faire marcher tous ses
administrés ]>our arriver au bac, ni la
mauvaise humeur de chacun.
•«Allons! allons! Messieurs, Mesda-
mes, dépêchons I
— Alais, conducteur, il pleut à versel
— 15. di! ce n'est jamais que de l'eau.
— Ah ! eonduettur, qu«-lle boue!
— Que voidez-vous que j'y fasse '
— (>onduelcur, il fait si noir I oji ne
voit seulement pas on l'on uifl ses picilsî
— Oh ! ea vaut bicti autant, eiov»/.-
moi !
— Mais, conducteur, c'est insuppor-
table! •
Ainsi s ti rtaicnl luui a luur le comjh-,
la rutonde it l'inquriale ; mais rien de
cHMuparable aux cx>nvulsious de l'uitt*-
rieur.
jM. Firmin, cpii, détestant les déplaiv-
mcnts, lU* voyajjeail jH>ur ainsi dire ja-
mais, ne concevait pas comment ou |kmi-
vait exjHiser «les «jens cnninic it faut à de
pareilles aventures. /«Miaïile déTlarail
qu'elle amiait mieux rt^ster dans la voi-
tme (jue de ct)udoycr des p,eus mal m**.
Ailèle criait contiv le t't'jnducteur, ixinlre
la dilij;ence, iH>ntie la rivière qui s«* Inui-
vait là, et contre le pont qui ne s'y Iixhi-
vait pas.
Qunit à .M'"*" KoU^rt, elle auuonva
solemiellt'ment que s;i ré*soluti<>u fenue
et invariabh' itait de ne p<>inl p.issi'r
de I .uUre iV>té ju.Mpi'J t^ que le (iou-
veruement H'tt fait construiir un {xnit.
Eu vain Cliarlotle lui fit ellr observer
cpie la tlili(;rn(V |vi!^iit |Kir là tous les
52
suiis à la Uicuw \\cuic depuis h'icn ilcs
aiiiuVs : lout lut inulil^^ iM'"^' Koboil,
si douce, si l)i)mie au Marais, avait pris
une allitude imposante et ne l)OU^;eail
pas. Tout eeei se passait à la (jraiide
satislaclion de plusieurs conimis-voya-
j-jeurs qui riaient aux éclats un peu plus
loin.
Soudain le conducteur, sans dire mol,
siiisit JM'"'" Robert par le bras , l'en-
traîne sans couuuisération aucune, et, la
soulevant, la place dans le bac , tout
près de la voiture et des quatre chevaux.
— Ehl Tiuni, y es-lu?erie l'un des
Ijaleliers.
— J'y sous I »
Aussitôt le bac s'ébranle : Charlotte,
assise près de lM""= Kol)ert à moitié morte
de peur, lui fnit respirer du vinaigre an-
glais ; 31"" Robert snlXoque, ses nerfs
se contractent, elle s'attache à sa bien-
veillante compagne qui, pour la rassu-
rer, dit aux bateliers :
— N'est-ce pas qu'il n'y a aucun dan-
ger/
— Et quel danger que vous y voulez,
ma petite dame? Ylà bientôt cinq ans
qu'y n'est rien arrivé. »
L'autre batelier, vieux barbu , à la
mine joviale, dit à son tour d'un air
tranquille :
« Oui , v'ià cinq ans I mais dam, c'te
nuit-là, jons bu un fameux coup I N'y
a que moi qu'est revenu, y z'ont tous
coulé à fond ! »
Sur ce, le vieux matelot fit entendre
un bruyant éclat de rire : ]>!"'" Robert
était froide et roide dans les bras de
Charlotte , véritablement désolée des
souffrances de sa protectrice.!
Par bonheur, les situations extrêmes
ne durent pas.
Terre ! terre I on aborde, on j cmonte
en diligence, et alors seulement M""' Ro-
bert se eroit snuv('e.
En ce moment lout le monde était
plus ou moins de mauvaise humeiu" :
M. Firmin écoutait gravement les plain-
tes de sa nièce.
Tout-à-coup s'adressant à (charlotte,
il lui dit : <• C'est ])Ourtant un voyage
d'agrément (|ue nous faisons mes nièces
et moi, mademoiselle I qui s'en doute-
rait?
— 11 est vrai, Monsieur, que les con-
trariétés lie nous manquent pas.
— Des contrariétés , mademoiselle ?
ce sont des épreuves à nulle autre pa-
reilles !
— La plus pénible pour moi. Mou-
sieur, c'est de voir souffrir la personne
avec laquelle je voyage. <>
En ce moment, on passait près d'une
petite auberge qu'éclairait un ])âle ré-
verbère ; M. Firmin remarqua que
Mm* Robert dormait.
« Il y a réaction, dit-il d'un ton sen-
tencieux, à l'effroi a succédé une com-
plète prostration de forces ; » et il sourit
finenient.
D'autre, part, M. Firmin sentait un
poids assez lourd sur son éjiaule droite,
c'était la tète de la pauvre Adèle qui
cherchait en songe les manchettes et au-
tres merveilles enfermées dans sa com-
mode à Paris : le bon monsieur sourit
encore et ayant adressé la parole à Zé-
naide sans en avoir reçu de réponse, il
en conclut qu'elle dormait aussi, et qu'il
n'y avait d'éveillé que le petit numéro
(3, connue disait le conducteur. Il se mit
donc en devoir de continuer la conver-
sation.
— A oud riez -vous avoir la bonté de
me dire, Mademoiselle, demanda-t-il ,
comment vous faites pour conserver un
air enjoué, un ton gracieux au milieu
des enimis de tous les genres qui nous
obsèdent depuis Paris?
— Monsieur, franchement, ces ennuis
m'amusent.
— Ah! c'est différent! Vous amusent!
53
iV'jH'ta-t-il, des ennuis ne peuvent pas
ajMUser, il nie semble .'
— Le mot, Monsieur, n'est peut-être
j)as juste; je veux dire seulement que la
\\c se compose de tant de petits événe-
ments malencontreux, cpic je tomberais
inévitablement en lanj^ueur si je voulais
preiidreau sérieux tous ces riens.
— \ ous appelez cila des riens .' et
cette averse de tout-à-l'lieure;*
— Monsieur, j'avais ouvert mon pa-
rapluie.
— Je n'ai jamais oui dire qu'un ])ara-
pluie, si {jrand qu'il pût être, empécbât
de se mouiller les pieds, surtout en pas-
sant |xir cette aflreuse boue dans laquelle
ee maudit eonduet«'ur a ]ii{'/' à proj)OS de
nous r.iire marelier pour entier dans son
bac, et puis eucore pour eu sortir.
— Monsieur, j'ai des souliers à l'an-
{jlaise.
— A l'anglaise... à l'anglaise... On se
mouille les pieds à Londres tout aussi
bien que chez nous !
— Monsit ur , j'ai des semelles île
liège.
Mais vraiment
.>i.uii nujiseiie ,
v«)us aviez tout prévu , liormis, ]h*ui-
ètre, ce bt>uillon salé et brûlant tpie cet
• nipoisoniieur d'auber{;i.ste nous lit ava-
ler eu toute bâte bier au soir/
— Monsieur, je ne l'ai trouve m trop
eliaiid, ni trop* sal*'.
— .Vb ! l)ab I ee n est pas po^-ibli* '
— J'y avais uiis de l'eau.
— A merveille I vous avrz toujours un
ex|M'dient tout prêt ; niais, dites-moi, il
ne |M'iit vous être imliiVérent de vovager
avec des j;ens île toute classe, avec de
lianes plébéiens, couiiiic dirait ma nièce
/énaide ?
— .Montiieur, je m'inquiète |h"U dis
ancêtres de mes compagnons de voyage;
pourvu ipi'ds soiinl |H)lis, je ^ui>« eon-
lenle.
— Excelli ut caracléiv ! que lerici-
vous. Mademoiselle, si quelque voisin,
confondant votre épaide avec un cous-
sin reiiiboum*, s'y appuyait jHJur dormir
paisiblement?
— J'attendrais qu-'il s'éveillât.
— Allons! vous êtes pbiiosopbe, je le
vois I
— .Monsieur, je ne sais de la philoso-
pbie que le nom , et encore je ne le
comprends pas bien ; mais j'ai déjà vu
bien des clioses....
— A votre âge , Madenioiselle , on
en ignore plus encore. -
Ceci fut dit avec un sourire et un te-
gard tous deux charmants , puis eurent
lieu trois Q\i jpiativ ixtits mouvements
en mesure , tendant à rebausser le faux-
col et à améliorer la situation de la per-
ruque; mais M. Fimiin se rappi^lantqiie,
à caiLsi' de l'obscurité , il en éuil pour
ses frais, se borna à accentuer davantage
ses phrases.
« Mademoiselle, voulez -vou- in.
permettre de vous demander cnniinieul
vous avez acquis en si jh u de temps
nii sang-froid, une raison admirables?
— Monsieur, je ne me ci ois jvis plus
sensi'v qu'une autie. S* ulement il me
semble qu'on doit garder si^s larme?, ses
inipiietudes et sa tristesse pour des cho
ses qui en valiuit la p«*iiM', |H>ur des clia-
grins réels Or, je no compte |H>int au
nombre des cbagrins ii-els un |h*u de
boue sur ma chaussure, qiielqui^ crains
de si^l de trop dans un bouillon....
— Et le |»a-ssage du bac ne vous a-l-
il |>oint effrayer.^
— Monsieur, je ne suis |>oml lirave,
je n'aime pas celte mamèrt* «le |Kisser
l'eau, surtout la nuit ; mais pnistpi'd
n'y en avait |>as d'aulivs, céuit cvlU*-
U qu'il fallait acivpter.
— Fort bien II).» t , >L»de-
moisi'lle.
irav» I >
des t spriu forts
* vous p. II. i> plu*; VOU"»
lit IV mt>:id(' à ! I f.uiMi
54
— Olil lion, 'Monsieur, je vous l'as-
smv, je suis bien loin du calme scepti-
que des esprits forts! Si j'ai <|ucl(nie
coura[;e moral, j(^ le puise uniquenuMit
dans la confiauce que j'ai en Dieu, qui
veille sur moi.
— Ah ! ah I IMademoisrlle est dévote?
— Oui, Monsieur, si vous entendez
par ce mot accepter de Dieu la vie telle
qu'il nous l'envoie, se résigner jour par
jour aux petites peines qui s\' reiicon-
trent, et demander force et frrmeté pour
lt\s véritables souiVrances.
— Dévote I dévote I et avec cela (;aie,
[gentille, simple, enjouée I Tenez, IMade-
moiselle, si le voyage durait vingt-quatre
heiues de plus, vous me raccommode-
riez avec le conducteur, le bouillon d'au-
berge, la pluie, le bac, et je crois même
avec la dévotion I Mais, voyons, conve-
nez que, d'après la supériorité dont vous
faites preuve, vous nous trouvez, tous
tant que nous sommes , parfaitement
maussades ?
— 3ionsicur comment donc?....
— Allons, allons, pas de façons : en
voyage il faut se mettre à l'aise.
— Monsieur, je vous trouve à plain-
dre.
— Bien I bien ! vous n'osez pas con-
venir que vous vous moquez de nous
d'un bout à l'autre, in petto,
— Je ne me moque point, INÎonsieur ;
je me borne à souhaiter du plus profond
de mon cœur que nul choc imprévu ne
fasse descendre M''*^ Zénaide du rang
élevé qu'elle occupe dans le monde, et
je désire qu'aucune douleur profonde
n'efl'ace les peines fugitives de IM"*^ Adèle.
— Et pour la dame avec laquelle
vous voyagez, quels sont vos souhaits ?
— Ahl la pauvre M"'*^ Robert! ré-
pondit Charlotte, ce n'est pas à elle que
j'en veux, c'est à la nourrice qui l'a pro-
bablement bercée avec des contes de vo-
leurs , et aussi à son médecin qui a
laissé développer en elle, outre mesure,
une si grande impressionnabilité ner-
veuse.
— Mais, de moi, que pensez vous,
IMademoiselle ? »
Charlotte commençait à s'embarras-
ser ; elle n'osait pas dire : « Vous êtes
bon honnne au fond, mais votre ton
est trop tranchant, trop haut, ainsi que
votre faux col ; et vos manières sont trop
roides, trop apprêtées, ainsi que votre
perruque. » Heureusement la diligence,
qui, depuis un instant, roulait sur le
pavé, s'arrêta: le terrible voyage était fini!
L'innnobilité de la voiture éveilla
soudain les trois dames que ses oscilla-
tions avaient bercées, et cliacune, repre-
nant son chapeau, ses gants et son ca-
ractère, descendit, l'une en s'indignant,
l'autre en grondant, et la troisième en
tremblant.
M. Firmin s'étonnait de ne point voir
descendre Charlotte ; mais l'aimable
voyageuse s'occupait à réunir une quan-
tité de petits paquets de pastilles de cho-
colat et de pâte de jujube que M"^^ Ro-
bert avait apportés de Paris pour se
réconforter tout le long du chemin.
Dans son trouble, la pauvre femme les
avait laissé tomber l'un après l'autre,
Charlotte en fit un bloc qu'elle entoura
d'un mouchoir blanc, et s'élança dans
les bras de deux de ses parents qui l'at-
tendaient à son arrivée.
Quand tous les voyageurs eurent mi^
pied à terre, on procéda, à la.lueur des
lanternes, aux opérations de rigueur en
pareil cas : paieiiient des places, récla-
mation d'une petite malle en cuir ou
d'im sac de nuit, recherche d'un para-
pluie oublié ; enfin eut lieu cette scène
d'arrivée qui termine agréablement
toute excursion lointaine, et qui pré-
sente à l'heureux observateur, dont le
bagage consiste en une canne, bon nom-
bre de tableaux amusants.
55
Au nioinent où (îiiailollr, doiiiiaiil le
bras à ruii de ses parents, allait quitter
le bureau de la voiture, M. Finniii sap-
proelia, la salua fort eoiirloisemeiit, et
dit avee crtlt* (ainiliaritt' (juauloiise un
Voya{^e en (lili;;<nee : « ^Mademoiselle,
penuellez-nioi tl<,* V(jus rcmer<ier des
bons avis que vous m'avez donnés .'
— ,M()i, ^lonsieur ! s*<'eria fMiarlotte,
ronj;i' d embarras au milieu de tout ec
monde «pii l'entourait et la re^jardait.
— Oui , AI.Mlemoiselie , eneore une
fois merei ! ear votn* afVabililé, vcjlre
eliarmanl caraetère <'t votre {;racieuse
eompa{{nie m'ont fait comprendre com-
bien il est sa^e tle savoir se mettre au-
dessus dfs puériles contrariéli's (pli se
rencontrent à clhupie ])as, non-seule-
ment sur la route de Paris à Koebefort,
mais encore snr le {;rand clicmin de li
vie I Mademoiselle, permcltt /.-nun, en
vous disant adieu, de sonbaiter (pie l'a-
venir ne soit pour vous (]n nu voy«i{;p
(fa^rciiicnty plus Ui^rcdhlf surtout (pie
celui (pie vous venez de faiie. •»
(>bai lotte s'inclina en baissant la tète;
son oncle sourit, et le brave conductenr,
tout en remuant et retournant les malles,
s\'eria : « I]li bien I y le Ini soubaite
aussi, à ce petit numéro 8 1 je n'ai ja-
mais eu de vovajjeuse plus eonnuode
ni pins j;enlille : c Cst \\\\ vrai bijou ,
(pioi! " On rit beaucoup de cette bruscpie
déclaralion , et clia«im rej;a(;ii;i (jaî-
ment sa dcmcnre. exce|)t('* M'"»* lUjbert,
eneore toute malade. Tliarlotte pria sou
oncle de vouloir bien permettre que la
bonne danii* passât le re>l(* de la nuit
clic/, lui. « Il re\e«*llente femme avait
peni «les lititels aiil ni( <pie des auberges,
on, cli.K nii le sut, il v a des trap|>rs au
moyen dcsipiellcs on lait des<*einlre les
lits dans un souterrain , unitpirmiMit
pour le plaisir d ass,issincr tous les voya-
jjrurs.
lin euli.uil ilauH t.i maison de sou ou- J
cle , Cbarlotte trouva la famille réunie
et l'attendant, quoiqu'il fnt tard-
■ Eb bien ! ma cbère nièce, lui dit en
rembrassant JM'"*^ Verdier, comment af-
tu supporté ce lonjj trajet ? avais-tu une
bonne place, de bon* cbevaiix?
— Hien de bon, mi tante : j'ai ru le
fatal numéro 0, de la pluie, de la boue,
du vent, de mauvais ebevaux, de mau-
vaise cuisine, et ]K)urtant, je vous l'as-
sure, j'ai fait un bon voya^^e !
— Kt une conquête I ajouta l'oncle,
(jni ne pouvait oublier la Inr anj^ue dr
M. l'irmin.
— Ln bon vova{;e I répi'ta M' Ro-
bert en frissonnant encore , un bon
voyajje î... En vérit('', je serais tentée de
me fixer à Kocbefort, UMi(piement pour
ne pas courir niit^ sect)nde fois d'aussi
épouvantables d.m{;ers ! •
E:i ce moment on apjwrla deux l)oU
de bonillon pas trop ebaud, pas trop
salé, et. par compassion pour les vova-
{;euses, on les (^)nduisit à l'instant awx
cbambres ])répaié'es |>our elles.
l ne demi-biMire après, le sommeil ré-
f;nait sur toute la maison , .M'"* llobeil
elle-même dormait profondément; uiais
le pi lit (»eor[j(^s, cousin dt* (]li ulotli* et
voisin de cbambie de l'inforluiuv |->èle-
rine, assura le len lemain mitin qu'il
avait, lui, fort md dormi, pariv «pi'il
avait entendu crier sans tvsse : - Con-
ductem ! conducteur I sauve/-iuoi! au
voleni ! je nu* noie î coutluctrui !. .. •
I^' lendemain s<^ passa fort {^aiment ;
Madime Robert se rendit au p.raïul jour
À s.1 (lestin.ili(»n, et reprit, avee la lu-
mière et la terre f«-rme, tonti^ S4^st>onu(^
(pialités de II me Sainl-Ix)uis, au Ma-
rais.
Comme (iliarloite ne devait p.KJirr
qu'un mois à R«H'lirf»ut. ses parents lui
procurèrent tous le^î plaisirs possibles ;
pi-omrnades , nWuu(^u4, »oin't*«, il n'y
maixpii rien; et, ainsi qu'il arrive près-
:;(^
Mut' t()uji)iu> clans une villi* de |)ru\iiuT,
ou irucoiida trnl lois \c ir};ard hautain
i\c Z(MiaicIt% Tair runuyr d'AdMc, ci la
])(>nii(|iic jaune de M. Finnin.
Cet r\rrlK'nt honunr saisissait a\('r
( luiMTSstMutMit toutes Ics occMsicuis dc
saluer (lliarlolte, soit au jaicliu ])ul)lic,
soit dans les salons où se réunissait le
soir l'élite de la société : il se inontiait
observateur (idèle et };alant clicvali(M-.
Hélas! tout ce licniiieur ne (hira pour lui
cjue (juiir/.e jours : ;ui bout de ce t(Mnps,
il reprit avec ses nièces la route de Paris.
Un beau matin, arrive cbez I\ï, \'er-
dier un jeune liouuue porteur d'une let-
tre ; l'ouele de Charlotte rompt le ca-
chet, et lit :
« iMoNblliUR,
» Permettez-moi de m'adresser direc-
^ tement à vous au sujet d'une a liai re
» qui ui'intéresse auplus hautde^ré.
» Sans qu'il soit besoin de préandjule
» et d'explications préliminaires, je pose
• la question en deux uiots : Je suis cé-
n libataire, et IMademoisclie votre idèee
u est charmante !
.. J'ai horreur des voyaj^es et n'en fais
» ])Our aiiisi ihre jamais; il en est un
n ])ourtant, commencé depuis lon^teujps,
- et (pi'il ui'eût été doux de finir près
>. d'uup jevme et auuable compaj^ne ;
» uiais àuion à^e, c'cbt folie !.. Je chasse
« donc une pensée téméraire, et je viens,
» Monsieui-, vous demander votre bien-
» veillance i)Our le messa/^erqui a l'hon-
» neur de vous porter cette lettre.
1» Ce jeune homme est mon neveu, je
.) l'aime coumie un iils, etj'ai l'intention
» tlelinii- mes jours entre lui el la jeune
^ lille (pli l'accc pt(ua pour époux. Ose-
» rai-je espéier que iAIademoisell(> (^har-
'< lotte consentira à réaliser mon rcve de
» bonheur en devenant uia nièce, et ea
.. se fixant à Paris dans mon liotei?
v "N'cuillez, iMonsieur, lui soiunettre
w ma demande et me transmettre sa dé-
» cision. Qu'on n'allè.j;ue point l'iné^ja •
» lité des fortunes; ]>îa(lenK)lselle votre'
. nièce a de IVsprit, des talents , un
n excellent caractère*, un ])hysi(iue aima-
X l)le et {«racieux ; mon neveu a devant
)» lui une carrière brillante, et d'ailleurs
y» son vieil oncle lui assure j>ar contrat
» de uiaria^e une ];art éj>ale à celle de
■♦ ses cousines Zénaule et Adèle qui ,
M elles aussi, sont au uioment de s'éta-
1) blir.
M II ue ui'appartient pas de faire l'élo-
" [;e de uion neveu ; j'oserai dire néan-
» moins que Ferdinand est un garçon
>» plein d'hoimeur et de luoj alité, ce qui,
•> hélasl se rencontre rarement; car vous
» savez aussi bien que moi, Monsieur,
« ce que sont les jeunes {^eus d'aujour-
» d'hui !... Hélas! dans quel temps
» vivons-nous? la société est viciée, les
>» convenances sont méconnues , les aii-
» ciens usages uiéprisés, tout est boule-
» versé, et nul ne peut prévoir l'issue de
). cet effroyable cataclysme !
» Je ue veux rien précipiter : je ]^rie
» votre aimable nièce de réfléchir libre-
» uient pendant un mois; elle se décidera
» ensuite, et j'ose espérer que sa réponse
» nous sera favorable.
» Veuillez, Moiisieur, etc., etc.
»' A. FlUMI-N. »»
Grande fut la surprise de M. Verdier,
}>rande aussi fut sa joie.
Il préseiUa à Charlotte I\[. Ferdinand,
non comme un prétendant, maiscojmne
le neveu d'un ami de Paris.
Quelques jouis a]>rès , M. A'^erdier
ayant dciuandé à Charlotte ce qu'elle
pensait de ce j(Mme homme, elle, répondit
avec sim]>licité qu il lui plaisait beau •
coup; alors M. \ (M'dier lui fit lire la h ttre
de IM. Firmin. (jharlotte commença par
sourin; en pensant à sa perruque, et finit
57
par verser dfs larmes eu souj^eaiit à son
bon cfiîLii-.
Puis vinrent les liésitalions. Comment
reconnaître tant tle jjénérosité? com-
ment n'pondreà la eonlianee aveujjle de
M. Fi rm i n .' Toute la famille en^^a^'ea
Charlotte à accepter le facile devoir de
rendre heureux le bon vieillard et son
lils adoptif , Ferdinand l'en supplia , et
la jeune fdle, après avoir mûrement ré-
fléchi, et surtout beaucoup piié, se ren-
dit aux vo.'ux de tous.
Le mariaye fut céh'bré joyeusement,
puis l»s jeunes jjens reprirent la dili>jence
de Paris, avec M""^ Robert qui avait
prolonjjé son séjour à Kochefoi t pour
assister à la noce ; mais Cli.irlolle eut
celte fois une mroignurc dans le coupe ;
et le conducteur, cpii reconnut dans la
nouvelle mariée son ftttit nnnu'-ro G. l.i
situa d^m air triomphant.
En arrivant à Paris, on tnniva M. l'ir-
min dans la cour des ]NIessa|^erirs; il avait
voulu venir au-devant tle ses enfants
chéris, quoique le temps fût sond)re et
les nuapjCs menaçanti : c'était de sa part
une jjrande niarqn<* d'affection.
]M"'«* Ferdinand fut présenté-eà Zéiiaidr
rt à sa srrur. Ces dames la reçurent avec
une incomparable ])olitesse : on la fit
asseoir dans un riche fauteuil, on l'in-
vita à flîner, c'était indispensable ; mais
Oij ne lui serra pas la main... Ferdinanda
avait fait là un si sot maria^^e!...
(Charlotte se consola de la froid eur de
s«'S cousines par le ralme de son intérieur;
elle sut créer du bonheur \to\\x son mari
et |)our son oncle; elle se plia aux petites
habitudes de M. Firmin , qui en avait,
dit- on, beaucoup, et réalisa le rêve du
vieillard. Il l'aimait comme sa fdle, et la
fjrondait connue telle quand par malheur
le diner n'i t lit pas de son fjoùt, ou lors-
qu'il plruvait th'ux jours de suiu*.
Souvent dans ses moments tlhumeur,
il parlait haut et sVmporlait cxjiitre Fer-
dinand, contre Charlotte, contre le siècle,
( t contre le (»ourernement; puis, voyi!it
le visn(;e de sa nièce toujours calme cl
serein, il se reprochait srs impatiences,
faisait encore une fois la piix aviv^ le |;en-
re humain, et disait en souriant à Char-
lotte : " Mon enfant, vous emlxMlisscz ma
vie, vous charmf 7. ma vieillesse : c'est
fini, je ne veux plus m'impalienter, je
ne f;arderancuiie à personne; je pardonne
aux Messaj;eries, à rauber{;isie , au con-
ducteur lui-même; car, sans ce terri-
ble vovap,e de Paris à Rochefort, vous ne
seriez, pas devenue l'honneur et la joie
de mes vieux jours, et je ne saurais |vis
combien la vraie piété est di;;ne d'ad-
miration î •
.Mme. tle Stoi^.
58
£2^U>2&i3«
TRAVAUX A L'AIGUILLE.
Toilette i1e mariée. — Toilette de bal. — Bijoux. — Bonnet d'enfant en tricot dentelle. — Coquelicot
en laine. — Col mousquetaire. — Jeu du typographe. — Économie domestique, Crème à la rose. —
Cicmc velouiée. — Biscuits aux marrons. — Meringues. — Macarons. — Filtre au charbon. —
Broderies diverses.
Par une charmante nnomalic ^ dont
aucune de nous ne se plaindra, je crois,
notre aimable peintre a réuni dans un
même cadre une jeune personne en toi-
lette de mariée, et une jeune personne
en toilette de bal, quoique, tu le sais,
ma clière Adèle, il n'y ait plus mainte-
nant, le jour du mariage, ni dîner, ni
soirée , ni bal. Après un déjeuner dina-
toire servi à la russe et plus ou moins
prolongé, la mariée se retire pour quitter
sa blanche parure ; elle revêt une robe
de Casimir noir avec surtout pareil , elle
pose sur ses cheveux un chapeau en feu-
tre orné de plumes , elle chausse ses
bottines à l'anglaise, et elle part avec son
nouvel époux qui a fait, comme elle, ses
apprêts pour le voyage. Mais puisque
nous sommes admises en tiers dans le
cabinet de toilette , examinons les deux
parures.
La robe de la mariée, en velours d'A-
frique blanc, est fermée du haut en bas
par des boutons en perles. Le corsage
montant, est juste, à petites basquines
en pointes , par-devant seulement. La
collerette est en tulle ou en blonde de
soie nichée ; les sous-manches, qui dé-
passent les manches ouvertes et bor-
dées de chaque côté de boutons en
perles, sont également en tulle de soie,
et se terminent par une ruche en tulle
de soie. Quant à la coiffure, elle se com-
pose, de même que le bouquet, de bou-
tons de fleurs d'oranger et de camélias
blancs. Le voile, en tulle de soie, aux
pointes arrondies, est entouré d'un large
ourlet; une guirlande de boutons de
fleurs d'oranger le retient sur le front où
le bord coquille légèrement, et les touffes
de camélias le fixent sur chaque tempe.
Une seconde guirlande , dite petit cha-
peau , l'attache par-derrière à la grosse
natte de cheveux. Gants blancs, souliers
de satin blanc, bas de soie à jour et bro-
dés, mouchoir garni de dentelle.
Je crois que la toilette de bal te plaira
comme à moi ; elle est élégante , simple
et charmante, de même que celle qui la
porte.
Il faut trois numéros de ruban de satin
rose pour faire les coques qui garnissent
cette robe de tulle blanc avec dessous de
taffetas d'Italie blanc. Ruban , n" II,
pour les coques du bas de la jupe et le
large nœud à longs bouts qui relève co-
quettement la robe du côté gauche; ru-
ban, n* 9, pour le second rang de coques ;
ruban, n* 7, pour le troisième rang, le
tour de la berthe et des manches ; quant
aux coques qui descendent à partir de
la ceinture et qui viennent rejoindre le
nœud du bas de la jupe, elles sont en
ruban n" II. C'est avec le ruban n" 9,
qu'on forme l'espèce de guirlande en
coques qui entoure la natte par-derrière;
59
le nœud qui la tei mine, et dont les longs
lx)uts floUoiit sur h'S épaules, se fait,
ainsi que le nœud placé par-devant sur
la Ijertlie, avec ce niêuie numéro 9. Tu
peux , à ton j;ré, orner ainsi une robe
de crêpe lisse ou de tarlatane. Celle pa-
rure IVaiclie et simple laisse voir dans
toute leur beauté les cheveux <pie relient
un sinq)le peigne en éeailk*. Les ban-
tleaux sont dmii-hoiiffanti.
(^)uanl à la table de toilelte elle est
{garnie entièrement dune dentelle large
au cro<-liet; les rideaux de même, mais
ceux-ci sont en tri<ot à jour.
Décidément les c«jHiers n prennrnt la
vojjue. La princesse ^Madiilde a été la
])remièrc à se montrer au bal de la Pré-
sidence avec ce genre de parin'c qui sied
si bien, et à remplacer le peigne d'écaillé
]inr un |>eigne à galerie orné de perles.
Kien ne complète mieux une toilette que
des bijoux rielies et de bon goût. \as
jeunes personnes n'eu peuvent j)orter
que de simpUs ; mais toutes, j'en suis
e«'rtaiiie, adopteront le collier et le pei{;ne
à galerie en or; on en fait de tout-à-fail
convenables poiu' elK's.
Les corsages justes avec bertlie ; les
ct)rsages à la Sévigné avec dra|H"ries à la
Ninon ; les corsages Ponq)ailour avec
éebelles de ruches ou de ncruds de ru-
ban ; les corsaj^'es à la Ra|>hael ; h's cor-
saj;es en gerlx*, plisst's à partir des épau-
les jusqu'au bas de la taille par-devant,
les corsages en co'ur, loul cela est de
uicxle ; on est librt* de choisir dans ers
différentes fornies eell«Mpii sied le mieux.
Kn fait de toili lie tit* ville, rien de
nouv(Mu pour lis jrunes {xMsonnes. Nous
ne changeons pas tir mode ti>us les mois.
Dieu nierei, rt nous sonunes ass«'z tages
pour nous contenter d une ou de deux
robes parées pour les soints, d'un |vir-
dessus ou paletot pour li ville, et tl'nii
ou deux eha|HMUX.
Voyous maintenant nos tiavaux.
Si lu veux l'armer d'attention et de
patience, cherche, à la fin de 'ma let-
tre , l'explication qui te mettra en état
dexéruler le boiniet d'enfant en tjieot
dentelle, n" 1 . Rien de plus joli ne sera
jamais sorti de tes mains habiles. ]Mais
attention et patience, je le le n'pète !
Pour te délasser, lu peux quitter de
temps en temps ce fin tricot et faire
quehpies coqueheots en laine. Le u* 2
est le patron du moule qui t'est nt^?es-
saire et que tu (X)uperas en carton- carte
bien lisse.
Il le fuit de la laine anglaise éxMrlate,
du til de fer noir très-fin, du colon en
carde, de la laine verte, du papier vert
et du fil noir moyen.
C'est sur la partie arrondie du moule
que tu dois croiser, pour retenir chaque
boucle en laine, les deux Im)ii|s de fil de
fer; cette partie arrondie foruic le haut
du pétale. Tu l:iiss4Mas à chaque extré-
mité du moule lô millimètres sans les
recouvrir.
Lorsque' toute la partie arrondie est re-
couverte tle laine, f lis descendre enst^m-
blc, vers le bas du moule, de chaque côté,
tes deux fils tle fer, et entoure-les soij;neu-
sement de laine rouge. Prends du fil de
laiton plus fort, pasM'-le dans toutes \cs
boucles que forme la laine au bas du
péiale , relire le moule , puis croise et
serre forlement les deux bouts de ce
laiton, le jx^tal esi fini . fais en trois au-
tres tout pareils.
PrtMids un autre l>oul de iil de laàton ;
replie en <*roelu l une «le s«s extn'miti^
et entoure- la, en roulant le laiton entre
tt^ iloigts, de ix>ton en carde, dr iiianicre
à former une lH)ule «le la taille d'un gros
pois. Hectmvre cille l»oule avec du pa-
pier vert ; aplatis- la un |»«u en devsus.
et croise n'j;nluienjenl sur iv ctrur \ert.
tmis fiis noii^ que lu arivlrs au t)as.
Pour l'entourer d'ét.imiiirs itoires, il suf-
fit de quehpies hoMis de fil noir coiipt's
00
<réf[alo longiionr que lu ntticlies tout
autour.
riare à j>i l'srut deux prtalcs biou en
f.Tce Tun i\o TaiUrr, et attarlif^-les au
(Minii- iwcr lie l.i laine verte; plaee de
même les i\cu\ autres, et entoure la tige
de laiiir verte.
Quant au bouton, rien de plus faeile à
faire. Prends un bout de laiton, eourbe
une des extrémités eu erocliet, entoure-
la de coton cardé de manière à produire
la forme d'une petite olive ; recouvre
cette olive de boucles de laiiic ronge que
tu retiens par le liaut avec ton laiton fin
que tu caches ensuite sous la laine en le
faisant redescendre vers la tige.
Prends de la laine vert clair, ton
moule, et fais deux pétales connue les
preujiers. Tu les attacheras à l'olive
rouge en ^ce l'un de l'autre et tu hau' fe-
ras prendre la courbure nécessaire pour
envelopper à demi cette olive qui figurera
alors parfaUemcnt un bouton près d"é-
clore.
J'ai voulu attendre que la mode se
prononçât positivement avant que de
t envoyer un grand col. l^e n-' ? te
présente la forme toute nouvelle dite
Moii'^qiietaiir. Après avoir brodé au
plunietis ce joli dessin, tu le garniras
d'une petite dentelle haute d'un centimè-
tre seulement. Si le modèle te plaît, tu
peux encore le reproduire avec un entre-
deux ; mais il faut toujours le garnir
d'ime petite dentelle.
A ois, pour les autres dessins, à la lin
de ma lettre.
Une de nos aimables amies nous a
envové le moven de varier les jeux du
Sphinx et d^y faire participer les petites
soeurs, les petits frères, ainsi que les per-
sonnes qui veulent bien se prêter à leur
jeu, sans prendre trop de peine, on
poiUTait appeler cette variété : jeu du
TVPOOUAIMIE.
Dans tous les pays du inonde pénè-
trent les journaux ; ces journaux portent
partout des annonces en grand nombre,
ce qui permet de se procurer sansbeau-
cou]) de j)eine des lettres d'imprimerie.
Il sulTit pour cela de prendre ces annon-
ces, iX'vw décoiqier les lettres et de coller
celles-ci sur de petits carrés de carton ;
avec ces petits carrés de carton , Ou
]>lutot avec les lettres qu'ils portent, un
Sphinx va à l'écart composer un mot, puis
il en rapporte les lettres toutes brouil-
lées aux Olidipcs qui sont obligés de le
reconstruire. Si ce Sphinx ne sait ])as
parfaitement l'orthographe, il en résulte
un imbroglio qui fait rire, mais qui le
force à payer l'amende, et à a})prendre
ce qu'il ignore. L'habileté consiste à
choisir des mots im peu longs et peu usi-
tés, et à composer en présence de tout le
monde, en prenant rapidement les let-
tres dont ont a besoin dans le monceau
de petits cartons réunis sur la table; r<7-
partc ^ pour composer, est permis seu-
lement aux novices efaux enfants.
Nous nous sommes amusés l'autre
jour à ce jeu pour lequel Eugène s'était
luUé de dé'couper une multitude de let-
tres et de les coller sur des moiceaux de
carton carte. Tu ne te figures pas toutes
les combinaisons que chacune de nous a
faites avec les vingt lettres que renferme
le mot cnnsubstantiellcment^ et les qua-
torze lettres que contient celui de cir-
convolution^ avant que d'arriver à les re-
construire. iMon oncle 3. perfectionné ;ï\ a.
trouvé I 0;i mots complets^ ayant tous une
valeur pmpie, et offrant des nnnts de
drpartemmis, de villes^ A hommes^ àe cho-
ses^ dans celui de circonstance; tu com-
prends bien, chère amie, qu'il n'a pas
toujours emplové toutes les lettres. Nous
avons suivi ses opérations avec un vif
plaisir, et, depuis, jusqu'à ma tante qui
consulte le Dictionnaire pour chercher
des mots que mon oncle et Eugène se
chargent de décomposer, et de recom-
(i
poser (le cent et cent façons , ceci nous
aiiiiisc Ijcaucouj); nous trouvons quel-
quefois (les clioses fort ilrcjles et qui nous
font bien rire. Notre aimable amie a rai-
son , ce jeu convient l'jjalement aux
(grands, aux petits enfants et il fait sentir
li]us/u).sitivf/fir/fti\\ii' toutes les f^raniinai-
res, la m'cessit('* de savoir et J apprendre
rortliojjraplie.
Caroline, toujours en hais, en soin es,
en fêtes, a trouvé cependant le temps
de menvover plusif urs recettes e/c/tr/tu-
.vrv, surtout eu ce temps de réunions et
de plaisirs. Tu remarqueras d'abord une
crvnte a Ui rose ci uue vrcmr }u/ou(ert\oni
mon oncle est telleme»it amateur, qu'il
eu parle à tout le monde, et même, à ce
qu'il assure, (ju'il en rêve.
Ah I que j»^ n'oublie pas de te dire que
les mairons j^laci'-s sont meill(Mus lors-
qu'on les met jusqu'à trois lois dans la
bassine sur le leu, après les avoir laisst's
(•|;outter, et lorsjju'on jette dans le sirop
nu p< u (le vaiiill»- <mj cosse, ou d'essence
de vanille, ee qui vaut mieux.
Notre aimable (îlaire nous dontjc un
iMf'fjant quadrille fiit ]>onr notre .lonrnal,
et nous piouK t d autre musi(pie aussi
jolie pour la procliaine fois. Sa walse à
six mains, iV/V//r/, a la vofjiie couune tout
ce qui sort de sa pinme nnisieale. Je ne
t'indi(pierai anjonrd'iiui (pu* delà nnisi-
qiie dansante : /j' hal d limma , walse
brillante à deux ou à quatre mains, par
(îamille Schubert. — la Créole, |X)lka,
et la Unioii'u favoritr , par I^. ^Alesst r
IMarker. — A/athi/t/r ^ polka originale ri
chroujatitpie, par J. Oiiidant. — /.r P/u:-
m fin, (piadi ill«', par il. (iodrhoy. .Mnzud
a publié aussi de cliarmants quadri li '^
(pi* In pourris te procurer, suit cbe/.
Rrandus, ('•»lil«ur d»- la (ifizrtfr niu^iea'e
<{< Pttriy^ 07, rue de Ui( helieu, soit cliCK
Mavand, 7, bouh-vard des ll.diens.
J'ai vu (pielque chose de charmant
élu/ lloliii, papetitr, 110, rue du fftu-
bourij Saint-Honoré; c'est une batte tir
Ijfuniure illustrée^ pour la miniature ,
1 a(piarelle et le d(>ssin. Déjà je lavais re-
marquée à l'Exposition; elle renferuielout
un oittilliigr de crayons, porte-ci-avons ,
estampts, pincvaux, couleurs, el(., etc.,
et, en outre , \\vs sujets d'ait d»'ixju|x'-s à
j(Mn et destinés à servir de modèles. Jr
donnerais volontiers le nom de magquc
à cette boîte en forme de livre, aussi élé-
jjante à l'extérienr (pie riche à l'intérieur.
Si, dtfs arts, tu me permets de pass<M-
à V utile , je te parlerai i\\ï merveilleux
t/iarbnn de Paris^ qui se fabrique, 137,
boulevard de l'Hôpital, chez M. Popelin-
Ducarre. Ce eharbt>n, (pii coûte 7 fr. ôo
les fjO kilos, dure iWxix fois autant que le
charbon ordinaire. Il est ex(elleiil |K)ur
la cuisine , quand on veut \\\\ feu doux
et se couvrant tout seul de cvndres; dans
une chauflérette, il pnHure une chaleur
égale et douce. On rallume aisi'ment ,
soit avec un peu de biaise de boulanger,
soit avec du charbon ordinaire. Matante
est cliariiH'e de la di'cou verte de M. Po-
pelin-Ducarre, et déclan», en sa qualité
de ménagère, (pi'aui un combustible n'est
prélérable, pour la cuisine, aiic/i '•' " / •
Paris.
Je te rappellerais bien \cs Cfacirrrs
parisiennes |>our obtenir de la glace j<//i»
f^laee eu t(»Ute saison , si dans ce luoiiienl
la glace n'abondait malheuieusi^ment
|H)int partout. Mais prends note» |Hiur
l'été , de l'ailress*" de la fabriijue qui est
m.iintenant, \), i ne rui-stenb<*rg , prî-s l.i
rue Jacob.
Là-dessus au irvoir; \\\o\\ po%tcrtpiunt
est prev(praussi Iodj; qu«' ma leltrt*.
\ nuit I T^Kf'Oi.M
62
Crème à lu rosé.
Prenils cinq decililres de bonne crt^rae (unecho-
pineu't f.iis la Itoiiillir. Quand vUc a nioiiU", rclir»'-
la sur le honi du fiiurncau et sucrt'-Ia coinme pour
une crnne. Ajoulf (jui-lqurs j^outtes ircssence di»
roses, et un peu de carmin en poudre, en assez
prande ipiantilé pour la colorer. — Pendant (|uece
nu'lan'je inluse. prends les jaunes de dix-huit (vufs;
tourne-les avec une cuiller de l)ois neuve, mais
lavée soi.::neusenienl, ju>(iu'a ce (ju'ds soient bien
liés. — Tu y verses alors la crème peu à peu en
tournant s;ins farréler. — Passe au tamis clair, re-
mets d.ms une casserole, et fais lier'sur le feu, mais
en prenant bien soin de ne p.Ts laisser bouillir, ou
bien tout serait perdu. Passe une seconde fois au
tamis, et verse dans de petits pots, ou bien dans un
plat de porcelaine creux. Ce mets est délicieux.
Crêiue veloutée.
Tu prends 375 grammes ftrois quarterons), d'a-
mandes douces; après les avoir peléesel l)ipnpilées,
tu les places sur la serviette dont tu as rrcouvert
un vase creux. Tu as fait bouillir cin(| décilitres de
crème épaisse. Tu la verses très-chaude, mais non
pas bouillante, sur les amandes. Recommence trois
fois.
Pendant le temps qu'exii^ent ces opérations, tu as
mis a tremper dans de l'eau tiède trois gésiers de
volaille. Tu les retires, tu les dessèches, lu les cou-
pes en plusieurs morceaux et tu les places sur une
autre serviette qui recouvre de même un autre vase
creux 11 faut alors passer la crème trois fois sur ces
gésiers; a chaque fois tu les étends bien sur la ser-
viette avec les doigts, afin d'en faire sortir toute la
gélatine qu'ils contiennent.— La crème étant ainsi
passée trois fois sur les amandes pelées, et trois fois
sur les gésiers, tu y mêles du sucre en poudre. Laisse-
le dissoudre ; mets dans de petits pots, ou dans un
plat creux et fais prendre au bain marie.— hacréme
à la rose et la crème veloutée se servent froides,
comme toutes les crèmes, du reste.
Biscuits de marrons.
Casse dans une terrine douze œufs entiers. — Jet-
tes-y 469 c''^mmes(15 onces), de sucre en poudre.
— 187 t;rammes (6 onces) de marrons cuits et épelu-
chés. — 125 grammes ( 4 onces ) de farine. — La
rripure d'une é'^orce de citron. Bats bien le tout en-
semble. Quand la pâte e>,t parfaitement liée, dresse-
la de forme ronde ou de forme ovale et de la gros-
seur d'un marron, sur des feuilles de papier : fais
cuire a un four doux. (Si tu n'as pas de four et que
tu n'aies pas une grande habitude de te servir du
four de campagne, envoie chez le boulanger et fais
enfourner après que le pain vient d'être retiré.) Une
demi- heure luflit pour la cuisson.
Meringues.
Bals en neige des blancs d'oeufs. — Ajoute une
bonne cuillerée de sucre en poudre par chaque
blanc. Quand les oeufs et le sucre sont bien mêlés,
dresse sur des feuilles de papier, de la grosseur d'un
u'uf environ. Poudre avec du sucre passé au tamis
de soie; mets la fournée sur une planche et cuis à
four très-doux. — Dès que la fournée a pris une
belle couleur, relire. — Knlève de dessus le papier,
et, avec une petite cuiller, détache doucement de
l'intérieur la pâte qui n'est pas cuite. — Tu rem-
]di>uiie de ces calottes avecdes conlilures ou avec
(le la crème fouettée, et tu places une autre calotte
par-dessus. — Il faut fouetter dans une terrine avec
une verge d'osier de la crème très-épaisse. Tu y
mêles, pour cinq décilitres, gros comme un pois de
gomme adragante, ce qui lui donne du soutien.
Aie soin de tenir la crème fouettée au Irais jusqu'au
moment de servir.
3Iaca7'ons.
Pèle des amandes, 500 grammes. — Pile-les avec
quatre blancs d'œufs. — Ajoute, en te servant d'une
spatule, 500 grammes de sucre pi é. — Amandes et
sucre, tout doit être bini sec; !a rdpure de l'écorce
d'un citron. Dresse cette pâle de la grosseur d'une
noix, sur des feuilles de papier. Si la pâte était trop
molle tu y ajouterais du sucre. — Fais euirc au four
doux.
Filtre au charbon.
Veux-tu faire cadeau à une pauvre famille d'un
filtre a .charbon bien simple et qui lui procurera
une chose très-précieuse, de l'eau pure et saine'?
Achète un pot à beurre en grès rouge; place dessus
un pot a fleur neuf que tu garniras en dedans d'une
flanelle légère ; mets-y ensuite une couche de char-
bon de bois concassé. Un second pot à fleur doit en-
trer dans le premier; pour celui-c:,tii bouches l'ou-
verture du fond avec un morceau d'épongé neuve.
On verse l'eau dans ce premier pot; elle passe goût te
à goutte à travers l'épon^ie, se liltre lenlement à
travf rs le charbon et la flanelle, et le pot de grès se
remp'it d'eau parfaitement épurée. On renouvelle le
charbon de temps en temps.
Bonnet d'enfant en tricot dentelle.
N" 1 . — Monte 7 mailles sur quatre aiguilles.
i'e. rangée. 1 maille unie, — I augmentée, — fais
ceci 7 fois.
2t rançiée . Unie.
3e ramjée. 2 mailles unies, — 1 augmentée, — 7
fois.
4e rangée. Unie.
5e rangée, 3 mailles unies, — 1 augmentée, — 7
fo's.
6e rangée. Uni?.
Continue toujours de même; tu auras une maille
uni" (le plus à chaque rangée impaire, tricote unies
toutes les rangées ;)r//ros, jusqu'à la H3e rangée.
33c rangée. 16 m.ii Iles unies, -|- i augmentée, — i
unie prise dans le milieu de l'augmentée delà Ste,
— 1 augmentée, — 16 unies. — retourne au -f .
34e rangée. Unie et ainsi de toutes les rangées
paires.
S.He rangée. 14 mailles unies, — 1 rétrécie, — i
augmentée, — o unies, — 1 augmentée, — 7 Iots.
«3
37» rangée. 18 onles. ~i réfr«^clf, — 1 augmen-
tep, — 1 rélrêcie, — 4 au^menlf^*, — 1 unii*. — 1
aijgnieiité»*, — l rulrecie. — 1 auKirn-ntée. — 7 foi».
39«- raugée. 12 unies, — i rélrécie, — 1 aujinien-
téf . — 1 r»-lrécie, — 1 auumentee, — 3 unies, — 1
auKmffiféf, — 1 rélrécie, — \ auemenlée, — 7 fois.
41t rnuijte. 11 unirs, — 1 rétrérie, — 1 .iu;:mi"ntee,
— 1 rt'trecie, — * auRmenler, — 1 retr«*cip, — 1
auRmentée, — 1 unie, — 1 au^^meiiler, — 1 rélrécie,
— I au;yiientér. — 1 rétrécir, — l aiigmrntee, — 7
fois.
43« rangée. 10 maille!* uni», continue de même
jijvqu'a ce que l'étoile mate n'ait plus qu'une maille.
L'étoile lerminée c«)ininenre l'intre-deux «lil tour.
\'t rangée k mailles unies, — 1 augmentée, — 1
retrtiie tournée, — Reroniinence.
?e raiif/ér. ^ unie.*, - 1 augmentée fobserve de
ne faire la maille augmentée que lors(jue tu an tri-
coté simplemi-nt la maille augmentée de la rangée
précédente), — 1 retrécie. — Recommence.
3' et 4« raïKjévs. Comme la ï».
5» ratigee. 3 mailles unie.-», + 1 lélrérie f.jite
a^ant la maille au;:menteede la ransée précédente,
— 1 au;imente, — 4 unies (Retourne nu»inne).
C«, 7'', 8r rangées. Comme la V. Le fond terminé,
il faut faire le corps du honnet.
<'» rangée. 1 madie unie, — 1 an;impntée, — 8
uides, — 1 rélrecie double, — S unies, — 1 au;;-
menlee. Recommence.
2e ranjée. Unie, et ainsi pour toutes les ran';ée8
paires.
3» rangée. î mailles unies, + 1 au<;menl< e, — î
unies, — I réiréne double, — i unie»., — \ augmen-
tée, — 5 unies. — Retourne au +.
5e rangée. 3 mailles unies, -f l augmentée, — 1
unie, — 1 relrecie double, — 1 unie, — 1 anj^mentée,
— 5 unies — Retourne au +.
7«- rangée 4 unies, + 1 nnt:n)enlée, — l retrécie
double, — 1 augmer)tee, — 7 niaide» unies — Re-
tourne au -f .
9' rangée. 1 rétrérie. -f- 3 unies, — 1 augmentée,
— I maille unie, — 1 augmentée, — 3 unies, — 1
rétretie «louble. — Retourne au 4-
llr rangé'-. I retrécie, 4- î unies,— 1 augmentée,
— 3 unies, — I autimenlee, — î unies, — J Mrécie
double. — Relotirne au -f .
13' rangée \ rélrecie. + I unie, — I A«*ginentée,
— 7 unies, — 1 augnieoti-e, — I unie, — ' rétréci*
double. - Retoame au ilgoe. - Recommence à U
première ranger. *
Lorsque k bonnet nt foflUâinnent profond
continue a tricoter seulement sur le devant afin de
lui donner la forme ,îu patron n- to que je f», rn-
voyéau moisdoctobre dernier Entrr chaque ran-
gée impaire, tu feras nécessairement une rangée
uniea IVu^ers, puisqu' alors tu ne tr.c0t.4plu* tn
tournant, mais eo allant et revrrutnt.
Explication de lu planche de Broderies.
?I ' ~ B^mnet dVnf-nt * ex, cufer au tricot
n I. -Patron du moule nere-sjaire pour faire un
coquelicot en laine.
^•3. — Col niousquetaire; broderie au pîametU.
œillets a jour et a p..int dVcbrlle,
N" h. — Entre-d. ux a brud-r en feston et au plu-
meti. .surourlet, pour le devant d'un peignoir.
^"5. — Dessin redoit pour le corsage.
R"6. — Coin de moucboir a broder au plumelli
et au point de fe»ton
CRAior r.DtTiQn.
N.. 7 et S. _ Desalos a broder en reprise sur filet
carre.
^* " — Moitié du dos da caneiou dont Je fai
enîovM l'un de-i devants le mol* d«roier.
«• 10. — (>>| a briMler au plumet.» et aa point de
cordonnet. Si tu trouves ce dessin trop b.og « r»e-
cuterain.si, rien de plus facile qoe de suppnraer
les cordonnet».
N"» 1 Ml et 13. — I>e>Mns p<iur b.>u-se au rnvhet
plein Tu peux remphc r p-irlune de ces g.nrl.n-
des. Celle de la In.urse encr.v het plein dont je fai
envoyé le dessin au moi» de novembre dernier. Ta
varieras les couleurs pour le fond de même que
pour la guirlande.
?<«. \k. 15 et Ifi ~ P-Irons d'un pmle»»u» prNir
enfant, reihiclton au quart. — .%. 14. if .„
— N» 15. Devant. — .>«• 16. M.ncbe | , |,
partie de Vi manche qui T-rme le .|r*v,u« ^i Uil-
lee un peu plus longue p^r en haut et piren luu
que l.i p.irlie qui form-- le dessus albi de pouvoir
faire un pli dans la coulure a la saif iie<>..
LRS jf:r\ T)f- siMfiw
I o«;ne.Rtriir.
Jr %\\\% \\\\ vire «Ir raison
Oiir .5»ir s\\ piftls tout Ir momi»* .ipprc hriirlr ;
Je raiisi' à r.iiiinnr-prnpii' uiu* «hnilrur %\ p.randr,
Oirt-llr a sm lui l Vllrl du jilus m\v {>uiSOll :
64
S'il nvn luciut pas toujours, il en rosto iucuial)lf .
J'ai mai 11 U' iois aussi, clans la socirtô,
Vnc liruirusr influence, un excellent côté,
.II' punis un faux brave^ un traitie, un niisérablr,
J'accal)le le uiensonjje et la duplicité.
Le vice à nrécliapper vainement séveitue,
.Fe le poursuis partout : c'est moi qui ])erpétue
Son op])robre, sa honte et son indi^jnité.
Oii me distingue encore à ma philosophie :
Elle est [ïiande en effet, et maigre les railleurs
Elle s'étend parfois aux dangers, aux honneurs,
A la lortune, et même elle embrasse la vie ;
Mais pour que je parvienne à ce point élevé,
Combien il faut de teuqis, de pénibles études !
Tel que le sort frappa de ses coups les plus rudes,
.lusque là cependant n'est jamais arrivé :
En proie à mille maux, âme pusillanime,
Il a rongé son frein, il a toujours souffert;
Ses malheurs imprévus lui méritaient l'estime,
Et c'est de moi pourtant qu'il s'est trouvé couvert I
Mais tu peux, cher lecteur, en me coupant la tète,
De mon être changer la nature et l'emploi.
Et grâce au sentiment que soudain je te prête,
Aiq^rès de deux beaux yeux être heureux comme un roi.
Retranche encor ma tête, et tu vas, pour toi-même,
Redouter les soucis, les chagrins, les ennuis :
Malheureux en amour, ce n'est pas toi qu'on aime,
Et te voilà, lecteur, ce qu'à présent je suis.
Coupe ma tête encor, quelle métamorphose !
Plus d'ennuis, de chagrins, plus de jours orageux :
Tout à tes doux regards devient couleur de rose,
Tu retrouves en moi les compagnons des jeux.
GUEBIN'U,
Le mot de la c hitrade du mois dernier est Chasselas.
63
ÉDUCATION.
suKTs I)j: mj:i)itatio>s.
riŒUVES DE LA RELIGION CHRETIENNE.
ISous voudrions que Diou nous fit voir
(les niiraclrs ])our nous conlirinrr dans
la foi ; mais quel plus «jraud miracle que
la conversion du monde et la propa{;a-
tion de l'Evangile?
Jésus-Cluist entreprend de clianger la
face de l'univers et de purjjer le monde
de l'idolâtrie, de la superstition, de IVr-
rcur, pour y faire n'gner souverainement
1.1 j)uret(5 de Dieu. l*our cela, qui clioi-
sit-il? Douze discij)les grossiers, igno-
rants, faibles, imparfaits, mais qu'il rem-
plit tcllrnn lit de son esprit, que dans un
jour, dans un moment, il les rend pro-
pres à rexéeution de ce grand ouvra{;r.
Eu eft'et, de grossiers, et, pour user d«-
son expression, de lents à croire qu'ils
étaient, par la vertu de cet esprit cpi'il
leiu" envoie du ciel, il en fait îles houuuis
pleins de zèle et de foi. Après les avoir
persuatlés, il s'en sert poiu persuader les
autres. Ces pèelieurs, ces hommes faibles,
(pie l'on regardait, dit saint Paul, eonum*
le rebut du n:onde, furtifn-s parla {;r.ir«>
lie lapostolat, partaj;rnl entre eux la
conquête et la n'Inrniation du monde. Il
n'ont point d autre ai nu- que la patience,
jMiint <1 autre tn'sor (|ue la pauvreté,
point d'autres conseils tpie la simplicité,
A uni M «les nrllcir» ronlcnii** dnn» ccf irriioll
ne peut rliT rcprmliiit , fi\ns, lo coiiiuiitriiinil
f<»rinrl (les niilrms, poiis pniir do ptnirfttiilca cii
oonlrcfariMi.
Il* S^.uiK. T(»ino IV. N" 3 -
et cependant ils triomphent de tout. Ils
prêchent des mystères incroyables à la
raison humaine, et ou les croit. Ils an-
noncent un Evangile opposé contradie-
toirement à toutes les iucliuitions de la
nature, et on le reçoit. Ils l'annoncent
aux grands de la terre, aiix doctes, aux
prudents du siècle, à des mondains sen-
su. Is, voluptueux, et l'on s'y soumet G»s
grands reçoivent la foi île ces pauvres ;
ces doctes se laissent convaincre par ces
ignorants; ces voluptueux, ces siMisurls
se font instruire par et^s nouveaux pré-
dicateurs de la eroLx, et se cliar[;ent du
joug de la modération et de la |HMiiteiKx»:
de tout cela se forme une chivtienU* si
sainte, si j)ure, si distinguée jvir toutes
s<'s vertus, ipie le pagauisuic nicuie se
trouve forcé de l'admirer.
(]*• n'est pas tout, et ix* que j'ajoute vous
doit paraître enixnv plus surprenant;
car à peine la foi publiiv par ces douze
Apôtres a-t-elle commenct^ «^ se n''|Kintlre,
qu'elle se voit attacpn'v par niilh" enne-
mis. Toutes les puissantvs de la lenv
s'élèvent et>ntre elle. In Diixlt'tien, le
maitri" du monde, veut l'anéantir, et
s'en lait un |>oint de |H)litique; unis,
malgré" lui. mal|;tv les plus violents cllort<i
de tant d'autns |xM>i4vulrui>< du nom
chré-tieii,elle.s*étabht si solidement, ivltc
foi, que rien ne |>«Mit plus l'i branler.
D'innombrables niartvi^ la défendent
M\RH lîCiO. 3
OG
jusqu'à reffusion de leur san^; ; des ^jeiis
de toutes les conditions font [jloire d'en
être vietinies et dj s'innnoler pour elle;
des vieqjes sans nond)re, dans un eo.rps
tendre et délicat, lui lentltMit le même
témoi[;na^;e , et soullVent avec joie les
tourments les plus cruels. Elle sV'tend,
se nndliplie, non- seulement dans la
Judée où elle a pris naissance , mais
jusqu'aux extn'mités de la terre, chez
les peu})les les plus barbares et chez les
nations les plus polies ; dans Rome, où
la relij^jion d'un Dieu crucifié se trouve
bientùl la reli<)ion dominante; dans le
palais des Césars, où Dieu, pour Tader-
inissemcnt de son Ê;;lise au milieu de l'i-
niquité, suscite les plus fervents chré-
tiens ; eniin, oliservez ceci, dans le ]ilus
éclairé de tous les siècles, dans le siècle
d'Auguste, que Dieu choisit pour mar-
quer encore davantage le caractère de
cette foi, qui seule devait surmonter tou-
te la prétendue sagesse de l'homme et
tout l'orgueil de la raison !
Avouons-le avec saint Chrysostome,
quand la reHgion chrétienne, dès son
berceau, aurait trouvé dans le monde
toute la faveur et tout l'appui nécessaires,
quand elle serait née dans le calme, par
mille autres endroits elle ne laisserait pas
d'être toujours l'œuvre de Dieu. Mais
qu'elle se soit établie dans les persécu-
tions, ou plutôt par les persécutions, et
qu'il soit vrai qu'elle n'ait jamais été plus
florissante que lorsqu'elle a été plus vio-
lenmient condjattue; que le sang de ses
disciples, inhumainement répandu, ait
été, connue parle un Père, le germe de la
fécondité; que plus il en périssait par le
fer et par le feu, plus elle en aitTormé par
l'Evangile ; que la cruauté exercée sur les
uns ait servi d'attrait aux autres pour les
appeler, selon rexpressiondeTertuHien ;
que, sans rien faire autre chose que de
voir ses meud)res souflrir et mourir, ce
grand corps du christianisme ait eu de
si prompts et de si merveilleux aceiois-
sements ; c'est un de ces prodiges où il
faut (jue la prudence humaine s'humi-
lie, et qu'elle fasse honnnage à la puis-
sance de Dieu.
A oilà néanmoins ce que nous voyons,
et c'est la merveille subsistante dont
nous sonmies témoins nous-mêmes, et
que nous avons devant les yeux : voilà
ce que le SiMgnenr a fail.J
« Puisque vous vous opiniàtrcz, disait
aux païens saint Augustin, à ne vouloir
pas croire aux autres miracles, qui sont
pour nous des preuves incontestables de
notre foi, au moins confessez donc que
dans votre système il y en a un dont
vous êtes obligé de convenir : c'est le
monde converti à Jésus -Christ sans au-
cun miracle ; car cela même, qui n'est
pas et qui n'a pu être, ce serait le mi-
racle des nnraeles, »
« Et à quoi donc, poursuivait-il, at-
tribuerons-nous ce grand ouvrage de la
sanctification du monde par la loi chré-
tienne, si nous n'avons recours à la vertu
infinie de Dieu? Ce n'est point aux ta-
lents de l'esprit, ni à l'éloquence du gé-
nie que la gloire en est due ; car, quand
les Apôtres auraient été aussi éloquents,
aussi savants qu'ils l'étaient peu, on sait
assez ce que peuvent l'éloquence et la
science humaines, ou plutôt on sait trop
cond)ien Tune et l'autre sont faibles
quand il est question de réformer les
mœurs ; et l'exemple d'un Platon, qui
n'a pu engager une seule bourgade à
vivre selon ses maximes et à se gouver-
ner selon ses lois, montre bien que saint
Pierre agissait par de plus hauts prin-
cipes quand il réduisait les provinces et
les royauuics sous l'obéissance de l'E-
vanjjile. Ce n'est point par la force ni
par la violence que la Croix a été plan -
tée ; car le premier avis que reçurent les
disciples de Jésus- Christ , ce fut qu'on
les envoyait comme des agneaux au mi-
tii
licii des tou/js ; <t ils le comprin'ut si
bien qiir, sans faire nulle iv^isLaiice, ils
se laissèrent é,'^orger coininc (riiiiioeeii-
tes vietinies. Le nialionu'lisinc s'est éta-
bli par les eonquètes et par les armes ;
l In'résie , par la rébellion contre les
puissances lé-^^itinies ; la loi de Jésus -
Christ seule, par la patience et l'Iunni-
lité. Ce n'est point la douceur de- cette
loi, ni le relâclienient de sa morale qui
fut le principe dim tri pr()|;rès : car
cette loi, toute raisonnable qu'elle est,
n'a rien que d'iiumiliant pour l'esprit
et de mortifiant pour le corps. On
conçoit comment, sans miracle, le ])a-
{;anisme a eu cours dans le monde ,
parce qu'il favorisait ouvertement tou-
tes les passions, qu'il autorisait tous les
vices, ri qu il n'est rien de plus naturel
à riiomme que de suivre ce parti ; mais
ce qu'on ne conçoit pas , c'est qu'une
loi (pii nous ordonne d'aimer nos enne-
mis et de nous haïr nous-mêmes, ait
trouvé tant de partisans. Ce n'est j>0!nt
1 efiet du caprice, car jamais le capric-e,
quelque aveugle qu'il puisse être, n'a
porté les hommes à s'intenlire la veu-
geanee, à renoncer aux plaisirs des s«»ns,
à crucifier leur chair. Que s'ensuit-il de
là? Je le n'pete : Ou'il n'y a que Dieu
(jui ait pu conduire si heureusement une
pareille entreprise et la faire réussir ;
( 'est l'ceuvre du Seigneur, et le doigt de
Dieu est là ! »
Boi nOALOl K.
LA MKILLK COISINK,
ESQLISSK.
« iMa Cousiiu', pourtpioi donc ne
vous êtes-vous pas mariée.' »»
Cette question «'lait faite par une jolie
petite (ille de ilou/e ans environ, et s'a-
dressait à une bonne vieille piMSonne ,
(pli, par son ;l[je, auraii pu |)rétendie à
ces titres de dame et «le malione, qu'elK'
paraissait avoir obstinément refus«'s.
— i\)mquoi je ne me suis pas marit i.' >»
réjMHa la vieilli' cousine, l'ii K'vant les
veux «t en les arrêtant avec douceur >nr
1«- joli groU|)e d( bout «.levant elji-, «l qui
aurait pu tenter le pinceau il un pi'intie.
Antoinette était comme suspendue nu
bras «le sa.s<eur ainee, ii«* Sn/.aniu', j;ran-
de, Inlle, blonde, sérieuse l'iamande de
vingt ans ; «l toul(*s deux e\ iminai(«Q|
les pièces d'un riche trousseau de mariév,
était' sur une {;i'and«' table. Su/ unie, la
(iane«'e, re[;ar«lait ces rielu*ss«*s «lonu'sli-
«pies avec une arlaine nuancv de gravi»
lé", comme si elles lui euss*Mit révélé l'a-
venir «le son ménage, de sa vie de tra-
vail, «It-eonomie, «le retraite, .\ntoinetle,
au contraire, se haussant ^ur la pointe
«les piiuls, pour se trouver au niveau «le
Il table, fouillait tout «l'une main eu-
liiuse, rejetait avec dédain !«»« gixjsses
toiles, K'S jujM'stle drap, les étoffes cotu-
inunes et soli«l«*s , et s'arivliil av«x* nu
|>laisir évident à ailmirer li*s fuies balts-
l«'s, K'S ilentelles, la ixiIk* île soie, h'â |h^-
lits bijoux de famille et le voile blanc,
parure d'un j«)ur, <pù devait étiv conser-
vi t«>nte la vie.
Autour de ces jeunes JilKs, tout iv^pi-
rail la liborieusk* austérité des iiMrtit<<
Il iirlandes. 1^ cliandnv, à la f«tis
manger et cui&inr, n'avait d'autre orne-
ment (piune pii>pn*té parfaite ; pas une
tache ne «U paiait le carreau de l>riqu(*s
i\)Ug«*« ; les meubles de clicne , bulVel ,
08
Iiuclic, laMo massive, cscabclles à trois
jiii'ils, étaient si soi{]nciiseinent frottés
qu'ils rcMivovaicut la limiière ; et la
ilamme du loyer, se rellélant dans les
ustensiles de euivrc suspendus aux mu-
railles, en faisait eonune autant de mi-
roirs artlents et polis. Cette batterie de
enisine, qui ferait anjourd'lmi Torne-
ment ilu eabinet d'un antiquaire, méri-
terait ])ien une description : les moules à
]).itisserie dont usaient nos aïeules alïëc-
laient les formes les plus bizarres ; ils
représentaient des crapauds, des gre-
nouilles, des éerevisses, des tritons, des
sirènes, formes que devaient prendre les
préparations cidinaires de toutes les es-
pèces enfermées dans leurs flancs. Au-
dessus de ces moules sin(»uliers, réj^nait
un dressoir eliarf^.é de faïences à la ma-
nière de Paiissy, d'énormes verres à pied,
de poteries en fjrès antique, mêlées à
quelques porcelaines de la Chine, émail-
lées des plus vives couleurs. La cheminée
énorme, béante, en pierre grise, garnie
d un lambrequin de serge, laissait voir
dans le fond une plaque de fonte ornée
de fleurs de lys ; les grils ouvragés, les
pelles, les pincettes de cuivre, tous les
accessoires ordinaires étineelaient de
propreté. Au chand^ranle était suspen-
due l'image gothique de Notre-Dame de
la Treille, patronne de Lille, gardienne
de tous les foyers, protectrice de toutes
les maisons de la cité de la Vierge ; le
buis bénit de l'année la couronnait de
ses feuilles luisantes, et un bouquet de
marguerites, placé à ses pieds, un cierge
brûlant devant l'image annonçaient le
culte assidu de la famille. JMalgré ces or-
nemeiats , malgré rexlrcme et ravissante
propreté, charme de cette demeure, la
clfaiîd)re paraissait soudure ; le soleil
d autoume y glissait à peine un pâle
rayon à travers la vigne qui encadrait
les fenêtres antiques, car la maison, si-
tuée p.on loin du cloître de Saint-Pierre,
voyait se projeter sur elle l'ombre gigan-
tesque de la vieille collégiale de Lille, et
elle empruntait à ce pieux voisinage ime
physionomie encore plus austère et plus
recueillie.
Ilal)ituées dès leur enfance à l'aspect
un peu triste de la maison paternelle, les
jeunes filles ne s'en mettaient pas en
peine, et Antoinette laissait éclater la
vive curiosité et les rires joyeux de la
jeunesse.
« Ainsi, tu veux savoir comment il
se fait que je sois restée fdle ? reprit,
après un assez long silence, mademoi-
selle Isabelle. En vérité, mon enfant, je
n'ai pas eu de motif particulier pour
cela Je n'y ai jamais songé ; je ne
songeais qu'à une seule chose, à un de-
voir que je m'étais inqiosé....
— Et quel était ce devoir, dites, cou-
sine Isabelle ! s'écria Antoinette, pendant
que Suzanne, plus dist^rète, se bornait
au langage des yeux.
— C'est l'histoire de toute ma vie que
vous voulez savoir ? eh bien ! pourquoi
pas? Il nous reste un peu de temps avant
le salut ;y)VQnez votre ouvrage et asseyez-
vous près de moi.«
Suzanne alla chercher son coussin à
dentelle, Antoinette des serviettes à our-
ler, et Isabelle se remit à fder.
« Je suis liée, dit-elle, à Audenarde,
et à l'âge où je suis arrivée, il me semble
encore qu'il n'y a pas de plus jolie petite
ville sous le soleil. L'Escaut y coule si vif
et si rapide I les églises sont si recueillies
et la vieille maison-de-ville est si cu-
rieusement sculptée ! Les étrangers vont
la voir comme une merveille, et moi, si
je la revoyais, je crois que le creur me
battrait de plaisir. Nous demeurions
non loin de là, mon frère Jacques et
moi ; nous avions, en face du perron,
une grande maison qui nous avait été
léguée par notre père et notre mè-
re, et où nous continuions leur com-
G9
merce de toiles. J'aitlais mon frère de
toutes mes forces, et je me trouvais bien
heureuse d'être bonne à quelque chose
en ce monde, lorsque je crus remarquer
que mon bon frère, jusqu'alors si tran-
quille et si gai, devenait tout-a-coup
pensif, sombre, taciturne. Ses habitudes
çhangeaientconune son humeur. 11 ne sui-
vait plus assidûment les marrlu's de loih-s
dVprcs ou ih* Courtray ; il n'allait plus
le dimanche tirer à l'arquebuse avec de
[jais compagnons ; il ne me menait pins
à la promenade, le soir, au pied de ces
collines vertes qui entourent notre ville :
toujours assis à son bureau, il calculait,
et après de lonj;ues heures de travail, il
sortait de là le front chargé de soucis. Le
soir , je voyais briller sa lampe long-
temps après que le veilleur avait annoncé
minuit, et toujours de plus en pins in-
quiète, je n'osais cependant pas l'inter-
roger.
» Un soir, je m'en souviendrai jusqu'à
l'heure de ma mort (c'était un samedi,
le 13 du mois d'octobre), Jaccpies sortit
de son cabinet, et il vint s'asseoir à côté
de moi. L'ouvrage que je tenais me
tond)a des mains, (piand je vis eond)ien
il était pâle, et, sans qu'il eût parlé, je
sentis qu'il y avait un malheur autour
de nous. J»' priai Dieu et j'attenilis....
— Ma sain*, dit-il enfin, un grand
malheur nous arrive
'• 11 n'acheva pas; j'entendais sa respi-
ration oppressée et l'on aurait pu conq>-
ter les battements de son eteur.
— Nous sommes rnin<'-s! ajoul.i-t-il
avec « (Volt. ^
— Mal d'argent n'est pas sans remè-
de, «lisait notre dt'-fimte mère, lui ré|>on-
«lis-je; nous travaillenins, Jaecpies. j
— Si ee n'«tait «pie la ruine! aj«»m!i-
t-il, mais nous devons, et avant «leu\
jours...., oui.... lois, je serai déelan^ ru
étal «le faillite
• Je restai nuiette, « l il m* cacha le
front dans ses mains. Mou pauvre frère 1
il pleurait comme une fenune, connue je
pleurais moi-même. Je m'appr<xhai de
lui, je l'embrassai, je lui dis tout émue :
« N'y a- t-il aucune ressource?
— Combien devons -nous payer le 15?
demanda- t-il brus<|uement.
». J "ouvris le livre-journal, je lus : —
Billets à «choir : le l.'> octobre 17 40, 700
florins à l'ordre «le .Myidieer Van de Poel,
1 305 florins à l'ordre de >Iyuheer Wulf-
carius, 0 10 florins....
• Il m'interrompit :
— Et le 25?
■ Je lus en«"ore : ce chiffre était ef-
frayant! »
u Je n'ai pas 300 florins eu caisse î
s'écria-t-il avec douleur ; j'ai essuyé jx^r-
t«*s sur |KMlt»s, faillites sur faillites, 1 1 ce-
pen«lint , qui sait ? on m'accusera à coup
sûr «riuq>ru«lenct\ et |Hnit-ètri" «l inipro-
bité ! J«' passerai pour un malhonnête
honune, moi qui ai sacrifié tout mon
bien, et le ti«n même, ma' pauvre sft?ur î
— Il et lit à toi, lui «lis -je, tu as bien
fait....
»> Il me serra la main : — Toi, tu me
connais, mais les autres? Je n'oserai plus
lever les yeux dans la rue....
» J'essavai «le le calmer ; je {vassai la
nuit auprès «le lui ; avt^ lui. je m'oc-
cupai à «lis|K)ser ce terrible bilan , à
revoir nos livres, à calculer nos ressour-
ces, cherchant une espt'rantv qui nous
fuyait toujoui*s. — !M<*s enfants. Dieu
vous pr«'*serve «l'une semblable miilî
»» Deux j«>urs après, uiou ]»auvrv frèiv
fntthVlaré en Tiillite; nos |viiemrnts fu-
rent su>»|XMulus, n«^s alVain*s am*li^'S, et
notre maison, si animtV la veill^MMinl
si{ri!< ieusi*, froidt* «vtnunt^n toi^^bii.
• J.MMpi«*s fut •'•■■•- • •"'ire s<s ofïirs
aux ere.iiu'iers; il> iieheaLnoii<.
iMou fiviv étiit aupri*i de iiioi , «K t
laut à chaque coup de marleau «pii an-
iionçait l'arriver d'un de ers hiHuincs,
70
autrefois nos amis, nos allir's, et deveinis
niaiiiteiKUit nos jii[',es. la servante ai:-
nonea enfin qu'ils étaient tous réunis et
qu'ils attendaient mon frère.... Ces mots
retentirent à nos oreilles eonnne la trom •
pettc du jujjenient. Jaeques se Kva en
elianeelant pour obéir à cet a]>pi'l ; son
visaj^e se couvrit de rouj^eur et je vis ses
mains trenibler. JVssayai de lui ])arler,
de lui donner du coura[;e, mais les paro-
les expiraient sur mes lèvres Ce lut
un dur moment I J'avais le eaur brisé
en pensant à Ibumiliation démon fière,
si bon, si courapcux. Il me serra dans
ses bras, et sortit lentement de la cham-
bre. IMoi, je tombai à genoux et je yiihù
pour lui.
» Au bout d'une heure, il revint, con-
tent, car il avait donné tout ce que nous
possédions , et il avait senti que sa pro-
bité inspirait de l'estime, son malheur de
la compassion. IVéaiunoins, malgré ces sa-
crilices, le déficit était encore bien grand!
» Nous quittâmes notre maison, et,
retirés dans un pauvre appartement, nous
vécûmes de notre travail. Jacques tenait
les écritures d'un négociant ; je faisais de
la dentelle; mais ni son salaire, ni .mes
bénéfices ne pouvaient sufiue à éteindre
la moindre de nos dettes. Je voyais mon
frère poursuivi par ces idées cruelles, se
consumant de chagrin et de mélancolie.
Ciiaque jour, plus maigre, plus aifaibli,
il paraissait n'avoir plus qu'un soufllc de
vie. Le feu qui biillait dans ses yeux
n'était que le feu d'une fièvre incessante.
Enfin, il dut garder la chandDre, puis le
lit ; je le veillai pendant de longues luiits,
et je connus la peine profonde renfermée
dan.« "jn pauvre cœur. — ]Ne pas pou-
voi ],^'er .'v^était-il sans cesse. ^V^J-
rir insolvaijle! Cette pensée lepiéci])itait
au tombeau; elle empoisonnait pour lui
tous les remèdes, et je vis arriver pronip-
tementle jour d'uue éternelle séparation,
Jacques se prépara en fervent chrétien à
ce dernier passage ; après avoir reçu les
sacrements, il m'ap])ela et me dit :
— IMa chère Isabelle, ma bonne S(enr,
je mourrais avec bien de la joie, si je ne
te laissais pas derrière moi.... Que vas-
tu f lire ?
— Je travaillerai, répondis-je, et je te
]iromets de n'épaigner ni [)elnes, ni fa-
tigues afin de pouvoir un jour ])ayer
nos dettes Je connais tes désirs, et si
je suis malheureusement destinée à te
. survivre, mou frère bien-aimé, je tàehe-
lai de faire ce que tu aurais fiit... .
» Il se ranima à ces mots, se dressa
sur son lit et s'écria :
— Quoi I tu ferais cela? je pourrais
espérer? «
— *5 te promets , lui dis-je, oui, je te
promets de ne prendre aucun repos jus-
qu'à ce que notre nom soit pur de tout
reproche!
— Oh I que tu adoucis pour nioi la
mort î dit Jaeques en retonibant sur ses
oreillers. Ma. sœur, que Dieu te rende le
bien que tu me fais !
» Ce mot de mon frère, mes enfants,
fut ma seule consolation; il uiourut le
lendemain, et je me trouvai orpheline,
seule, sans appui, mais avec un devoir à
accomplir, et c'est beaucoup, je vous as-
sure.
» Quand les derniers honneurs eurent
été rendus à mon cher Jacques, je m'oc-
cupai à chercher un enq^loi, ft j'écrivis
à votre aïeule, mes chères filles, qui était
ma parente éloignée. La réponse fut bien
bonne et bien cordiale, et, qjvlques jours
ajMJB, j'étais installée à Lille, ici, dans
cette vieille maison, en qualité de fille de
boutique. J'eus du plaisir à sentir encore
L-v^çnne odeur de la toile, à manier ces
brrlês batistes ^'un blanc d'argent, qui
nous viennent de Valenciennes, à repren-
dre les habitudes d'un commerce si an-
cien dans notre famille. J'étais aussi sa-
tisfaite que je pouvais l'être, en la corn-
r
c
1\
pnj^nio de votre {^lantl'inèic, une cli;^iic
et veitiuuse fcimnc, et de votre mère,
'qui était alors une jeune fille, àus^i jolie
(jue modeste, aussi bonne qu'aelive. J ai-
mais bien Lille, dont ni.i p.uivre mère
m'avait parlé souvent, car elle y étaitnée,
me disant (jue nous avions eu des ancê-
tres parmi Av rois de r/î/ji/ictn' [l), «-t des
oncles parmi les eliinoinjs de Saint-
Pierre; j'étais satisfaite enfin, mais je
pensais toujours à la piomesse (pie j*a-
vais f.iite à Jacques momanl. J'essayai
d'économiser sur mes pj tils appoiiite-
menls, et je parvins en trois ans à en-
voyer une l.uble souune au synilic de la
laillite , aliu de la donner aux créan-
ciers; mais c était p( u de cbose î Je n'a-
chetais cependant ni belles robes ife toile
de IVrse, ni l)ijou\, ni coilles de den-
telles; je luv. contentais de ma mante eu
drap noir, lailh'e d'après la mod»* de
Flandre ; mal^^ré cela, mes pt tits sacri-
fiées n'auraient pu snllire à éti indre ces
chAlles detli'S ; mais la bonne Proviihiiee
vint à uion aide.
Un malni, ]<• rerns une {;rosse li'ltre,
tiudjréj* lie iMiddelboui;;. Je l'ouvris : un
notaire m'annonçait ipi (m île nos pa-
rents, établi depuis lonj;tenqis en Zé-
lande, venait de mourir, et qu'il laissait
une sonnne eonsidciable, placée sur la
conq>aj^nie des iiii!e^. Il ((Mit nicitsaiis
iaiie de iGbtament, et je me trouvais de
droit son unique béiitièie. La lettre me
tond)a des mains, tant j étais éuuie. Oli !
mes enlanls, (pie rarj;ent a une (pande
)i lors-
(péon a le lardeau de l.i ncliesse sur
ses épaules ! J etiis nn< lionnète liUe,
j'avais de la probité. 1 1 pouitant eu*uJe
(l) I.cs j«»nlifl lit' r»'|tiinllp fuunl CfU'I.ro,* i^
Mllo iliirnul Ip moxrn Au»*; rrliil q»il pu ii«»rlail
vnlnqiiriir portail, pnulant une anni^, Ifi tllre
du roi, ol (Mi^iilail oux Qiiuiiicinrtil» de la j«u-
m'5sc de la villo.
puissance sur notre p.tnvir eu'ur^i^ct
eiMnbien on doit SC- inelier de soi
iinnnte, sans que je susse commrnt, toutes
mes idées lurent cbanj^ées. Je pensai à
milK" choses, enlr'autres à une belle mai-
son, située eu face delà nôtre, qui ('tiit
à vendre; je uie représentai son beau jar-
din, sa terrasse avec uu berceau de vij;ne$;
je me n[;urai la vie ipie je ];ouvais uicner
là, avec dvux servant» s au moins, li-
sant un piu, travaillant U!i peu, faisant
mèin«* du bien aux pauvres Voyez,
mes lill( s, (piclle erreur I J'avais l'aui-
bilion de devenir charitable, cl j'oubliais
d'être juste I Eu devisant ainsi avec moi-
même, je levai li*s yeux : je rencontrai,
suspendu au chevet de uiou lit ce cru-
cifix, que j'avais pris à téiuoiu de uia
juomesse à mon frère mourant... A cette
vue, mes folles idées tondtèrent!.. — Kt
ton serment ! me dis-je. Il y avait une
méchante voix dans mon eanir qui es-
sayait de raisonner, de me dire parexeui-
ple : Isabelle, lu paieras peu à |>eu. .
jouis de ce bonheur (jni t'arrive....A eux-
tu rester pauvre toute ta vie? Oui, ré-
pondis je tout haut, pauvre, mais tran-
ipiiile. Kt, sans larder, je calculai le
ihiliie de nos dettes, celui delà sutxes-
sion, et je vis «pie, tout pa>é, il me le-ti -
rait une liès-taible somme qui ne MiUi-
rail pas à mes besoins. Mal^jré l'héritage,
ma position ne chan(jei-ait eu rien, mais
je sentais qu'un devoir valait liien qu'on
lui sacrili.'ilipielqiies aises.
•• J'écrivis sur-le-champ an mu m» lir
iMiildelboun;, eu le priant de ivmelliv les
fondsqni m'apparleiiaieiit au syiuliede la
faillite : j'inl'oriuai celui-ei de mon de>-
s<"iu, et. peu de siMuaines après, je ivçus
la ipiittance totale des delli^s ' n
ivre fièie. G> fut un4j^iij<
TnLs! CsV mince ehilUui de p»^
parut uu oi-eiller meilleur que tous ceux
que l'tii (t Tardent auraient pu me
(U)uuer. Je plaçai dans le ct^nuueret* de
toiles de votiv (;raiKl'mèir la petite
somme qui ui'éi éii un- i lu «( suis ^\^c
72
un mot do ce que j'avais iail, je repris
ma vie ordinaire. Je laissai croire que la
succession de mon cousin s'était bornée
là.
» Vers ce temps, on connneneait à par-
ler du maria^;e de votre more, ma chère
îMartlie, avec Géry Lambert, le fds d'un
fabricant de toile à. voiles, de Dunker-
que. Les parents désiraient ce mariage,
et quoique les futurs ne se fussent ja-
mais vus, on pensait qu'ils se convien-
draient : Géry était un jeune liomme la-
borieux et intelligent, et IMartlie, une
bonne et pieuse ménagère. On annonça
l'arrivée du fiancé et de son père pour le
premier dimanche de l'Avent, et en efibt,
ce jour-là, tous deux dînèrent avec nous.
Géry me paraissait être bon et bien ai-
mable ; je me sentais heureuse du bon-
heur de mon amie, lorsqu'au dessert
M. Lambert dit à votre grand'mère :
— J'ai bien cru, dame Marie, que
cette réunion si désirée n'aurait pas lieu,
car, il y ca peu de mois, toute ma fortune
a été mise en danger, et le fils d'un failli
n'eût pas été digne de prétendre à cette
jolie demoiselle.
— Vous ne m'aviez rien dit de cela,
mon vieil ami ! répondit votre grand'-
mère du ton du reproche.
— Que voulez-vous ? je ne voulais pas
aventurer la fortune de mes amis après
avoir risqué la mienne... Figurez -vous
que je me croyais perdu et sur le point
de suspendre mes paiements j'avais
la mort dans lame. J'invoquais la bonne
Providence, par l'entremise de Notre-
Dame des Dunes, en qui nos marins ont
tantde confiance, lorsque je reçus, d'une
manière tout-à-fait inespérée, des mains
d'un notaire d'Audenarde, une somme
importante perdue autrefois dans ime
faillite. Le débiteur était entièrement li-
béré envers moi, et il me sauvait d'une
rnine inMnaiK|ual)le. Je ne saurais vous
dire, danie ^larie, ce que j'ai ressenti
en voyant mes prières exaucées d'une
manière si prompte : je remerciai Dieu,
je mis ordre à mes affaires et j'envoyai
une couronne d'argent à Notre-Dame des
Dunes. »
» Pendant ce récit que j'abrège, je me
sentais rougir connue si tous les yeux
se fussent attachés sur moi. Cependant,
personne, grâce au silence que j'avais
gardé, ne se douta de rien ; mais moi, je
me souvenais qu'il y avait, en effet, un
Lambert au nombre des créanciers de
mon frère. J'eus un instant la tenta-
tion de me nommer, de jouir des re-
mercîments, des éloges, de la surprise :
mais je me tus en pensant que certaines
actions, pour être agréables à Dieu, ne
doivent être connues que de lui.
» Marie épousa Géry après l'Avent de
cette même année ; je ne les quittai point,
leur bonheur fut le uiien. Je vécus en
eux, et quand vous vîntes au monde,
uies enfants, je vécus encore en vous.
— Ah î ma bonne cousine, s'écria Su-
zanne, nous n'oublierons jamais votre
tendresse et vos bontés....
— IMes bontés I mais c'était un plai-
sir que je me donnais à moi-même. IMes
petits revenus ont un peu augmenté
— Les pauvres en savent quelque
chose î nuu'mura Suzanne.
— J'ai vécu tout doucement ; arrivée
à la vieillesse sans m'en douter , tant
mes jours ont été paisibles et semblables
entre eux , j'attends l'instant où Dieu
m'appellera à lui.
— IMais, ma cousine, dit timidement
Antoinette, vous êtes-vous trouvée heu-
reuse ?
— Certes, ma fille, heureuse au fond
de mon cœur, parce que j'avais accom-
pli un devoir, parce que j'avais aimé les
autres, et parce que je n'avais pas vécu
tout- à-fait inutile. Avec ces trois cho-
ses, vois-tu, lorsqu'on les pratique pour
Dieu, on est toujours heureuse. Mais le
73
snliit sonne; partons, mes filles : de-
mandons que Suzanne soit bonne épou-
sa, et loi, Anloinette, une bonne vieille
fille, veux-tu?
— Oli ! nous V( irons, mi cousi
ne.
ivpondit Antoinette, rien ne presse, u'est-
ce pas
ChàB LOTTE Si>io>.
LA PKTITi: COLOMi:.
^0l: vi: i. lt.
Le soleil se levait sur le petit aj(liij)el
de LJer^jli ^dans h s (^aïoliius, en Oeéanir),
et commençait à illuminer l'Océan qu'a-
{;itait un reste de tempête. On voyait les
va[;nes folles eouiir le lon^ des récifs de
corail qui défendent ces îlots , éta(;és les
uns au-dessus des autres connue les ter-
rasses dun parc inunense.
Devant 1 nn des moins élevés se dres-
sait encore le mât d'un navire submerjjé',
dont clia(jne flot emportait un débris :
c'était VOcriinic ^ surpris la nuit précé-
dente par rora{;e , et poussé contre ces
digues redoutables sur lesquelles il était
demeuré entr'ouvert.
Au moment du désastre, passagers et
matelots avaient esj)éré éeliapper à la
mort en se précipitant ilans les iinbarca-
tions; mais celles-ci avaient essuyé le
même sort que le navire et s'étaient bri-
st'es, «pieKpies instants après, contre les
récifs. Quatre des naufia{;és, s«^rvis par
d'heureuses elianees, avaient seuls {;a{;né
lile la plus prochaine , et se trouvaient
alors |;rou|>4's sur un étroit promontoire,
d'où ils cx)ntemplaient les restes du vais-
seau dt'jà pres<pie entièrement démoli par
les va(;u<*s.
Leur salut avait été, du reste , un ilf
ces jeux du hasard qui send»lent dérouter
toute prévision et eonlretlire toute loj;i-
que ; car, à part (ieor|;es Hitler, dont la
force et l'ailnssc pouvaient justifier un
pareil résuhat , tons sendilaienl ilevoir
être les premières victimes du d••^.l^l^c
qui venait de faire disparaître VOctanic
et son équipage entier. L'un, Arthur Tar-
ling , appartenait à la classe paisible et
studieuse des savants de cabinet, plus
propres à classer une plante ou à déter-
miner la famille d'un batracien, qu'à
lutter contre les vagues ; l'autre, nommé
AN illiam Trot , s'était jusqu'aloi-s prin-
cipalement exerct' aux tours de gobelets,
aux sauts de car|)e et à la danse sur la
corde roide ; enfin, le troisième était une
pauvre malade, mistress kopjH-l, prcs<pie
entièrement privée de l'usage de ses jam-
l»t <, ( t (pie la houle avait jettV? à tern*
s uis qu'elle sût conmient.
La première émotion de Uik ui apai-
séi*, les quatre naulragés, si miraculeuse-
ment sauvés, s'étaient rejoints, reix)nnus,
et ils venaient d'acquérir la triste certi-
tude (pi'ils avaient s<uls é\liip|K- à \i
tciupéte.
.Alistiess Kopi^l, ns^ist^ sur le 5^'^ •
iv.iit les mains jointes et la tête Un —
\\ illiam Ti\)t regardait la mer en faisant
|>r(-nilre machinalement à son l>onnet \cs
mille formes biiani^ qu'il avait coutume
de donner »\ sa cx)iiriue do Picri. t 1
Aithur Tarling , <pii avait d'ab
mené autour de lui des n^gardN
venait de !<>« arrêter involonlaireiueut 5ur
nn <nMpiilla|;ed\'S|H'ce inconnue, que, par
habituile, ilcberchait à class<'r. (MX>rj;e«
Hitler seul avait fait quehpu^s |ms vers
71
rinU'ncur des tcrros, et clu reliait les res-
sources qu'on pouvait y espérer.
Ritler était un lionnne il'aetion dans
toute la forée du mot. l.onj^jtenips adonné
au l)raeonnaj;e , ])uis à la contrebande,
il s'était eud)ari|ué pour échapper aux
tracasseries de la justice, et avait apporte'-
dans sa nouvelle position le même carac-
tère audacieux et insoumis. Au moment
même du uaufraj^e, il se trouvait à fond
de cale, les fers aux]iieds, et il ne devait
sa délivrance cju à la perte de T Oc( a ■
nie.
Après avoir examiné les cojitours de
l'îlot sur lequel la mer les avait jetés, et
approximativement estimé son ctendu(%
il se rapprocha de ses compagnons, et dit
brusquement :
« Les autres sont noyés , c'est bon ;
mais nous , comment allons-nous faire
pour vivre ici sans a])ri, sans armes, sans
provisions?
— Peut-être trouverons-nous quelque
ressource, répliqua Tarlin^ ; lîans ces
latitudes, la nature produit spontanément
de quoi suflire aux piemiers besoins ; il
doit V avoir au centre de lile des coco-
tiers ou des arbres à pain.
— Alors, tâchons de les découvrir I
1 reprit Georges, qui venait d'arracher im
bambou pour s'en faire un bâton ; c( ttc
partie de lile est d'ailleurs la plus aride ;
on n'v trouve ni eau ni onibra;^e, et le
soleil va devenir ardent ; nous ne pouvons
songer à y restei*. »
Les deux hcmmes en tond èrent d'ac-
cord et firent un mouvement pour suivre
Hitler; mais la vue de mistress Kopj)el
arrêta tout-à-coup Arthur.
« Et celte pauvre f<Mnme (pii ne peut
nous suivre! dit-il plus bas à ses com-
pagnons.
— La diseuse de prières? répéta Geor-
ges; que Dieu l'assiste I nous ne ])Ouvons
traioer après nous ce fardeau inutile.
— Ouoi . l abandonner à une mort
certaine ! reprit Tailing ; cela ne peut
être, monsieur Georges Ritler.
— One le };eiulemau emporte alors la
vieille dévot;' sur ses épaules, répliqua
ironiquement le contrebandier ; quant à
moi, je trouve déjà assez dillicilc de sau-
ver ma peau sans m'occuper de celle des
autres,
— Ainsi, vous ne voulez point aider à
cette bonne action, Georges.
— Non !
— ]]h bien! s'écria le naturaliste in-
digné , je me charge rai seul de la mal-
heureuse. La même infortune nous a
frappés ; nous devons associer nos forces
connue le hasard a associé nos misères.
Tant que je pourrai mettre un pied de-
vant l'autre, je ne trahirai point ceux
qui sont devenus mes parents de douleur
et d'abandon.
— Si la vieille dame est notre parente,
nous lui devons assistance, reprit William
'i^rot avec son habitude de jovialité ; je
tiens d'autant plus à ma nouvelle famille,
que je n'en ai jamais eu jusqu'ici. »
Lt se tournant vers mistress Koppel :
«Voyons, cousine, continua-t-il en
lui pressant la main, il faut f\iire un efïbrt
])oin" trouver une auberge ; nous tache-
rons que nos bras vous servent de chaise
à porteur ; mais, pour Dieul faites-vous
légère. "
La recommandation était inutile, car
la m dadie avait amené la pauvre femme
à im état de maigreur qui lui donnait
1 ai>parence dune ombre. Ses deux coni-
})agnons s'aperçurent à peine qu'ils la
portaient , et ils eurent bientôt rejoint
Ritler, qui venait d'entrer dans la partie
ondjragée de lile.
]\Lais la marche, d'abord facile, devint
ensuite endjarrassante au milieu des hau-
tes herbes et des arbustes qui couvraient
le sol. Malgré le feuillage des arbres, la
chaleur se faisait sentir à cliaque instant
plus dévorante. Les naufragés haletants,
75
! I
! i
I !
t'piiist's (le soif, sr tiouvèrrnt riifin au
milioii d'un foiirn* Icllniient «'pais, qiu*
Iffil lie pouvait «h'couvrir douvrrture
d'aucun côté. William avait cté le pro-
îiiicr à l)f)Ut (le force; il s'rtait arrêté
avec la malade , t iiulis (jue Gcoqjrs et
Tarliii(5 allaient à la découveitc ; mais
après (|uelfjue8 roclierclies inutiles, ils
revinrent sur leurs pas éjjalement dé-
couragées.
Ils trouvèrent mistress Roppel et le
haleleur t'tendus à terre, dans rinn>os-
sihilité de n prendre leur route. Georjjes
les mo!Ura à Tarlinj;.
« Vous voyez que lenu* alVaire est faite,
dit-il brusquement ; il faut cju'ils meu-
ivnt là connue (les chiens. l*uis(jue vous
êtes plus robuste, sonj;e7 à m'aiiler, et à
nous deux nous pourrons peut-être nous
fraver une route dans cet infernal founé.
— A la condition que vous viendn z
avec moi les rej^rentln* lorsque nous au-
rons trouvé iinv source et un abri, rt'-
pondit Artlnir.
— Et fjue voulez vous en faire? inter-
rompit le braconnier durement ; si nous
sonnnes condannu's à rester dans cette
île , qu( 1 service pouvons-nous attendre
de pareils compa^jnous? une f<Mnme ma-
lade et un joueur de j;obelftsî
— Alors même (ju'ils nous seraient in-
utiles,nous n'en restons ])asmoius obligés
à leur «'{;.ir(l , n'pondit T.nlinf; ; cber-
elions une issue <*ouune vous le voulez;
mais, quel que soit le résultat de nos
tentatives, je reviendrai v»rs eux pour
leur faire partaj;er mou sort. »»
(ie<-»r|;<'S et Arthur se laneèreiit «le nou-
veau dans les hautes lu'rbes et rencon-
trèrent bientôt im rocher qui barrait le
passap,e ; obIi(]és tle tourner à droit»', ils
furent arrêtés par nu ft)urré' im|vnétra-
ble, cl enfin ramené-s , a]>rès des cflTtïrts
di'sesjx'n's, au lieu même n\\ t'taient de-
lueun s \N dliam et mistri'ss Kopprl.
Tous deux se laissèrent tomber à terre.
baijpiés de sucui, la gorjje desst'-cbée, à
demi-morts de fatij^ue et de soif. Toute
esprrancc était désormais perdue ; imc
fièvre ardente les dévorait î Leurs yeux ,
couverts d*mi nuar;e, voyaient flotter totis
les objets; ils avaient p<'rdu jus(ju'à cet
instinct de conservation qui entretient en
nous la volonté , et ils n'aspiraient qui
un anéantissement qui péit mettre fin à
leurs souffrances.
Uepliés sur eux-mêmes i- - l'étroit
•espace que les buissons déli :l con-
tre l'ardeur du soleil, et le visa{;c appuyé
contre leurs {jenoux , tous {tardaient un
silence farouche, loi^ue mistress Koppel
redressa lentement la tête et regarda au-
toiu" d'elle. Son état nialadif la rendait
moi\is sensible aux In^oins qui tounnen-
taient ses compagnons, et Ihabitudedes
pavs brûlants qu'elle avait toujours ha-
bitt's lui faisait supporter sans p<ine la
chaleur dont ils se sentaient accablés.
Klle se leva à demi sur ses genoux et
tourna le visage de tous côtés en aspirant
l'air et en prêtant l'oreille à la brise. Par
suite d'un ]>hénomène singtdier , mais
souvent observ»'*, sa lan;;ueur avait act-ru
la subtilité de ses sens. La snn-xciuition
des oqjancs leur avait comnumiqué une
finesse de perception que ser^'ait encore
cette perspicacité de malade, d\iutint
phis exenre rpi'elle devait suppléer .'i une
foule diu aptitudes ou irni'- — '>iliit^.
Après avoir écoulé qucKpie^ is avec
une sorte dinthflVivnce, mistress fit un
mouvement : elle se rtnlnssa davantage
et pi-ncha l'oreille vers le côti* du Nord.
On n'entendait que le ' t de l.i
mer, au milieu du piel i.i.l. par
inttrvalles, le murmure de la brbc p.is-
saut .'i travers K^ arbn^ de l'ile ; mais ce
tlernier bniil parul allirrr parlindièr»'-
!n«*nl rallenlinn «le 1 * • * T i - tvux
(pii aiment X éixmti t •• - • Mut m > nti vent
dans les arbri*s îi.ivenl a>nd)ien d^s ru-
meurs yont dilf. reuli»s et varkx^, selon U
76
natiuv (lu iVulllajio qui los proiluit. Tour
\c Yc\cuv pcusit' qui a ctudic ces va^'^ues
uuu inuros, cliaquc arbre ajjité par la brise
est coiuuic uu iustrumeut qui produit un
sou particulier et distiuct. Or, dans ses
heures de uiéditatious et de solitude ,
uiistress Koppei avait dii s'accoutuuier à
rccouuaître ces voix de l'espace. Aussi,
après uu assez, lou^ silcuce qui scuibla
euqilové à coutrôler ses seusatious , elle
s'éeria tout-à-coup :
« iNous avons uu bosquet de cocotiers»
à peu de distauce et dans cette direction. «
Les trois naufragés relevèrent la tète
en même temps.
« Des cocotiers! répéta Arthur en se
raniuiaut; s'il était vrai, nous serions
sauvés I
— Jeu suis sûre, reprit la malade, dont
le doigt indiquait le Nord avec une cou-
fiance croissaute; j'ai entendu pendant
cinq auuées le bruit de ces arbres à quel-
que distance de la fenêtre de la chambre
que je ne pouvais quitter, et mou oreille
a appris à le distinguer ; le bosquet ne
peut être à plus de cinquante pas. »
Quelque incertaine que fut unepareille
indication, les trois compagnons firent
un effort et s'avancèrent du côté indiqué.
Ils eurent d'abord quelque peine à
franchir un fourré de plantes grimpan-
tes et de band)ous qui bordaient l'espèce
de prairie dans laquelle ils se trouvaient
enfermés ; mais ils réussirent enfin à
trouver une issue, et aperçurent au-des-
sus d'un massif peu élevé le bosquet an-
noncé par la malade.
Hitler poussa d'abord un cri de joie,
qui se changea presque aussitôt en ex-
clamation de dépit : les cocotiers étaient
d'une telle hauteur, que leurs fruits se
trouvaient hors de toute atteinte.
«« Jîelle dt'cou verte I ces fruits de
malheur ne serviront qu'à augmenter
notre soif et notre faim ! s*écria-t-il.
— Pourquoi cela? demanda William.
— Pourquoi? répéta Georges, parce-
qu'à la hauteur où les voilà, nous ne
I)ouvons en espérer que la vue.
— Non pas, s'il vous plaît, interrom-
pit le bateleur avec un certain orgueil.
William Trot a fait de plus hautes as-
censions pour un simple schelliug , et
nous ne manquerons point notre dt'Jeu-
ner, parce qu'il a plu à notre hôte de
mettre le couvert au haut de ces peu-
pliers. »
En parlant ainsi, William, qui avait
retrouvé toute sa bonne humeur et une
partie de son agilité, déploya sa ceinture
dont il se fit un point d'appui, selon la
méthode indienne', se mit à grimper
à l'un de ces cocotiers, "et il en eut bien-
tôt cueilli les plus beaux fruits.
Après s'être rassasiés du lait savou-
reux qu'ils renfermaient, nos trois nau-
fragés retournèrent à la malade, qui se
désaltéra à son tour, et que Ritler aida
ensuite à porter sous le bosquet que son
indication avait fait découvrir.
En cueillant les noix de coco, Wil-
liam Trot avait pu voir la configuration
entière de l'îlot^ et reconnaître les par-
ties les plus accessibles. D'après son rap-
port , ou tourna vers la droite et Ton
arriva à un ruisseau dont on suivit le
cours jusqu'au pied d'un rocher sous
lequel il disparaissait pour aller se jeter
dans la mer. Le lieu, abondanunent
pourvu de cocotiers et d'arbres à pain,
ne pouvait être mieux choisi pour im
campement. Il était en même temps
abrité contre la tempête et en vue de la
mer, sur laquelle on pouvait avoir tou-
joiu's les yeux afin de guetter les navi-
res, si un heureux hasard en amenait
dans ces parages. Ritler s'occupa sur-le-
champ de dresser un ajoupa de bambous
et de feuilles de palmier, sous lequel ils
trouvèrent tous un abri avant le soir.
Il descendit ensuite à la mer pour voir
s'il ne pourrait y découvrir quelques co-
i l
(jnill.ifjcs, et revint avec une tortue verte,
surprisr paniii les roeliers. \N illiaiuTrot
avait réussi à allunicr un feu (jui servit
à cuire cette j)récieuse capture. Tous
avaicnl retrouvé le courajje. Ils soupèreril
[jaîiiieiit, et, au uioujeut ilc s'cndoruiir
sur kl couclic de feuilles, niistress Kop-
pcl fil ciiteudrc tout liaut une ])rièi('
d'actions de j^ràce. Tarlinjj s'y associa
franelicnieiit ; \N illiani se contenta d'u-
(er son bonne (, et (ieoi[;<s Hitler se cou-
cha en haussant les é-pauh'S.
Le lendemain fut consacré à la conti-
nuation des airan{;< inents intérieurs «'t à
la recherche de ncnivelles ressources. Les
trois houunes prirent connaissance de
la partie de Tile (pii jKJUvait être explo-
rée, et virent ce ([u'ils avaient déjà de-
viné; le naufra(;e les avait ujalheureuse-
uient jetés sur un des écueils les moins
étendus et les uioins f( rliles de l'archi-
pel de Jier{;h. Les arbres fructifères y
étaient peu nondjreux, et l'on n'y aper-
cevait <pie c|ucl(pies oisea»i.\ dv uwv ni-
chés au sonnnet des rochers.
Puder cspéia (pie la ])èehe ponnait
supph'cr à 1 insullisance de ces ressour-
ces. Il tressa des li{;nes avec des fdjres
tic bananier , f.d)ii(jn.i dis hameçons
avec des morceaux d'éeaille de ti)itni\
<t lit ties paniers avec les feuilles tlu
curcnnia. Mais tous ces clVortséloii^nait iit
à {;rand'|)cine l.i l.iiin de 1 1 petue colo-
nie. Lui seul était fort et adroit, et il
fallait <pie tous vécussent de son indus-
tiic. Il se pl.éij;nait souvent à 'i'ajlinjj eu
UKMaçant de faire bande à part.
t Poinipioi gardons - nous ici cime
vi<iile I' nnue, «pii passe son temps à
chanter des cauti(pi(*s et à lisMT tics lier-
l)es sèihes, et ce danseur de corde, cpii
doit tout le joni- à l'ombre ou peixl ses
lûmes .1 .ippiixniser \\\\ oiseau ? Il irsle
à peine «puhpics liuits aux eiH'oliers ;
les arbres à pain sont etimphtemeul ilé-
ponillés } je n'ai pas pris dois poissons
depuis huit jours. N'est-ce pas folie de
jiersister à nourrir deux bouches inuti-
les ?.... je pourrais dire tjois ; car vous-
même, .AI. Tarlin{; , à quoi sert votre
science de la création, sinon à vous faire
])<'nlre la meilleure partie du jour en
iinitiles recherches dans les bois? Mais,
c'est fini, les choses ne pcniveut conti-
nuer de cette manièrel Chacun doitvivre
pour soi et se sjiflire.
— .Non, rej)ondit doucement Arthur,
< haeuu doit vivre pour tous et aider au
bien-être des auties. \\c/. im peu de
patiejtce, Iiiller. l'heure viendra de prou-
ver que nos forces et nos faeidtés pcu-
V(Mit servir à (piehpie chose ; car il n'v
a d inutiles, ici-bas, (pie les t-yoïstes. ••
Alais, inal{;ré" ces promess»^, Georges
continuait à fournir presque stnd 1 1
subsistance quotidienne. Enfin, un soir,
après plusieurs heures passt'es à la pêche
sans avoir pu rien prendre, sa li^ne fut
einport('e par le seul poisson qu'il eût
rencontré. Kii voulant le poursuive, sou
pied nu rencontra un corail (pii lui fit
une pn)fonde blessure, et il ne put ir-
(;aj;ner l'ajoupa (pi'avee des soulVranees
et des cllorts inouïs.
De sou cCii(\ AVilliam, qui venait de
nnlrer avec sou oiseau apprivois*», n'ap-
portait rien, et Tarling s'était oublié à
herboriser au revers du e(*»te au.
Hitler exhala sa colore eu malédic-
tions contiv les autivs elcxintre lui-mê-
me. S'il avait voulu ne s'occujht que de
ses besoins, rien ne lui eût manqué, il
aurait eneoir ime abondante ré-servc ;
mais il avait eu la sollist» de se faire le
ponrvoyur des autres; il avait épuis»-
pour (*u\ les it^ssources de Tile en iiicine
temps (pie ses foires, et nminlenant il
80 trouvait condamni* h mourir de di-
sette |var suite de sa folle iii',
\N dh an» it li maladt uent tvs
irpriM'li(*s sans ré|Hïndn\car eu\-nu*ine^
sciulVraient de la faim, cl n'avaient rien
78
pour la soulaffcr. Après doux mois (Vat-
ttMitr, ils se n trouvniriit plnrc's dans la
nicuir situation que \c jour de Irur nau-
iVaj;t\ alors qu'une sorte de divination
de mislress Koppel les avait tous pré-
serv('s de la mort. Georjjes continuait à
d(']>lorer tout liant ce qu'il ap]>elait son
inqHiidenee.
— Où est u?aintenant le savant? s'é-
cria-t-11 en faisant allusion à Tarlinj^;; il
s'occupe sans doute à compter les ienil-
les d'une fleur ou à dessécher une lierhe,
dans l'espérance que je lui aurai pècl.é
son souper. Je voudrais que chaque po-
tence des Trois-Royaimies lût garnie d'un
de ses pnreilsl
— A'oiis avez tort, Ritler, dit Arthur
qui venait de paraître à la porte de Ta-
joupa, car le savant a Lien employé sa
journée.
— Et que nous apporte-t-il ? demanda
l'ancien contrebandier ironiquement; un
insecte rare, une pierre curieuse ou quel-
que touiVc d'herbe décorée d'un nom
litin?
— l\ien de tout cela,Riller.
— Quoi donc alors ?
— ] /abondance pour aujoiud'hui et
pour t )njours.»
A ces mots, Tarling retira d\m panier
d'écorce de bahbayo, tressé par mistress
Koppel, des racines succulentes que, grâ-
ce à ses longues recherches, il avait enfin
découvertes : c'étaient le papao et le bal'd
avi.idtn en usage parmi toutes les popu-
lations de rOcéanie, et que ses études
hii avaient fait connaître. Il avait égale-
lupnt aperçu des gisements de }:;fipog(ipo
et iV/f^ri fîmes qui approchaient de leur
mituriti'. Il cxplicpia à ses compagnons
les projniétés nutritives de ces plantes et
les moyens de les nudtiplier par la cul-
ture, de manière à ne plus craindre la
disette.
Cette bonne fortime inattendue rendit
l'espoir à Georges, qui se laissa panser |
par mistress •Ko]>pel, tandis que AVil-
liam préparait le re]>as.
IM.iis la ble-sure était plus grave que
Ritler ne l'avait cru d'abord. Il dut res-
ter à l'ajoupa, h^s jours suivants, dans
un repos forcé. Or, accoutumé à la vie
en plein air et à toutes les distractions
d'une activité laborieuse, il ne tarda pas
à tondjcr dans un sombre ennui. Ce fut
alors que uiistress Koppel lui devint
utile par sa conversation aimable, ses
soins attentifs, et surtout par son exem-
jde. Elle raccoutuma à la patience, lui
apprit les nulle petites compensations
que l'habitude de la maladie fait dé-
couvrir dans la soufirance même ; elle
l'initia doucement aux joies intimes qui
lui étaient inconnues. Cette ame gros-
sière se dégageait insensiblement de sa
rude enveloppe; elle devenait plus sym-
pathique et plus conjpréhensive ; elle en-
trait dans des cercles successifs d'émo-
tions et de plaisirs dont elle n'avait même
]ioint jusqu'alors soupçonné l'existence.
Ritler ne haussait plus les épaules quand
la malade chantait im cantique ; loin
de là, il aimait cette voix faible et douce
qui lui apportait comme une vague. ré-
mie.iscence de celle de sa mère ; en
écoutant les prières répétées chaque soir
et chaque matin par mistress Koppel, il
se rappela une partie de celles qui lui
avaient été apprises dans son enfance ;
et , ramené ainsi à de naifs souvenirs,
depuis longtemps oubliés , il se mit à
parler de ses premières années passées
dans les hautes terres de l'Ecosse, de
SOS illusions d'alors, de ses scrupules, de
S(\s joies! Ainsi, à son iusu, 1 honune
endurci n'dcvenait enfant, et, en se rap-
pelant les piues impressions de ses pre-
mières aimées, recommençait à les coni-
prendre et à les aimer.
Sa blessure allait mieux , mais la
plaie, mal fermée, lui défendait encore
la pèche poiu' longtemps. Un jour qu'il
70
déplorait cette inipulss.lncc* en se plai-
giiniit av» r un peu daijîieur de la mal-
adresse de ses con>pa(;uons, Trot déclara
qu'il était prêt à le remplacer.
— Toi! s'écria Hitler; s'il s'agissait
d'escamoier des noix muscades ou de
marclier sur La tète, je |)ourrais te croi-
re ; mais qu'as- tu lait tU puis notre ar-
rivée, si ce n'est de dt'nicher quelques
ceuis et perdre ton -tenqis avec ce slu-
pide volatile?
— Le petit Jolni ! reprit W illiam ;
aussi vrai (|ue nous sommes elirétiens,
je vt ux (juil devienne le nu iih nr pour-
voyeur de la colonie !
— Ton oiseau ?
— Mon oiseau, monsieur Hitler. Jns-
<]U à présent nous élions ol)li|;(''s de tout
laire nous-mêmes; jai voulu avoir un
serviteur, et je ne crois pas avoir mis
trop de temps pour le liien dresser.
— El (pie sait laire ton élève ?
— Sans vous ollénser , monsieur
Groij;es, il ])èelie trois fois mieux que
vous, et cela, sans lij^jnes ni lil( (s.
— Tu veux rire.
— A ous pouv( /. venir aux l)ords de
la mer tl en jn;;er vons-mème. u
Les (pialre associes se rendirent, on
< lUt, sur la j;rcve, on le jx*lit John eom-
menra ses extreires sous la direction de
\\ dit ini Trot, lin n)oins d nnc lu-ure
l'oiseau avait icmpli «le jioissons le jia-
nier apporté par son maitre, cpii .se mon-
tra ])lns lier cpie s'il l'et'it jiéclu' Ini-
mèm«*.
— y\. Hitler voit (pie jr n .li point
perdu mon tenq>s, dil-il avee une (gra-
vite enj()U('e; .srulenient, je l .u ( nqdoy(''
aulienuMit (pie lui ; eliaenn prend la vie
connue il peut, et du e(*>té où d lui voit
une an.se ; il s\q;il seuliMuent de nous
enq>loyer selon notre inclination. •
(le d« rnier exenqde frappa paiticu-
lièrement l'ancien i^tnlrehandier , noii
parce (péil l't.nl plus touclianl (pu* l(*s
autres, mais parce qu'il venait aprê«,
Georges commença à comprendre qu'au-
cune faculté ne doit être dédaijjiiée, et
que toutes peuvent trouver leur place
dans l'association humaine. Il avait mé-
prist^ la faiblesse de mistress Koppel, et
il lui avait dû d'abord la vie, ainsi que
ses coiiq)agnons , puis la consolation
dans ses jours de souflVances et d'en-
nui ! Il avait accusé la science de Tar-
ling, et tous lui devaient l'abondance
pour le présent et la st'curilé pour l'a-
venir ; enfin, il avait mépris*' les (;oûts
jnn'iils de William Trot, et ces {;oûts
venaient de leur assurer un serviteur
aussi inespéré cjue précieux !
Ces leçons successives guérirent Hitler
de son égoisme et de son orgueil. Com-
prenant (pie les faeull('-s qu'il avait re-
çues, pour être plus visibles au premier
asjx^ct, n'étaient point uniques, et que
tous les hommes de bonne volonté |K)u-
vaient ('gaiement concourir à la tâche,
il reprit ses fonctions avee un zèle aussi
ardent, mais ))lus humble.
A mesure (pie les bénéfices de l'asso-
ciation se développaient entre les quatre
membres de la petite colonie, ils deve-
naient lu'cessaires l'un à l'autiv, et ar-
rivaient à mieux se (ximpl«'ler. (i(X)rj;es
«'lait la foK (' ( t le courage de la soiieté,
Arthur Tarling la scieiuv, William Trot
la gaît»'; quant à la malade, elle en était
le charme et le lien : elle iYpré*s<Mitait
tous l( s doux insliiuts. tous les besoins
du (<eur. toutes les intnnes aspirations :
c'i'tail elle (pii priait, (pii chantait, qui
parlait à eha(]ue naufragé de sa nièiv,
qui enirel(M)ait parmi eux IVmuIation
du dévouement; elle était à la fois, dans
cette stK'iété en miniature, le prêtre, la
femme et le ptn-le ; chacun tiouvail en
elle ui\c soileth* jugr moral cl «le se-
conde conscienci». Si misCn^i Kop|H*l
était ct^nteale, on avait bien fait ; si elle
était tii>te, o:i avait eu tt^t. Klle junn-
80
blalt la loi vivanto de 'cette lainillc
qu'elle avait améliorée ])ar la piété, et
qu'elle contenait j)ar ralléetlon.
Trois années s'écoulèrent ainsi : la
petite lie était insensiblement ilevciuic
pour tous une nouvelle patrie ; à peine
leur souvenir se reportait-il, de loin en
loin, sur le momie, dont ils avaient été
brusquement séparés.
IMais un matin que Ritler (gravissait
le coteau pour descendre au liva^e, il
aperçut tont-à-coup, aux premiers feux
du jour, lui navire mouillé à quekjues
cncàblnres du riv.i{^;e, et dont la cha-
loupe venait d'aboiiler. Il eut à peine le
temps de pousser un cri ; les matelots
américains lavaient aperçu , et accou-
raient vers lui avec îles exclamations de
surprise et de joie.
Ritler les conduisit à Tajoupa , où
Tarlin^ raconta en détail leur histoire
au capitaine Yankee, qui les fit embar-
quer sur-le-champ, et remit à la voile.
Enfin, après une heureuse traversée,
tous quatre ^^rrivèrent à Boston , qui
était précisément le but primitif de leur
voyage.
JltMitrés dans cette société d )nt ils s'é-
taient crus retranchés à jama's, ils en re-
prenaient toutes îles obli^j lions et de-
vaient suivre la voie oiverte devant
chacun. Leur associatii n de l'ile de
lîerj^h n'avait été qu'u >i campement de
trois années dans le dé>ert ; mais trop de
liens de recoiinaisstince et de tendresse
unissaient ces âmes pour qu'elles pus-
sent se séparer sans déchirements. Tous
quatre se tinrent longtemps embrassés
et ])leurèrent beaucoup ; enfin Tarling
réunit leurs mains dans les siennes, et
les serrant d'une dernière étreinte :
« Adieu, amis I dit-il ; allons où Dieu
nous envoie ; mais, quoi qu'il nous ar-
rive, songeons toujours au grand ensei-
gnement qu'il nous a donné ; n'oublions
jamais que les plus humbles activités
ont leur utilité , et qu'il y a toujours
place dans le monde pour les hommes
de bon désir. «»
Emile Souvestre.
INSTRUCTION.
FCESI
CANTIQUE DE JUDITH.
Redoutables vengeurs des crimes de la terre, .
Messagers du Très-Haut qiii, portant sou tonnerre.
Le fciites retentir dans le vaste univers,
Et jusque sur le trône effrayez les pervers ;
IMinistres immortels de ses justes vengeances.
Protecteurs des huinains, saintes intelligences,
Lnagcs d'un Dieu juste, où lui-même est empreint,
Répétez avec nous que le Seigneur est saint.
n imbeau de runivers, dont les clartés fécondes
Aiiinirnt à la fois tous les cicux, tous les mondes^
81
Quand la tcnr, s'ouvrant à tes vives ( Iialnirs,
Fait pcrincr dans son sein rt les fniits et les (leurs ;
Ardent i)èie du jour, époux de la nature.
Du soleil éternel éclatante peinture,
Près de ce Dieu vivant, toi dont l'éclat s'éteint,
Viens redire avec nous que le Seifjneur est saint.
Toi qui suis le repos, le silence, les ombres.
Qui fais voir les objets taciturnes et sombres.
Bel astre, dont le feu si doucement nous luit.
Qui nous ollre lui jour pâle au milieu de la nuit.
Qui, (iiui Dieu Ix'nissant annonrant la puissance.
Répand du haut des airs une utile inUuencc
Où sa tendresse éclate, où sa bonté» se peint,
Viens redire avec nous que le Seigneur est saint.
Et vous (jui dispersez Us ti'nébreuses voiles, i^
Beaux yeux du firmament, éclatantes étoiles,
Diamants qui semble z enebassés dans les cieux ;
Pour les infortunés, astres mystérieux.
Brillantes roses d'or, au cban>p d'azur semées,
(>lous du superbe cbar du jjrand Dieu des années,
Clairs flambeaux de la nuit (pic le soleil éteint,
Répétez avec nous que le Seijjneur est saint.
Armes du Dieu vivant, elViovable tonnene,
Ht nous, vents enfermés aux fjoullres de la terre,
IVIontaj^Mies et vallons, fiers torrents, doux ruisseaux.
Innocentes brebis, bonneur de nos troupeaux.
Vous, cbantres des forêts, qui cbarmez nos oreilles.
Trésors de la nature, innond)rables merveilles.
Que l«s eieux, (pie les mers, et (pie la terre en(n"int,
Répétez avec nous (pie le Seij^neur est saint.
Kt nous, pour (]ui sa main ]u'end auiourd'bui les armes,
Noiis de qui son amour vient essiner les larmes,
Que nos lulbs, (pie nos voix, par des tons mesun'S,
S'élèvent, s'il se peut, aux {;lobes a/.urés.
Nous voyons, par son bras, nos {guerres étoulférs;
Posons sur ses aut(Ms nos armes, nos iropliérs :
Rj'lM'tons^à jamais (pie le Seiymnn" est saint,
I!l que tout est possible au mortel <pii le eranit.
.Mlle. i)K Pkiii dk Calaae (i).
(T, M»' de rcrh. (IcCnlnçc, qui V(irul S0II5 1 • :a le
prix nnx jrux (lornux, pour !«• pcfino ilc JiitiK/». ; , ., > jeu-
nes Icrlrlrrs». Aprts la mort de M"« de IVoh de Qthigf, ce pocinc, en huit chanti, fut publjc par lr>
noinii de M"" l.'llérilirr de Villardon.
82
VOYAGES.
CAT VCOMBKS I)K SAI.NT-SKRASTIEN A HOME.
Rome, h; 17 mars I8'<.., .
Jt* sortais des ruiars d\ui cirqiK' , \c
cœur oppressé de priiihles ri sanijlaiits
souvenirs, lorsipu^ j ai visite', près de
raneieiiiie porte (\i/^' //:/, sur la ihi/c Jj>-
pie/nit-, Tt'Y.lise tle Sùiit-Sébastieii et les
cataeouibes sur lesquelles cette t'^jUsc est
bâtie. Ici ui'apparaissaieut encore de
nouvelles traces de la cruaut(' romaine;
mais du moins pouvais-je revenir à des
pensées consolantes et élevées, en oppo-
sant la ma{;naniniité des victimes à la
barbarie des persécuteurs... Quelle foi ,
quel saint et noble entlioiisiasme dans
ceux qui ont peuplé ces sonterrains !
Quelle incomparable fermeté, quelle cou-
ra[^euse résijjiiation dans ces cbrétiens
qui soufiraient toutes les tortures plutôt
que de renoncer à leurs convictions I qui
livraient leurs corps aux bourreaux pour
soutenir la sainte^ cause de la loi morale,
de la liberté de l'àme et de la con-
science.'... Cette jjrandeur est empreinte
dans tous les laits , dans tous les récits
({ue cette époque nous a lé^^ués ; mais elle
ne peut nulle part ressortir avec un ca-
ractère plus touchant que sous les voûtes
consacrées par tant d liéro'isme; là, il y
eut en lin un lieu de repos pour ceux qui,
sous le soleil, ne trouvaient plus que
(jjlaives et supplices.
La basilique (l) Saint-Sébastien, dont
(1) Voici l'origine du mot basilique, employé
depuis longlcmps pour désisncr les piiiiripales
églises de Ironie et de la chrélienté. Cette ex-
pression vient d'un mot grec qui t-ignifie royal.
— Les ba>irKiuesdes anciens étaient des édifices
où l'on traitait dilférentes sortes d'aHairos au
nom et par l'autorité du souverain : de là la
qualification de royal. L'architecture de ces mo-
la première érection remonte aux années
qui suivir( lit les édits de pacification de
Constantin, a été bâtie sur remplacement
des catacombes de Saint-Calixte (2). La
tradition rapporte que 174,000 cbrétiens
y lurent inliumés dans les premiers siè-
cles de notre ère.
Après le martyre de saint Sébastien ,
la foide paieiine jeta son corps dans un
é[jout de Rome; mais il en fut bientôt
retiré par les soins charitables et j];éné-
reiix qui portaient les premiers chrétiens
à braver la mort pour donner une sépul-
ture convenable à leurs frères. Une dame
roni \ine du nom de Lncinc, fit porter les
restes du martyr Sébastien aux catacom-
bes de Saint-Calixte, et c'est sur la ])artie
(lu cimetière où le corps du saint fut dé-
posé, que Ton a bâti l'éjjjlise qui est sous
son invocation. Plus tard, la chrétienne
Lucine fut aussi inhumée aux mêmes
lieux. A rentrée d(^s catacombes, près de
lautel élevé sur le tombeau de saint Sé-
bastien, on voit une table d<.' marbre fort
ancienne où est inscrit le nom de cette
femme courageuse. Le rapprochement
de ces deux tombes m'a bien vivement
émue, tant le dévouement du faible est
toujours chose vénérable et touchante.
numcnts fut plus lard adoptée par les cliréliens
pour leurs églises, auxquelles ils ne voulaient
pas donner la forme des temples consacrés
«'lUX idoles. Lors du triomphe du christianisme,
plusieurs nicine de ces bâtiments furent donnés
par les empereurs pour servir d'égliïcs : ceci eut
lien particulièrement à Constanlinople.
(2) Ce cimelière souterrain fut ainsi appelé
parce que le pape saint Calixte y reçut la sé-
pulture. On le trouve désigné sous les deux noms
de cimetière ou calacomhcs de saint Calixte.
83
On no clrsccnd point à une {jraiulr
profondeur pour arriver aux passafjcs
liistoriqueset sacrt's des cataeoinhes : w\
escalier tout nmtlerne y eonduit, et à l.î
ou 20 ])lr<ls sous le sol de réalise on voit
déjà des sc'pultiues. Ces {;aleries de la l<ji
et'de la mort sont prodi{;i( usenient nom-
breuses. On en trouve à chaque pas de
nouvelles; on en voit dans toutes les di-
rections; en se raunfiant toujours, elles
s'('t« ndent, ui'a-t-on assuré, sous u:i
espace de plus de six Uïilles (2 lieues).
Dans r()rir;iiie, c'étaient des carrières
d'où Ion tirait respcee de saMe appelc-
poifzzo/n/tr^ dont on se sert dans les con-
structions Iivdrauliques , et qui, nièlé à
la chaux, forme \c < inwnt mmain. Durant
les persécutions, elles offrirent une re-
traite aux chn'tiens,qui,en s'y réfu{;iant
pour prier, y mettaient à l'abri de l'in-
sulle les di'hris san;;laiits des di'fenseurs
de leur foi. Ils plaeaient ces corps dans
les parois de lon^s corridors souterrains,
où ils creusaient, sur deux ran};s de hau-
teur, des excavations assez profondes
])our recevf)lr deux ou trois corj>s les uns
à coté des autres. L n p( u de terre K s
s<'parait ; et pour ne point perdre d'es-
paci* on mettait les pii'ils du S( cond près
tle la tète du premier, et ainsi du troi-
sième, quand cette foss*' liori/.ontale re-
cevait trois cj^rps. Chaque excavation
était Irrnu'-e par «les tuiles, ou par des
tihh'S de marhre sur h'squclles étaient
jjravés le nom du martvr et l épjxpie de
son su])pliee, avec des end)lèmes symbo-
liques de M'S sou lira nces <l de la rili|;i<)n
chrélicnn»'. Pannl ces endilèutes, le plus
facile à couq>n'ntlre et aussi le plus tou-
chant, est la palme qu't>n vtiit sur plu-
sieurs tondxvs. l n monop^rannne sr rr-
prt>duit aussi très-souvent : il est fornu*
de deux httres {;rreques , «pu étaient les
]>remières d»-s mots ('hrist et ( Inclirft,
Devant plusieurs autres s»|iultuiTséliiirut
de petites houli dles contenant du sanjj.
et dans 1* intérieur , près du corps , <e
trouvaient quelquefois les instruments
de torture, par lesquels le martyr avait
péri. — Les traces de tout ce que je viens
de déerire se reconnaissent parfaitement.
Il est des excavations cpii, plus élevi-es
que les autres, prennent toute la liauteur
de la paroi et sont en partie recouvertes
d'une sorte de stuc [;rossier. On croit
qu'elles ont servi i\c s<'pulture aux pre-
miers chefs de rK;;lise ; car h'S récils con-
temporains nous appn*nnent que qua-
torze papes martvrs ont été inhumés aux
catatx)nd>es de Saint-Calixte. Iy^ corps
de saint Pierre et de saint Paul v furent
d'ahord (K'post'S , et n'en ont l'tf retirés
qu'après l'érection des basilitpics qui les
ont depuis renft rniés.
De distance en distance, on trouve
dans les (galeries de petits oratoires qui
conservent encore fies traces d'enduits ou
de peintures, et l on y voit des d< bris (pii
marquent la ])lace où devait être Tautel.
Si , dans mes nohibrcuses visitt^ à
S.iinl-Pierre, j'ai t'ié quehpiefois [obli-
f;ée «le me drmander qui vient prier « t
se recueillir dans ce tenq^le pnxlijjieux
que Ixauctiiip parcourent, un livn't ."i
la main , et^nm»' un moiuiment pir»-
fane et nu mns«e, qu'd en a clé bien
autrement dans «ts té-nébieux oratoi-
res des cata(X>nd»es 1 Ohl que li prière
devait être fervente cpnnd elle s'exha-
lait ainsi au nnhen di^ restes nmtilés
de ceux tpéon avait chéris! quand la
mort attendait |vMit-ctn» au S4^rtir de
ces souterrains', quand on avait .i <le-
mander à Dieu îles foixH's tt>ntre l«^ l«^r-
tures ! quand on stMitait son rtinir se n*-
volter (H>ntiv les infanùcs qui soudiaieiit
alors le momie it>main I... 1/liisloire de
riiitmme n'a ollert «1 n*t)n*iira |X'ut-étrc
jamais rien tle si (;rantl que le christia-
nisme dans CCS jours de supplii^^s et de
san|;lantes épn^uves. Je relis à Home o*
qui nous lYste do« œuvres si justemejit
84
ct'lèl)ros (le Tacite. Lorsque jr vois dans
les écrits cruii ti'inoiii oculaire ce (iiVé-
taient les Koinaiiis de ce temps , je me
sens saisie de la plus vive admiration
pour ceux qui, au milieu de tant d'hor-
reurs, avaient conq^ris la pureté, la di-
gnité de rEvanj;ile, pour ceux qui mou- i
raient plutôt que de prendre part aux
létes enVoyables de Néron : hommes su-
blimes, dont la résistance et le martyre
ont été le signal de la rénovation du
monde !
Longtemps après la liberté de rK^liso,
les catacombes restèrent en grande vi'né-
ration connue lieu de sépulture ; et alors
même que l'on put rendre ouvertement
les derniers honneurs aux chrétiens ,
beaucoup d'cMitie eux désirèrent que leurs
cendres fussent placées près de celles des
martyrs, dans les sombres asiles où leurs
j)èrt^s avaient souffert et prié.
Dans le principal oratoire de ces sou-
terrains , on voit un des autels appelés
confessions^ parce qu'on les élevait sur
le tombeau des confesseurs de la foi , de
ceux qui mouraient en l'avouant, en la
confessant. De là le mot conjession ap-
pliqué à l'autel principal des basiliques
de Home. Le pape saint Etienne fut tué
pendant qu'il priait à la confession des
catacombes de Saint-Sébastien.
Claire Cadillan.
SCIENCES NATURELLES,
EOTAMQin.
SEMENCES DES PLANTES
Il n'y a pas un seul végétal dont la
feuille ne soit disposée pour recevoir les
eaux de pluie dans les monlagnes, dont
la graine ne soit formée dfe la manière la
]^lus propre à s'y élever. Les semences de
toutes les plantes de montagnes sont
volatiles : en voyant leurs feuilles, on
peut aflirmer le caractère de leur graine,
et, en voyant leurs graines, celui de leurs
feuilles, et en conclure le caractère élé-
mentaire de la plante. J'entends ici par
plantes de montagnes toutes celles qui
croissent dans les lieux sablonneux et
secs, sur les terres, dans les rochers, sur
les bords escarpés des chemins, des mu-
railles, cnlin loin des eaux.
(1) De temps en temps nous emprunterons,
pour nos jeunes lectrice?, quelques passages in-
léressnnl.s et renfermant des idées (jc'ncrales, à
de grns livresque, proLablcment, la plupart
d'entre elles ne liront jamais.
DE :\IOXÏ AGNES (l).
Dieu n'a rien f jil en vain.
Les semences des chardons, des bluets,
des pissenlits, des chicorées, etc., ont des
volants, des aigrettes, des panaches, et
plusieurs moyens de s'élever, qui les
portent à des distances prodigieuses :
celles des graminée, qui vont aussi fort
loin, ont des balles, des panicules (2);
d'autres, comme celles delà giroflée jau
ne, sont taillées connue des écailles légè-
res, et vont au moindie vent s'implanter
dans la plus petite fente d'un nmr. Les
graines des plus grands arbres de mon-
tagnes ne sont pas moins volatiles : celles
de l'érable a deux ailerons membra-
neux, sendjlables aux ailes d'une mou-
che : celle de l'orme est enchâssée au mi-
lieu d'une foliole ovale; celles du cyprès
sont presque inq^erceptibles ; celles du cè-
(2) Panicule signifie en botanique un as>em-
bla^'O de llcurs portées sur des pédoncuk'S iiicles
et inégaux, qui les étalent confusément et sans
ordre déterminé.
8;
flre sont trrmliu'os par de larges et min-
ces feuillets qui forment un cône par leur
agrégation : les graines sont au centre du
cône, et, dans le temps de leur maturit»',
les feuillets où elles sont atUicl ires se dé-
tachent les uns des autres, comme les
cartes d'un jeu, et chacun emporte au
loin son pignon. Les semences des plan-
tes de montagnes, qui paraissent . trop
lourdes pour voler, ont d'autres ressour-
ces : les j)ois de la halsamine ont des
cosses don lies ressorts les lancent fort loin :
il y a aux Indes un arhre dont y ne me
rappelle pas le nom ( 1 ), (pii lance i\c
nuine les siennes avec un bruit send)la-
l)le à un coup de canon. Celles qui n'ont
ni panache, ni ailes, ni ressorts, et qui,
par leyr pesanteur, semblent condanuu'es
à rester au pied du végi'tal (pii les a pro-
duites, sont souvent celles qui vont le
j)lus loin : elles volent avec les ailes des
oiseaux ; c'est ainsi que se ressèment une
nniltitude de baies' et de fruits à noyau.
J-.eurs semences sont renfermées dans des
croûtes pierreuses (pii sont indi{;estibles;
les oiseaux h\s avalent et vont les planter
sur les cornielies des tours, dans les
lentes des rochers, sur les trônes des
arbres, au delà «1rs lU'Uves et même
des mers. C'est par ce moyen cpriui
oiseau des IMohupies repeuple de nnis-
eadiers les iles désertes de e<t arelii-
])el, malgré le5eft<)rts<les Hollantlais, qui
d«'truisent ces arlurs <I.ims tous les lieux
on ils ne servent pas à leur eonnneree.
Ce n'est jvas ici \c mom«'nt de parler des
rapports tles vé-gétaux avec les oiseaux ;
d snllit «r«>bserver, en passant, cpie la
jtlnp.nl <lesois(MUX ressiMuent !«• végé*lal
«pn lis nourrit. <)ii \t»il nièmerlir/ nous
les (|uadriq)èdes tr.uisporter fort loin les
gi.iines des j;rannn('«'S : t«ls sont entre
antres ceux (pii ne ruminent pas, dont \c
iumier gale les prairies on y inlrodut-
(I) La sablier.
sant quantités d'herbes étrangères, com-
me la bruyère et le petit genêt dont ils
ne digèrent pas les semences ^ ils en res-
sèment encore d'antres qui s'attachent à
leurs poils, par le sinq)Ie mouvement de
leur queue. Il y a de petits quadru|)èdes,
comme les loirs, 1rs hérissons et les
marmottes, <jni transportent dans les
parties les ])lns élevées des montagnes les
glands, les faines et les chàtaijjnes.
Il est très-digne de remanpie que les
semences volatiles sont en beaucoup
plus grand nombre que les autrt^ (^|)è-
ees, et en cela on doit admirer les soins
d'une Providence qui a tout prévu. \jCS
lieux élevés pour lesquels (lies sont des-
tinées étaient exposés à être bientôt dé-
pouillés de leurs végétaux par la pente
de leur sol et j)ar les pluies qui tendent
sans cesse à les dt'grader : au moyeu de
la volatilité des graines, ils sont devenus
les lieux de la terre les plus abondants
en plantes : c'est sur les montagnes que
sont les trésors des botanistes.
Nous ne saurions trop le répéter, les
remèdes de la nature (l) sont toujotirs
supérieurs aux obstacles, et ses conq>en-
sations au-dessus de ses dons. Kn elfet,
si vouf» »n ( xceptez les inconvénients tic
la pente, une montagne pivs<*nle aux
plantes une plus j;rand«* varit'té" d'<\|H)-
silions. Duis une plaine, elles ont le
même soleil , la même humidité, le
même terrain, le même vi'nt ; mais si
vt)us vous «"'levé/, d nis une montagne
sitU('«' dans notre latitude, seulement de
l'i toises (2) de hauteur p<r|HMidieulaire^
vous change/, de climat connue si vous
aviez fait 2ô lieu*^ ve« le NonI ; en
I Co mot, gënt^rnlrmcnt mWé par la Kicncc,
sert A dô»li{nor A la toi» l'œuvre de Dieu, c'ett-
liijt ntt- ipii M'imu l
que les rorps non *
r«n\. n ' '
cl JUh«i
(7) Ui lotte cquivaul A I métré 93 ccntinuHrcf
. tcU que les niiné-
cnsemble
86
sorte ({irmic nion(n<iiio de 1200 lolsrs
ptMpcnd'KMilaiK^s nous pn'srnlc iino
rclu'llt' de V('j;('( itioii aussi l'UMiilnr qiK'
ccll(^ (l("s r200 Vicucs, liorizontal(\s qu'il
Y a à ]i( Il près d\c\ au yiCAc ; Tune ( t
Tautiv sr toiniiurraiiMit à nnr ^;]a(M^ y>cv-
|n'tut'Ui\ Cliaquo pas que Ton l'ait dans
iiiu^ niontajvno, m s'rlevant ou en dcs^-
ccud:\ul , clian<;o notre latitude; et si
Ton en (ait le toni', eliaque pis clian(>e
notre lo!v;itude. On y trouve des points
où le soleil se lève à 8 heures du ma-
lin, d'autres à dix heures, d'autns à
midi ; on y reucontre une variét;' infinie
d'exiiosiiiens ; de froides au Nord ; de
ehaudes au 3fidi ; de pluvieuses à
l'Ouest ; de sèehes à l'Est, sans compter
les diverses réilexions de la chaleur clans
les sables, les roches, les fonds des val-
lées et diS lacs, qui les modifient de
uiille manières.
On doit encore observer, non, sans ad-
miration, que le temps de la maturité
de la plupart des semences volatiles ar-
rive vers le comuiencemeut de l'autom-
ne, et que, par suite de cette sagesse
universelle qui fait agir de concert tou-
tes les parties de la nature, c'est alors
que souillent les grands vents de la fin
de septend)re ou du commencement
d'octobre, appelés vents de Téquinoxe.
Ces vents soufflent dans toutes les par-
ties des continents , du sein des mers
aux montagnes qui y sont coordonnées ;
non - seulement ils y t\'ansportent les
graines volatiles qui sont mûres alors,
mais ils v joignent d'épais tourbil-
lons de poussière , qu'ils enlèvent des
terres desséchées par les ardeurs de Vr-
té, et surtout des rivages de la mer, où
Ir uîOuveuKMit perpétuel des fiots, fjui
s'y lris(Mit (^t y roulent sans cesse des
cailloux, réduit en poudre impalpable
l("s corps les ])lus durs. Ces émanations
de poussière sont si abondantes en dif-
férents lieux, que je pourrais citer plu-
sier.rs vaisseaux qui en ont été couverts
à plus de six lieues de la terre, en tra-
versant des golfes; elles sont si incom-
modes dans les parties les plus élevées
de l'Asie , que tous les voyageurs qui
ont été à Pékin aflirment qu'il est im-
possible de sortir dans les rues de cette
ville, une partie de l'année, sans avoir
un voile siu* la figure. Il y a des pluies de
poussière qui réparent les sommets des
montagnes , conuiie il y a des pluies
d'eau qui entretiennent leurs sources ; h s
imes et les autres viennent de la mer et
y retournent par le cours des fleuves,
qui y reportent des tributs perpétuels
d'eau et de sable. Les vents maritimes
réunissent leurs efforts vers Téquinoxe
de septembre, transportent, de la cir-
conférence des continents aux monta-
gnes qui en sont les plus éloignées, les
semences et les engrais qui s'en sont
écoulés, et sèment de prairies, de bos-
quets et de forêts les flancs des préci-
pices et les pics les plus élevés. Ainsi les
feuilles, les tiges, les' graines, les oi-
seaux et les vents concourent d'une ma-
nière admirable à entretenir la végéta-
tion des montagnes.
BEimARDiN mi Saiint-Pjeriie.
LA ^lAITRESSE DE MAISON.
1NTR0I>LCTI0N.
Je te le demande en grâce, Clémen-
ce, mon amie, déchire toutes les lettres
que je t'ai écrites depuis mon départ de
Paris. La rougeur couvre mon front ,
r
87
lorsque je luc souviens tle quelles cou -
leurs j ai osé nie servir pour peindre la
iiieill» lire, l.'i plus saj^e des femmes, celle
qtii a lorm»' le cceiu* de mou mari î
J ai <'té envers elle iiiju.ste , iii|;r.ite —
c'est à [;euoux que je l'ai piii'e de me le
pardonner. Lis, et vois combien j»- dois
la vjMK'nr et l'aimer I
Hier au soir, pour la première fuis
depuis noire muiaj^e, l'Edouard est sorti
sans moi. Il allait au cerele, non \Hmi y
lire les journaux, mais |)our rencontrer
une personne à Lupielle il avait alTiire.
1 n tete-à-lète avec ma belle mère !
(pielle perspj'elivel — et d'autant plus
terrible (pie, eomine il y avait tbéàlie
ce soir-là , j (tais assurée (pie pas une
seule visite ne viendrait f.iire tliversion.
A notre àfje, ee (pi'on redoute le plus,
lu le sais, ce sont /e> It çi>ns de momlr....
et, ma conscience aidant, je nie disais
que iM'"« Beaumonl n'aurait {;arde de
laisser écbapper mu- si belle occasion de
me clmj'itnr sur plnsit urs sujets.
L'entretien lut d abord assez lan(;uis-
sant. iM""^ Heaumont avait connneneé
par me parler de la |>ensi()n ou tontes
deux, ma (llémenee, nous avons été éle-
vées et où se sontserit's les liens de noire
amiti('; je ne rt'pondais (pie par mono-
syllabes, m alleud.iiil à elia(pie instant à
(piel([ue srnnon ; mais, après m'.ivoir dit
des mots toiubants sur ma nu're, (jue je
n'ai pas connue, tu le sais, IM'"*^ lieau -
mont, ei'dant sans doute à la puissance
il( s souvenirs, s est irouvée entraînée à
lue raionter sou enfance si triste entre
une nu re toujours malade, mi jieie ta-
citimie ( t livrt" aux alfaires, une servante
mailresse, qui fiisait tout plier sous sa
V()lonl(', et le teneur de livres de iNL Ni s-
\i\ i\\i\ ( t lil maître de for^e; mais de ce
(pion appelle \i\\c /tttitr foit^r^ cvWc oÙ
l ou fa(:onne À br.is d lioimne les pièces
de fer et d'aeier les plus répandues dans
le eonimeiee. Je m intéressais à ce récit ,
je croyais voir surtout le teneur de li-
vres, ]NL Corbin, petit liouiine sec, vêtu
de son éteriul habit tle drap couleur
nois( lie, et coilVé à l'oiseau royal ; por-
tant en été la culotte de nankin, le {jili t
de j)i(pié blanc, les bas de colon Liane,
avec des souliers à boucles ; eu liiver,
le [;ilet d'étort'e jaune-serin , les bas de
coton {;iis cbiné, et, dans toutes les sai-
sons, le cba|M>au à trois cornes sous le
bras. Ilomnie ponctuel par excellence, il
ne pouvait s'apercevoir du tlésordre
trop réel (pii n'-;nait dans la maison du
patron, sans ilire souvent tout haut quel-
(pies mots (pii blessaient au vif Jeannette,
la servante-maîtresse ; s'il avait dépendu
d elle, M. (turbin aurait été reuiercié.
Mais M. \cs\c savait ce que valait son
teiK ur de livres, et s'il m* montrait que
rareuK ni sou mécontentement de l'es-
pèce de s(juverainelé exerct'c par Jeau-
netle, si sui lout il ne la renvoyait pas,
c'était par ména^;ement pour sa feunne
malade, à KKpielle il avait niènie accordé
de ne point m« ttre sa lille en pension;
nuis il faisait «'lever sou fds au colléj^e,
Ail b( lie n.ère avait sel^e ans lors-
(pi'elle perdit sa mère.... L'auntr sui-
vante, 31. Xcsle la prévint «pielle devait
S(* préparer à tenir s,a maison , et à y
laire r«*|;ner l'ordre et t'éiX)noniie. Quelle
t.'ube, Clémence, pour une jeune fdlc
cpii ne savait pas plu-s <jue loi et moi ce
que c'e>t (péun ménage !
INI. Nesle eoinmene.i pu i«n>«>\ti la
servante-maîtresse; il mil aupièsdesa
lille u.ie personne d'un .i^e uuir, cl en
étal, à ce qu'il cixi\ail, de la diri(;er.
]Mais, clia(pie mois, lorsque ma lH*Ile-
mère allait demaniler de l'argent à sou
père, 3L N»sle s'enq^irtail eu disant
(pu- la maison était un (;oulVie qui dévo»
rail tout ; que si la dépense continuait
d'être aussi forte, il serait hi<*iit«il ruiné,
et la pauvir j< une fiIIc se relirait tout
en larmes. Que faire |H)ur diminuer celtr
88
tlrponso tlont son père se plnij^nnit avoc
tant iranu'itunie ? à qui domaiulrr clos
conseils? où clieiclur les liiniicres (pii
lui manquaient? La IVninie placée au-
près d'elle était probe, mais sans iiitelli-
};ence ; de cette sorte cVinlellij^jence sur-
tout qui saisit Tensemble des choses, et
(|ue ma belle-mère, je le vois mainte-
nant, possède à im dej^ré remarquai )le.
Vn jour, le leui ur de livres la suivit
sans qu'elle s'en aperçût, au moment
où, bai[;née de pleurs, elle quittait le ca-
binet de son père.
• — jMademoiselK^ Emma', dit-il en
la saluant, si vous aviez besoin de quel-
ques explications sur les comptes et la
I)alance dont le patron vient de vous par-
\cv, je suis là. »
IMa belle - mère tout étonnée le re-
garda.
» Tenir des comptes, continua-t-il,
que ce soit pour la maison ou pour la
forge, ce n'est pas plus difllcile l'un que
l'autre, le tout est de savoir s'y prendre.
On découvre alors d'où vient le coulage,
et le coulage, voyez-vous coulerait à
fond la maison la plus riche, c'est un
fait. Le patron se plaint avec raison ; il
faut que la maison d'un négociant soit
conduite avec le même ordre que ses
opérations de commerce ; autrement la
ruine est an bout. Youlez-vous, made-
moiselle Emma, que le soir, pendant que
le patron apure les écritures dans son
cabinet, je vienne vous montrer à teiûr
votre caisse aussi bien que la nôtre est
tenue, je m'en vante?
— Ohl venez, monsieur Corbin, venez
dès ce soir! s'écria ma belle-mère. C'est
Dieu qui vous envoie à mon secours ! Je
vous attendrai. »
Le brave homme tint parole. Il revint
dans la soirée. Ma belle -mère m'a avoué
que ses démonstrations lui parurent
d'abord tellement incom])réliensil)l(\s ,
qu'elle désespéra de parvenir jamais ,
avec l'aide de M, Corbin, à savoir tenir
ses livres de ménagère ; mais le résultat
qu'elK' retira de cette première leçon fut
du moins la conviction qu'il (allait ab-
solument rétablir l'ordre et l'économie
dans une maison qui n'avait pas de re-
venus fixes, puisque les bénéfices du fa-
bricant et du négociant dépendent du
l'ius ou moins grand nondjrc de com-
mandes ou d'affaires faites dans l'année.
Aux (leçons suivantes, elle reconnut
qu'une maîtresse de maison doit se ren-
dre compte de tout, et régler sa dépense
d'après la somme qui lui est allouée
chaque mois.... Enfin, chère amie, que
te dimi-je ? pour la première iois de ma
vie j'ai compris de quelle valeur est une
femme économe, rangée, pour un père,
pour un frère, pour un mari, et j'ai ad-
miré Tordre établi ici par mabelle-mère.
Cet ordre est tel que tout se fait sans que
personne, pour ainsi dire, ait l'air d'y
toucher. Les domestiques sont chacun à
leur besogne ; ÏM'"^ Beaumont ne gronde
jamais, et, je dois le reconnaître, sa gra-
vité habituelle n'est pas celle que donne
la mauvaise humeur. Chose incroyable I
elle sait le comj^te de tout ce qui meuble
nos deux maisons, maison de ville et mai-
son des chamjjs ; elle sait le compte du
linge, des porcelaines, des cristaux, des
vêtements contenus dans les armoires I
Je l'écoutais tout émerveillée.
« Et c'est vous, ma mère , lui dis-je,
c'est vous seule qui avez établi cet ordre
admirable?
— IMoi seule f non, ma fille, a-t-elle
répondu d'un air calme. M. Corbin a été
pour moi un excellent profi^sseur ; sans
lui j'aurais renoncé bien des fois à une
lâche qui me sendjlait être au-dessus de
mes forces... Quand il me laissait à mes
réflexions, je sentais le découragement se
glisser peu à peu dans mon ame... Alors
je priais avec ferveur, et je comprenais
que Dieu lui-même m'appelait à aider
80
mon père à rch ver une fortune qne la
lonjjiie maladie de ma mère, que le cK's-
ordre d'une srrvante-uiaîtresse avaient
compromise. Si faible que je fusse, si peu
inslrnit»' que je dusse me reconnaître, je
compterais cependant pour luviucoup
chez mon père si je parvenais à réduin- 1« s
dépenses superflues et journalières Pour
peu que vous sovez curieuse de ju{jer par
vous-même, ma chère fille, de l'étendue
du concours que pcutapporter une frnnne
à un père, à un mari, par l'adminis-
tration saj^e de leur maison, je vous mon-
trerai le chiffre des dépenses lorsque je
pris la direction de la maison de mon
père, et celui auquel je parvins à les ré-
duire deux ans a]>rès... iMais vous n'ai-
me/, pas les chiffres, a-t-elle contimié
avec un doux sourire ; et vous jK)USsez
cette aiuipathie si loin que vous ne vous
rendez même pas conqUe, je crois, de
vos dépenses personnelles. »
A ces mots, chère amie, j'ai rouj;i, et
mes mauvaises dispositions se n'veillant,
je me suis dit : Voilà le scrnwn qui vient!
IMais IM^if Heaumont n'ajouta pas un
mot de plus sur ce sujet. Elle me parla
des hais (|ui m'étaient promis pom* le
reste de l'hiver, de trois {grands diners
que mon mari donnerait, puis <le notre
départ au mois de nj.ns pour notre m.u-
son des chamj>s, I]iifin , ma (llt'mence ,
elle se moiUra si aimahh', si induljjenle,
si <lésireuse de me rendre heureuse, cpie,
cédant à nion émotion, je tondiai à {ge-
noux di'vant l'Ile en la eoMJmant de me
|>ardonner de n'avoir pas été pour elle n*
que j'aurais th'i cire, de ne l'avoir pas ai-
mée avec tout l'amour dont elle est ilij;n<\
<« Pas niiisi, non pas ainsi! devatit
Dieu seulement on fléchit le j;enou , ma
fdle, dit-ell«- tu me relevant cl eu m'em-
brassant. De tout mon c<ïmu-, je vous par-
donne de ne m'avoir pas n'ndu justice.
Je suis vieille, votis êtes jeune ; je suis
sérieuse, vkhs im / l.i viitede Votre .^j'C ;
j'ai soullerl , vous i(jnorez encore les mi-
sères réelles de la vie ; j'ai reçu à peine
l'instruction la plus ordinaire , vous avez
été élevée dans l un des brillants pen-
sionnats de Paris, et vous possédez d»*s
talents (pii me maïupicnt. Lu seul |X)int
de ressemblance nous unit , mon enfant,
notre amour pour votre uiari ; cet amour
a le même but, n'est-ce pas, le bonheur
d'Edouard?
— Oh ! oui, ma n.ere! m e<n n-je.
— Eh! bien, nous y travailli ions
ensend)le ; vous le voulez bien?
— Si je le veux ! pouvez- vous en
douter, ma mère, ma bonne mère?
— Pour cela, il nous sufTn a de nous
entendre.
— Oh! nous nous entendrons tou-
jours!
— \ ous crovez, mon enfant?
— Oui, ma mère; et pour preuve de
ma bonne volonté , je vous prierai de
connnencer dès demain à m'accepter
comme auxiliaire dans les soins qu'exige
la maison.
— Nous verrons, répondit-elle avec
un fin sourire. »
En ce moment Edouird rentra.
.Nous primes tous trois le thé aupK'S
d'un l)on feu ; Edouard nous racont.i
quelques anecdott*s qui nous firent bien
rire... Je t'assure, chère amie, que nous
avons passé une charmante soiive.
Oui, j v suis déeiiliv ; je veux aussi,
moi, conciiurirà cxmsolider, à augmenter
peut-i'tre la forlune de mon mari. y\\
belle-mèir est exct^llenle, je le pnx*lame
hautement, cl je pivvois qu'Edouard
s«ra heuivux de notiY Ih>u actxml. H
aime tint sa mèir !
Ecris -moi, clièir amie, j\ii l>esoiu de
savi»ir ta |M'ns<V sur tiuil ceci. Il faut me
n'i>ondiv uint tiuatn retard ^ entends- tu,
Clémence!*
Je l'ainv '•* '•♦ |\i..îii i<^».
1 • Bk\imo>t. »•
90
TUAVAUX A L\\ÏGUILLE.
Calinc. — Finir rir])npicr,'' — Bonnet de femme. — Crochet carré. — Album en Inngiics clran-
ccres. — 3Iu-:iiiue nouvellr. — Ani culinaire : Navets aux pommes de terre. — Carottes à l'ita-
liiMine. — LUdiU'llcs au\| pommes de terre. — Omelette au rlium. — Pharmacie domestique:
Klixir odontaluiiiiie. — Arnica liquide. — Collyre. — Tuavaux a l'.mguii.i.e. — Brode; ies- diverses.
Aux l»als luxueux ont succédé les
concerts ; c'est encore , ma elicre Adèle ,
une occasion de se paier, ])ourles femmes
surtout. J'ai vu cet liiver deux Inls seu-
lement, et j'en suis revenue clfrayéc, c'est
le mot, de la licliesse des toilettes. Dia-
mants, perles , or, argent , dentelles ma-
gnifiques, couronnes de ilenrs, couronnes
de fruits, admirables d'exécution, en un
mot tout ce que la fantaisie peut créer de
plus brillant , de plus éclatant, tout ce
que le désir de paraître riche et à la mode
peut faire dépenser en une seule soirée :
voilà ce que j'ai vu ; et lorsque le lende-
main uia tante et mol nous avons calculé
centime à centime et la bien petite som-
me obtenue à grand'peine pour notre
fraicrniic ^ puis le nombre des besoins à
soulager, nous avons ressenti, toutes les
deux , quelque chose d'amer et de pro-
fondément triste! Hélas! et moi aussi,
j'ai dépens ' pour ces deux bals plus que
je n'aurais voulu! Pourtant j'y ai ap-
porté une grande économie ; mes jupes
de tulle avaient déjà servi l'an dernier,
ainsi que le dessous en talfitas d'Italie ;
mais il a fallu des rubans pour renouve-
ler les garnitures , quelques fleurs pour
ajouter à ma coiffure.. . des gants,... que
sais-jel... ^lon oncle a cherché à me con-
soler en me disant que ces dépenses-là
fout vivre une multitude d'ouvriers et
d'ouvrières. Je le sais bien ; je sais aussi
que donner du travail vaut mieux que de
donner l'aumône... Mais par un hiver si
rude, si long, il v a tant d'industries qui
manquent de ce travail quotidien cpii est
le seul revenu de pauvres familles!... Ne
doit-on donc rien à ces j^auvres familles?
.Te n'ai accepté du moins que ces deux
invitations ; les refuser c'eut été blesser
des personnes à qui nous devons .beau-
coup. .. Quant aux autres, elles ont été
comme non avenues.
Toi aussi, chère amie, tu es raison-
nable. Tu n'as pas' voulu renouveler ta
sortie de bal ; et tu te trouves embarras-
sée, me dis-tu , parce que tu es obligée
pourtantd'aller encore à quelques soirées,
à des concerts, et que cette sortie n'est
])lus mettable. Le tenij)s ('tant moins
froid, une caluic peut S'.iilire pour cou-
vrir la tète sans déranger la colilure, et
un ehàle va fort bien avec une robe de
soirée, montante , ou s'ouvrant sur une
guimpe. Voici, n" 3, un excellent modèle.
Le velours noir est l'étoffe qui convient
le mieux pour le dessus de la câline ;
si tu n'en as pas , et que tu n'en veuilles
pas acheter, choisis du moins une étoffe
de soie qui ait du soutien , le gros d'Afri-
que , par exemple. La câline porte G 4
centimètres d'ampleur sur 47 centimètres
de profondeur. Les coutures nécessaires
pour arriver à cette ampleur se font de
chaque côté du lé du milieu, taiflé dans
Ir sens de l'étoffe; elles disparaissent com-
j)létement dans le velours. On double la
câline avec du taffetas rose ou blanc,
légèrement ouaté et piqué. Tu attaches
91
le dessus sur la doublure au iiioyiii d'un
ourltt de 14 cciilimètrrs, ce qui lait que
la câline ne porU', en n'alité, que 33
centimètres de prolondcur ; la doublure
ne doit pas être pins larj^e que cela , 3. S
a'utiniètres, alin d'éviter de lorinci uut*
trop lorte épaisseur, lorsqu'en posaiit la
câline sur ta tète, tu rabats le larjjc
oinl( t siu" le fond (de U centimètres en-
viron), ainsi que te le montre le dessin
n" 3. — 11 faut à juésent plier en deux
la câline et la coudre j)ar derrière. Tu
fais, dans le li.uit , cinq plis assez pro-
fonds, pour qu à p.n tir du sommet de la
tète à la nuque, le fontl ne poi te (|ue I(j
centiu. êtres de liauteur; au-dessous des
plisdoitse trouver un espace uni et liant
de 7 centimèties. Altaclic un n(eud de
ruban à la place indiquée sur le des^in;
couds l«s brides en dedans, de cIkkjuc
côté des joues, à la liauteur de 12 cen-
timètres et à la profondeur de 9 cen-
timètres. Pose la c.dine sur ta le te ,
api es avoir rabattu Tonrlet sur le fond
comme je te lai dit; nt)ue les biitles,
et vois si tu n'es pas ainsi fort [gracieuse-
ment coi lice .*
Puis(pic (n ne possèdes pas la hoite
de Prévost W entzc I, qui contient t(»ut ce
qu'il faut pour f lire des lit urs en papier,
je vais te donner le moyen d'y supph'er
et d exéculir, sans outiis^ une renuiu nie.
dont le n" 4 te présente le patron.
Rirn de frais et de joli comnii- nn bou-
quet de renoncules doulilis de toutes les
cuuK'ins. Le rose, le roU{;e, le blanc, le
jaune réussissent é'{;alenie.it.
JK'coupe dix fois le patron ii" 1 , en
])apier à Heurs. Ceci fait, prenils t i pe-
lutli', un prlit « tni , et, av«*c cet » (ni,
creuse , (;aulre sur 1 1 pelotle clmcun ilcs
liuit pé'tales dont se compose le n"i. (><'tle
opération fiile pour t<s tlix ian{;écs de
liuit peules, prends du lil de fer, forme
un eroebet à son extrémité et entoure-lr
de colon cardé, noir, ou vert, suivant la
couleur de la renoncule \ le noir sied aux
pilait s routes, le vert aux pi'tales roses
ou jaunes. Quand ce ca'ar, espèce de
bouton alion/jé', te parait être assez [;ros,
tu le (;ommes légèrement , afin que le
coton ne se s«'pare pas. Kntoure-Ie d'éta-
mines fiites avec des bouts de lil noir,
j^ommé, coupés d'égale lonj^ueur. Tivui-
j)e dans ta {]omme rexirémilé supérieur
de ces bouts iK- lil, puis dans de la sciure
de buis. Laisse sécber. Il n'v a plus
maintenant qu'à enfiler l'une après l'au-
tre cbacunede tes dix ranj^ées de pétales.
I^ntre cliacim, tu mets un \w\\ de rouunc
;iliii de le coller l'un à l'autre.
Découpe sur ce même n" 4 une éloi'c
«n jiaj'iei verl ; lien ile j)lus facile que
de terminer en pointe cbacune des liuit
parties (pie présente le patron ; {jaufre lé*-
j^jèrement, place ce calice à la suit»* il«*s
dix ranpjées de p<'tales, cl la renoncule <jsl
faite. Tu devrais prier ta mère de le don-
ner la boite et Xouttl'agrUc Prévost Wenl-
/<'l, 21)0, rue Saint-Denis. C»tle l)oite
reiderme tics Imutons tout ])répin's, dos
feuill.ijjj's et des calie.>. t. Mil j;iulrés;
rien d»' plus conunoile.
^ oi( i le patron tle bavette, n* 'J ; il
est excelli'nl. La bavette se ferme der-
rière par trois boulons ; on l'assujettit île
elia(|uc côté au moyen de rubans ix»u>us,
r/i-ifiwsouSy aux deux endroil-; inibqués
pu u/if croix et un c. Il faut t|ue les ru-
bans soit ni assez lon{;N pour venir, en
pass^mt sous les bras, s'atlacber \M\r ilc-
vant à un boulon, ix)usu de même r/i-
(iesioiis^ à l'endioit m.uqué ilune r/oix
seuUnient, Eu général le piqué blanc,
boitlé d'une frivolité en ruban, csi pn*-
r« 1 ible,|H)ur bavette, à toute aulreélofle ;
ei |UMulant* celles «pii sont brtHlées étant
plus éléj;anles, on en fait, j our les ^rantis
jours ^ en lattsle ticuù/c,
>îa cousine tixnivera, je crois, de son
(;oi'it le bonnet n" 11, dont le u* 10 le
donne le juiUx»n irduit au ipiart.
92
]jC roiul, pour \c loiid, ytorlc ii ccu-
ùuu'UcA de tllauR'tir. 11 iaul le bioclor
( n l'Iciii, siii' jacoiias, à l'anjjlaise. Lors-
(jiu' la !)ri)tl( rie t\st j'aite, lu le bordes
tout autour cl un entre-deux eu valcMi-
iiennes.
Taille double la passe p. lîrode-la de
nièiu(^ (|ue le fond. 13orde-la, ainsi que
te rimiicjue la doul)le li^;ne i:, du uièine
entre-di u.\ en valencicinics, puis, de Tau-
Ire eôté d(; Tentre-deux, lu allacbes la
]iasse A, taillée double toujours, puis-
i[uc le patron ue donne que le pro/îl du
bonnet, (louds la ])asse entière, ainsi
prt'jiarée, à Fentie- deux du fond.
Il faut maintenant attaeber autour du
fond et au bord de Tentre-deux, ainsi
que le le montre le n^ 1 1 , un volant bro-
dé à l'angl lise, et qui ral)at sur la passe
p. Un volant pareil doit être cousu de
mcme le long de l'entre-deux de la passe
E, de manière à rabattre sur la passe a ;
celle-ei enfin doit être bordcc diine va-
lenciennes. Le volant et la valencienues
se cousent à plat sur le front , mais il
faut les froncer tous deux sur les joues.
Garnis ton bonnet de rubans bleus, li-
las, ou blancs , à ta fantaisie, et offre-le
à ta mère. Je t'ai envoyé déjà tant de
dessins de l)roderies anglaises, que tu
pourras aisément composer im plein et
trouver, pour les volants, un dessin ap-
pi'oprié à celui dont tu auras fait choix
pour le fond. Si tu ne veux pas prendre
la peine de chercher, dispose un semé
avec le n<^ 12 ; rien de plus facile: au se-
cond rang tu placeras les grandes fleurs
<7«-f/e^.v/o" des petites, et toujours ainsi.
Pour les volants, entoure ces fleurs d'un
feston à grandes et à petites dents for-
mées dVeillcts à jour. 11 faut s'inf^énicf\
connue le dit sans cesse mon oncle. Les
^ volants doivent être seulement coquilles.
Vois, pour le reste, à la fin de ma lettre.
Je veux cependant te dire un mot de
notre joli dessin de crochet carré, avant
d'en venir à la demande (juc tu m'as
faite au nom de plusieurs.
Les ]>clites hctcs, vraies ou iV invc/ition,
ont la vogue. Je t'en envoie donc pour
faire eu coton fin le rézeau léger que tu
veux jeter sur un édretlon. Exécute ce joli
dessin autant de lois qu'il le faudra pour
ol)teuir la largeur etla hauteur voulues.
Très-prochainement je t'enverrai la bor-
dure (pii doit lui servir A' accompagne-
ment. Tu peux aussi exécuter, d'après
ce dessin, une toilette de fauteuil et une
najipe de toilette, genre fort à la mode.
Je le promets des choses charmantes en
ce genre.
La demande f(ntc par plusieurs de nos
jeunes amies a été l'objet d'une grave
délibération. Nous manquons de place
pour satisfaire aux désirs si divers qui
nous sont témoignés, et le nombre des
voix en faveur de telle chose plutôt que
de telle autre l'emporte nécessairement.
L'une de nous a émis l'idée d'offrir à
nos jeunes amies le moyen de former un
album de pensées en langues étrangères.
JMon oncle a applaudi. Il trouve très-
iiîile de donner, connue sujet de traduc-
tion, des pensées justes, ren^arquables en
elles-mêmes ; à son avis, ce genre pré-
sente, sous tous les rapports, de grands
avantages; d'abord il ne s'agit pas de
traduire à coups de dictionnaire un récit,
une description ; il s'agit de comprendre
et de rendre clairement une pensée juste
et vraie; ensuite cette pensée juste et
vraie donne elle-même à penser^ chose
qui importe beaucoup, selon mon oncle.
Nous allons donc faire un essai. Mon
autre Adèle m'a apporté, pour Xalbum
en anglais^ les pensées que voici. Les
numéros nous aideront à nous mieux en-
tendre au sujet de la traduction, que
mon autre Adèle d(>nnera, si nos jcunt s
amies ne nous envoient point les leurs.
— 1 . — Wc understand any epoch of
93
tliC world Ijut iil , if \ve do not exaniiiio
ils roinancr : tlicrc is as inucli trutli iii
tlie portiy of life as in ils prose.
— 2. — Tlie passions are likc tlie
\\ iiids, oiily fi'lt wlicii tlirv brcathe, aiid
invisible s:ivc Ijy Uicir t'iKrts.
— 3. — It is only lliioiij'Ji \\oc that
we are tauj;lit to nlltct; and we gallior
tlie lioney ol" worldly wisdoni , not froni
fJowors, Ijnt tliorns I
— 4. — Jt is Jjrttrr to sow a };ood
lirart willi kindnrss, tlian a firld wiih
corn, lur tlic licait's liarvest is per|>e-
tiial.
— '). — Our lliouj^;lits , like nuns ,
oiijjlit not lo {;() ahroad uitlioiit avril...
— (3. — \Miat ils slicll is to llie tor-
toise, solitude has hoconie for me — inv
protection, nay, niv lifc î
— 7. — It stems to me as if not only
llie lijini but tbe sonl of man was ma«le
<« to walk crect , and look upon tlie
stars ! »
— S. — Ilappiness and virtiie react
npon cacli otlier — tbe best are not onlv
tbe bap|)iist, but llie bappicstare usually
tbe brsl.
— 1). — Sliame is not in tbe loss of
otber mens esteem : it is in tbe loss of
our own.
— 10. — btitij; absences extin};iiisb
ail tbe false ii|;bts , lb()nj;b not tbe true
ones. Tlie lamps are dead in tbe baïupu t
room of yeslerday ; but a tboiisand vears
lience , and tbe stars we look i»ul to
ni{;bt, uill bnrn as bri;;i»llv.
-^ 11. — Wij;bt, aceordinj; to an old
K{;v|>tian creed , is tbe dark motlier of
ail lliiiij;s; as a|;«'S Kmv»' bn . tb( v ap-
proaeb tin* li;;bL
iNi»tre ebarmaiit cpiubitle : Les belles
filles {C lu Itiit^ a la voj;ue. On l'a joué cl
ou l'a ilansé dans tous les salons pendant
les derniei-s bals, ainsi cpie le Concrrlantf
autre (piulrille expressément eomposi'
pour le piano et à «juatre mains, pa
Claire Bertou ; on surnomme le concer-
tant, son cbef-d'œuvre. Heujjcl , au
Ménestrel^ rue A'ivieune, Ta publié ainsi
que Cn conte de grand' mci e ^ romance
dédiée à -M"" Lefébure Wely.
J'ai entendu dernièrement , avec un
plaisir bien vif 1 1 une éuiotiou bien
douce , trois nouvelles mélodies de
M. ^ ervoite, l'babile maître île cbapellc
de Rouen : Pauvre mère 1 — Enfant^ mon
seul espoir ! Le cliant, raccompa{jnemenl
sont au-dessus de tout éloj^e. I)e ces
trois morceaux , il y en a un à deux ,
trois ou quatre voix, avec cbo-ur : Prière
à l'a/ii^c i;arilicn, hcs paroles de M. l'ablH'
Picard ont inspiré au compositeur une
mélodie simple et toucbanle connue la
poésie même. L'aecompaj^uement , au
dire des connaisseurs, joint au sentiment
exquis de l'expression , la science de
Ibarmonie. Ces trois jolis luoreeaux ont
paru cliez !Meissonnicr.
Vn {jrand noud)re de nos anïies, l>on-
nes ménajjères, demandent, de leur côté,
des recettes ctiU/mires afin de varier au-
tant (pie possible le service de la Lable,
toujours embarrassant en caivme , dans
les pavs où n'abonde pas le |>oissou.
Voici queUpies retvltes eu attendant les
découvertes (pi'aura pu faiiY Cai-oline en
courant le nK>nde; j'y ai joint d*autn*s
recettes pour la j>etile pharmacie dômes*
titjite.
Au revoir, clicre amie,
AxMCA Bbicog^k.
AHT ClLI.WinE.
Mavets av "if nés de terres' ■'• '•
vt . i^Kntn'UHls.;
i*rrn«N dn ravHi dr FrrnruAf»: falt.ln nilr» à
IV > " • •
loi
f.il
un
-ux, a ton %tf, »u| pri-
94
mer les pommes de terre, et le contenter tle^miMer,
a une sauce lilauclie, de la moutarde, et de la servir
avtc les na\el».
Carottes frites. — Carottes à l'italienne.
(Entivmets.)
les droites frife> sont fxrel'entes. Tu les pèles,
tu les coupt-s en ri>ndrlles, et après les a>oir fait
M.iiichir un nn)inent, lu les j« lies dans la Inlure.
F.n peu de temps elles sont eiiilcs. Relire el acrvez
cfiaiid. La friture a VtmUc est très-l)i'lle et très-
bunne.
LesNeux-lu en entremets sucre? Prépaie-les « /'/-
talicnuf. — Coupe par filets minces, 750 «grammes
de carottes; fais-les blanchir, puis ejiouller. Tu les
mets en.Miile dans une casst rôle et tu les couvres
d'eau Ixmiliante; ajoute 500 ;;rammes de sucre.
Des que l'eau est réduite à moitié, ajoute du /.este
de citron. Fais bouillir encore, lorsqu'il. ne reste
pius qu'en\iron trois cuillerées île .sirop, presses-y
le jus de deux citrons. Prends un moule de la forme
(jue lu \oudras; verses-y l'appareil (cVst le mot
technique), et sers. , Ce jo// ei excelUnt enlremets
peut faire pendant à une cliarlotle russe; a la pre-
mière vue, il a loute l'apparence d'un gâteau com-
pose de quartiers d'oranj^es. Tu p. ux découper les
carottes de manière à rendre VUIksiou complète.
Boulettes aux pommes de terre.
Ma tante m'a enseigné trois manières de faire de
boulelles aux pommes de tei re. La première sert
pour une entrée.
1»'^" manière. — Eiitire.
Tu fais un liaclùs de poisson, saumon, turbot, an-
guille de mer, cuit d'axance au court-houiUon ; tu y
mêles des pommes de terre jaunes cuite»;, épluchées
et pilees,du ht urre,du !-el,du poivre. pei>il, ciboule,
le tout bien hache, bien pile ; ajoute deuxd-ufs;
mêle encore avtc soiu. Prépare avt c cette pâte des
boulettes «le la grosseur d'un œuf; trempe- les dans
du blanc d œuf, fais frire et s-rs sur une sauce pi-
quante, ou sans s^iuce, mais alors couronne le tout
de persil frit. QuauJ tu voudras ces boulettes au
gras, tu remplaceras le hachis de poisson par un
bachis de viande.
S*" manière. — Hors-d'œiivre.
Fais cuire h Teau des pommes de terre jaunes ;
épluche-h.'-, pil(-l( s toutes chaudes, et ajoute deux
ou quatre œufs, suixanl le nombre de tescouvi\es;
on ccmpte4 œufs pour .^ix personnes; ajoute ensuite
un pt^u de crème, p(r>ii, sel, epices; mêle. La pâle
est laite; la fr.luce eatcluude. Prends de cettt; pale
au bout d'un couteau, environ le quart d'une cuil-
lerée a buuche, fais glisser dans la friture ; continue;
retire à me.NUie que les boulettes sont dorées, mels
à égoutler, et sers chaud ce mels appétissant.
3^ manière. — Entremets et hors-d'ccu-
vre, si l'on veut.
Pile de même les pommes de terre jaunes, cuites
el épluchées. Quand la pâte lient ferme au mortier
I jelles-y un l)on morceau de beurre, pile; deux cuil-
I lerées de crème cuite, pile encore ; une cuillerée de
sucre en poudre, pile, ilu sel, puis un, deux, trois
(eufs l'un ai)rès l'autre, plie encore. La pâte doit
être ferme, mais pas dure. Ci>u\reun coin de la
tahle de farine, mels la p:Ue sur la table, ilécoupe-
la de la tiii)>seurde petits u-ufs; roule ceux-ci dans
la f.irine. Pendanl ce temps la ca>serole dans la-
(juelle lu as mis un bon morceau de beurre est sur
feu; le beurre est bien chaud, sans être noir, lu y
jettes tes lM)Ulelte5, tu les retournes jusqu'à ce (|u'el-
les soient bien dorées; servez chaud sans accompa-
gnement d'aucune espèce.
Omelette au rhum. (Entieniets sucn'').
Bals en neige les blancs de six œufs; mêle aux jau-
nes un peu de ze.slc de citron ; ajoute les blancs aux
! jaunes, un peu de crème, un scapule de sel blanc ;
mêle bien. l''ais cuire à la poêle comme de coutume
et .sucre pendant que l'omelette cuit. Renverse-la
sur un plat des qu'elle e.'t ctùte, non pas en chaus-
son, mais sens dissns dessous. Arrose abondamment
avec du rhum, et mels le feu au moment de servir
sur la table.
rilARMAClE LOMFSTIQLE.
Elixir odontalgiqne.
Je l'enga'^e à profiter du soleil de mars, de ce so-
leil qui ciiautle si vivement, pour faire l'elixir
odontalgiqne dont je l'ai i>arlé, et qui soulage si ra-
])idement le mal de dénis. Voici la recette; elle est
éprouvée.
Mels à infuser pendant quinze jours, au soleil,
dans une bouteille de litre, ou lu auras versé le con-
tenu d'une bouteille ordinaire de bonne eau-de-\ie:
— 1° gayac en poudre, 31 grammes (une once). —
2" racine de pyrèthre conca.ssée, 31 grammes. —
3" Clouds de girofle concassés. 8 grammes (2 gros). —
Les quinze jours écoulés, lu lillres a lra\ers un en-
tonnoir de papiiT gris double, placé dans un e. ton-
noir de verre. — Puis tu ajoutes 150 gouttes d'essence
de menthe éll.éré* (mè ée d'elher;; tu secoues for-
tement la bouteilie, après l'avoir bien bouchée; tu
transvases dans de petites fioles que tu bouches
soigneusement et que tu cachetés en cire. Quelques
gouttes de Cet élixir dans un quart de \erre d'eau
tietle, suflisenl pour entretenir les dents saines. Pour
Calmer la di/U'etir d'une mauvaise dent, il faut im-
biber un peu de coton avec l'élixir o.!(tntalgi(|ue et
placer ce colon sur la dent malade. On doit secouer
la bouteillechaqiiefois. avanlde prendrcde l'élixir,
parce que re.ssence de menlhe surnage el viend'rait
en trop grande abondance.
Arnica liquide.
Quant à l'arnica liquide, si merveilleux à em-
ployer pour les contusions, les chutes, les cou-
pures mêmes, rien de plus facile (pie d'en avoir
toujours sous la main. Mets a infuser .SI grammes
de fleurs d'arnica sèches dans troi.s-quarls de litre
d'esprit de vin ; bouche bien. Au bout de huit
jours, l'arnica liquide est prêt. Tu peux laisser la
fleur dans la bouteille. On en lait prendre quelques
05
Coultcs dans un \cne dVan sucré»' au mniiifiit ou
la rhute a eu li»u. On en imbibe ensuite «les com-
presses qu'on met s-ur la parli»? contusionnée ou
meurtrit'. Sur lt s coupure», la douleur est \i\e,
mai* IVff.-i est s;ilulaire, «urtoul s'il y a eu contu-
sion. Ma tante pre.'ere cependant employer, pour
les simples coupures, du persil pilé avtc du sucre
en poudre et un peu d'huile d"oli\es.
Co'lijic.
^'()lci le r( mcde très-simple rlont ma l.inle f.iit
iis.i;;e lorsipie mon oncle souffre de l'iiifl imm.ition
aux yeux, a laquelle ses traxanx le rendent si sujet .
— Ln blanc (iauf battu en ncij;e. On y ajout* en-
suite de l'eau de rose. Le hoir, on étend ce c<»llyre
avec un pinceau ou une barbe de plume sur les
yeux fermes ; point de bande.iux ni de compresses.
Le lendeniain on .*e lave les yeux h l'iau fr.iicbe. Si
1 mfliinim.ilion est urave, il l.inl repeler l'opération
plusieurs fois dans la Journée, en laissant chaque
foi.s séchrr le collyre. L.i guérison est d'ordinaire
très-rapide.
tr.walx a l'aigiille.
Col au trio t ii" 1.
Monte 30 mailles, t
l'e raïKjce, a l'endroit.
1 maille unie, — 1 rcirécie, — 1 au;:meiité-', —
1 unie, — 1 rélrecie, — 1 au^^menlt^, — IS unies,
— 1 iiutiiiientée, — 1 rétrécie, — 1 atipmentce, —
1 rétrécie, — 1 augmentée, — 1 rctréce.
2<- ratiijée, à l'enver».
22 nidille* unie?. — 1 rétrécie, — 1 augmenté*, -
1 unie, — \ rétrécie, — 1 augmentée, — 3 unies.
3- raiti/ee, a l'endroit.
1 maille unie, — t rétrécie, — 1 augmentée, —
1 unie, — 1 réirécie, — l augmentée, — H unies,
— 1 augmentée, — 1 réirecie. — i, unie>, — 1 aug-
mentée, — 1 rélririe, — 1 augmentée, — 1 retrecie,
1 .itigmenli-e, — 1 rétrécie.
4e rtiHgéf, comme l.i 2n»«-.
S-- rtinf/re, a l'endroit.
1 maille ui'ie, — 1 rétréci»'. — 1 augmentée, —
1 unie, — 1 rétrécie, ■ - | augmentée. — 9 uniiii. —
2 nnginentees, — 1 retrecie, — 7 unies, — 1 aug-
menlt«e, — 1 rétrécir, — 1 augmentée, — 1 rétrécie,
— 1 augmentée, — 1 rétrécie. •
fi<- riiii'jrr, a l'envers.
15 mailles unies. — 1 h l'endroit,— 8 unie*. —
1 retrecie, — 1 nu;:mpnlee, — 1 unie, — 1 rétréci'-,
— 1 augmentée. — 3 tmles. •
7r raiigre, a l'endroit.
I maille uni»-. — \ ré'n'Tle. — \ augmrntir, —
1 unie. — I relrerlr, — 1 augmenlee, _ 15 iinle<,
— 1 augmentée, — 1 retnS'Ie, — 2 unle«, — \ auit-
mrnli«e,— 1 rétrécir, — i augmentée, — 1 retréc.e,
— I augmentée, — \ relrrde.
8r itinijff, coiDme la 'fmr.
9r ruHiffi', a l'endroit.
1 maille unie, — 1 retrecie. — 1 augmenter, —
1 unie, — 1 rétr^lr, — i augmenli>r, — 8 unies, —
2 augmentée». — 1 rétrécie, — 3 augmealers, —
2 unies, — 2 augmentées, — 1 rétrécie. — 5 noies.
— 1 augmentée, — 1 rétrécie, — 1 auun. entée, —
1 retrecie, — 1 augmenter, — 1 rélrécie.
10e raiiijee, a l'envrr».
13 main. -s unies. — la rendntil, — 3 unie*. — 1 a
l'endroit, — 3 unies, — la IVndnul. — 7 unies. —
1 retrecie, — 1 augmentée, — 1 unie, — 1 retrecie,
— 1 augmentée, — 13 unies.
11* rnn'jée^ à Pendroit.
1 mal le unie, — 1 réirecie, — l angmei.tee, —
1 unie, — I rétrécie, — ! augmentée, — 19 unies.
— 1 aiismentee. — I letrecie, — 1 unir, — 1 retre-
cie. — 1 aii;:menlé«*, — I retiecir, — 1 augmenter,
— I réirécie, — 1 augmentée, — 1 rétrécie.
12e ranijèe, con^me la ?«"*.
13e rauijéc, a l'endroit.
1 maille unie, — 1 relrérie, — I aapm»-nl''-. —
1 unie, — \ relrecie. — 1 augmenter, — 11 Hiur».
— 2 augmentées. — 1 retrecie. — ? unir«, — 1 re-
trecie. — 1 augmentée, — 1 rétrécie, — 1 augmeu-
tee, — 1 réirécie. — 1 augmentée, — 1 rétrécir.
He raiiyéf, a l'envers.
6 mailles unies, — 1 rétrécie, — 9 unie*, — 1 a
l'endroit, — 9 unies, — 1 retréor, — 1 ausmenler,
-- 1 unie, — I rétrécie. — I augmentée, — 3 unies,
15«- rangée, à l'endruit.
\ maille unie, — 1 rein-c:e, — 1 a-!gmeii'ee. —
1 unie. — 1 rétrécir, — 1 au^raeiih-r. — 17 'inirs,
— 1 augm«-nt»e, — 1 retrecie, — i Unie, — l retre-
cie, — I augmentée, — I rétrerie, — l augoienlet-.
— i rétrécie, — I augmenter, — l relréclr.
IGe rangée, a l'enver*.
C mailles unies, — 1 retncie, — 17 noies.— I ré-
Ire* ie, — 1 augmentt*, — I uuie, — l rétrécie, —
1 augmentée, — 3 unies,
l7e rangée, à l'endroit.
1 maille unie. — 1 rétr»-. le. — l aii;.iii« nU-e. —
1 un e, — 1 rétrécir, — 1 augmenter. — 18 unie»,
— 1 rétrécie. — 1 .iu.:mentr«',— 1 rrirrc.r, — l aiig-
nientee, — 1 relrec;e. — l augmenter, — 1 reirecie.
1S« rangée^ h l'envers.
fi mailles unlrs. — 1 rrtrrcie, — 16 unies, — 1 ré-
trécir. — 1 aiismenter, — I unir, — 1 nelrrclr, —
i an;:nieiiter, — 3 un|e«,
\'y ni'i'jrr, a l'endrolf.
1 maillr unir, — 1 rétrécir. — 1 au.;roentér. —
i unie. — 1 rétrécir, — 1 augmenter. — 15 unir»,
— 1 augmenté»'. — 1 rétrécir, — 2 unir». — I au»-
mentér, — 1 rétrécir, — I .lugmenlér, — t rétrécir.
— 1 aujimrntec, — 1 rétrécir.
20r rani/re, comme la 2*.
Urrommencr a la V ranari*.
Ton col étant arrivé à la Kramlrur cnitirenablr, il
te f«iil girnir 1rs l»«iilv ■
menée .i trlr^der A un ! - m
aiguille rt faU une matilr unir, — 1 retrrcir, —
I unir, — 1 reirecie.
i» mnqff, fi maillet unir* à Pra^m, uor malllt
priM» d il ' 'ol.
.V r.( t.
1 maillr reirrcir. — I au|nneo(rr. — f rélréde, —
i «u,;mrnler, — I rrlrrv-le.
4* rangpt unie, a l'rovrr».
Rrciimmencr la S"»* et la k— rangée Allemalivr-
— 1
96
ninil, jusqu'à ce quo le bout du col soit tormitu'.
D>' même pour le si'coml cote : lu garniras ton lol
{l'un [ii'ot.
L\cp/icatio}i de la jflanc/ic de Broderies.
K" I. — Col en tricot.
^ • ± — Dcnlclle au point de crochet. Le dessin
csl si l)ii n fait, qu'une explication nu' p.irait in-
utile. Kxectilee in iil (l'iiiande lin, celle pelilc
dentelle e>l charmante.
K" 3. — Câline.
IS" 4. — Patron de fli-urs en papier.
N'i 5. — Kcusson pour mouchoir à broder en
point de feston el point d" chaint-lle ou plumelis.
IS"» 6, 7 et 8. — Col, manchelle et entre-deux
pour le peijînoir du mois dernier.
IS" 9. — Bavatle d'enfant.
K<^» 10 et II. — Patron el ensemble d'un bonnet
du UMlin. Ce patron sort des magasins de
Mile Êleonore Chamhrey, 36, rue Neuve -S.iiiit-
Kustache, (jui a acheté le fonds de Mme;, (iuicliard.
Je rei-ommaade Mlle. Chambrey à toutes nos jeu-
nes amies.
IS'o 12. — Enire-deux en broderie anglaise.
(grande Édition.)
No» 13 et U. -- Passe et volant pour un bonnet
à broder à l'anglaise sur jaconas.
No iô. — Piécette pour chemise de femme, dite k
la Raphaël, plumelis et oeillets à Jour. Je t'ai en-
voyé une piécette pour chemise montante; celle-ci
est pour chemise décolletée. On dispose les fronces
sur la poitrine et par derrière comme pour un®
blouse à piécettes. Le haut se garnit d'une petite
valenciennes cousue à plat.
N" 16. — Co(|uille en broderie anglaise. Ce joli
dessin peut se broder sur le devant d'une robe, en
tat)lier, par rangées élagées au-dessus l'une de l'au-
tre. Le rang du haut porte t8 centimètres, de large.
Tu places une coquille de cha(|ue côté, et, entre les
deux, la fleurette. Au second rang tu places une
cociuillc (le ctiaquecolé, et, entre les deux, /ro/s fleu-
reltes. Tu vas ainsi au;;mentant de deux fleurettes
dans le milieu à chaque rang, jusqu'à celui du bas,
qui doit élre large de 36 à 40 centimètres. Je t'en-
V(rrai, le mois prochain, le même dessin en plus
p;'tit. Tel que le voici, il donne une élégante bor-
dure de jupon.
No 17. — Coin de mouchoir riche. Plumelis et
œillets a jour*
No 18. — D 'ssin de eol riche. N'est-il pas char-
mant, ce dessin? Tout le pointillé au point d'armes,
nervures des feuilles au plumelis, et cordonnet lin.
Petits œillets à jour, en cordonnet lin et bien régu-
lier. Les parties quadrillées en lésion lin, les olives
il jour de même, et les intervalles en points à jour
ou en points de dentelle , après avoir enlevé toute
la mousseline. Les dents des feuilles en point de
feston mat, coton très-lin. Le col terminé, tu gar-
niras les dents d'un picot de dentelle.
No 19. — Dessin pour porte-monnaie, à exécuter
sur canevas de soie. La coquille doit être nuancée
de gris et de rose p.àle ; les branches de corail rouge
vif et rose.
Nos 20 et 2Î. — Bordure pour porte-ci garres et
bourses h exécuter au point de crochet plein.
tLES JEUX DU SPHINX.
|CHARA.DE.l
Si VOUS voulez, mes aimal^les lectrices,
Que l'on vous donne un jour le nom de mon prciuifr,
Songez dès à présent sous de rudes ciliées
A cacher vos attraits, à vous mortifier.
En vous créant si la nature
Ne vous a pas permis de porter mon dernier,
Vous n'en montrez pas moins, dans mainte conjoncture,
Tout le courage d'un guerrier.
Voici l'instant d'en faire usage :
A mon entier le feu vient d'être mis I
Tout sVinbrase... Et déjà, rejetés sur la plage,
On ne voit plus que cendre et que débris I
GUERNU.
Le mot du dernier logogriphe est Méphis, dans lequel on lioiive éit.is — iris — nis.
97
ÉDUCATION.
Ui2i2ïlîii^^^::j
y -►*
^ :lîJii^i
^»
LES lIElRtS DE SOLITl DE (1).
L INDOLEISCK.
L.i modo, cette loi siiprcine de ceux
qui vivent selon le monde, ne met jauiais
eu honneur que nos (h'fauts et nos vices.
Cette assertion , mes filles aimées, n'est
ni liasard«'e, ni injuste, vous le reconnaî-
trez lorsque vous aurez acquis (|url(|ne
expérieuee. I)"i( i là, n'déeliissez sin- les
erreurs dans lesquelles le bestnu de
plain*. l'amour de la louante, entraînent
les fenimes surtout ; je vous vi\ ai d«'jà
fait remarquer quel(|ues-uues ; puis sou-
venc/.-vous de ce(|ue vous avez pu obser-
ver ou entendre raconter de celles de e(S
luo<les, (jui, dans 1«' {;rand monde, trans-
forment en iunnzoncs ^ en Imniirs ^ des
fenmies d'une or{;anisation lailtle, ou
l)i( Ut 11 j>;\Iesel nonciialantcs crro/rs, tles
feuunes liicn constitut'es, mais (|in tra-
vaillent avec une merveilleuse persévé-
rance à détruire tout ce qui annonce eu
elles une sanl<' rol>iiiU\ et à se rendre
compK't» nu m incap.diles d'être jamais
utiles au\ antres coniiiit' à ( llcs-mémes.
Jr n'ai eertaineuKiit pas à craindre
p«'nr N ous le travers <]ui l'ait \v% tiomioncs
ou !rs .'ontit'i ; je n'ai pas à craindre non
pins que vous conq»romellie/. votre santé
alin d .lequi lir < «- Irmt btanc-inuty si eu
;i; I . tdin. IV, p. I.
Aiiriin «lrn arllilr.H ronli'uus dani» cr roriieil
ne piMil cire ii>;>ro«lult, %Si\\% le cuiiM-'iitonirnl
fnnnrl i!»'> luilourî», son» poltie ilc pmir>ullcî» rn
c-ontu'f.iroM.
Il» Si.uu. Tome IV. N" i. —
vo{;uo parmi les romanciers île nos jours
et (jiii, selon eux, décèle les ctrcs ou les
nntiires cC élite : mais ce que je redoute st'*-
rieusement, c'est cette indolence , cette
noneli.daiiee que beaucoup de gens ad-
niirent, ou feijjuent d'admirer, et à
laipielle , à votre âge, on n'est (pie tiop
enclin.
A ous avez reconnu .iv»c moi (pie la ja-
lousie n'est j)as ri-jnolile et hassi* envie,
mais (pielle |>eut y conduire; je veux
aujourd'hui vous amener à reconnaître
(pu- si l'indolence n'est pas la honteuse et
i{;nol)le paress«*, elle en est la s<eur; sieur
bien irdoutable I
De même ipie l'habitude, 1 indolencv
s'empare de nous presipi'à notn* insu; il
l.mt, avec elle, défendre le terrain pi«^i à
pied. L'attrait du plaisir sait la douqUer ;
mais liés (pi'il s'a|;it d'étude ou de tleviur,
elle a promptement repris toute sa puis-
sance.
(Ihe/ l enl.uit , l'iiidoIeiHY s'aiTtîiiipa-
{;ne souvent d une (;r.itY iuiinilable,et se
1 lit ainsi tolérer; chez la jeune fille . elle
est |;r;ieiensreiieon*; l'enloui'aj^e. mus lui
applaudir, lui trouve jvirlo in dt»s excuses.
Le travail o|Hn' |»,ir le développi*iiient
des faeiillé's o>r|>on*ll<*s et iiioralts |virait
«xplicpier la ivpii(;iiniiix! que Tetifant ,
«pie la jeune fille témoigne souvent pour
les exeiviees violents ou bien |H)iir l»*s
(Kx 11 pat ions iulelleetuelU*s... Kt ei-|HMi-
Avuii. 1h:iO. (
98
liant, <|iir li> plaisir parle, ci reniant, la
joiiiic lillo cluv, qui ce dcve.loppriuciit
rxij;r, (lit-on, le repos, ce rejios auqut 1
l'une ( t Tautre asjMrt>nt, vont passer une
journée entière à courir, à jouer, et une
nuit entière à danser ; et ct^peiulant (jU(^
la vanité s'éveille, et cette enfant, celte
jeune fille que les occuj)ations intellec-
tuelles fatiguent , vont faire , l'une des
efforts de niéuioire merveilleux afin d'être
apjdaudie connue un petit prodijje, l'autre
les travaux nécessaires pour obtenir soit
le prix, soit les louanjjes publiques qu'elle
auibilionne : ce luouient d'excitation
passé, l'une et Tautre n'auront plus que
de l'indolence à mettre au service des
tendres parents dont l'indulgence leur
est d avance acquise.
Ce défaut, comme tous nos autres dé-
fauts, est le résultat de l'amour malen-
tendu de nous-mêmes, et ainsi que tous
les autres défauts, il produit des consé-
quences fatales à notre bonheur; c'est de
l'égoisme froid et aride, se cacliant sous
les grâces de l'enfance et de la jeunesse ;
ôtez-les-lui, et vous aurez un être inu-
tile, que son oisiveté accable, que l'ennui
accompagne et qui pèse sans pitié, de
tout le poids de cette oisiveté et de cet
ennui, sur ceux que les liens de famille
lui soumettent.
Quant à des amies , l'indolente n'en a
pas; l'amitié ne vit que de saoifices ou
au moins de concessions réciproques ;
l'indolente exige tous les sacrifices ,
toutes les concessions et n'en fait jamais.
Le repos, le dolre far //ic/.tc, est son pre-
mier bien : la rêverie sans fin , sans but,
cette rêverie qui énerve l'âme, qui épui-
se et tue les facultés intellectuelles, est sa
seule occupation . Celle qui aime le monde
mais à son temps, mais à ses heures, trou-
ve, si elle est riche, si elle est à la mode, si
elle occupe un rang élevé, des complai-
sants , des flatteurs , des admirateurs
même dans la tourbe de ces parasites tou-
jours prêts à s'agenouiller devant un pou-
voir, qu(^l (ju'il soit. Au milieu de cette
tourbe pourront apjiaraître parfois des
gens d'esprit; ceux-ci excusent souvent
ce qu'il leur plaît d'appeler de l'origina-
lité, mais il ne faut pas que cette ori{ji-
nalité leur devienne à charge ou les
l)lesse ; dès qu'elle cessera de les anmser,
ils s'éloigneront : égoïstes eux-mêmes, ils
ne soufirent pas que l'égoisme d'autrui
empiète trop sur le leur. Nous ajoute-
rons, si vous voulez, au cercle dont l'in-
dolente, riche, à la mode ou titrée, sait
s'entourer, une ou deux de ces bonnes
âmes dont le premier besoin est le sacri-
fice d'elles-mêmes à autrui; dont la cha-
rité vraie compatit afieetueusement aux
faiblesses hiunaines; mais le nond)rc de
ces âmes -là est fort petit, et quelque dé-
vouées qu'elles puissent être, le moment
viendra tôt ou tard où elles se lasseront de
donner toujours et de ne recevoir même
pas en échange un . s r////;//?///^ d'affection î
Or, mes enfants, on pourrait compter
aisément les personnes auxquelles la for-
tune, la mode, le rang, permettent d'être
impunément indolentes, tandis qu'il est
innond)rable celui des personnes qui
trouvent dans leur indolence même la
punition la plus rude des torts graves, et
de tous les jours, dans lesquels ce hon-
teux défaut les fait tomber.
Par indolence, on néglige de prendre
chaque jour un exercice salutaire, et la
santé s'altère, quelquefois sans retour;
par indolence, on néglige de surveiller
les domestiques, dont, par indolence, on
exige des services qu'il serait plus con-
venable, plus sage de se rendre à soi-
même, et l'exigence augmente à mesure
que le désordre se répand peu à peu
partout ; par indolence, on remet de jour
en jour des visites à rendre, des lettres à
écrire, et l'on s'ahène le cœur de ses pa-
rents, de ses amis, la bienveillance de
ses protecteurs, de ses simples connais-
00
sancrs ; par iadolcnc»*, oji cesse de se
rendre compte ilo ses tli'pcii&es, (le les ba-
laiicLT avec ses revenus, et tlis eiiibaiias
j(jurnaliers viennent ilonni r de» aveills-
st'incnls auxtpnls, par indolence, on ne
l<'nte même pas de iinu-dicr; par indo-
lence, im tlél:nss<' lujn-seulement l<s
éludes jailis aimées, mais on renonce
encore aux travaux les plus ordinaires,
les plus faciles ; par indolence, on re-
j)ousse les livres (|ui exiî;eraient (jurhpie
couU'ution d'espiil, et 1 on s'adonne à
des lectures sans portée, sans résultat,
sur lescpielles on se blase promptement,
et l'ennui, le terrible ennui, vient acca-
bler celte intelli[;«nce, celte àmi* (|ne,
par indolence , ou a laissée s'aimiliiler
counnc If corps .
Ainsi pn'|)arées, arrivent Tune a])rès
Tautre la ruine de la saut»', la perli* de
la fortune, de s<s amis, de ses apj>uis,
celle lies capacit» s inU Ueelurlles ( l mo-
rales.... Connntnt rouvrir l ml de sour-
ces fécondes cpie rindolence a taries?...
Où puis<'r rénirj;ie devenue uéccssiire
pour combutre ce mallnur si complet
dont on se trouve de |)artout enveloppé I
A rindolence a succédé l.i bonteusc
paresse; celti* j)aresse, «pii a dijà lonlc
la puissance de i'Iiahituili'. Je vous ai
montr»- à (pul tl«j;ié tlavilissiMnent sans
remetlc peut faire descenilre 1 liabiliide
de la paresse (I); mais peut-être vos
rejjards se seront-ils détournt's de ce ta-
bleau sans (pjc vous ayez eu ridt'e <pie
vous-mêmes, mes (ides ainn'es, vous
pussif/. arriver si bis. ^ ove/.-vous main-
trn.inl la pinle insensible (pii (ondnil .i
la I lus t xlrème «le toutes Ic.s déln'ss<*s.^
car cette tlilresse couïprend celh- de
r.ime, et le cliàtimenl s ( (end justjue
dans r.nUre vie ?
Ii'orj;ueil est le eompa^;non ordinaire
de rindolence et île la pan*sse : il eu
^) V.iir t. III tl(» la ♦••érie, p. 97.
devait eue ainsi. La voloutt-, b sifjegse
de Dieu ont tout soumis à la loi du tra-
vail. L'observance de celle loi apporte
seule tirs joui^saijces réelles , parce
(péelle entrelieut la sanU* pbysique et la
santé ujorale, parce cpérlle uiainlieiit
l'élasticité, la soupless<' tles nieuibres et
des facultés intillectuelles; mais uoiis
attai.bons noire orj;uril à nous disjx*ns<T
de tout travail; à prouver, par une vie
molle et oisive, «pic nous souuuis supé-
rieius à celui <]ui (îajjuc sou paiu au
])ri\ de sis labeurs, cl oul)!iant les pa-
roli s «le l'Apôlre : Car, p"itr cvllt qui
V'i tlanx It \ ilclircs, dit: dt moi te ^ qmn-
fiu'tlt'c luirniisf. vWante (l), uoiis uous
bonorons de ce tpii désbonore l'àuie
cbrétienne destinée à vivre de saeriPKvs I
Il v a |K*u de jt)urs, je lis-iis, ilaus uu
auli ur p<'i-sau, (pie Sain b, préeept«*ur du
prince de C ui/me, ct'd uit aux iusluuvs
de sou élève, cpii aimait beaucoup les
hisUnrv." , lui raconta celle-ci : « .\ la
cour du roi Zobak fut présenté uu ma-
j;ici«!i (]ui, après avoir diverti le roi et
ses comlisans ]>ar plusieurs prmli};es,
olb It d'eu produire un j)lus merveilleux
«•neore siu' la jHTSonne du monarque
lui-même, si celui «i voulait bien lui
])»ruutlre d'exertvr toute sa puissance.
11 obtint celle |Haniissiot), et il n'en eut
pas plutôt usé, «pie /ob.ik stiilit aii-
detlans de lui \\\\ mouvement extraor-
dinaire mais aj;irable , <l loutù-amp
deux leles île ser|><Mit pamivnl à la iv-
i;ion du cieur. — Perfule I s'érha le mi
elIraNé, comment ton souille impur al il
fut nailre dans lucs entrailUs deux
monstres ipii vont me dévoivr ? — • Ras—
suit /.-vous, ô roi ! iVpondil le luagicieu,
et leude/.-iuoi [«r.iiv de iv don pririeux !
l'aitis cboisir de temps eu temps dans
h- petit |>euple un cerl.nn noiubiY île vos
sujets, cl nourrisse/, de leur chair, abiru-
(I) I- KplU de Mlnl r»il à Tira. ch. t, ▼. 6.
100
•vcz. de leur san^^j ces animaux divins.
Los jouissances que vous éprouverez se-
ront lellrs (jue vous ne poune/, jamais
vous en rassasKM'.
)» A ee conseil exécral)le, Zoliak fris-
sonna (riioncur.... ^lais, des le jour
inèmi\ d voulut s'assurer do la vérité
ilis piroles du ina.j'jicien, et il [joiita en
cllct de vives jouissances en assouvis-
sant la laim des deux monstres qui lui
avaient été incorporés. A dater de ce
moment, Zoîiak compta pour rien le san*^
et la vie des malheureux Persans ; il ne
vit dans son peuple qu'un vil troupeau
qui n'existait que pour être immolé, à
ses moindres désirs. Le peuple, de son
côté, ne vit dans Zoliak qu'un monstre
acharné à le détruire, et, à force de souf-
frir, ayant cessé de le craindre, il se sou-
leva contre le tyran, Farracha du trône
qu'il profanait, et l'enferma dans l'af-
freuse caverne de la iiiontapue de Da-
niavend. Là, seul avec ses deux serpents,
et ne pouvant plus fournir à leur vora-
cité , l'impitoyable Zoliak leur servit
Ini-mcmo de pâture. »
— <( L'horrible histoire I s'écria le
jeune prince, lorsque son précepteur eut
achevé. De grâce racontez-m'en une au-
tre que je puisse entendre sans frémir I
— » Volontiers, seigneur, répondit
Sabeb ; en voici une plus simple et très-
couite :
« Un jeune sultan donna sa confiance
.\ un serviteur artificieux et corrompu ;
ee méchant liomnie lui remplit l'esprit
d'idées fausses sur la gloire et le bonheur
des rois. Il fit naître dans son cœur l'or-
î'ueilet la mollesse, le père et la mère de
tous les crimes. Livré à ces deux pas-
biens, le jeune prince leur sacrifia son
])euple; il mit sa gloire à mépriser les
hommes, et son bonheur à les opj)rimer.
Qu'en arriva-t-il? Il perdit sa couronne,
ses trésors, sesfiatteurs; il ne lui resta
(,ue son oigueil et sa mollesse; tout lui
manquant pour les satisfaire, il mourut
de honte et de rage. »
Le ]^rinee de Carizme ne parut pas
niéeont<Mit de cette dernière histoire.
" Je l'aime mieux que l'autre, dit-il;
elle est moins révoltante, moins atroce.
— » iltUasI ])rinee, reprit Salieb, c'est
pourtant la même I »
A mon tour, je dirai, à propos de
Vii^/ioù/e paresse et de la gracieuse indo-
lence : hélas ! mes filles aimées, leur his-
toire est pourtant la même!
Il campo d'ellaccidia é pe.no (i'c)iriclip(l), dit le
vieil axiome italien; et dans le pays
même du dolce far niente, la moUesso a reçu
le nom de Moibidezza, dérivé du mot de
morbide, état maladif. Laisserez-vous
donc attaquer par la maladie appelée
nonchalance , indolence, mollesse, pa-
resse, car c'est tout un, votre ame et vo-
tre intelligence? Youdrez-vous que ces
beures qui passent si rapides, grâce à
l'amour et à l'habitude du travail, se
traînent désormais pour vous avec une
lenteur chaque jour plus pesante?..
Non, vous ne le voudrez pas... mais
alors veillez sur vous-mêmes avec toute
la vigilance ordonnée par l'Evangile I
« C'est se tromper de croire qu'il n'y
ait que les violentes passions, comme
l'ambition et l'amour, qui puissent triom-
pher des autres. La paresse, toute lan-
guissante qu'elle est, ne laisse pas d'en
être souvent la maîtresse ; elle usurpe sur
tons- les desseins et sur toutes les actions de
la vie ; elle drtruit et consaïue insensible'
ment les passions et les VEETUS (2)! »
Yeillez, veillez donc sans cesse I N'ayez
jamais à vous reprocher d'avoir passé dans
l'inaction des heures qui auraient pu être
si doucement, siutilementemployées, car
cette inaction ouvre la voie à la passion
honteuse (}ui usurpe sur tons les dcssci/is,
(1) Le clianip ilc la faiiu'anlise est iTiiijili
d'ortie.*:.
(2) Laiochefoucauld.
I !
101
et qui consume jusqu'à la vertu! Suive/
au contraire avec amour, avec persévé-
rance la loi du travail, et répondez à
quiconque mettrait son orgueil dans son
oisiveté : ^Uez «"/ la jourmi^ 6 païaseux^
considérez sa conduite et d*fvcnvz ioge ( 1 ; 1
S. L'lluc Themadelee.
UN POISSON DWVHIl
NOU VF LLK.
C'était le Irenle-et-un mars. 11 y avait
joyeuse compagnie au château de Pont-
Valais : des parties de wistli étaient en-
gagées ; plus loin, jeunes gens et jeunes
lilles causaient avec animation.
L ne IVnnne grave et majestueuse fai-
sait les honneurs du salon ; Madame
Irène de Saint-Kstève était l'objet d'un
culte général d'admiration cl de respect :
on l'entourait dhonnnages, et ces hom-
mages ne troublaient ni la paix de son
c(eur, ni la sén'iiité de son Iront. C'était
une femme de beaucoup au-dessus du
vulgaire par la force physi(jne et le dé-
velnjijx'inent de son int<'lli?;ence.
Kn passant devant un groupe, elle en-
tt'iidit rire et cliuehoter. Dr (juoi s'agis-
sait-il .'
On parlait poisson d'avril^ et (juel-
<pies petits lutins aux cheveux blonds,
aux yeux brillants, cherchaient le plus
sûr moven de bien s"amns«r aux d» pnis
du voisin.
En ce moment ou enlcndil un coup
de sonnette, M'"'' de S lint-Kstève tres-
saillit comme par l'i'llet d "une te;n'Ur
spoiilant'e, elloiu aussitôt reiievint calme
et s<»niiante en t-eoulanl ses jeunes amies
tpii lui tlemandaient pomiitioi elle avait
frissonné.
— Ponrqnoi* dit-elle, en passant sa
main sur son Iront connue pour y elier-
eJier un sonvenii-. Ah! c'«>l iiuv lon|;ue
liistoiie.
— Une histoire
— Oui, mit' terrible histoire, un pois-
son d'avril.
Toute la jeunesse se réunit jxjur sr.|>-
plier la jeune femme d'eii faire le rtxit :
on s'assit autour d'ime table à ouvi • •
les jeunes gens se groupèrent à «jueKja»
pas, et il se fit un grand silence.
— Mes amiï^, dit Irène, savez-vous
qn il y a quehjue mérite à Vous rnconti*!
une pareille aventure .' Il ne s'agit ni plus
ni moins que de faire ma eonfi*ssiun pu-
blique.
A ces mots, rinlérèt redoubla, et la
belle conteuse conunença en ces ter-
mes :
«« J'étais oqihelme : elevirdans un bril-
lant pensit»nnat île Paris, je m'attristais
à I idé'ede passer nu*s Ik^IIcs annéts île
j«'unesse au château de mou tuteur, siu-
la frontière d'Allemagne.
• Paris m'apparaiss;iit connue une de
ei s (Il alions eneli uitt'es que TomI ne se
lasse point de ct)ntiinpler : je partis |H)ur
l'Alsace, le cccur pK in iramertume et do
regrets.
• .'Mon oncle, le manpiis d'Onueuil,
me reyut avtv une lH>nlt'' |Kiternelle, et
mes oHisiues, Is.'tlH'lle et Jeniiy. v--
garilèrent etunme leur .strur. < t
deux blondes fdles au maintien timide,
tlont rien n'éj;alait la candeur ; mais il
leur mampiail ime éliniYlle d'éneq;ie :
nerveuscN il craintives, il fallait |»eu «le
(n Pfu\crbc*,
102
chose pour les iviuliv iiialhrnroiiscs, ci
moins encore pour les lairc pleurer.
» Ce irétaient point là les conipaj^nes
(jue j aurais choisie s : lit'las I qui'l([ues
feiunics ([ue jt> hvcpicntais à Paris, \)vn-
dant les vacances, avaitMit, par Ituus con-
seils et leurs exemples, tlév(>loppé en moi
le {^erme d'une folle manie. A vingt ans,
jt^ nie crovais supérieure aux personnes
qui nrentouraiiiit : méprisant les jeux et
les entreliens de mes compagnes, je pre-
nais des allures masculines, je mettais ma
gloire, mon bonheur âme soustraire aux
lois de rétitputte, aux usages reçus, et
n'acceptais, pour distraction, tpie des
plaisirs virils : monter à cheval, aller à la
chasse, manier des armes, tels étaient
mes exercices journaliers. Les hmnbles
devoirs de mon sexe me paraissaient au-
dessous de moi, je me croyais à part, et
je dédaignais tout ce qui ne s'élevait pas
à ma hauteur ; j'avais surtout la préten-
tion d'être lorte d'esprit, inaccessible à
la crainte et capable de braver tous les
dangers : je soutenais que la peur n'exis-
tait pas, que c'était une erreur de l'ima-
gination et que je ne pouvais la com-
prendre.
» En arrivant chez mon oncle, je fus
d'abord frappée du cachet d'antiquité
imprimé sur les murs du château ; je
trouvai belles et poi'tiques ces tourelles
délabrées, ces marches du perron à demi
affaissées sous le poids des siècles : mais
bientôt la poésie s'envola ; je découvris
que la demeure féodale était pleine de
rats, qu'on y menait une vie d'ermite,
et qu'il fallait se résoudre à y mourir
d'ein)ui. Je pris de l'humeur et me mis à
bouder les pierres de taille, les tours, les
créneaux, le pont-levis, le vieil oncle, et
surtout un collégien de lô à I G ans, qui,
à la suite d une longue maladie, était ve-
nu passer quelques mois de convales-
cence* aucnàtcau.
» Raoul était mon antagoniste né. Il
s'ennuyait à la campagne, et me tnqui-
nnit pour se distraire, épiant toutes l(\s
occasions de blesser mon amour-propre,
ou d(^ faire ressortir le ridicule de mes
])rétentions, et il disait ouvertement à
mes cousines : « Je n'aime pas cette
graiule demoiselle noire qui a l'air d'un
homme. »
» Je dois avouer que j'(Mitret(Mials ces
mauvaises dispositions par mon profond
dédain pour C(^t cnfanl^ que j'appelais le
petit Rdoul^ ce qui le mettait hors de lui,
et j'attisais ainsi le foyer de malice que
le collégien portait en lui; il jura de se
venger.
w Un soir d'hiver, nous étions réunis
autour de la cheminée ; quelques voisins
de campagne étaient vciuis })asser une
semaine avec nous; on causait, on riait.
La conversation tomba par hasard sur
l'inépuisable chapitre des revenants. On
sait que les solitudes alsaciennes se peu-
plent la nuit d'ombres et de fantômes ;
chacun dans sa vie entend, au moins une
fois, un soupir, une voix, \u\ cri, ou l)i(Mi
encore frapper trois coups, ce qui indique
une foule de choses, parmi lesquelles on
choisit à son gré la plus horrible dont on
se fait un épouvantail pour le reste de
ses jours.
» INÏon oncle venait de nous rapporter
quelques-unes des folles traditions que
les paysans conservent encore. Il avait
dit les aventures merveilleuses du loiip-
garou, du spectre aux longs bras, et du
cadavre marchant sans pieds, et il riait de
tout son cœur ; Isabelle et Jenny, au
contraire, pâlissaient, et l'on rétrécissait
instinctivement le cercle. Les auditeurs,
serrés les uns contre les autres, jouissaient,
chacun à sa manière ; les uns riaient, les
autres frissonnaient. Pour moi, écou-
tant sans émotion ces rêveries des vieux
âges, je tricotais, s'il m'en souvient, une
dentelle, et je ne laissais pas même échap-
per une maille quand je venais à saToir
■V^
103
comment le spcctr*», ayant fait neuf fois
le tour de la cliamljrr, avait dispaiu
soudain, ou bien counnrnt, entre minuit
rt une heure, les ombres de monsiiurt t
de madame une telle ju{;faient à |>ropos
de se promener, luasdrssus bras dessous,
définis bientôt deux cents ans.
• A peine ujon ont le avaii-il cessé de
parhr, que Raoul demanda d'où prove-
nait la tcrn ur (ju inspirait une clianibrc
située dans une tour vieille et noire nom-
mée la 7our (lu iSoid.
» A celte question, mes cousines fris-
sonnèrent et supplièrent en j;ràee (ju'oii
ne parlât point de e( la ; cr lui un»- rai-
son pour (|ii(- It ( olii r opini.'itre insistât.
Nous nous joi{;nimes à lui, et les dv\i\
sceurs se rc'sijjnèrenl à entendu" raconter,
pour la centième fois, peut-être, l'iiis-
toire de la eliunbre qui )iorlait le nom de
Ct/cnril (In Templier. (>ependant, ï-Ili'S
n'y consentirent qu'à la <'ondition (pion
danserait ensuite la Bfttl(ini;(''ic et le (d-
rillnii^ précaution à j^rendre par quicon-
que ne se souciait pas île voir apparaître
e\\ 5on{je tout l'Ordre des T« inplieis en-
veloppé* dans lui {^rand drap,
» Mon onele sourit et conunene.i le
récit suivant :
•• — La lé'^ende suppose (pie ce cliât<*au
était bâti depuis déjà Ion{;temps, lors du
fameux piocès des Temjtlieis. Ainsi, ne
vous étonnez plus de voir il« s cievass«s
aux murailles.
» Or, il arriva (pie la veilleilu sup|»lice
de Jac(pies ."Nb)laY et «le ses chevaliers,
Tun d«' ceux-ci, nommé Halllia/.ar, |)ai-
vint à s'('vader. Je ne vous dirai point
par combien de manoirs (*t de cliaumières
il passa avant d'arriver ici. T.inti')t, dé-
i;uisé en pèleiin, il di*mandait l'iiospita-
lité à baille « t puissanle dame ; tantôt,
il pénétrait sous li* toit de l bumblcscif,
dont la lille faisait cuire pour lui un (j.U
leau sous les cendres.
» Haltba/ar, anivé dans nos «ii virons,
avisa sans doute ce cbàtt au et eut l'idée
d y (bercber un refu{;e ; mais par maî-
b« nr le maître de cVaiis [peut-être mon
aieul,je n'ose m'en iJittcr), net lit |>oint
étranger à raliiin- dis Tcmpll( rs, et
I on dit même (pi'il leur eu voulait Inmu-
coup. bc voyaj^eur apprenant ers détails
n'osa point se montrer, »1 clurcba uu
li< u d«'>eri pour s'y re|>os<^r, et c*e fut
aiiisi (jn il il. couvrit l'escalier tournant
de la l'Kr du Mnid^ tout- à fait ub mdon-
néc, ce(pie prouvaient les Inules her-
bes qui croissaient en paix entre les mar-
ches «le pierre. Il monta et trmiva uu
palier ou la lumière uc |H'uétrait cpie par
les fentes de rime des deux p>rtes mal
jointes (pii donnaient sans doute cuuVf
dans des chambres i:ihabil('cs. La tradi-
tion rapporte (pie chaque nuit, au dou-
zième coup sonné" par le beffiDÎ, il des-
cendait pour aller dans les jardins cueillir
les fruits et les lu rba^e5 «lont il faisait sa
nourriture.
— ■» Le |)auvre hoiniue! dit 1*1111 tles
auditeurs de mou oncle.
— • A sa place, s'écria Uaoul, je serais
aile trouver le maître du château, et je
m en serais remis â sa j;«'*uéix>silé.
— •• n.dlli liLir, continua mon (»ncle,
avait pris la résolution daj;ir ainsi le len-
demain , loi^tpéaii nioni' nt où il allait
(piiller son palier, il entendit uu yranii
briilt au pied tic la tourelle. L'idi e «jn il
est (h'couveii, l'exalte; il se jette con-
tre une des deux |>oitis, l'enforuv, tant
ta crainte d être pris lui donne d'« neqpe,
et il se trouve dans une salle haute el
profonde, tendue de noir ; à la clarté de
la lune, il voit ap|K'iiiltis aux murailles
d(*s emblèmes elbayants : c'ist uncfaux^
puis un mas<pie , des ch.iincs : sur
le plancher il dtcouvie des ossements
épais, im er.iue humain... Saisi d'hor-
reur. l(* templier itc croit dans un vaste
cen ueil. Il n'tourne sur ses |>as, il des-
CH-Mul Icscalierde pierre; la |H)rte de la
lOi
tour, ton jouit oiivt^iti* jiiscjiio là, est fci-
im'o!... IMiisirissiio î... L(* bruit a cessé...
Saisi (riioiTiuu" à ridée de mourir ile
laiiu en ee lieu, il frappe... il appelle...
^iuUe voix ne répond à ses cris...
» lue sueur Iroiile couvre son corps :
les heures s'écoulent, uiillc pensées af-
lV(ns(\s se croisent dans son cerveau
trouMé. Baltliazar remonte à la eliam-
hre s('pulerale. . Il y a une fenêtre...
Par là peut-être... Le châssis cède à l'ef-
fort (le sa main, mais de forts barr(\aux
lie* fer Si' croisent au dehors Soudain
il aperçoit une corde pendante... Cette
corde répond sans doute à une cloche.
Sur de mourir, ou de la main des hom-
uics, ou d(\s tortures de la faim, il veut du
r.ioiiis vivre encore un jour, il sonne...
ou îie vient pas. Il sonne encore, rien...
toujours rien I — Le templier, au pa-
roxisnie de la détresse, s'écrie d'une voix
tavei neusc : « J'ai faim I ayez pitié de
moi ! j'ai faiuil » Sa main qui se refroi-
dit sonne encore... personne ne vient...
la nuit passe, l'année fuit, les siècles s'é-
coulent, les générations meurent, et la
main froide sonne encore, et sonnera
toujours !... »
— » Chutl... dit Raoul, je viens d'en-
tendre la cloche du templier.
• Isabelle et Jsnny se rapprochèrent
encore lime de l'autre I
— " Je voudrais bien savoir, deman -
dai-je d'un air supérieur , par qui et
nomment on a eu ces merveilleux détails?
— » Parla tradition, répondit mon on-
cle en riant. La tradition sait tout, c'est
chose reconnue, c'est chose prouvée, et
celle-ci est tellement accréditée dans le
pays, que nos paysans te diront qu'à cer-
taines époques on entend encore cette
cloche sonner senic, et que le templier
rrrirrii dans la tour. Ces pauvres j^jens en
sont tellement convaincus, qu'ils renou-
vellent chacpie année, au profit des sou-
ris, un iviln (le six livres (pion porte par
pn'caution à l'entrée de la chambre noi-
re. Moyennant cette petite attention,
\c chevalier Baltliazar consent à nous
laisser dormir tranquilles le reste du
(' mp^.
— >• Il y aurait, m'éeriai-je, un moyen
d(* mettre fin à cette superstition ; ce se-
rait de faire coucher quelqu'im dans la
tour du nord.
— » Ce sera moi, s'écria Raoul d'un air
capable, oui, moi, qui mettrai en fuite
le templier et sa cloche.
»' Je le re^^ardai d'un air de suprê-
me dédain ; l'écolier rouj^it jusqu'au
front et répéta tout en me narguant :
Oui, moi! moi I le petit T{aou\ !
— w Oui nous dit, reprit mon oncle
d'un air moqueur, que la corde de la
cloche n'est pas cassée, depuis tant de
siècles que Baltliazar la met en branle I
— » C'est ce que nous verrons! » ré-
pondit Raoul, et le reste de la soirée, à
tout propos et hors de propos, Raoul fit
toutes les fanfaronnades imaginables. Le
lendemain, il revint sur ce sujet, et il
s'attira de ma part de sanglantes raille-
ries. A dire vrai, nous étions aussi ridi-
cules l'un que l'autre ; lui, en prenant le
ton tranchant d'un liomme, moi, en af-
fectant de n'être point de mon sexe, et
pourtant nous nous raillions l'un l'au-
tre I
» iMon oncle, fatigué des rodomontades
de l'écolier, déclara qu'il lui accorderait
la faveur si vivement sollicitée ; et nous
allâmes tous ensemble, mes cousines ex-
ceptées, visiter la chandDre noire.
» Il est inutile de dire que les ten-
tures de deuil, les chaînes, la faux, les
ossements, le crâne, et autres embel-
lissements si soigneusement décrits par
la tradition avaient disparu depuis long-
temps, en supposant même que tout cela
eût existé : en revanche, nous trouvâmes
de la poussière partout, un monceau de
toiles d'araignée et une infinité de sque-
I 1 _
105
Icttcs de souris. Ces détails nous paru-
rent assez peu romantiques.
» Quant à la ])orte tic l'escalier de
pierre, Inunide et ténébreux, que le
templier avait cru être fermée pour tou-
jours, ellt,' ne fermait plus <lepuis des
siècles, et lescalier servait de refuge aux
reptiles des environs. Cette circonstance
dornia à notre (lievalier fanfaron l'occa-
sion de f^iire de nouvelKs vantardises (jui
lui valurent de ma part les marques du
plus parfait dé-dain.
^ La porte placée en face de lacliand)ie
noire fut ouverte ; elle donnait dans un
])ctit couloir (jui aboutissait à 1 aile du
château où étaient situés les apparte-
ments que nous habitions. Nous ren-
trâmes par ce couloir , et mou oncle
orflonna île meubler la chandjre han-
tic^ après qu'elle aurait été soi(;ncuse-
ment uettovée, d'un lit, d'une table et
d'un escabeau ; ces ordres furent exé-
cutés par les domestiques avec une ré-
j>u{;nance visible et qui me fit sourire de
piti(''. Mes cousines auraient voulu qu'on
imu'ât la porte qui conunimiqnait au
petit couloir tle /« Tour du Nord ' mon
oncle se moqua de leurs frayeurs.
■ Ces préparatifs avaient pris (piel-
ques jours.
— »» Kh bien, vaillant chevalier, dit un
soir mon oncle en sortant de table ,
cpiand ire/.-vous cond)atlrc le fantôme du
templier?
— » Demain, Monsieur, répoiulit Ra-
oul d'mi air n'solu.
— >• Demain soit, r«'pondit mon oncle,
« IMais dans la matinée du jour sui-
vant, Uaoïd, en courant à |H"rdre haleint*
dans une .ilh c du pare, fit une chute,
et il rentra au eh iteau en boitant.
« H SI* plaij;nait si vivement, «pie mon
oncle fit appeh'r la vieille Y vomie, lan-
cieuue berceuse de mes cousines ; Yvonne
ordonna le lit, niais ium) pas dans la cham-
bre «lu temjdier ; car pour rien au mon-
de Y'vonne n'aurait été soij^ner un ma-
lade dans la Ttmrdn Nord.
•' l^Ion oncle inquiet , et ne pouvant
consulter im médecin que le lendemain
matin, ima{jina, comme traitement pré-
paratoire, la diète : Raoul dut olx*ir, et
se contenter d'un potaj^e cl d'un biscuit.
Rien de comparable à sa docilité : mais,
au milieu des plaintes que la douhur
lui arrachait, il me lançait des regards
plus hostiles que jamais.
— » Avouez , mon petit chevalier er-
rant, lui dis-jc en riant , que vous êtes
heureux d'avoir un prétexte pour échap-
per aux étreintes du chevalier Ballha-
zarl Rravcr de loin un fantôme est
chose facile, mais de près! — Au reste-
on ne peut e\i{;er qu'à votre âjjc on
soit SUIS peur et sans reproche 1
» Rat)ul se mordit les lèvrei et fit cra-
qner ses doi^jts ; c'est, dans les cas diffi-
ciles, la réponse suprême i\\\ colléjjien.
" il lui fallut le bras d'Yvonne pour
{p[;ner sa cliand)!^ , où mon oncle le
suivit, afin de s'assurer que rien de ce
qui ]>onv.iit le soulager n'avait été né-
• A son retotn, mon oncle me {gronda
pour avoir paru meltit» en doute la bra-
voure de Raoul , cl il ajouta : Ce stint
LV des plaisanteries cpiune jeune fdlc
ne d(»it jamais se permettre, même avec
\\\\ ('eolier. Ji* dcsui* ipie cette* épreuve
ait lien, alin de convaincre enfui h»s |;eus
ciéduU'S (et il n'{;arilait s<*s deux fdU*s),
ainsi (pie tout le viHaj^e, que le errcitrit
liu l'iinplitr n'est point hanté |\ir un
fintôme. Mais et* nVst qu»? |Kirtie re-
mise.
>• Os paroles me revimvnt plnslenis
fois à l'esprit, dans la s«Mn*c , et eu nie
retir ml «lans ma chanibir, je me dis
<ni il s<M lit Iiiiiiux lie ' uiir tons les
]vMuru\.
• Après le ïlépart tle la femme dr
^;hamblv, ne me sentant nulle envie de
■»■ »ri<-a.'»Qjrra.^c33to;.
iO()
dormir, jt* passai un«? lobe, et pru à
jit'u , inoxallaiit moi-iiiôine, j'arrivai,
moitii' j>ar orjjiu'il, moitié' par bravade*,
À la pcMisc'o de luotUe à lin cUc (jrandp
avcntiirr. »
— Kst-i' possib'e I
— Quel courage !
— Quelle audace ! sV'crièreut phi-
sieurs voix.
— " nile> plutôt quelle folie!» n'pou-
dit Irène.
— Il ne m'en viendra janjais de sem-
blable dans Tespritl murmurèrent quel-
ques jeunes filles.
— « Je ne cédai pas tout-à-coup, con-
tinua Irène, il y < ut dts luttes en moi,
non contre la pt ur, j'en niais l'existence,
mais contre d(^s mouvements instinc-
tifs dont je ne me rendais pas compte.
L'orjjueil l'emporta. Aller passer la nuit
dans cette tour redoutable, y dormir en
paix , et le lendemain me montrer aux
yeux de tous connne rii('roïne qui avait
su biiser un bochet dangereux , quel
beau rôle !
» Je ]M-isma bougie, et, les pieds nus, les
cbeveux dénoués, dan> toute l'exaltation
d'une personne qui réellement ne con-»
naissait poitit de vaines terreurs, j'arrivai
à la porte du couloir : après l'avoir ou-
verte , je marcbai sans liésiter vers la
cbaïubremandite... Un coup de vent étei-
gnit ma bougie... mais j'étais à l'entrée
de cette cbanjbre... IMe laisserai-jc donc
arrêter par l'obscurité ?... Non. — Har-
diment je me dirigeai vers l'endroit où
avait été dressé un lit... En tàtoniiant
je le trouvai, et je m'y jetai après avoir
])rié, mais avec distraction. Le froid était
vif , le verit sifflait dans les arbres en-
core dépouillés et dans l'escalier tour-
nant. »
— .Mon Dieu I que j'aurais eu peur !
s'écria une de^ j unes filles.
— «« J'ét lis donc, poursuivit Irène,
dans ce lieu redouté de tous , et j'y étais
I s.itis armes ; car j'avais rt\sisté à l'envie
de prendre les petits ])istolets aj^pendus
à la cbemint'e de ma çliambre. ■»
— I)(*s pistolets I...
— «< A'avais-je pas la prétention dé-
passer pour une lionnr? reprit Irène avec
un sourire. Les nuigissements du vent
allaient en augmentant; il grondait dans
les profondeurs d'une foret voisine ; la
pluie fouettait les vitres, et j'enten-
dais le morne roulement d'une cbute
d'eau , car il y avait tout près de là une
pelit<' rivière et un moulin : bien que
ces bruits me fussent familiers, je com-
mençais à ressentir non de la peur, mais
quelque chose de vague qui me S'^rrait
le cœur. IMalgré moi je me souvenais de
toutes les terreurs inspirées par la cham-
bre maudite... IMalgré moi je me rap-
pelais ces mots , que la tradition prêtait
au templier; IMalheur à qui osera me bra-
ver I. . Et des bruits étranges bourdon-
naient dans mes oreilles. . . Plusieurs fois,
je l'avoue , je fus au moment de m'é-
lancer hors du lit et de regagner ma
chand)re... Mais me prenant moi-même
en pitié, je me fortifiais dans la résolu
tion de rester.
» Qu'a vais- je à craindre? Ne savais-je
pas bien qu'il n'y a ni revenants ni fan-
tômes , et n'étais-je pas venue en ce
lieu pour être en droit de l'attester à
tous?
» Minuit, l'heure fatale^ sonna. La
tourmente continuait au dehors , mais
autour de moi tout était paisible... Le
sonnneil appesantissait mes paupières....
l)(''jà je me trouvais dans une sorte de
torpeur... Les rêves venaient, mais ils
étaient sombres. Je voyais un bûcher,
des flammes , et l'affreux appareil d'un
supplice. Tont-à-coup je m'éveille en
sursaut... J'ai cru entendre un soupir...
J'écoute... Tout est silencieux... Cepen-
dant je saute à bas du lit et je marche
vers la porte que j'avais fermée , et qui
107
sVst oiirr-rtr , rnr I»; vrut sViip,ouftre
avec violnjf»' dans la ch.iinljrt'... J a-
vaiice à tâtons... J'nitcnds le son (Viiiic
cloclio , mais ail loin... Je trrssaillr...
J'avance eueoK' , Irs mains étriiflurs...
Je sens qneKjne chose... (juelqiie cliose
(Je froid... mon sanjj se (^lace... l'cUVoi
me saisit... et je tombe évanouie. »
— Ali I jr. serais morte sur le coup.'
dit une voix.
Il y eut un moment de silence ; puis
Mme de Saint-Kslève eontimia :
• Ouand je revins à moi, jetais encore
dans cetli" Icii ih'e Tnitr du IS'ntd ^ mais
il Tairait joiu', et mon oncle , uies eou-
siiK-s , nos jeunes ainies m'entouraient.
^ vouiie, dehont an pied de mon lit,
pleurait...
» Los)(;temps après on me raconta arec
détail ce (pii s'était passé , f t connnent
tout le monde ('lait accouru.
» Le lend(*main île la nuit (péi suivit ce
tfirite-tifi tnar^ ^ date à Lupiclle persomie
n .ivait d alxnd pris (jardc , la Icninie de
cljamhrt' t'i nit mon t('e clic/, moi et avant
rcmanpK' <pie mon lit n'i'tait pas ilélait,
avait pris l'alarme, alarme |>arta;,('c aussi-
tôt par les domcstitpics. Pendant (péon
me ilicreljait de tous les eé»tcs , h* hmit se
répandait (pie laeloelie du t(*niplier avait
sonné à minuit , ( t Jeimv , dont l'amitié
j;('ii('reus(r avait smnionte les puériles
Irayeurs , s\'liit precipiti'e la première
dans la cliandire noire. Vax ce moment,
levenue de mon évanouissement, je m'('-
lais levét; sond.iin si terrilde, si mena-
çante , (pie me croyant Irappt'e de dc-
luence, elle était alh'c, liorsd'elle-méme.
se jeter d;ms lis hras de son père eu
criant : liene est folle! Irène I... l'ollel
folle !
• IMou oncle, liant a(voMru, nv.nil fait
sortir tout le monde, cl , seul avec moi ,
il .avait pris mes mains dans tes siennes;
il néavait parlt* , sai»s (pie je pnriis.5o
d'abord le comprendre ; puis je nrélnis
mise à pleurer, et il s'était dit : « Elle est
sauvéel »
• A loi"s il m'avait press<'^dc questions.
— «• Ma fille chérie, c'est moi qui rem-
j)lace ton père, n'jxxids sans détours, ne
me cache rien, (pi'as-tu !
— • J'ai |>eur I
— '» IVur de quoi ?
— w Du teinj)lier.
— » Chère petite, c'est un cauchemar.
]Mais comment , pounpioi es -tu venue
ici?
— '• J'étais orgueilleuse. Dieu ui'a pu-
nie! Je me croyais supérieure aux autn*s
femmes;... Oui... j'ai eu jïeiir... liieii
])eiir... j'ai peur encore î... »
» Kl je cachai ma fi;;ure dans sa poitrine
( n Irissonnant de tous iiirs membres.
\ou!nt m Cmmener... Mais \\\\ nouve
évanouissement Tohlipea d'ap|x'ler au
S'Coms, et Ton m'empi^rla dans ma
chaml)ie sans cpie je donnasse sijjue de
vie.
» I'JirMi,je revins à moi. Mou oncle
(lait seul auprès de mou lit.
" \\vc une tendresse paternelle, il tue
conjura de lui dire ce (pli m'était arrivé.
— Soula|;e ton ea'ur oppn^st'^ mon en-
fant. Toi si ferme, si eoura(;eiise....
— »» Ferme ! et)uni{jeiisr I... je rn>y.ii«
relie...
— » A (pi( lie heure cs-tii allée dans l.i
tour/
— - »• Hier .m soir... .
— •• Ouel était ton deNSciii?
— » Je Noulais... prouver... (pie toute
celle histoiiv du templier n'est |K)int
vraie....
- • Kl le ne l'est pas, lu le sais, <*ar tu
esaii(l(MSU8 des miWmhles su|¥*rst liions
(ju'on repi'oelie aux feinim^s surti>iit
Tu le lais... pnrle, ]r l'en prie !
— M Dieu m'.i punie! Dieu ni'n pum**!..
J'.ii entendu l.i cKh-Iic tinter... J'ai en-
tendu (M-iiiir... J'ai enleiuiil ct*s iihMs :
J ai faim !... j'ai faim... Kflrayir... éiH>ii«
08
vnntt'o, j'ai voulu fuir... iiuc ouibro
J)l;uu'li(^ a passô ilovaut moi ou {jvuiis-
saut... Puis uu lircsarcloniquo a irtouti..
Mrs forces faiMissairut... uiir n\ain...
une main fioido. . . une uiain (;iaci'(\ . .
oui... ]c Tai seutic sur mes piixls uus....
>« A ct\s affirux souvruirs, je fus saisie
<]c convulsions. »
— Ah ! qiii'l icciti s'ccrièieut plusieurs
j (Ml nés filles en re(>ardaut autour d'elles
avec cffioi.
Iiène sourit, et continua ainsi: « Uu
médecin était cependant arrive, celui que
mon oncle avait envoyé cherclier de p,rand
matin pour Raoul qui avait passé une
mauvaise nuit , disait Yvonne.
»• On ramena d'abord près âc moi, J'vV
vais la (îèvrc, le délire. Il prescrivit le
l'cpos , le silence, mais eu défendant
qu'on me laissait seule, ne fut-ce qu'un
instant. Il promit de passer la journée au
cliâteau, dans le cas où ses presciiptious
n'amènrraientpasprompteinent le calme
qu'il en attendait ; et il suivit Yvonne
qui venait de lui dire qu'il y avait un
autre malade à soigner.
» Raoul, levé et habillé, reçut le méde-
cin d'un air ravi et charmé de lui-même.
— » J'allais, dit-il, descendre pom'lc
d('jeuner ; car je veux être le premier à
crier : • Poisson d'avril ! »
— » Comment, IMonsieur Raoul, dit la
vieille gouvernante stupéfaite, vous êtes
guéri ?
— » Guéri I... Je n'ai pas été malade.
— » INÏais cette chute d'hier ?...
— » Je me suis laissé tomber tout
doucement, sans me faire de mal.
— » Mais vous boitiez ?
— » Il fallait bien faire le malade pour
obliger l'amazone de prendre ma place et
d'aller dans la Tour du Nord afin de pa-
raître brave.... plus brave que le prtit
Raoul...
— » jMallicureux enfant, cpTavcz-vous
fait?
— » Un poisson d'avril. Elle a entendu
le tenqdier, si elle ne Ta pas vu, elle ne
peut donc pas tlirc...
— » Suivez-moi, Monsieur, dit le mé-
decin d'uM ton sec.
» Raoul étonné regarda le docteur.
— » Ah! çà, elle n'en est pas morte, je
pense , elle qui n'a peur de rien ? reprit
Raoul un peu ému de l'air grave du mé-
decin.
— » Suivez-moi, vous dis-je !.. Et le
docteur, le prenant par le bras, Tentraîna
rapidement, puis le poussant devant mon
lit où je me débattais en proie au délire :
« ^ oilà votre ouvrage ! dit-il. Cette jeune
fdle est forte et, énergique, son délire ne
sera que passager ; si elle avait été n(^r-
veuse et délicate, vous l'auriez rendue
i folle!
j » Raoul tomba à genoux. « Pardon !
j pardon ! Mademoiselle , ne soyez pas
I folle , ayez pitié de moi ! » disait-il en
i sauplotant; et il couvrait de larmes une
! de mes mains qu il avait saisie.
I — » Qui êtes- vous? que voulez-vous?
i demandai-je en le regardant fixement.
I — » Je suis Raoul Je vous de-
; mande pardon ! c'est moi qui tous ai
' fait peur! je m'étais caché dans l'esca-
lier de pierre... c'est moi qui ai sonné,
I c'est moi qui ai dit : J'ai faim ! Oh ! je
vous en supplie, pardonnez-moi !
— » Allez chercher la sonnette dont
vous vous êtes servi, dit le médecin.
') Raoul obéit sans oser lever les yeux
I sur ceux qui m'entouraient.
» C'était une grosse clochette. Le mé-
; decin l'agita en m'observant.
)) D'abord je frissonnai, puis je me mis
j à rire, et les éclats de ce rire nerveux,
contrastant avec la pâleur de mes joues
I et la fixité de mes yeux ternes, firent
pleurer Isabelle et Jenny ; Raoul devint
presqu'aussi pale que moi, et recula ; il
tremblait de tous ses mendjres; à son
tour il se sentait malade, mais il ne se
[-
j m
y)lai(;nlt à |>rr.sonne ; et lorsqu'il ne se
trimit pas à la porte de ma clianibre
pour avoir de mes nouvelles à tout in-
stant, il errait dans le jardin eonuue une
âme en peine.
» Peu à peu les accidents nerveux dis-
parurent; luiit jours après, j'<'lais re-
mise de mes terreurs, et je pardonnais
à llaoul.
>• Iledcvenue calme et eoura{;ense , je
compris cette {;rande leçon, et je re-
connus f|ue la mission de la femme est
liumble et caeli('e. Honteuse de ma fo-
lie, et abjurant à jamais ce titre de tinnnr
dont j'étais si lière, je suis aujourdlini
ce (jne vons voyez. , la simple Irène,
lioinie ménaj;ère et mère de famille.... ■
— Va ma foi ! vous êtes cliaiinanl<' !
Cet <'lo{;e l)rus(|ue partait du fond du
salon, on lesjoueurs de wislli avaient in-
terrompu leur partie pour écouter le ré-
cit d'Iiène.
Un ancien oflieier de marine, aux al-
lures sim]>les et IVanelies, se leva et vint
.serrer cordialement la main de la jinine
fenime : c'était le ]ière de son mari, le
ca])itaine de Saint - Kslève. Jamais il
n'amait consenti a donner à son (ils une
énude en coura<;r viril ; mais il avait
choisi, dans une foid«' de jeunes iilles,
celle (jui s.ivait imir à la sa{;esse et à l'in-
struction la douceur et la modestie de
son sexe.
Il n'v eut (pi'une voix. pour IVIieiter
M'"' de Saint- ilstève et pour hl.innr
llaoul.
— Oli ! ne lui en vonli"/. pas, dit 1 a
jeune fenune . eet enfant n'avait pas
mauvais cumu , il n'i'tait (pTétourdi. Lui
aussi a ])rolilé' de la leçon ; car il a rt)m-
pris (pie nous wv «levons ]>oint fain* aux
•intre> ce (pu* n(»ns \w Vdtidrions pas
qui nous fût fait ; que s'amuser aux
dépens de qui que ce soit, c'est làchet '.
c'est bassesse, et que, préparer des invs-
tifieralons ou des soulfrances, c'est le
fait d'un être éjjoistc et faux, puisque
ces uiystifications, ces attrapes^ reposent
sur la duplicité, sur le mensonge, et ne
peuvent produire qu'un rire ]-
bientôt suivi d'amers et inulil»^ .. ^j.. . .
DtM'nièremeiit je me trouvai avec lui
chez une de mes parentes. Il remarfpia,
connue vous tout-à-l'heure, que je tres-
saillais involontairement au bruit d'une
sontietle ; il s'approcha de moi, et, hs
yeux pleins de larmes, il me dit tout
bas : •< Je vous ai fait bien du mal,
Madame! Pardonnez-le-moi ! •»
Irène se tut. La couvei^satiou derint
{;«'nérale : ou convint, d'un coumum ac-
cord, qu'il érait s:i{;e d'éviter des plai-
santeries toujours blessantes, au inoins
pour Tamour-propre , ou capables de
eomprom'^ttn* la sauté |>ar un mouve-
ment de fraveur.
Après qu'on eut insisté, avec nii«o;i,
sur les inronvéuieuts îles poissons n .i~
vril^ les jeunes filles firent saj^jenienl ol>-
server <prell«»s poun-aieut bien, à leur
tour, voir en son;;e le vieux chevalier
lldtlr»zar, portuit un uïasipie n .
une faux, et tout le uin;;i<pie alî.; ....
si l'on ne cIieiTlnil pas, cnuinic autre-
fois Isabelle et Jeuuy , dans une d.inse
animer , l'oubli des aventures d*l*
lène. •
M"" lie Sûnt-Ksiève v iii.i .ni pifino,
et II jeun<*ss<» rieuse, ehisvmi les |)en-
s«'es lu{;ubr(S, forma, soiw 1rs yriix «les
vieux |>an'nls, un brillant et jnvm\ epia-
drdle.
Jo'iep:! k:c ii.
110
LA^STUUCTION.
SCIENCES NATURELLES.
LUTAMOLE,
nnrBonisATioN
IIKI lUER. — niOCÉDÉ DE IM. GaKAL.
Lrs li( rjîoiisatidus ramiliarisoiit nvro
les locaiilc's, av( c 1» s haliituilos des vt'j;(''-
taiix, ( t clcnuu lit (U s tonnaissaïuTs (|ii(>
les livns, ([m.' l'i'uiclc du cabiiu t piocu-
lont tlilliciKiiioiit , tU'S coniiaissanres
(lu'il est iin]iossil)lr dr ]Hiisor tlaiis un
licibiir quelque 1/icu t( lui (ju'il soil,
encore moins aiqwès des jilarites soumi-
ses au eapriees d im jaidinier. llieu ne
rem])1ace leseliaiiiies dnnelierborisalion
laiU' avee plusieurs botanistes dont les
goûts et le zèle sont en barmonie ; poul-
ies trouver, ces ebarmes, ]iour tirer tout
le profit eouveuable d une beiborisatiou,
il laut se munir de ce qui peut rendre
la reeolte aussi comj)lète cpie possible...
L'attirail indispensable se réduit à un
très-petit nombre d'obj(>ts. Vu boite en
f(U-blane vernissé, eou]H'e sur la forme
dun portefeuille de la dimension du pa-
pier {jrand raisin (40 eentlmètres de lon[j
sur 30 de lar[;e et 10 d'épaisseur); plu-
sieurs ealiiers de papier [jris ; une ser-
pette, une petite trousse contenant un
crayon, un livret de papier blanc, une
loupe, un stylet, une paire de ciseaux
lins à pointes longues ( t étroites et un
canif; enfin une canne sur laquelle $e
viss<' le a/r/V/o/r, espèce dr cisailles d(»nt
1rs deux brandies fermées donnent une
boulelte qui sert à déterrer les racines
des plantes bulbeuses : la canne fomiilt
le moyen de coujx r, à une certaine élé-
vation, les brandies qui se trouvent bors
de la portée de la main, (t à attirer les
plantes aquatiques que rt'loi'jnenient et
la ]irofondeur d(s eaux empècbent de
])ouvoir cueillir
Il est bon de n'jjulariser la marcbe
d'une lierborisation et de la calculer avec
le moment où la vé[^étation est dans tonte
sa splendeur, avec une belle journée, et
selon la qualité du tenain ({u'on se pro-
pose d'ex]>lorer. Aucune localité ne doit
être né^jlijjée : jardins, bords des cliemins,
baies, cliamps cultivés, terrains va^jues
et incultes, ruisseaux et décombres, prai-
ries, mai-écages, eaux courantes et stag-
nantes, rivages de la mer, roebers, bois,
forets , montagnes de tous les ordres.
Dans toutes les saisons il est possible
criierboriser, puisque cbaquc saison a
ses fleurs et ses plaisirs; depuis lépoque
où les ftuiilles manifestent leur sortie du
bourgeon, jusqu'à celle où le pédoncule
sans force laisse tomber la feuille qu'il
supporte
Les berborisations solitaires convien-
nent quand on veut soulager son ame
des pensées tristes qui lailligent. La vue
des ]>lantes, le ])laisir de respirer un air
pur, di' jMendre un exercice salutaire,
d'occuj)er agréablement quelques in-
stants, rétablissent réquilibre; la douleur
est moins poignante, et le baume versé
sur elle allège le ]ioi(ls du ebagrin. On
naître et u\h n\ ])ortant, et plus lil)re, et
j)liis gai. Larranjjcmcnt de l'ilEUBIEli
prolonge la jouissance.
111
HEUBIER.
Deux «'cil a Util lu lis de chaque plante
sont lit'ccssaircs ; l'un (|ui a étc cueilli au
j)i int('ni])S, au moment <lc rinlloiescen-
ce , 1) ; l'autre, alors qiw la plante est en
pleine ll(jraison : c'est le moyen de con-
stater parfaileuH nt les caractères botani-
([lU's et les lial)itudes v«'j;étales ; l'elndr
se complète par la possession des iiuits
parvenus à leiu" développement le plus
complet, et par («lie des anomalies et
des monstruosil»'s, tlont l'examen com-
])aratil et n'il('( lii ju'Ut jeter un lrès-(;rand
jcnu" sur ipiehpies points encore oLscius
de la j)liysiulo{;ie végétale.
Modv de pn'pnrution. — Toute plante
cueillie, ainsi (pie ]«• viens de le dire,
dans le plus bel ( tat de IVaielieiU' possi-
ble, au moment on toutes les j)arties de
la Irueliiieation sont sensibK s et ollient
tous les caractères distinetifs du yenre et
de. l'espèce, se place entre d» u\ 1» uilles
de papier {^ris pour y perdre son (an de
vé(^«'lation ci snbii' uwc première pres-
sion (pii doit en liàlei- Tt-mission (J) ; on
j)lacc u\\ d(jssier de plusieurs papiers
{;ris de.s.">us et ilessous, pour recevoir cette
(au ; on a en la piéeaulion de biin < ti n-
dre toutes les le uilles, lis rameaux, les
bractées etleï» Heurs; on di'laelie l«s pt'-
tales pour les présenter s( parement, ainsi
<pie l'ovaiic, l. s accessoires, les élauii-
nes ( t le pi.Nld, en avant soin dv leur
conserver le port {^;énéral et les habitudes
particulières. Ouant aux racines, il im-
porte de les uettov.r a\(c nn«' brosse,
(0 DlppoMhdti i!( - ili iM.» Mir lin Nivn.il iim
en t'»t iiiuiii ; l'r.Nl un r\ri'll< ni rai.irli'r»- pour
^(>n^lilu^r, non \\m Io gcnirn, iwnU le» (>i>cco«,
cl (|u'il CDiiNii'iil loujiuir:» ilc noter quand on re-
cni'illc unr planic.
(ï^ Il f.'tit . jiour crll(» np(^rntlon, >o prorurrr
une pii>>«c ilont la «ImiMo Inhln l'jit d' < un
ilinicuKiiMi (|U(* le pnpicr, on bien (i iio
(pi'un poM'in liiir le (lus«i(M' Oc pa|)l(-r gris pla-
ce Mir I.» lalilc, cl tiu'on r)inti:crn «le p<»»il? de
plus en plus lourd:!, luivant le buuln.
afin (pi'il n'y reste point de terre, etloi-s-
(jue celle-ci (*st mouillée, on la laisse
sécher pour renlever ensuite exactement.
On pourrait remplacer les racines par
un deshin lait d après nature, \a'S arbres
se prennent par échantillons dans les-
quels on voit remliranehement des ra-
nie.iiix, la position et le jeu des feuilles,
en conservant une petite portion de l'é-
eoree et du bois.
Il est n('c«*ssnire dVulever la pulp«» d(»s
platites {jrasses oudeles d(*ssét!ier sous la
pression d'un fer chaud. Les espè(X»s co-
riaces et \Ki\ épaisses, parmi les champi-
gnons, s'exposent d'abord à l'air, puis
on l«\s coupe du haut en l)as par moi-
tié', principalement celles qui sont nni-
nii\s d'im chapeau et d'un sli|x» , afin de
laisser voir \vs feuillets des agarics, les
ai;;uillons des hvdnes, etc., etc.
On couq^rime peu à peu ; deux jours
a]irès, on chanp,e les (lossiers, on laisse
ensuite la plante à l'air, afin quelle sè-
che phis vite» et «pi'elle (X)nserve mieux
ses couleurs propres ; puis on lui donne
une nouv«*lle chemise, t(^uj(^urs en pa-
pier [;ris; on pivssc de nouv(\ui plus for-
tement, mais avec ménagement; tmp
lorlr, la eonqiression é'crase, désoq;ani$e
les parties molles, peu consistantes it
rend l'examen im|^ossd>le ; tn^p faible,
elle permet à la plante île s<' {'.••Pl^^'r,
de prendre une lauss«' ]H)sition. Au boni
di* huit à (piin/.e jours, si IV^iHTation a
« te bien faite, la plante est en état de
prendiv place dans l'Herbier ; on la met
alors dans une feuille de |>apier forte-
ment aluné (1^
On enferme &4-partMnent, dans des cnp-
suli's de papicT, les (M yptogauies fragiles,
pleins de |>«)ussière, lanles à se délério-
(i l.c papier, pour l'Ilabicr, furnial {tranJ-
rnisin, dnU «^irc ntl-btanc, a»*ei fort, cidié. <(
pn»M' prvatablemcnt dans une forte tuluUon
d'alun.
112
ror, et, dans dos bocaux remplis d'acide
pyroIij;nciix, les espèces chainucs, com-
me les bolets, les nvmcUes, etc., etc.
Eu anau^jeaut la plaute sur le lit de
papier , jireucz {;raud soin cpie toutes
ses j)arties, suru)ut K s leuilles et les
ileurs, soient bien ouvertes et bien éten-
dues dans K'ur situation naturelle. La
plante un peu llctric, mais sans l'être
trop, sr prèle mieux, pour Tordinaire, à
1 arranjjcmcnt qu'on lui donne sur le
]>apier avec le pouce et les doigts. Mais il
y en a île rt^belles qui se grippent d'un
coté, tandis qu'on les prépare de l'aulie.
Pour prévenir ces inconvénients , j'ai
lies plombs, des petits marbres, des piè-
ces de monnaie avec lesquels j'assujettis
les parties que je viens d'arran^jer, tandis
que je dispose les autres, de taçon que
quand j'ai fini, ma plante se trouve pres-
que toute couverte de ces pièces qui la
tiennent en état. Après cela, on pose une
seconde feuille de papier sui' la premiè-
l'e, et on la presse avec la niaiu, afin de
tenir la plante assujettie dans la situation
qu'on lui a donnée, avançant ainsi la
main jjauclie, qui presse à mesure qu'on
retire avec la droite les plombs, les piè-
ces de monnaie qui sont entre les pa-
piers. On met alors le dossier, et l'on
conqirime, ainsi que je l'ai indiqué tout
à riieurc
arrangement. — Une fois la plante
jvarfaitement desséchée, on la place seule
dans une feuille d»; papier mi-blanc,
accompagnée d'une étiquette portant les
noms botanique, synony niique et popu-
laire, l'indication du lieu où elle a été
trouvée , l'époque de la floraison et de
la fructification, la couleiu des pétales
et des fruits, la classe et l'ordre d'après
Limiée, la famille à laquelle elle appar-
tient dans la méthode dite naturelle; en
(général toutes les notes qui peuvent aider
à la mémoire, rendre faciles les recher-
ches ultérieures et consacrer un souvenir
agréable. Sous ce triple point de vue, je
n'ouvre jamais mon Herbier, sans retour-
ner avec délices à des époques plus ou
moins éloignées, sans causer avec mes
amis absents ou dc'funts, sans rire d'une
aiu edott^ soudain n'veillée par le nom de
telle localité, de telle plante.
Un Herbier général peut être range
selon la méthode des familles; mais pour
un Herbier limité, le système de Linnée
mérite la préfércjiee.
Toutes les espèces du genre, je les
réunis ensendjle dans un ou plusieurs
cahiers ; et sur le premier feuillet j'inscris
le nom du genre botanique ; je ne colle
aucun échantillon. Ceux qui veulent le
faire , doivent employer la fécule de
pommes de terre mise en bouillie avec
de l'eau chaude; je la préfère à la gomme
arabique, qui conserve moins bien les
couleurs ; je m'en sers pour fixer les di-
vers appareils de la fleur, ainsi que le
pied des mousses, des algues et autres
très-petites plantes. Les échantillons non
collés peuvent être examinés en tous
sens; ils laissent voir souvent des carac-
tères microscopiques bons à connaître
dans une monographie, et fournissent
toujours quelque remarque curieuse.
Un autre avantage, c'est de pouvoir,
au moyen de l'eau pure, rendre aux con-
fervées, aux céramiaires, aux brillantes
floridées , leurs filaments, leurs ramu-
les, leur port élégant ; c'est de ramener
tout à coup à son état naturel, à sa fraî-
cheur, la plante que vous voulez décrire
vivante, et dessiner dans toute sa beauté.
On a recours, à cet effet, à l'eau bouil-
lante à 90 et 100 degrés centigrades : on
y plonge la plante entière et on l'y laisse
jusqu'à ce que l'eau soit absolument re-
froidie ; alors on voit tous les vaisseaux
comprimés se gonfler, la tige se redresser,
reprendre sa consistance ; les feuilles
perdent leurs rides, reparaissent dans
113
leurs couleurs, tlaiis leur position ; les
fleurs sépaiiouisseiit , se luonlreiit dans
toute 1( ur éléj^ancc; eu un mot, vous
avez sous les yeux pendant un, et quel-
quefois deux ou trois jours, la plante
dans son état de jeunesse la j)lus biil-
lante et la plus robuste
. . . Quanti les plantes ont été récolté-es
trop fanées ou trop mouillées, de même
(juand elles ont subi une pression trop
violente ou non ménaijée, le pbéno-
inèiH.' ne réussit pas toujours. On ne
l'obtient que sur des vé{j<''taux pn'paré»
avec soin et parfaitement entiers.
Conservation. — Tc\u /. vos ]>lantes
enfermées dans des cartons ; qu'elles y
soient serrées ; mais n'emplovez ni cor-
dons, ni courroies pour les tenir pressées.
La pièce qui renferme l'Herbier ne doit
point être bumide, ni trop cbaullée ; et
Ton doit avoir j;rand soin de ne point
mêler rnsend)le des plantes récennneut
dessécbées avec les anciennes, de crainte
que les premières ne contiennent encore
des larves qui, se développant plus tard,
causent des pertes inappréciables. Il faut
visiter deux ou trois fois l'année toutes
ses plantes, afin de les purjjerdes Anlbré-
ines de cabinet, des Ptines voleurs, et
autres insectes, fléaux des collcctit)ns,
]>rincipal(nuiil !»• ])on d«' bois it de pa-
pier, Vhcincrahius pulsatonus de i^innée,
(jui, par sa petitesse, se soustrait à vos
r(';;ar(ls, et liiiit, à la lon[^ue,p;»r K'dniie
le; plant(*s en poussièie fine.
Tu. DU H.
(]esensrij;nements sont enq^imlés au
Dictinnuinrr jitHorrstjiir tChistaitr riatii-
rtlli\ ])ublié' sonsla dir«vlion de !M. (iut-
rni INIinevdle ; afin de lescompléler, noui
rappellerons à nos jiunes lectrices V Hcr-
i'irr (1rs ilrninisrllrs ^ par AI. ICilmond
Andonit, et nous Iriu' recomm.inderoii*;
vivenn lit 1 rxcelleiit livr<' de .Mlle .Ma-
OÀUl) DP. Ui^ALKuni, i^a HoTA^dvtK, ou-
vraMeaj)prouvé par le cons<^il de linstiiic-
tion publique. Avec ce jM'lit volume,
écrit dune manière si attrayante et si
claire, elles pourront reconnaître les ca-
riKlè-rcs botaniques et claacr elles-mêmes
le fruit de Irurs lierborisations. Ces deux
ouvra^^es sont les seuls, de tous ceux pu-
bli<'s sur cette science, que nous puissions
indiquer en toute st'curité à cellt^ de
nos aimableg amies (|ui d»'sirent étudier
la botanique. Dans (jueltjue temps , nous
1 espérons, 1 art de dtsitu lier les Jlrun^
procédé découvert récemnjent par M. Ca-
nal, étant devenu usuel, les berbiei-s jus-
(ju'ici connus seront remplacés par s\e%
collections qui oflriront à l'feil cbariné
les plantes dans t«nit leur éclat, dans
toute leur fraicbeur. A oici ce qur dit
M. l'abbé Moijjnot, à ce sujet, dans l'un
de ses comptes rendus tle l Académie des
sciences.
«< An i vous maintt'uant au ])rocédc de
!M. Ganal, Il ran{;e successivement ses
plantes dans des feuilles de papier {jris
(jui absorbent innnédiatement l'eau de
pluie ou de rosée. En cet état, les plan-
tes jieuvent se conserver vin};t-quatre
beures sans altération aucune. \jc len-
demain, il les placi' dans un paj>ier srt%
et les dépose ilans l'appareil de sou in-
vention.... L'appareil se com|>ose il'un
vase cylindritpie eu cuivre de 30 ivnti-
mèlres de bauteur sur 30 de diamètre;
on y place le patpiet contenant un et lian-
till«)n des plant«*s ; puis, dans un es|wicc
nslé vide sur les côtés, on met -I kilo-
jjrannnes enviri»n iK* pierres de cliaux
vive, et l'on fixe le couvercle du vase.
I)« posé ensuite dans une |x-lice cuve,
l'appan'il est porté* .i une tein|HTature
di" 60 à fil) dejjrés , au uioyen d'eau
houillanle que l'on verse dans la cuve.
0\\ fait alors le vide aTtx* une jvtile
p<MM|x' ]>nrmnati«pii* atlaptée .'i un ro-
binet place sur le couvcnle du vasr.
Ouanil ou a p<Mn]x*, .\ divers iutervalK^,
114
peiulant deux ou trois heures, on laisse
le (ont tranquille pendant vingt-cjuatre
ou trente lienies; au bout de ee temps,
en onviant l'appareil , on trouve les
plantes sèe!i<\s ci cmbdiinKcs à jamais.
» Nous avons vu l'IlerMer d(* IM. Ca-
nal, et nous l'avons grandement admiré.
Les feuilles et les flturs de ses plantes
ont eonservé prescpie tout(^ leur fraî-
cheur. Sa eolleelion de eham])ij;nons
surtout nous a vivcMneiit IVapprs. On
dirait qu'ils vicMmeiit d'être eut^llis dans
la ]>rairie ou la forêt. Mais ce (jui dé-
passe toutes les prévisions en fait de suc-
cès, c est une on/iis (pii a conserva* jus-
qu'à son odeur prononcée de vanille.
Dans la dernière séance tle l'Académie,
iM. liiehard la montrait au célèbre bo-
taniste anglais, M. Lindley. — Quelle
belle' plante I s'écjia le savant étranj^^er,
et qnel malheur qu'en la séchant on lui
enlève sa forme et sa couleur I — Mais
elle est sèche ! reprit IM. Richard.
M. Lindley ne pouvait pas croire à ses
yeux
» 3L IMasson , le zélé directeur du
jardin d'expériences de la société d'hor-
ticulture, est inventeur d'un procédé de
dessiccation et de pression des choux
pour l'appiovisionneinent de la marine.
Séchés d'abord à l'étuve et comprimés
en gâteaux par une presse hydraulicpie
puissante, les choux de M. Masson se
conservent indéfiniment ; et quand on
les fait nn-enir dans l'eau, ils reprennent
toute leur saveur
La connnission de l'Académie, en vorant
les admirables conserves botaniques de
M. Ganal, lui donna l'idée d'emplover
son appareil à la dessiccation rapide tics
h'jjumes. Celui-ci, avec son ardeur ac-
coutumée, se mit au travail, et arriva
An premier coup à des résultats vrai-
ment extraordinaires. Nous avons vu
ses choux, ses choux-fleurs, ses carottes,
son céleri desséchés , et nous sonnnes
restés ébahis. Aj)rès qu'ils ont séjourné
quelque temps dans Teau, vous diriez
des le^<'umes sortis à peine de la corbeille
tlu maraîcher. Si la saison n'avait pas
été si avancée , j\L Canal aurait em-
hdunic des petits pois , des haricots
verts , etc. Ce n'est encore jusqu'ici
qu'une expéiience de cabinet ou de la-
boratoire; mais le petit poisson devien-
dra [;rand , et l'essai se transformera,
nous l'espérons du moins, eu une vaste
et f(>conde industrie. »
Nos jeunes amies nous sauront p,ré
sans doute de leur avoir fait comiaîtrc
ces procédés nouveaux des sciences nj)-
pUqaèes ; nous les tiendrons au courant.
Avec des conserves de ce genre , les
aimées productives en plantes potaj'^ères
pourraient fournir des ressources bien
précieuses pour les années de dis(Ute.
MELANGES.
LES ROCHERS.
Je possédais à Paris , il y a plusieurs
ami('es, une amie qui était tout ensemble
la plus aimable et la plus indolente per-
somie du monde.
Ileste précieux de la brillante société
du xviii* siècle , elle avait siuvécu à la
tourmente et à l'activité dévorante de la
Révolution. De même que la plupart dts
personnes de sa caste et de sa foi politi-
que, elle avait conservé les idées, les pré-
jugés d'autrefois, et elle ne tenait aucun
compte des idées nouvelles. Paresseuse
'_
Il
et spiiilurllc, coiiimr M'"''Dii(lciraiU, elle
olliait le sprci/nr/i d'inic rs; rcr qui a
(lispniu pr('.S(|U(* coiuplrtciiiciil nuioiir-
«l liiii (le la France, (!«' la rcimnc à la
iiiodetlii tein])S de Louis \\ I. Kllc lnhuitt
sur sou lit ou sur sa chaise lonj;ue.
Le malin, tout eu prenant son chocolat
au lit, elle recevait ses visites ; elle dînait
à huit h(*uresdu soir, à peu j)rès à 1 Ik me
où avait lieu jadis le souper, et clli' pas-
sait la nuit entourée île ses habitués,
parmi les<piels >e trouvaient la ])lu])art
des beaux espiilsdc Paris. .'NLi santé, uns
habitudes opposées ayf siennes ne nir
p< ruH'ttant pas'fîi* |u()lo!i{;f'r la veillée
au-delà de minuit, jr la (piittais au mo-
uieut même où elle était le plus en verve;
I car son e.«»|)rit ne bi ill lit de t(jut son ('elat
(pTaux b()uj;ies et vers l'heure la plus
avane('e {\v la nuit. l'^lle pn'tendait être
aussi î'/«'^/r/' et aussi bnw^ronff (péaii j)lns
I beau teuips de sa jeunesse, et crpenilant
I elle ne sortait j^oui* ainsi dire jamais de
' son héUel du laubourj; Saint Ilonoié ; elle
y restait constannnent ensevelie connue
( cesprêtress<s du imipleile Pom])«'i, dont
1rs mod«i lies sont allés, après dix-linit
siècles, troubler h' repos dans li nr ilr-
nu'Uie souterraine.
Je {.lisais souvent à AI'"» tir "* le sa-
crifice de nu'S fronts, et parfois je parve-
nais à obtenir (pi\ lie me sacrifiât mo-
I inentanéinent les siens. (]'esl ainsi (jn nii
jour ji* rt'ussis à lui lain* rjuilter son lit
A {\v\\\ heures apiès néidi ; aussi, sa Ion-
{;ue toilette t« rnnnée , arriv.imes-nous à
Lon{;cliamp juste au moment où tout
le monde en revenait.
Il fallait cependant I entendie parler,
elle<pii sendil.iit élre attachée à son hôtel,
de méiiK* <pie le hmaeon l'est à sa co-
• piille, lies a|;irmeiits il«- la eainpa|;Me;
sou eiidionsiaMiie é(.ii( t* 1 «pi'on aurait
pn s*una(;iner <pie iM'«'^de*** apparteu.iit
.in\ prom<'neU«»es par j'tcelKMice. Ce n'é*-
taieiil «pie récits enihanteurs au sujet
de 1 habitaiu» ; champêtre cpiVlle |Missé-
diit à liois lieues de Paris , liabilatiou
cpii faisait, à i'euteiidrp, se« déliixs et
d'où arrivaient eu éuoruifs bouqurts les
rioletles de mars, les livacinllies d'arril
et les iuunortelles qui remplissaient toute
l'amn'c sa jardinière. Chacjue jour, elle
j)renait r»*nfja};ement de m'v eonduiit* le
lendemain, et ce lendemain n'arrivait
jamais. J'insistai tellement vers la lia
d'avril, (pi'elle se résigna ce|>endaul j
entreprendre ce vovaj'je.
Dès le matin du joiu' fixé-, j'arrivai afin
d'assister à sa toilrtte et de la hâter, s'il
était possible ; des préparatifs (xiunne
]M)ur un voya{;e de cent lieues avaient
été commencés dès la veille. I^i pauvre
f( nnn<Mh* ehand)re, .A!"'" Félicie, |H-rilait
la tète au milieu «le tous les onlres et
eonire-ordres «péelh' ireevait à la fi.is.
INLt patience eommeneiit à se Iass4*r, lors-
tpie j«* parvins , eu prenant le bras de
]Minede ... à rentrainrr de sa dtiruieiise
à l'escalier, et de l'escalier à son carit>sse.
Chevaux etoteherétaieiit aussi iud«ileul«
<pie leur maîtresse ; nous alliuu^ pres-
«piau pas; (h- sorte ipi'étant |Kirties* île
Paris à près de trois hcur»^ apris midi ,
nous arrivâmes devant la j;rille vei-s le
soii-. I^* crépuscide n'-dail «léjà la placr
à la nuit, au moulent où la voitun*, (]ui
avait snl\i an pas \\\\c loup.ue avenue,
s'arrêta devant l«' |H*rron.
.\ous Inujrs reçues aux 11 Mnbr.ui>. d«^
ralraichissements avaient été pré-paré-s eu
j;rande hâte, car le vieux coureur nous
avait quehpie p( ci devauiveS.
— Tener.-vous absolumeiit .'i voir mes
plales-b.mdes, nii{;noune.^ deniaud.i M*"*
de...
-— Mais il me s« inble , ^Lidame, «pie
nous souuues veiuH'S pour cela; et de-
main de Iwtunr lieun*...
— Demain ! dès ce «loir, tnnn roriir.
V<ius iiua|;ine7-vniH (pie jr puiss4' passer
la nuit adleui^ cpie dans luou lit , à
116
Paris?... Qu'on fasse venir le jardinier.
Le jarilinier parut presijii aussitôt ,
son l)onn't à la main et muni d'un
fallot.
— ^ t lu /., mi';nonne, dit iM""*ile ... en
]M(Miant mon bras. Allons admirer mes
llenrs.
L'idée me ])arut si Ixnillonne que je me
sentis désarmée; malj;rémoi, je l'avoue,
j'avais senti un \)cn d humeur en oI)S(M'-
vant avee quelle aisauee jM'"^ de... m'a-
vait soumise à sa volonté en paraissant
céder à la mienne.
llien n'était plus grotesque que de
nous voir marcher à la suite du jardinier ;
il ]>ortait le fallot de manière à éclairer le
mieux possible les belles hyacinthes qui
rem])lissaient les plates-bandes; derrière,
vt^nait ^r^^^Félicie, cote à cote avec Syl-
jdiide, vieil épagneul accoutumé à ne pas
faire plus d'usaj^e île ses pattes que sa
maîtresse ne faisait usage de ses jambes;
aussi giognait-il sourdement, iialetant et
succombant presque sous le poids de son
embonpoint. Le jardinier demanda pour
ses petits pois précoces riionneur d'une
visite ; il demanda le même honneur pour
ses couches de melons ; mais IM'"^ de ...
se trouva bientôt tellement accablée de
fatigue, qu'elle voulut repartir au plus
vite ; au retour, les chevaux ne marchè-
rent plus au pas, et à miiuiit M'"^ de...
racontait à un auditoire choisi et émer-
veillé l'excursion delà maiinér.
A peu de temps de là, je la trouvai dans
une désolation inexprimable. Une affaire
très-importante exigeait sa présence en
Bretagne; il s'agissait d'un procès d'où
dépendait une grande partie de sa for-
tune et qui devait se plaider à Rennes.
Elle avait tenu tète à sou notaire, à son
honnne d'olTaires, déclarant sa présence
inutile dans cette ville; et elle ne parlait
de rien moins que de tout abandonner
à ses adversaires... L' offre que je lui fis
de l'accompagner dans cet éijouvanlahlc
voyage, la décida à en braver les ennuis
et la fatigue.
— Ah ! mi(;nonne, disait-elle dans sa
smprise de trouver im tel (Icvournicnt^
vous êtes la perle des amies I... Rien vrai,
vous viendrez, avec moi , alh'e (^t retour?
— Oui, ]\Ladame , je ferai, je vous
assure, ce vovage [\\cc le plus grand
])laisir.
— Ah I mon cœur, que ne puis-je en
dire autant! mais votre aimable présence
adoucira pour moi bien des ennuis !
]\Imc(|e.,, i^(^ comprenait pas qu'on
pût voyager autrement qu'avec son pro-
pre carrosse et ses propres chevaux ; j'a-
vais donc en persp(>elive la lenteur d'un
coche; mais, en revanche, la compagnie
d'une femme d'esprit avec laquelle l'en-
tretien ne languissait jamais.
Tous les petits meubles à l'usage de
]\Ime de ^'^^ trouvèrent place sur rim]H*-
riale, dans les caves, dans les poches de
l'antique carrosse qui était wwc véritable
maison roulante. jMlle Félicie et Syl-
phide occupaient la banquette de de-
vant; Sylphide était moelleusement cou-
chée sur un coussin fait exprès : quant à
]\Xlie Félicie, elle se trouvait connue per-
due au milieu des witzchouras,des oreil-
lers, du nécessaire de toilette, du para-
sol, de la canne poiu' les promenades.
j\[me Je ^^'^^ enveloppée dans une ample
douillette, tenait d'urne main un flacon
d'eau de Chypre qu elle respirait à cha-
que instant, et de 1 autre sa bonbonnière
dans laquelle elle puisait souvent, afin
de soutenir ses forces.
Quoique voyageant à très-petites jour-
nées, nous avancions cependant ; et les
souvenirs éveillés par la vue de A ersailles,
de Rambouillet, de IMaintenon, four-
nissaient tour à tour cà M'"6de *** l'occa-
sion de montrer cet esprit fin et char-
mant qui la distinguait.
Nous étions attendues dans la petite et
vieille ville de N...., par à\L le Préfet, ne-
II
vril,// î/i mode de Vuetn^nr^ (l(OI""'clo***
Il avait rasscniblt', ])Our nous faire Iicii-
ncur, l\'litr de» ses -*///<•/', ou adiniiiistn's.
La n'cpptioii futponiju'uso. On aurait dit
d'un roi ouvrant ses salons d'apparat à
une princesse, sa parente, qui venait eu
eén'inonie !«' visiter. Je in'anuisai da-
Tujrd des {grands airs du Préfet, et de la
di{;nité, ujèh'e de condescendaiiee, dont
I\fine (Jp *•• juj-ta à propos de se parer
poiu' la circonstance. L'air ébalii des
l)ons provinciaux (jui composaient cette
petite cour suhaltmie, nie ilonnait aussi
cjuehprcnvie de riie ; mais Tennui tarila
peu à mettre en Initc ma (jaîté, et je bé-
nis le ciel lors(jU(^ le surlendemain, à une
lieiu'e assez. r.iisonnabl»\ ]<; me retrouvai
assise auprès de ma vieille amie dans lan-
lirpie carrosse. De même cpie l'abb»' dont
parle IJoileaii, <jni n "avnit j.nu.iis vu le
soleil se lever, M""' de lond):i dans un
])rofond sommeil ; ]M"« Félicic et Svl-
jîliide en firent autant. îleiueuse de la
liberti" qui uét'lalt laissée de plonj;er mes
re{jards dans la camp.i{;ne, y m aban-
donnai à celte lèvtiie ariimcc qui fnit
sentir si di'Jicieusemrnt If ]iii\ di* l'exis-
tence.
L'espiit rempli de riiisloire de l)u-
{{uesclin, (jue je lisais cli.ique soir, et îles
bauts f.iits de Monlforl, dr (!b;nI(S de
IMois, desijrandes conq>aj;nies, du prince
JNoir, de (Jiaudos, de tous les persnnna-
j;es enfin <|uî avaient jt)ué \\\\ rôle dans
le (jrand drame de cette Hrela[;ne, que
j'allais visiter, ji- fus soudain ra|)pelt'eau
moment présent parunesect)usse violente
(jui, éveillant brus<picn)ent tous les ru-
<lorniis,arra(ba \\\\c exclamation d'effioi
à. M""' de... ri lit pousser des crisù.M''* Té-
licie, tatulis (pie Sylpliide biulail cl [\<S~
Uiissait d une i.i< «m lament dile. A tout
cela se nu'laii'iil les ]iieuses inlrrjeclious
de n.Tptiste, le cocber, le.s p,ros junx)»
dllippoKlr, II" valet de piid, et ]H'udant
ce vacarme, nous couquenions «pie nous
avions à pou près versé ; un des ressorts
s'était cassé.
Il y avait impossibilité d'aller plus
loin. Nous nous trouvions juste à moi-
tié cbemin, entre Vitré où nous avions
dinr, à la Tnur de Sévif^nr^ etllemirs, but
de notre voyaj^e si beureu.x jus<|ue là.
Ihptisle, né Breton, s'était vanté de con-
naître à fond le pays, et, alin dabn'jjcr
d'une bonne demi-lieue, il avait pris un
cluMuin de traverse au lieu de suivre la
grande roule. Cette malbenreuse prt'ten-
tion était la caus<^ de l'acrident qui nous
exposait à passer la nuit dans wwc sorte
de sentier presqu'ellondré, avec v\\\ res-
sort cassé et loin de tout secours pour
reparer nos avnrirs.
.Aime. de... continuait de se lamenter,
.Aille. r«"licie , la tète à l'une des |H)r-
tières , se disputait avec lîapliste, (pli
prétendait encore avoir raison, cl Syl-
j)liide acconq)a;;nait 1«'S voi.i d'aboii»-
ments sourds et tic vro^ucments plain-
tifs.
Je descendis de voilure pour prenilre
comiaissance de notre position nVlle.
Pendant que Baptiste me faisait voir
le point où le ressort s'était bris*' et
m t xpliipiait que le cbenùn n'était )H)ur
rien dans un accident (fui aurait pu ar-
river sur la {jrand'route, à ce qu'il af-
firmait, la barrière qui fennait un |>etil
verjjer s'ouvrit, et je vis s'avano*r un
persominj;e véhi de noir, tenant \\\\ livir
«1 la m.ùn.
S.n tonsiue, lorsipiil ùta son rliap(\iu.
me le lit r«nx)nnailre |H>ur un pivliv.
— Madame, dit-il avix' |H)li((*sse, \\
y a une forj;e à tv cli.ileau tlonl vous
voyez. Il s tours .>"élever entre les ail>ivs
de ce luïis qui «myujx' toute la plaine
entre llrnnes et Vitn\ Le ressort cassé
8<'ra pitunplenient raccoiuiiKMié en ce
lieu ; vjïus |»ouve/. donc, en fai.vmt «piel-
que dilij;en(Y, aixiver à Uennes vers le
milieu de la nuit.
118
— l't vc cliàlonii, ÎMoiisîour ra])l)(',
('(MUiiuMit le iioiumc t-(Mi, s'il vous |)]ait.'
(hniaïuia ■Mir.r. de ... Il apparlinit
sans doute à (HK^Kpic ])(rsonnc de ma
lamilli', car je' suis alliée à toute la no-
Messe Ac i)reta.".!ie.
— (y(\st le eliateau des Rochers, IMa-
daiue.
— l^e eliàleau d(\s Roeliers î
— Le eli.U(>aii de îMiue. de S('vi|'jiu'!
(]{s (Knx exelaniatioiis s\'elia))j)èrent
à la fois de la bouche de 3hue. de ... et
lie la mienne.
— Le eli;»tean de IMme, de Sévi.jnié !
rt'pétai-je c\\ tiend)lant de plaisir.
Le ]^rèti(^ s'inehna.
— A qni appaîlienl-il aujourd'hui ?
demanda I\Ime. i\c ... J^a iamille des
Sc'vi|;né est élelnle, et je erois me sou-
venir (jue les RoeluMS avaient été légués
à jMme. de Simianc par son illustre
aieide.
— i\radame , répondit le prêtre eu
s'inelinant de nouveau, de[)uis la Révo-
lution l(\s Roehers ont passé en l)ien des
mains. Le maître actuel est JM ,
riche propriétaire de lhTt3^;iie, absent
en ce moment ; mais le château et ses
jardins ne vous eu seront pas moins
montrés avec oblijjcance et pohtcsse, et
vous trouverez ainsi moyen de vous dis-
tiaire ])(ii(lant (ju(^ les ouvri(U\s de la
iorjje répareroiit votre voiture. »
ï\îme. de ..., dont toutes les opinions
étaient tics ])réju[;és, avait pris un air
(u'daijjucux eu entendant le nom du
])ropriétaire actuel des Rochers. Se tour-
nant vers moi, elle me dit : — Mi^jnonne,
je ne connais point cela : ce ne peut être
que quehju'uu de la Rande noire
A ous comprenez bien qu'on ne me verra
]ioint aux Rochers. Je vais m'asseoir ici,
sui ce ]u:it tertre de mousse, ])endant
(\\i Ilippolyte iia chercher des ouvriers.
S\lplii(le ne sera pas fâchée de prendre
l'air avec moi.
En cfTet, IMme. de ... s'installa com-
modément, s'entoura de son wit/choura,
de cous.«iins, d'oreillers, et, me re{',ardant
d'un air malin : I\h)n cœur, dit-elh^,
vous êtes libre d'accepter l'invitation de
M. l'abbé.
— Ab ! IMadamc, m'écriai -je , passer
si près du lieu où fiuent écrites des let-
tres inimitables par la fennne la plus
charmante du siècle dernier, et ne point
all(U" le, visiter, c'( st une chose dont je
rou[^irais pendant toute ma vie !
— Alliz donc, belle enthousiaste!...
n^prit IM"'* de.... Et je suivis le vieux
prêtre.
Après avoir traversé le ver(jer, nous
nous trouvâmes dans un petit taillis au-
dessus duquel apparaissaient imparfai-
tement les tours blanches du château.
« Envoyez- moi de la vue , et je vous
enverrai des arbres, >• écrivait ]\I"" de
Sévi<;né à jM"" de Gri(;nan. Cette de-
mande serait aujourd'hui encore de sai-
son ; car de fort jolis points dé vue ,
qu'il eût été facile de ménaj^er , sont
masqués par les arbres qui couvrent la
campa<jne.
De même que toutes les constructions
des siècles de la féodalité, le château,
fiancjué de tours, est bâti sur une espla-
nade élevée. La cour spacieuse, mais
sondjre , était fermée par ime énorme
(grille en fer, à travers lacpiclie je jdais
vers l'intérieur des re^jards pleins d'é-
motion , pendant que le vieux portier,
averti par le curé, allait chercher la clef
pom- nous ouvrir. Rien de plus pittores-
que que cette antique architecture, que
venait colorer de ses teintes chaudes et
brillantes un beau soleil couchant. Le
château des Roehers date, dit-on, du
quatorzième siècle ; on y retrouve les
escaliers tournants et les (',outtièics à
têtes hideuses d'animaux fabuleux , qui
appartiennent surtout à ce tenqis.
— Monsieur le curé, dis-je à mou
119
{;uido , quest-ce, je vous prie, que celle
pelile tour isok'e tt dont le toit bizaire
présente la forme d'un bomict carré?
— Ceci , ^ladaiiie , rt'|>oiuiil il , est
de construction plus moiicrne que le
reste de rétlifice ; cnt la chapelle.
Jr me souvins aussitôt de cette cha-
pelle mentioniM-e dans les I^'ttres de
.'M"'^de Sévi>;n<'' et qu'elle avait fait con-
struire pour /f l'ien bnn^ l'aimable et sj)i-
ritutl ablH* de Coulnnf;e.
I^' vi« ux portier revint enfin; il ouvi il
la j;rille et nous entrâmes.
Connne je urarrètiis pour considérer
ce vi«il édifice qu'un [;oûl barbare avait
fait remettre à neuf tt la(ù^ro/t//er qiw\-
q nés années auparavant, le bonhonnr.e
s'écria d'un air de triomphe : • Ahl ah!
Madame, vous rejjard» z nos murailles,
n'est-ce pas? Il n'y a pas lon{',teni[is
quelles étairni toults noiies et rem|)lirs
de nids d'oiseaux ; mais nous leur avons
fait donner, comuie vous voyez , luie
belle chemist^ blanche ; trois bonnes
couches à la chanx en dehors et en de-
dans, rien que «ya I aussi elles fout j)lai-
sir à voir, pas vrai ?
— Vous paraissez, .Aladame, médit
le curé à mi-voix , rejjretter que h's nnns
nient «'l«'' blanchis, (*t vous avez raison I
Oue vcjuIcz-tous î les nouveaux proprié-
taires n'ont pas lu sans doute 1rs lettres
par excellence que vous admirez; voili
pourquoi ils ont blanchi à la chanx le
pins intéressant moniunent de la conlnr.
Notre jjuide nous fiisait entrer en te
moment sous le vestibule; de là il nous
introduisit dans le petit nond)re de piè-
ces qui n'étaient pas intertiites aux étran-
i;ers. Mais tout avait subi un tel ( han-
p,ement , qu à |Mine restait-il quelque
chose (|ui rappelât U hrlliiMina M'itiir.
Dans la salh* à mander, s<^nd)re , bas54-,
étn)ilr, son portrait, |x'int \\m !Nîijjnard,
était susp<Mulu au-ilcssiis ilu p<H'le. (]<*tle
u\\\v à man^jrr ne |>ouvail èlrr ci'lle où
M"'« de Si' vigne traitait le wai^nifitiur
gouverneur de la province, ainsi <|ue les
Pomenars, les Coulanj^e rt tous ces bû-
tes brillants, spirituels H gais qu'attirait
r»'poqutdelaltiiuedtsKtatsen Un LJgne.
— Mais on n'a donc rien resp* clé ?
demandai je tout bas au cun*.
— Ilien , Madame , iVpondit-il sur
le même ton ; tout a été détiuit, ellacv,
et l'on a substitué aux soureiiii^ le
mauvais goiit. Vous cheicberit'z en vain
quelque ciiose qui rapj dit le cabinet de
lecture et les chandjrrs à (X)uchrr de
JNJmr ^1^. Sévi{;né et de .Mnic de Cjri[;nan.
Le portrait de la btlle et fitrr comtrsse
est aujounl hui cx)nfondu avec il autres
d'une lignée étrangère.
Ce que j'entendais diminua Ixau-
coup le désir que j'avais ressenti de vi-
siter ces apjvartemrnts U storiqucs , t|ui
d iulleurs étaient hrnu's.
Le soleil descendait rapidement à
l'horizon. N»uis nous dirigeâmes eu tou-
te bâte vers h-s jardins, si souvent dé-
crits tlans les h'tlres du plus spiritut 1 de
tt)us les écrivains.
Des mains iiarbares v avaient fait d«*s
(hangements aussi malheureux que dans
le château. Les nouveaux uuirs, les nou-
velles terrass<*s, hs nouvelles orangeries,
elbiçaienl entmre ici île précieux et diHJX
souvenirs. Tout réceuunent les allers,
plantées et surveilh'es avec un soin prrs-
! (jue maternel par M'"*deS<'*vigné,ivaienl
été coupées, et lorsque la plaer qu'elles
avaient fK-cu|H'es nu* fut montrée, je ne
pus m'em|H-cher de m'« crier : • IltMas !
qu'e>t devenu le bosquet rnchanir ! •
— Kh I ALulame, n'|>arlil le vieux curi'
avec une li'gère ironie, ne fallait-il pas
du bois pour constniire un poulailler!...
llrnieuMMnent , ajouta- t- il dune voix
plus «louiv, et «-t>nnue s il w n-|H*ntait
d'avoir ei^Jé à un mouvement d'huuHMir,
réclio n'étant Uin à rien , on l'a laissé
] subsister.
120
Avec une t'inotion facile à compreu-
lîrc, je fis répéter à Téclio les noms chéris
qn il répétait jadis.
— En 1S20, continua le cure, rallée
(le nui fille subsistait encore, IMais au-
jourd'hui ont disparu les vieux et discrets
témoins des épanchenients de la plus
tendre des nicrcs , et de la plus aimée
des filles, ainsi que des causeries de ma-
inan hraiitc mec ce trésor de folie , le
plus chéri des fils. Sous leur ombrage
avaient eu lieu les gaies confidences ,
suivies de reproches si doux et de sar-
casmessifins, decet aimable vaurien^ qui,
dans une seule nuit, rfianij^ea au lansc/ue-
net cirui cents gros chênes à sa mère, et
(pii, beau connue Condé, spirituel comme
Saint-Evremond , vivait familièrement
avec Racine , riait avec Mohcre, était
entié en hce avec Dacier, sur un passage
d'Iïorace, se grisait par bon air, faisait
mille folies , dont il venait solliciter le
pardon aux Rochers ; puis il s'en retour-
nait à Paris pour recommencer.
Je souris au bon vieux curé ; il était
connue mol enthousiaste de celle que
ses lettres ont immortalisée.
Les allées vénérables dont les arbres
portaient des devises, qui consacraient
tant de souvenirs, étaient également tom-
bées sous la cognée; et je goûtai un plai-
sir mêlé de tristesse à marcher sur \c.
sol où s'élevait jadis X allée royale, celle
(lu point du jour, celle de Yinfiniy et
tant d'autres dont les noms ne périront
pas.
A l'extrémité de ce qui fut autrefois
Vallée royale^ nous trouvâmes un banc
de verdure semi-circulaire, et nous y
prîmes place. De ce lieu la vue s'étend
sur les coteaux boisés du voisinage ; et
c'est là , c'est à cette place , la place de
Madame, qu'ont été écrites la plupart de
ces leltri s qui seront lues et goûtées en
tout temps. Le bon curé avait décoré la
veille la place de Madame, d'un oranger
en fleurs qu'il était allé chercher à l'oran-
gerie.
Pendant que, perdue dans mille et mille
pensées, je contemplaisen silence le pay-
sa.'je, le crépuscule devenait de plus en
])lus sondjre ; les dernières lueurs s'effa-
çaient... Il fallait partir.
Je demandai au curé la permission de
détacher une branche de l'oranger qui
ornait \:\/)lace de Madame, et, en silence,
nous sortîmes du jardin et du château
des Rochers.
Soudain , obéissant à la préoccupation
qui rendait vivant pour moi le temps
passé, je demandai au bon prêtre si, dans
le voisinage, n'existaitpas encore quelque
membre delà famille de Mlle, du Plessis,
le bas-bleu de Titré , et l'objet des plai-
santes caricatures faites par i\Lne. de
Sévigné.
— Tous les 'noms , Madame , im-
mortalisés par cette plume charmante,
répondit-il, ont disparu de ce monde.
Un seul, un nom bien humble, existe
encore, celui de Pitois.
— Le jardinier de INIme. de Sévigné,
m'écriai-je, celui qui a planté les arbres
sous lesquels nous marchons maintenant?
a-t-il laissé des descendants ? ces descen-
dants habitent-ils le pays?
— C'est son arrière-petit-fils. Madame,
qui a eu ce soir l'honneur de vous servir
de guide, répondit le vieux prêtre en s'in-
clinant.
— Ah I Monsieur, lui dis-je avec émo-
tion en détachant une petite croix de
mon cou, permettez-moi d'offrir un bien
faible souvenir à celui qui a conservé une
vénération si profonde pour une femme,
objet de l'admiration de tousl Que je suis
heureuse d'avoir rencontré l'arrière-
pctit-fils de Tami fidèle, du serviteur
dévoué que Mme. de Sévigné aimait, et
dont le nom passera avec le sien à la
postérité !
— J'accepte, Madame, répondit le
121
vinix pi(*tre les yeux pleins de larmes,
oui , j'acrepteen iii«'inoire de ce jour qui
comptera comme Tun des plus beaux de
ma vir î... JI«'las ! si nous pouvions ou-
blier que tout passe, que tout s'efface ici-
bas, une visite au cliàUMU des Rochers
nous rappellerait au sentiment de la fra-
(jilitt' des biens de ce monde I
— Elil bien, mi{;rioiuie, venez donc I
la voiture est en état ; je vous attends
pour partir, dit ]Mme. de ... du plus loin
<ju Clh' m aperçut.
A la bâte je pris con[;é de l'arrière-pc-
tit-filsdu jartlinier de Mme. de Sévifjné,
et peu d'instants après je perdais de vue
les hautes tours du château des Rochers.
U.\E VOYAGEUSE.
S2'DU>ISo3
TRAVAUX A L'AIGUILLE.
Kloin-s 'le priiUrmp». — Corpcls. — I.nycltc. — Iliassièrc (Méuanlc. — Ilonncl U'cnfant. — lU>ur*r.
— Fi!il carië. — iN-is flfur en laine— Ctienùscs il'hDnunc. — BrtHlirie au p;i6*c en soies de
couleur. — Musique nouvelle. — Termes employé* pour le tricot. — Denldlu au Iricol. — Mauicrc
de prendre mesure d'un cttrsrt. — I,ini:trio. — Ihodcrics diverses.
Je crois, ma chère Adèl«*, (jue ce prin- .
lemj)s au moins , les mantelets seront
I /t't/ f'>f/r.\ p,ii les Ktidun'cihti^ (U)Mtj»* t'«'ii- |
vénal un patron , et je crois aussi (jue j
les cbàles repreiitlioiit laveur. On eu I
portera de />rft(s. \jCS |)<)pelines sont lou- '
jours d(* mnd<* ; mais lorsipielles ne pn'-
siitent (pTune couleiu' unie. Ouant aii\
t dictas, ou n''Mi veut plus de {;lacés ; on
les |)()rleia à raies et à petits carreau \.
Les eorsajjes en étoiles léjjères se feront j
froncj's plus ou moins. Oucbpies fenunes I
ont essay«'* <ie mellre en vo{;ue. pour ct)if-
lurc nnitizi>ni\ dvs cusijiictu's c\. des cha-
p«aM\ j;rls; mais la eoilliirr la plus COU-
venabl»*, lorsfpi ou monte à ( lieval, est
toujours le eha|>eau ordinaire, eu castor
noir, avec un voile vu ('.a/c verte.
<^)uant aux onduclles , on en pri'pare
de {jraudes, île |M'lites, en couleui-s vives ;
mais les blanches doublées de rose auront
la prelércnee , surtout pour lt)ilelte ha-
bi'l.e.
La forme des chapeaux subira peu de
ehanj;ements; maison j>ortera Inautonp
de fleurs.
Au reste, je te tiendrai a»i couratit,
sois-en sûre. I^s chapeaux de paille jv^ur
jardin se font prrsfpie ronds; on les
api^elle Mclrif ; le melcie <"st un |>eu
abaissé" sur les joues; les capotes en paille,
pour jardin, dites Lorraines^ auront en-
core la vo};ue cette année.
Beaucoup de p^rscMin»^ ont rononct* à
brotler les nuMiehoirs tout a»itour ; on se
contiMitc d'un tVuss<">n ]>lus ou moins ri-
che, ou bienencoivdu \\o\\\ de baplcme,
ou simplement i\cs initialt*s. Au irsie ,
ceci est <le ]>ure fantaisie, et les mou-
choii-s ;\ borduiY riche sont toujours re-
cherchi's. J»- t'env«'nai eu oc p.enn* quel-
que chos*' «le liès-lHMU. S<Ms lYrtaine
que les n'nseij'.neujents de toutes \cs es-
piv<^ n«" te manjpieioni |v»!i. Notre jour-
nal est en bon irui^m pour le p.oiit ; aussi
tmuvons nous |virloul une extivuie ohli-
122
{{cance. M'"^ Bcsson surtout est cliar-
in.ii.te dès (ju'il s';i^;il de nous, 1 1 rllc
iKius lionne >cs /primeurs.
Avant toute cliose , il faut te munir
«l'un eorset bien fait. Je t'ai envoyé Tau
(Krniirun e.\eellent patron ; niai^, pour
1rs jours où tu es en toilette, aies-en un
(les magasins de INI""' Pousse, boulevard \'
Montmartre, i9. Je ne coimais ]HMSonne
qui saehe mieux que cette babile eonfec-
tioMiieuse faire valoir une jolie taille, sans
imposer la moindre (;ène et sans nuire à
la santé. Elle vient d'imaj^iner des eorsets
pour Ks jeunes lilles de einq à douze ans,
qui sont la eliose la })lus eliarniante du
monde. Ces corsets, sans aucune balt ine,
se font en satin de coton à plis ; ils pren-
nent i^arfaitement tous les contours du
buste ; le devant se compose d'élastiques,
de sorte que la taille, soutenue sans être
comprimée, conserve sa souplesse et peut
arriver à tout son d('veIoppcment. Vois,
dans mon post-set iptnm, la maiHcre de
prendre soi-même sa nu sure ; on l'envoie
à 31'"^ Pousse , et le corset qu'elle coupe,
d'après cette mesure, va à uierveille.
Occupons-nous de nos travaux, et com-
mençons par les petits objets de layette
que tu m'as demandés.
Les draps de berceau se font en toil(\
dite dttu mètre de large. Un ié suffit poiu*
cliacun ; la longueur est de 1 mètre 80.
De la toile plus fine, de mcme largeur,
te donnera, dans unclonjjueurde ôO cen-
timètres, une taied'oreiller. Compte donc
un mètre de cette toile pour deux taies.
Pour les langes, prends de la toile por-
tant GO centimètres de large, et coupe-les
de 8Ô centimètres de longueur.
C'est de la toile très-fine, large encore
d'un mètre , qu'il te faut pour les clie-
Uïises brassières du premier âge. Ces pe-
tites chemises poitent 1Ô centimètres de
nauteur. Lève de chaque côté un mor-
ceau large dp 10 c ntimètres; ce sont les
deux manches. Plie le corps de la che-
mise brassière en trois parties inégales ,
de manière à ce que sur l'ouverture, qui
doit cire derrière, une de ces parties re-
couvre l'autre de 4 centimètres. Tu fen-
dras de 5 centimètres le corps de chemise
de chaque cotépour former l'entournure
et l'épaulette, et tu y attacheras les petites
manches. Le dos ne doit pas être éehau-
cré ; mais il faut par-devant une échan-
erure de 4 centimètres que tu arrondis
du côté de répaulett(\
l^es brassières se font en flanelle, en
finett.% en piqué, de la même façon que
les jietites chemises, im peu plus larges,
mais moins longues. On les borde par
le haut, celles en flanelle, d'un ruban de
coton fin , cousu à ])lat et à Y endroit de
la brassière; celles en finette et en piqué
se bordent par en haut d'une bande
étroite de batiste, brodée à l'anglaise;
je t'envoie de petits dessins , pour cet
usa(;e, sur notre plan<;he de ce mois.
Les fichus ordinaires se foat en ba-
tiste, 43 centimètres sur 43 centimètres
en carré; on les festonne tout autour.
iMaintenantque notre marmot possède
son petit trousseau, nous allons le ])arer
d'une brassière élégante^ n" C. Cette bras-
sière, qui ferme derrière, se met par-des-
sus la chemise, la brassière de dessous,
le fichu et le maillot.
Tu coudras à la piécette du dos, no 4,
les fronces du derrière de la jupe ; celle-
ci porte 43 centimètres de hauteur sur G©
centimètres de largeur ; par-devant , tu
enlèveras 12 centimètres de chaipie côté
sur la hauteur pour faire place au cor-
sage, et tu arrondiras les deux lés non
assemblés , eu faisant croiser l'un sur
l'autre, comme te le montre le dessin. La
pièce du milieu du corsajje forme le Y.
Elle porte par en haut 12 centimètres de
largeur, et parle bas 7 centimètres seu-
lement. La hauteur totale est juste, celle
des 1 2 centimètres que tu as enlevés sur
le dt^vant de la jupe. ï)o chaque côté du
123
A lu mets uiH' pièce unie qui va se rat-
taclier par rc-paiilettc à la piécette, et,
sous le liras , à la partie tle la jupe (|ui
loi nie le (J(js lioncé. 'l\i IVouees et tu
nttaelies le devant de la jupe au bas du
devant du corsajje.
A la taille, sous les bras, tn fixes
ensuite une ceinture haute de ô centi-
mètres, longue de 3G ecnlimètres ; cette
ceinture, (pii se noue par-derrière, sert
à maintenir les plis du dos ; tu laisses
flotter les bouts.
Le n" û est le patron de la ntanclie,
nduclion au (piart. Kn faisant la cou-
ture, tu auras soin de former (juehpies
ironces pour raccourcir cette manelie,
afin de lui donner la forme arrondie que
te présente le n" G.
Tu as brodé d'avance à 1 anglaise la
pièce en forme de A , sur jaconas et en
l.iissanlun entre-deux uni r///re les enlre-
dt n\ brodés; tuas brodé de Uième à l'an-
glaise l«s petits volants (pii doivent te
servir à {;arnir la jupe et le bas îles man-
ches; le tout se fait en jaconas.
Aous avons à présent besoin d un joli
bonnet pour compléter la toilette. Les
n" 7 et S nous olirent mi exeellt'iit |).i-
tron « t ni\ eliarmant dessin. Ce mrmr
p.'itron peut le servir |)our faire d«s bon-
nets mus ; en l a{;randissant , il te don-
nera «les bonnets pour le second àj;e. Le
pou/jo/i vUïni haliillc rt «nitlé-, nous Im
mettrons, pour aller a l.i |)romenade, une
'J'aOojn/t-y sorte<lc mante à capuchon, en
mousseline brodtv au eroelu t, (Kssin à
rama;;e, avec petites uunehes comtes.
Le capuchon, les deux devants arrondis
par <n bas et le tour »!«• la '/'aùajo/r, ainsi
que les petites manrhes courtes, se (;ar-
nissenl d ime lar{;e dentelle, oti bien d nii
simplr vnlant m monssilmc pareille ri
feslonnc'e. l n rnb.m atln«'he la tabavole
sous le mentnii, (ludis i\\n \c eapuehou se
n'iève coquettement stu" la tète. J'«*spère
que \:\ji'N/ic manum tjuc tu ai mes tant^xn
contente de moi, et qu'elle donnera, à
mon intention, dix ou douze baisers de
plus au marmot chéri , qu'elle sera ficre
de voir vitti à la dtniicre m tu ici
Tes flrsirs étmt pour moi tics /'i<,
chère amie, je l'envoie un joli dessin de
bourse ronde u" 1 ; puis n" 2 , une lx»lle
bordure pour encadrer le crochet carré
du mois dernier. Aie soin de compter
It s carn aux de la pièce du milieu ava:it
de la terminer et de conunencer la l»or-
tlure ; tu comprends (ju'jI inq>uite que
chacun des fleurons de celle bordure suit
eompKl ainsi (pie chacun «les eoit)S ; Uiu-
dis qn il importe peu on finit le di*ssiu
à rama{;e du milieu. Il faut lx)U|xt et
arnler finement le coton à chacune des
ran{;ét'S qui forment It^ dents, autrement
il faudrait faire ces ran(;t'es tantôt à l'en-
droit, tantôt à l'envers, ce (pii ne se jH'ut
pas.
làieore une fleur en laine pour ti eor-
bedl«'; \\\\ pots Jlntr.
Aehète des laines violette, hlas clair,
blanehe et verte, et découpe un mnule
en earton lisse sur le patron n" 12.
Tu feras le même travail sur <.v moule,
(pie pour le empulicot du mois de fé-
vrier; c'est-à-tlire tpi'à eha(pie tour de
laine, tn retiendras, avtv des brins de lai-
ton croisé, chacune des bonelci fonm'es,
dans le haut du |h laie, sur la pailie ar-
rondie du moule.
'\\\ lais ainsi un pétale en laiiij vio-
lette ; lu ramènes par le Ikis de chaque
eôié tes i\v\\\ fils de laiton enlouré-s «le
laine vioKlte; lu passes un fil «le fer
dans les boueles du bas, lu les !U*rn^
bien en loitdl.Mit le til, et tu irtiirs de
ilisMis le monli .
Prends ta lame htas clair, cl fais un
antre |>« tal«' MMublable au pirniier.
Il s a|;il à purent lî»' loi nu r l'inti rii ni
de la ll( ur.
tioiqx" \\\w I«>n(;urnr de 80 crntiu)è-
Ires de laine blanche; plie-la en tiouiCf
i24
et tous ces ilou/e brins en deux, par le
inoveii 11*1111 iloiiMe laiton l»laMC avec
lequel lu serres le t(»ut fortcuient. En-
iDurc ce double laitou tic plusieurs tours
en laine verte, île manière à lui donner
la {grosseur d'un crayon de portercuillc ;
rabats la laine blanche siu* cette grosse
ti[;c; il laut qu on ne puisse plus que
l'apercevoir au milieu. Attache à ce cœur
le ])t'talc lilas clair, en lui donnant une
iorme arronche, et en lui Taisant enve-
lopper aux trois quarts le cœur de la
Heur ; jilace derrière ce pétale, l'autre
pétale violet, courbe-le un peu en ar-
rière, si tu veux nn pois fleur épanoui ,
ou arrondii-le au-dessus de l'autre si tu
veux un pois fleur non encore éclos.
Faisons à présent le calice. Prends
cinq aijjuillées de laine verte, longue
chacune de lô centimètres. Plie chaque
aiguillée en quatre, serre par le milieu
avec du laiton , rabats sur ce laiton les
cinq petites feuilles vertes que tuas fai-
t s aiusi, et pose- les autour des pétales
et à\\ cœur. Entoiu-e la tige avec de la
laine verte.
Tu ])eux très-bien dt'-couper en tafletas
d un virl ^laufjuc et forteuient empesé ^
mais lion pas repassé ^ ni cylindre ^ quel-
ques leuilles pom- accompagner tes pois
fleurs. Quant rux vriZ/cs, recouvres de
soie plate vert glauque du laiton très-fin;
cnroide celui-ci sur une grosse aiguille à
tricoter, et tu aiu'as cet aicomijairncnicnt
oblfgé des pois fleurs. D'ici à peu de
temps les modales ne nous manqueront
pas , ce dont je suis ravie ; mais alors
aussi nos fleurs en laine nous paraîtront
bien lourdes et bien laides auprès des
fleurs naturelles !... Heureusement on ne
s en sert que pour charmer les ennuis de
liiiver, et seulement comme tronipe-
Lœil.
Oui, ma chère Adèle, l'art du chcnn-
siern fait des progrès incroyables; lu vas
en juger.
Les chemises d'homme ne se font plus
du tout coiniViCjadis ; maintenant elles
ferment par derrière, et elles sont mon-
tées sur une ]>iécette dont le n° 16 t'oflVe
le patron , réduction au quart, avec les
chilVres de grandeur nature.
C'est sur la partie en droit lil que se
fronce le lé de derrière. Par-tlevaut, tu
poses l'étoffe à plat, sur la partie en biais,
à partir dereiitoiunurc, jusqu'à la flèche;
là doivent ètie placés les plis ; et ces plis
ne sont pas une ])etitc affaire.
Juste au milieu du devant , et, au
moyen d'une bande d'étoflé rapportée ,
tu formes une espèce de large pli creux,
dont les deux bords , à la largeur de 3
millimètres , restent libres ; de chaque
côté de ce faux pli creux , tu fais deux
rangées de piqûres fines. C'est sur ce
large pli que s'ouvrent les boutonnières.
Tu peux les broder, si tu en as la fantai-
sie. Ce n'est pas tout, il nous faut encore,
de chaque côté , quatre petits phs fine-
ment piqués, et, entre chacun, une autre
rangée de piqûres; ou bien un point à
jour, sorte de point turc qui se fait en
tirant d'abord cinq fils ; mais les piqûres
sont plus sohdes. Si tu veux ornementer
le devant de la chemise, place un entre-
deux brodé, avec boutonnières brodées,
au milieu du faux plis creux ; ou bien
encore un petit jabot en bâti -te, dont
l'ourlet un peu large est finement piqué.
Quelquefois ce jabot est festonné en co-
ton lilas , en coton rose , et alors les pi-
qûres, entre les petits plis, se font de la
même couleur. A te dire vrai , ce genre
ne me plaît pas ; je préfère de beaucoup
aux piqûres en couleur, aux points à jour
et aux broderies, les simples piqûres per-
lées en fil d'Irlande blanc sur Ijelle ba-
tiste de fil ou d'Ecosse.
]Ve trouves-tu pas charmant ce dessin
et ce patron de canezou de forme toul-
à-fait nouvelle? Le revers et le devant se
taillent d'une seule pièce. Commence donc
1
25
par lever le patron, u^» 17 et 18, et dé-
ploie-le en entier sur de la mousseline ou
sur du jaconas. Le col, tenant au revers,
se fait nc'cessairenient en deux morceaux.
Tu n'unis les deux moitiés, par-derrière,
au movcn d'un surjet lin que tu recou-
vres d'un point de feston fin. Cette cou-
lure se perd dans la broderie et dans les
plis que forme le col autour du cou. Je
t'enverrai au mois de mai le dos de ce
joli canezou.
Plusieurs de nos aimables amies m'ont
demandé des rensei^^nements que je ne
]>()nrrai leur donner avant le mois pro-
chain. Ce mois-là leur portera une foule
de choses élégantes, des patrons et une
dt'licieuse gravure de modes de prin-
temps. Un peu de patience I
Il est bien temps, je crois, de dire quel-
ques mots de notre dessin de broderie
au passé si frais, si joli, à exéeutt'r pour
sachet en soies de couleur. Si lu m'en
crois , tu prendras du ^ros de Naples
blanc de préférence au satin.
Cahjue le dessin à la vitre, avec un
eravon fin ; monte sur ton métier et brode
iin/utft jjuint trtw-utlunt^c ces jolies iKurs.
(^(*s points rentrant les uns dans les au-
tres, il est facile de reproduire les nuances
(!•• cette altliéa lilas, île ces fuchsia d'un
beau roujje, de ces leudles dont les ner-
vures se font en dernier et au point tic
ti(je. Il ne faut te servir que de soies ab-
solument/v/ri^^. 'lu diri[jer.is tes points,
pour les Heurs, du bord tl«' ehaipie pétale
vers le cceur. Pour les feuilles, de la lorte
nervure du mihiii vers le bord. Le pis-
til jaime de l'allhéa se* fait tout en pe-
tits ncrntls , très-s«M rés les uns ej)ntie l«-s
autres, d»- l«lle sorte que l'etolVi' ili.spa-
raiàse conq)letemeiit. Quant à raral)es-
(|ne , il j.nit (|ne le point soit cuml.c in
tim I is d'un bord à 1 autre ; tu n empKiies
Il soie rou|;e, cpii vient faire i)ud)re sur
I i soie jaune «l'or des arabesipies, «ju'eu
dt rnier ; et tu rentres es |MMnis roujjrs
lon[js ou courts, suivant le besoin , dans
les points jaune d'or. Le ruban blcus** lé-
cute de la même façon , le point couche
en II avers il'un bortl à l'autre. Les éta-
mines des fuchsia se font au point de ti^c
avec de la soie rouge dédoublée ; les ren-
flements qui les terminent se com|>osent
de trois nœuds en soie entière et bien
pressés les uns contre b*î» autres , afin
d'ollrir une petite boute aussi ronde que
possibl»'.
\ 1 u\-tu faire un sachet moins grand,
un écran? Sers -toi seulement du lxju<|uel
du milieu avec son encadrement en ara-
besques jaunes d'or. Ne crains pas d'em-
pl«jyer des soies de nuancvs plus vives
que le modèle ; les couleur passent à l'air ,
c'est ce qu'il ne faut jamais oublier quand
on brotle en soies de couleur.
ihandus vient de publier plusieurs
morceaux à deux voix pour les jeunes
|MMsonnes, paroles de K. Plouvicr, nui-
sique de Lui^;i Hordese. Ce sont des
scènes dramatiques. — Charlotte Cordav,
soi)niii(, e routraito. — Chimè.ie, soprano
e mezzo soprano. — Cioldile, reine «les
Francs, snjjrtino e rnrzzjo soj,ntrio. -i— Co-
rine, utpranoc contralto. — Jeanne Grav,
sofirann r rnrzzo soprari . — Jt'anuc-
d Arc à Rouen, soprano e cunttaUn, —
La Vierj;e<le Vaueouleurs. *opra:
tralto, — Enlin un ducttino^ Au .
lac de Corne. Do son côté Hengel au uié*-
nestrel publie notre jolie Branche de
bruyère^ et le PapiUon bleu^ autre jolie
walse de notre chèn^ Clain* Itt*r(ou. Tu
vois que j'ai soin tle le tenir au ix>urant
de la niusi(|ue ipii nous %'a.
Nous attendons les traductions de nos
aimables amit^, avant que dVn donner
une des |H*nséfS en langue anglaise que
je l'ai envovévs tlerniènnient.
>î l'iMi. 11 i!it, au iYVi»ir et aiuH**Mi<«i.
A.>MCA Uriccmi.\e.
12(3
N'' 1 . /^oîit'^e ronde ou crochet.
Acliclc deux !>t)!iiiirs t|i' soif (•ciilciir cerise, o\\
veile, cl 2 j;iMmmes de lii d'ur de la inènie f;i<)sstM!r
(|lie I I soi»' : le lil d'or coûte .'o cent- le itr.imine.
l'reiid> un petit d'illi t en I.iilon coninie pi.iir le sac.
l)iuiifs>e. 'lii en lroii\{'r;js M\n/. (inyol, wic de Cus-
sy, il 5 centiincs l.'i dou/idne.
Avec ton lil d'or tu entoures l'œillel d'un jKiiit
ilecrt)cliel plein tros-serre.
Irr rnn'jct', m s(tie. — 3 mailles unies, — 1 maillo
colonne. D fois.
2«- rnni/re, en joie. — 1 maille pleinp, prise sur la
inai:le colonne de la ranj^ée précédente,— 5 n)ailles
l:-;;ère«, 9 fois.
3p rtinf/ét.-, en lil d'or. — 1 maille pli i ne prise
dans le milieu des cinci de la raii;;ee préeéilente, —
j> niaillps lej^ercs, 0 fois.
4i- ruuijci\ en lil d or. — unlieremeiil en mailles
pirints.
5»- ranijce, en ^oil•. — 1 maille pleine, — G 'é;:éres.
G» raritjet, en soie. — Kiitiercmi-nl en maille.s co-
lonnes.
If riin(/ct\ en lil d'or. — 1 maille pleine, — 0 lé-
Kcres, etc.
8«- raïKjce, en lil d'or. — l.iUiéiemeiil en mailles
plciiifs,
O' 7-iiii;/éc, tu soie. — I m.Tille double colonne, —
3 mnillP5 unies. Celte rangée ne cniitume pas tout
autour de la hour-e (voir au 'lessin).
iOi- r(in;/rc, eu soie. — Entièremtiit m mailles
pleines, et seulement pour recou\rir la ranj^ée pr«-
ct'dente.
Ile riinfjFi\ on soie. — 1 maille doultle colonne,
— S unies, tout autour de la Ixiurse.
i^e miKjée, eu soie.— linlieiement en mailles
pleines.
La ])reraière moiiiê de la bourse ainsi termi-
née, fais-en une >econde semJilable; assemble-les
par un surjet, en exceptant cependant le baul de
1.1 bourse. Tu y as fait une coulis.-^e, ainsi (]iie l'in-
di(|ue le dessin. Il ne reste plus (lu'a entourer ta
bourse, et, cliaque coté de l'ouverture, d'une
13e rniif/ée en soie, formée ainsi : 1 maille pU'ine,
— G l(';:ére». etc.
Ine rangée, en soie.— Entièrement en mailles co-
lonnes.
15c ratiQ''c, en iil d'or. — Enlicrcmrnl en mailles
pleines.
La bourse est terminée. Passe dans la coulisse une
panse en M)ie et or, ou bien couds celte couli.^^o
à un fermoir doré, a ton clioix.
Explication des différents termes em-
ployés pour le tricot.
AlGMKNTt^.r: : — Pa.ssez le iil de\ant l'aiguille si
^ous tricotez à l'endroit; lournez-Ie autour de l'ai-
HUille si vous tricotez h r«n\ers.
Dll-.x ou TKois AL'GMii.NTÉF.s : — Toumez le fil
deux ou troi» fois autour de l'aî-juille.
ra.ir.rr:.:. ; — Prenez deux ïviadies à la foi.s.
Slueiiii; : — Prenez uuc m.dlit' sans ia fricoter.
(licolcz la maille suivante, raliallez la maille non
tricotée sur celle cyii est tricotée.
Sli;jf.TI.esu1! itKiHÉciK: — Prenez une maille sans
la îricoter, prenez deux madles a la fois, tricot» z.
Ie> et rabattez la maille non tricotée sur la retncie-
N" 3. Dentelle au tricot.
Monte U m;.illes.
l'e raïKjcf. \ maille unie, — 1 réliécie, — 1 au;;-
meiite.', — 1 unie, — 1 rétiecie. — l aii;:mentée,
— 2 unies, — 1 ;;u;^inenlée double, — 1 relrécie,
— 1 unii*.
2i- rangée. S mailles unies. — 1 a l'cnMTs, — 1 ré-
treeie, ~] ai!^menlée, — 1 unie, — I rélrécie, —
1 nu^^iiieiiler, — 3 unies.
3'- unif/rc. 1 maille unie, — 1 rélrécie, — 1 anji-
mrntee, — 1 unie, — 1 rélrécie, — 1 aui:inenlic,
— '( unies, — 1 aiij:meiitee donble , — i' unie>.
k*' rungcp. % mailles unies, — 1 a reii\eis, —
2 unies, — 1 rétréci»!, — 1 aujiiiuMilée, — 1 unie, —
1 rétrécit', — \ .iu:;menlée, — 3 unies.
5'- rangée, \ maille uide, — \ rélrécie, — \ aug-
mentée, — 1 unie, — 1 retrocie, - I au;iin»'ntee, —
6 unies, 1 au::nienlée double, 2 unie».
G'' rangée. 3 madles unies, — 1 à l'envers, —
4 unies, — 1 rctrécie, — 1 augmentée, — 1 unie,
-- 1 rétrécie, — 1 augmentée, — 3 unies.
7e rangée. \ maille unie, — 1 ré'.ré<"ie, — 1 nuî;-
menlt-e, — 1 unie, — 1 rélrécie, — 1 auf^meiitee, —
10 unies.
8c rangée. 8 mailles unies, — \ rclrecie. — iaug-
mentée, 1 unie, — 1 rélrécie,— 1 auj^nientée, —
3 unies.
9t- rangée. \ maille unie, — 1 reirrcic, — 1 aug-
menle»', — 1 unie, — 1 rétrécie, — 1 augmentée, —
•]0 mailles unies.
10c rangée. Ilal)ats 5 mailles, — 2 uni»'s, — 1 ré-
trécie,— l augmentée, — 1 unie, — 1 rclrecie, —
1 augmentée, — 3 unies.
Manière de prendre mesure d'un corset.
PliENDI'.K :
lo L'ampleur du dos et de la poitrine.
2" id. de la taille aL*-<les>us des hanches.
3" id. des hanches.
k" Largeur de la poitrine prise d'une épaule à
l'autre.
5o Hauteur du buse (ou devant du corset).
6<j id. de la taille, du creux de l'aisselle à la
bail» lie.
7" Largfrur d'une épaule a l'autre.
ORSLUVATIO.NS.
1" On prendra mesure avec un centimètre, en
! indiquant à la fia de chaque mesure le nombre
des centimètres employés.
2o 11 sera Imn d'être lacée ; dans le cas ou on ne
le serait pas. 1« dire.
3 'Faire onserve s la tjersonn ;Deu ou beau-
cou f de poitrine.
4" Ces mesures pourront être également prises au
12
mnypn «le petite» banJe» de papier ou avec d-»s ru-
l)aits.
i)F-' kiithj.n ft pi'.ix dis corsf.ts.
f. f. f.
Corsj'ts dos à dt'l.'içn^r, l)U>-<: onli-
nair»* de £0, 25, 30
Id. i(l. Ijm-c ino-
hije 1." 25. 30. 35
Id. dos et i)usc mobiles tU- -.5, GO, 65
Id. pour jj'unt-s personnes (de S
à IS ans) de «.-). -jo. 2'.
O-ititures ahdoriiinaleft de iO, 'i5, 30
Id. d'ép.iiiles pour jeunes per-
sonnes de 15 a 20
Nouvelles ceinlures de jiip(»n »'a-
daplvint au corset 3
N(»iive,»ux jupons s'adaptaiit de
inénie au cor.sel de S. 10, 15
Sous-Corsage id. en percale, de 10 a 15
M. id. en Kl""* de Naples. de l.S à ■2.'»
JXouvelleK tournures di- 4 a 8
Nota. La variation den prix résulte du travail
et de la qualité des éioffes.
Les mesures étant l)ieD données, le corset ira par-
faitement.
On cxpéilie contre revibnurstment (écrire franm),
Ejiplicution de la jj/anc/w dr Ilimlfrirs.
N" 1 . — Dessin de bourse ronde au point de rro-
clrf.
N" 2. — Pordure au point de rrorhel carré.
No 3. — Dentelle au tricot pour jupon.
No 4. — Piécette pour brassière élégante, gran-
deur nature.
N" r». — .Manolie de la brassière, réductoD au
(piart.
N" 6. — Knsemble de la br.tssiere.
N«»« 7 el 8. — Fond et passe d'un lM)nnel d'enfant ;
broderie an^jlaise sur Jaronas — I.e fond et la pav>e
•'eiiliiurent d'un fejklun. Avec ce bonnet on ne n)et
aucune espèce t\r narnilure. Kn- les^ous de la passe
lu likes a p!at un lar;:e ridian rose ou bleu dont 1rs
bouts servent à altacber le iMinnet sous le ment«U) ;
sur chaque oreille un ch<>u r\\ petit rubjn de m(^me*
couleur.
N" 0. — Bande festonnée a\ec !)rt»dcrie a l'an-
plais»* pour garnir la bras'»iere.
N<»* 10 et 11 — l.ntre-deux a broder «u plumetis
I pour divers u^a^rn.
N"12. — Patron d'iu» moule pour faire en laine
Un pois-fleur.
N- 13. — r.cus*on a broder au plumetis, points
d'arme tl points de dentelle.
(r.HAM'F l'iMTH'?».)
No 14 — Bande frst«>nn<^c h liroder à l'anglaJM
pour Volants.
N" IS — i:ntredeu\. l)r(Hlcrle anglaise.
N* IC — l'icc. Ile pour rlirmisc dbomme, rMuc-
tion nu quart.
>•• 17. — Revers et coi du canezou, broderie aa
plumetis et cediets.
N" 18. — Devant du canezoa.
N- 19. — Coquilles, bro<lerie anglaise, pour l«
corsape ri les manches. Tu placif de même en éven-
tail Mir le devant du cor^aee ce des*in réduit, en
auunientant dr deux flrurittes au œiiiro a chaque
raii::, a parlir du bas de la taille, et tu l«»rde^ le l>as
des manches c<>urle> avec le dniin tri que le voici.
J'ai oublie de te dire le mois dernier que l'espace
à laisser entre chaque rangée de br«»derie doit être
é.;.il a l'es] ace occupé par la broderie même S» lu
pre'f rrs donner au corsage ^a forme en c«ror el
plll^ée au lieu dc la forme plate el a plasln^n. Itn>de
le cœur de chaque côté, «lil sur ourlet, soit en dé-
coupant le fi-stun qui doit liorder chaque co>4uille
et chaque fleurelti*. Tu auras en ce cas l>r*oln
d'un entre-^eiix pour les poignets. Prend» le no li
du mois de mars dernier.
No 20. — Semé p«Mir gilet à bro<ler en soie demi-
torse, couleur sur couleur, *ur du ca.simir.OUrsoie
coûte 10 c**nl. legramme, chez Guyot. ru»* de Buesy.
Kaisde>siner par le tailleijr la forinedugiiet,et trans-
porte ensuite ce plein de campanules sur letoffr,
ainsi (jue déjà Je te l'ai indique. — t^rst afin «le ne
pas perdre de (lace que j'ai terne, dans le »^f»ir,
deux nIpînbeU or/i*'* avec lesquels lu comp«»^ra«
f.icilement tous le» noms que lu voudra*. Tu rr*""-
dras les majuscules dans les alphal-^-t» prêcé-lenls,
rt lu auras soin de composrr le nom «l'une lettre
«l'une façon, et d'une lettre «l'une autre f.ic-tn ; la
mode le voulant ainsi, j'ai dû te donner un double
alphabet.
N"21. — Bande festonnée pour pelU volant, en
brotlerie anglaise.
Ej'itlication de la planche de Limjeries.
Voici, dure amie, troi* guimprs ou mtniet pour
mettre sous des rol»r« ouvmnl em cteur^ n^ I elî;
le II" 3 est destine a une rtdH- dérolleléi- carrémenl.
I.'tntour.ige du col et «lu «levant du n« I se o»m-
pose df quatre iMUidlonne» de r- n tenui
de dislance en dislancf par «le pt ^ , ^irl» |.n>-
des — Pour le n" i, tu Inmveraft dans lr« dessins
que je l'ai envoyé* «les gulrlar.d«-s le^err». l<Hil*-
fail approi>rio«*s jxMir c«»mp«»»er cr p;.isir«>n ; Ir tour
du cou se comp«isr d'un volant | '• -•. et qui
rabat sur le ruban. — Tu .v» d«*s r : \ ijr tiK»-
le» les faç<vns pour le u* S. L*eiilrr-de«i\ r%i Uirtie
de chaque cùle d'une prUle denirlle Irgeremenl
co<juilicr ; od monlanl ri briHie. Tu prui. en n»n-
tinuani ces enlre deux lUMpi'.iu Iwi», en lormrdr V.
te servir «le «elle t:u.m|»r «vi-c une r-^\^ <^\\rr\m
en ctrur; c'e»l ainsi «lur »e font a p.-»i ; v \t%
rolies, et Jusqu'aux peignoir» — Le» « .. .;.. Ii«-»
n** 7 el M n'ont pas IteMiin d'rxplkaUoo. — Puur le
honnel n* 6. Il Iviit < ; * '
cil iCUn dr» pli» l.
pareille». — I.e n* 5 »r , -i m ruhjiti ^ruxi «
autour du fond, du dr\ i pas.se el «lu |w4v<v
Irl , brides pamllrt. ainsi qoe Ir i^orud sur Iv eo«n-
mrl oe la télé. — Tu rxeculrraa sur Jaconas, m
i28
J>n)(lrii(» anglais»*, rctlo grntillo roho. pour petite
llllr (Ir 6 ans. llllc doit rire «ssfz courte pour laisMT
M»ir II- pantalon cotirt cl larpc fîArni (Je deux volants
pareils n eeiix de la jiijx' — Bro(le(|tMns en coutil a
bouts vernis. Oinlure en rtdiande la même couleur
(pie ceux du rliapeau; sous-manches en mousse-
line et a poiynpls brodes.
LES JEUX DU SPHINX.
CHARADE.
Qucî SCS pieds sont lt'(>ers I coinnic il franchit rcspacci
Hélas î (jn'a donc fait mon premier
Poin- que Ton suive ainsi sa tiace
Et qu'on le force à quitter son foyer?
De toute part on le menace ;
Il fuit devant un appareil guerrier :
IMais il a beau clian{;er de place,
11 ne peut échapper, soit à la dent vorace.
Soit au plomb mem'trier I
De mon second que le sort est bizarre !
Poussé dans l'air par un faible réseau,
Il le jiarcourt, léger comme Toiseau,
Dont la plume en effet le pare.
Voltiger cependant n'est pas trop dans ses goûts :
3Iieux lui plairait, je crois, l'état de somnolence ;
Car ce n'est qu'à force de coups
Que dans Tair il sélance.
Après avoir cent fois stimulé son élan,
Si l'on cesse enfin de le battre.
On le verra bientôt s'abattre
Et couché sur le flanc.
IMon tout s'élève aussi vers la voûte éthérée :
Favorisé des vents, son vol audacieux
Le conduit quelquefois si près de TEmpyrée,
Qu'il échappe à nos faibles yeux.
IMais en si beau chemin un rien le contrecarre,
Et de son point d'apptii s'il se trouve privé,
Plus vite eneor qu'il ne s'est élevé.
On voit soudain ce téméraire Icare
La queue en l'air tomber sur le pavé.
GUEUNU.
I-e mot de la charade du mois de, mars e.sl .sainte- Bahuk (1).
(1, On ciiiiiinr jii'»i la .miiiIc uu iiiU|^.i»iii <[ui rciifi riiiu la poudre sur It's vaisseaux.
129
ÉDUCATION,
a2i2i'J^:il>:3 Ji^j" -a^Ii^IiJi.
U.1K DES FhTES CHUKTIKN.NES.
Les cloclirs du liamcau se font eii-
trndiT, 1rs viIla{^rois quittent leurs tra-
vaux, le vijjuerou descend de la colline,
le labounur accourt de la plaiuc , le
hùclieron sort de la forêt, les mères f«'r-
inent leurs cabanes, arrivent avec leurs
enfants, et les jeunes fdles laissent leurs
fuseaux, leurs brebis et les fontaines,
pour assister à la fête.
On s'assendjle dans le cimetière de la
paroisse, sur les tombes verdoyantes des
aïeux. Bientôt on voit paraître tout le
clerjjé destiné à la cérémonie : c'est un
vieux pasteur, qui n'est connu que sous
le nom de curr^ et ce nom vénérable,
dans lequel est venu se penlre le sien, in-
dique moins Ir ministre du tiinple (|ne
le père laborieux du troupeau, Jl sort
de sa retraite, bâtie aupiès de la de-
meure des morts, dont il surveille la
cendre. Il est établi dans son presbytère
connue une ^arde avancée aux frontiè-
res de la vie, poiu- recevoir ceux <|ni en-
trent et ceux (pii sortent de ce royaume
des douleurs. In puits, des peupliers,
une vij;ne autour île su fenêtre, <piel(pies
colondx's , eonqx)sent Tbéritajje de ce
roi des sacriliees.
Cependant, rapôtic dt lllvanjjile, re-
Aiirun (lo« nrtirir.n ronlrnu» d«nii ce rccnril
nf jMMit (*lro rt|>r«Mliiil, sntm |i< ronxrntrmrnt
furiiuM tir» auteurs, soua peuie de |x»un»uilci* en
contrefaçon.
II* Sr^niF. Tonie IV. N» 3. - M
vêtu d'un simple surplis, assemble set
ouailles devant la j;rand'porte de l'é-
{;lis«' ; il leur fait un discours, fort beau
sans doute, à en ju{;er par les larmes de
l'assistance. On lui entend souvent ré-
péter : Mes enfants^ mes clirrs enfants^
et c'est là tout le secret de réloquencc
du (^hrysostome elianqn'tre.
.Après l'exliortation, l'assemblé-c com-
mence à marclier eu cliantaut : Fous
sortirez mec plaisir et vous serez reeii
avec jtiit ; les collines bondiront et vnus
entendront avec joie. L'élendart des
saints, antique bannière des temps cbe-
raleresques, ouvre la carrière au trou-
peau qui suit pêle-mêle avec son pas-
t( nr. On entre dans «les eliemins om-
bra;;» s et coupés profondément j>ar la
roue des eliarriots rusti(]ues ; on fran-
chit de hautes barrièivi foruuVs tl'un
Siul troue de chêne ; on voya^ji» le lorij;
d'une haie irauU'pine où Inturdoniie
1 abeille et on silllenl U^ In^uvn'uils et
les mérita. Li\s arbres sont couverts de
leurs lleurs et jurés d'un naLs^int feuil-
laj;e. Jx*s bois, les vallons, les rivières,
ententlenl tiMir à tour les liyuin?s d<-s
laboureurs. Etonnés dr ers cautinu<^.
les h.'iits tle* champs .«orient des blés
nouveaux, et s'arrêtent à quehpie di-
stance pour voir jmvs, r la |>onjpe vill.\-
l^jCois*'.
Li piXKX*ssiou n'utrr enfui au ha
^1 is:.(i. K
K^O
lin au. (-Ii.uim !( toimir à sou ouvimj;(' :
l;i n*li.';i(>ii n'a pas voulu i\iw ii' jour où
I\)M (l(Miiaii(K' à l)i('U les biens de la
iciic lui un jnur d oisivclt'. Avoc (jucllc
rsptManiH^ on cnloncH' \c sor dans \c sil-
lon apii's avoir iinplorr Ci'lui (|ui diri^jc*
h' soleil (•( <jui (>arile dans ses tivsors les
V(Mits du Midi et Irs tièdrs ondérs! Pour
l)itMi aclievor un jour si saintrinent coni-
lurnri', les anciens du village viennent,
à l'entrée de la nuit, converser avec le
curé, qui prend son repas du soir sous
les peupliers de sa cour. La lune répand
alors Ks dernièri's haruionies sur cette
lèl(^ ([ue ramènent cliaipie année le
mois le plus doux, et le cours de Tastri^
le i)lus mystérieux. On croit entendre de
toutes parts les blés {«ermer dans la ter-
r»', et les plantes croître et se dévelop-
])er. Des voix inconnues s'élèvent dans
le silence des bois, connue le cliant des
anges cliampètres dont on a imploré le
secours, et les soupirs du rossignol par-
viennent à l'oreille des vieillards assis
non loin des tombeaux.
Cuateaubuiand.
LE MOIS DE MARIE.
RECIT.
I. LA VEILLE DU PIŒMIER MAI.
Il était cinq heures du soir ; les rayons
tempérés d'un jour de printemps arri-
vaient dans une cliandjre ouverte au
couchant , et réjouissaient une jeune
fdle qui, fièlc , maladive, étendue dans
un jjrand fauteuil, s'occupait languissam-
ment à former un bouquet, dont elle choi-
sissait les (leurs dans une corbeille posée
auprès d'elle. Quoique bien jeune , tout
en elle révélait la mélancolie habituelle
de l'être souffrant ; et , en effet , depuis
plusieurs mois elle n'avait pas quitté cette
chambre , devenue à la fois sa prison et
sa patrie. Les soins ingénieux de ses pa-
rents avaient rassemblé autour d'elle tout
ce qui pouvait lui plaire : 1(^ piano atten-
dait ([ue sa main raffermie vînt fairemou-
voir le clavier , longtemps muet ; ses li-
vres étaient à sa portée, consolations des
longues nuits d'insonmie; compagnon du
silence et de la solitude, le Christ d'ivoire
était placé .sous les rideaux de la couche,
V.v\m qui coiiTortiiii un péiliour tt le ictircra de
sou ogarcnier.t, sautera uuc âiuc du la mort.
Ejntrc de S, Jacques ^ cli. v.
et, suspendue au-dessus de la cheminée,
la Vierge immaculée , d'après Murillo ,
resplendissait de tout l'éclat de sa beauté
sans tache et de sa fierté virginale. C'é-
tait vers cette image douce et sereine que
se dirigeaient à chaque instant les regards
inquiets de la pauvre malade.
— Maman , dit-elle enfin d'une voix
plaintive, je ne ferai donc pas le mois de
]>Larie ?
— Chère enfant , répondit ]\ïme de
Courson , chère Estlicr , nous le ferons
ensendjle... nous prierons ici tous les
jours... J'ai donné des ordres pour que
ton joli cabinet d'étude soit transformé
en oratoire. Notre Mère, qui nous écoute
au ciel, t'obtiendra, je l'espère, le retour
de la santé , avant la fin de ce mois qui
lui est dédié. Je la prierai tant!
— Je la prierai aussi, afin qu'elle t'ac-
corde cette joie.... mais, vois-tu maman,
j'aurais bien voulu donner I et que puis-
je maintenant , inutile et malade connue
je le suis ?
131
— Ne t'affli^jc pas, dicre fille , tou-
jours nous pouvons mcritcr pour Diru ,
en exécutant sa sainte volonté; car, tu le
sais , il se contente de la bonne disposi-
tion de notre cœur...
— Entends- lu ! voilà les cloches qui
sonnent l'ouverture de ce beau mois ! Si
je pouvais munir au moins aux louan-
ges , aux cantiques qui vont célébrer
iMarie ! Je veux essayer.
Esther , appuyée sur le bras de sa
mère, se traîna jusqu'au piano ; elle l'ou-
vrit , promena ses doigts sur les touches,
et commença le cantique breton ;
Je mets ma conflnncp,
Vicrije, en voire secours î
!Mais elle ne put aller jusq'au bout :
sa voix faiblit et s'éteignit; des larmes
roulèrent dans ses yeux , et elle reprit
silencieusement sa place auprès delà fenê-
tre. Samère, quidevinaitce qui se passait
dans son âme , comprit qu'elle avait be-
soin de solitude pour épancher pins li-
brement son conir, et , l'embrassant ten-
drement, elle la quitta.
Esther resta lon{;temps pensive. Se
tournant enfin vers l'image delà Vierge
devant laquelle brûlait une petite lamp*»,
elle (lit 4 voix basse :
— \oiLS le savez, Vierge sainte, j'au-
rais voulu vous honorer dans votre tem-
ple, munir aux saints cantiques , aux
honuuages de vos enfants I Dieu ne le
veut p.'ïs , que sa volonté soit bé-nie I
Obtenez-moi seulement la grâce de vous
prouver mon amour d'une autre ma-
nière (pii vous soit agréable ! obtenez-
moi la grâce , durant tr beau mois , de
faire un peu de bien î
Elle pria encore intéTieurenu nt ; \nu<,
elle reprit ses ni;;ui!les et sa laine, siii\
ouvragi* auquel «lie pût s'appliquer ; elle
faisait des bas pour les pauvres.
I^ soir tombait , tl«'jà les ('toiles blan-
ches et rnnpitles se montraient au < iel ;
Esther , pour les mieux voir, leva le ri-
deau : la fenêtre ouvrait sur la vaste
cour de Ihôtpl ; la jeune malade arrêta
ses regards pleins de pitié sur une vieille
femme, d«'crépite, cï3u verte de haillons ,
qui regagnait d'un pas chancelant l'aile
gauche de cette immense maison. Elle
se traînait avec peine, et s'arrêtait à
chaque instant comme si elle eût fait un
|x'nible vovage.
— >îa bonne Augustine , dit Esther à
sa vieille gouvernaijte qui était venue la
rejoindre, qui donc est cette bonne fem-
me ? Quelle vieillesse ! quel air de souf-
france I Cela me navre le creur.
— C'est la vieille Catherine î elle de-
meure là , .Alademoiselle , en face de
vous , sous le toit.
— Pauvre créature î Et elle est seule ?
— Seule au monde ! elle ne voit p«'r-
sonne , personiie ne lui parle ; elle a un
air qui iTbute les gens. El d'ailleurs on
sait ce qu'on sait !
— Quoi donc ?
— Dame I c'est une histoire ! 0;i dit
(pie (] uherine a été autn^fois , sinon ri-
( he, au moins fort à son aise ; elle a tout
donné à son fils, un dissipateur, im pro-
digue, qui l'a mis<^ sur la paille .<ans se
retourner même p<nir la regarder.... De-
puis lt)rs , elle n'a parlé à âme qui vive ;
elle vit seule du prinhiit d une mistTablc
petite rente viagère....
— Quel sorti pauvre feuuue! mais
a!i moins la religion la cv)nsoleI
— La relij;ion ! elle ne va jamais à la
.Alesse.... elle ne sait pas s'il y a un Dieu
ou s'il y en a quatre : tenez , Madenioi-
S4lle, n'y ivnscz |>as... C't^sl une crrature
|XMihie, ct>rps et biens , corps et âme.
— J'es|HTe bien que non î s'ivria vi-
vement Esther.
I.e n^Cour de Mn»e de Oiurson inter-
rompit la ixmvervatiou , le i^èrc d'Esther
ivirul bienti^t ; tous «leux entourt-riMit
leur fille bien-ainu^ de ces soins si »1out
132
iIdiU rh.ibhiulr n\'MiuMisso p.isleclinnuo;
et Estlior , i)lns ilisposôo encore à la leu-
diesse par la pitié , se disait le soir , la
tète posée sur sou elievet, que le souuueil
visitait si rarement :
— IMou Dieul souiVrir (piaïul on est
aimée ainsi, mais c'est du honlieurl
Sa pensée la reporta au même instant
vers cette vieille icMume , cette ])auvre
Cadierine, si délaissée dans sa vieillesse,
si abandonnée dans ses soullVances ; (cm-
mc sans protection, mère sans entant, et,
qui pis est, chrétienne sans foi, réunissant
ainsi les tortures du corps au plus som-
bre isolement de rànie,
— Que la nuit doit être longue pour
ellel se disait Estlicr ; qu'elle doit redou-
ter le lendemain, le lendemain, dont elle
n'es})cre rien, qui ne lui apportera qu'un
surcroît d'amertume I Vierge sainte, no-
tre mère à tous, priez pour elle I...
Ali I si je pouvais si je pouvais , en
votre mois vénéré, secourir, relever cette
pauvre àmc.... si je pouvais !...
Esther sourit à cette pensée, et peu à
peu , bercée par de doux projets , par le
riant espoir , elle s'endormit d'un som-
meil calme.
II. Catherine.
Le lendemain , après avoir consulté sa
mère, Esdier plaça dans un ])etit panier
une aile de volaille, du chocolat, un peu
de vin ; elle glissa au fond une pièce de
cinq francs enveloppée de papier, et puis,
appelant Augustine , elle lui dit :
— Ma bonne, fais- moi le plaisir de
porter ce panier chez la vieille Catherine.
Tu lui diras que je l'ai vue hier, que,
malade moi-même, j'ai plaint sa souf-
france , que je la prie d'accepter ces ba-
gatelles, et qu'à coup sûr , ma première
yisite, après l'église, sera pour elle. Va !
— Si vous l'ordonnez, jMademoiselle...
mais à laver la tète d'un nègre , on perd
son temps et son savon... Vous inivcv.
beau faire, (>atherine ne ehangt ra pas.
— N'a , va donc! répondit Esther en
souriant.
Augustine obéit. Au bout d'un quart
d'htnne elle revint l'air triomphant :
— One disais-je , jMadcinoiselle ? elle
ne m'a pas même remerciée. ., c'est un
loup, vous dis-je.
— Eh bien î tu retourneras la voir de-
main , et tu tâcheras de l'apprivoiser,
connue la belle apprivoisait la bète dans
ces beaux contes que tu contais si bien !
te souviens- tu?
Augustine sourit et répondit qu'elle
essaierait.
Les envois continuèrent, sans que l'in-
diftérence ou l'ingratitude de la vieille
Catherine vinssent à bout de refroidir le
zèle d'Esther. La charité est patiente , dit
l'Apôtre, eltc ne s'aigrit de rien, elle souf-
fre tout^ elle supporte tout (l), et celle de la
jeune fdle, excitée par le désir de conqué-
rir une âme à Jésus-Christ , était armée
contre les plus rudes épreuves. Soit
l'influence de ce beau mois de mai, jeu-
nesse de l'année , soit vertu secrète éma-
née de la prière et de la foi, sa santé sem-
blait rafrermie , ses yeux reprenaient
quelque chose de leur vivacité première,
et les beureux parents trouvaient chaque
jour son teint plus doucement animé du
coloris de la jeunesse et de la santé. Ce-
pendant , elle n'avait encore franchi le
seuil de sa cbambre que pour passer dans
son oratoire, lorsqu'un matin, Augustine
lui dit avec quelque précaution :
— Catherine est plus malade , I\Iade-
moiselle ; je l'ai vue tout-à-l'lieure , elle
ne peut quitter son lit.
— Il faut que le docteur aille la voir !
s'écria Esther.
— Justement il est en bas et cause avec
Monsieur.
(1) Saint Paul aux Corinthiens.
133
Le docteur Gilbeit , vieil ami de la
famille , parut presqu'aussitôt suivi de
Mme. de Coursoii, Kii voyant Estlni , il
poussa une c.xclamaliou de joyeuse sur-
prise.
— I]li bien ! docteur, dit de ^Ime.
de Coursoii.
— Madame , il ne me reste plus qu a
preiidn; mou eliapeau ; [Madcmoisrllf ne
fait plus partii' de mes malades. Si rWr
veut Ijien consentir à se s</i};ner , à sui-
vre un rt''|;inif, à être enfin bien saye , je
la dtVlare radicalement {;uérie.
]Mnie. deCourson leva les veux au ciel
dans 1 élan d une pieuse reconnaissance
n baisa sa fdle au front.
— iMon bon docteur , voulez-vous me
permettre , puisque vous me trouvr/ si
bien, de faire aujourd'hui une prtile ex-
cursion de convalescente .*
— Hum !
— .le |)ren(lrai votre bras ; vous me
conduire/, en fa<"e , ma mère It pt i iu« t .'
Kt vous aussi, ncst-ce pas ,'
— A'ovons , de quoi s'a|;it-il?
— l ne pauvre vieille iemm»' loi l ina-
malade...
— Je comprends... Eli bien soit I aii-
jourd liui vous ferez le tour de la cojii ,
demain, vous ire/, à la !Nb\sse, après-de-
main , promenade en voitme... et puis
vous suivrez votre n'j^ime , n't'st-c*^
pas ?
— Oni, <I(M leur, répouib» '''^""''"' Elle
mit son clia|Hau l ui.>^'- <P»<" sa mère l'en-
veloppait soi(;"»»>î^*"»*"'>t •' •'" chale , en
disant : " Mais six éta{;es A monter !
— ilnm! rt'pèla UMloclem*.
— Oli I maman !.... ni«)n bon (1<>(-
teurî... je vous en prie !.,.
— Eh 1
tien ! allons ; mars |)ms(pi il s a-
{;it d une malade i\ visiter, j'entrerai seul
il'abonl.
Esdier. en « iVet, dnl rester sur le palier,
et elle s'assit sur le pliant qu'Au;;ustine
avait apport»' jioju elle. SoneoMir batt ut
couune à l'approclie d'un grave événe-
ment.
Le docteur reparut au bout de dix mi-
nutes ; il dit à voiiL basse : — Cette
feuuue s'en va.... les ressources de b vie
sont Uries.... Eaites-lui du bieu, si vous
voulez , mais il vous sera impossible de
la j'jUérir. Donucz-lui ce qu'elle demau-
ilera.
11 salua Estber et descendit. La jeune
lille leva le Kxpiet de la porte et entra
doucement. Jamais plus aiVreuse pauvre-
té n'avait frappé ses regards : Calberine
était étendue sur une paillasse sans drajw,
dans cette mansarde nue. Estlur s a|>-
procba du misérable lit avec un senti-
ment de n^spoct, inspiré par la vieillesse,
par la soutlrancv, et elle dit :
— Avant appris (pie vous eiie/ plus
soullrante, ma bonne, je suis venue voils
voir.. . Dites-moi si je puis vous cUv uule
l'ii (pielque chose.'
La vieille ouvrit ses paupières rid^-t^s et
attachant sur la jeune lille un rej',ardst>ni-
brect concentn'' où senddait s'elre .. in-
{;iée la vie, elle ré|Hmdit :
— Je n'ai l>esoin de rien. r»<^rrz-vous. .
— Je ne puis D^^ consentir à vous
laisser s*'ule e» «naïade.
()»*\'st-re que tvla vous fait ?
— Catherine, s'étM'ia .AUj",ustine indi-
{^né-e , est-ce ainsi qu*t)n parle à Made-
nioisi'lleî
— Je ne veux pas \oir des élr.inp,ers.
— Jt' ne suis pas ime elran;;èn* |K»ur
vous , (.ialherine , dit Esther avec dou-
( « m , et vous me feriez c,rand plaisir si
vous voidir/ actvpter nos st^ins...
En dis.mt ces mots , elle souleva l o-
n dler de paille et porta aux lèvres tics-
séehévs il»* la malade une eudleiVv d'or-
geat. Catherine en prit «pielques poutles,
puis détourna la léle.
Esther, sans >e d«*rt>uraf,er. s'as^il »u-
pivs du lie et ibt .\ Anp,uMine «lallrr de-
mander .'i ^lme lie Courson «l'avoir l.i
134
lH)n((' (lo laliv (lonnrr pour (];illu'iin(HK\s
draps, (l(\s roiivrrtuiTS, un iihiU'las,iin l'aii-
tciiil ; clic lui i t'fOMimaiulad'ainciicrquel-
([111111 poiM raidciàlevciiininstantlapau-
\i'c inala(K'ptMulaiil(pron forait son lit.
(lathcrino, siloiit iciisc et sombre, laissa
faire. jMais lorsqu'elle se vit placée dans
un lit j'rojMe et moelleux , elle tàta les
tlraps, les couvertures blanches avec une
espèct^ de satisfaction, et dit à voix basse,
se ]>arlant à elle-même : — A a-t-on in'en-
lerrer ? on nie met du linjje Ijlanc I
Estlier , la voyant retombée dans sa
préoccupation , n'osa lui parler, et elle se
retira , laissant auprès d'elle une garde
vij;ilante. Mais tous les jours , animée
«lune sainte constance, elle revint, elle
monta ce rude escalier, elle s'assit à cette
triste couche, elle essuya les duretés, les
rebuts , et elle parvint d'abord à se faire
soullrir, puis à se rendre nécessaire. Pour
arriver à ce point tant désiré, pour obte-
nir un sourire, pour captiver la confian-
ce de cette vieille mendiante , Estlier fit
plus d'efVorts , employa plus de séduc-
tioui que la jeune fille la plus coquette
n en saurait mettre en œuvre pour obte-
nir les louanges ^'uii peuple d'admira-
teurs. Qui donc inspx.o ^^x chrétiens
ce zèle ardent? Qui donc leu, Ç^[i trou-
ver des charmes dans tout ce qiù re-
bute la nature? Qui donc leur rend ai-
mables les asiles de la misère, et leur fait
chérir l'entretien des pauvres et des mi-
sérables ? En quel nom , en un mot , se
font de tels sacrifices ? En un seul nom,
celui de Jésus -Christ !
Ce nom divin , lien qui unit ici-bas
le pauvre au riche, n'avait pas encore été
prononcé entre la vieille malade et sa
jeune consolatrice; cependant, un jour
(pie (Catherine se plaignait de la longueur
de ses nuits d'insomnie, Estlier lui prit la
main , en disant : — Pourquoi ne priez-
vous pas? liien souvent encore, moi aussi,
je souflre, je ne dors pas ; mais, alors, je
prie , je regarde mon crucifix , et le
temps S(^ passe doucement.
— Prier I je n'ai jamais prié I je ne
sais pas prier I
— Se peut-il? Pauvre Catherine !
— A ous me plaijiiic/? Oui, ]>ent-ètre
aurais-je été ])lus heureuse si j'avais su,
comme d'autrc^s que j'ai connues, prier
Dieu et mettre en lui ma confiance ;
mais on ne me l'a pas rppris ! Je suis
née avant la grande llévolution ; quand
elle éclata, mon père, qui était fripier
aux Halles, fit la pluie et le beau temps
dans le quartier... Il était président d'un
club, il haranguait le peuple, il criait :
^ bas le roi ! à bas les prclrcs ! ma mère
disait connue lui. 11 n'était pas question
de catéchisme pour moi. Je me mariai ;
mon mari était un fort honntHe honnne,
grand travailleur, qui n'aurait pas fait
tort d'un liard à un enfant, mais qui ne
mettait jamais les pieds à l'église.... La
poule ne doit pas chanter plus haut que
le coq : je fis connue mon mari.... Etait-
ce bien? était-ce mal? je n'en sais rien...
Il y a bien des choses qui n'ont pas
marché comme je l'aurais voulu ; mais
Dieu aurait-il pu les changer?
Elle secoua la tête. Estlier lui répon-
dit :
— Dieu aurait pu, à votre prière, dé-
tourner peut-être les événements qui
vouï ont affligée, ou bien vous donner
la resignaùon nécessaire pour porter vos
peines en paix. Mais il n'est pas trop
tard ; vous pouvez oncore croire et
prier.... Dieu ne vous impuv^ p^s votre
ignorance, et, de l'autre vie, il voui x.enà
les bras pour vous recevoir I
— Vous croyez donc en Dieu, Made-
moiselle ?
— Si j'y crois I mais cette croyance
est mon espoir, ma consolation, ma
vie !
— Vous priez?
— Tous les jours, à toute heiu*e I
135
— Ainsi Dieu existerait !... dites-inoi
ce (pie vous croyez.
Ivstlier se mit à {jenoux, elle leva ses
rej^anls vers la croix (|u*elle avait sus-
pendue au clicvet du lit, et, dans un
lan^a(j'e simple et afFectueux, elle ticlia
d'instruire ce cœur plus i{;norant (jnc
rebelle, et de faire jaillir la céleste clat ti-
dans cette âme.
Dieu bénit sa parole : cette foi sou-
daine, qui parfois semble, connue ini
rayon du ciel, illuminer les mourants,
é«laira l'intellifjence de Catlierine : la
conviction se faisait jour dans une âme
si longtemps remplie de préjugés et de
passions. Ouehpies larmes rares coulè-
rent sur ses joues flétries, et elle dit :
— Knsei{;nez-moi à prier I
Kstlicr prit ses mains, les joi^'iiit dans
les sieimes, et, d'une voix lente et grave,
elle dit : — Répétez après moi.
« Notre Père cpii êtes aux cieux. »
Voyez, Catlierine, vous parhv. à votre
bon, à votre vrai père, qui vous a créée,
et qui vous attend dans cette belle de-
meun^ (jn'il vous a préparée.
« Votre nom soit sanctifié. »> Vous
voulez, n'est-ce pas, de tout votre cœur,
bonorer et servir ce bon père, saneti-
tier son nom, autant que vous le j)onr-
rez?
• Que votre rè{;ne arrivt\ » l'ous de-
sire/ voir Dieu dans son 'i''g"<*, dans ses
ricliess**s, et ré|;ne^ avec lui ?
«« Oue vot'v* volonté soit faite. • Mi
bonne (Catlierine, aimez celte sainte vo
luiité, aimez-la bien I Si elle vous rend,
pen<lanl (pieltpies jtnus, pauvre, malade,
(h'iaissée, c'est pour vous enriebir, v«)ns
eonroimer t*teni<llenient.
«. Doime/. - nous aujounrbui noire
pain (pi»)liili<ii. ^ oyez connue nous
parlons an Seigneur avec ctinfiaiKV !
Nous sonnnes vé-iitablement ses enfants,
et il est noire vrai père.
a IVuiloniuv - nous nos olb'iises ,
comme nous pardonnons à ceux (jui
nous ont offensés. •
Catlierine, à ces mots, se redressa, et
s'écria d'une voix brève :
— Je ne puis pas dire cela. Pardon-
ner I pardonner ! non, non, jamais I
— Catlierine. s'écria Ksilier, nous ac-
cordons le pardon afin de l'obtenir....
j'i;;n<>re (jui vous a oflèns<-o, mais —
— Oui, vous rignorezî... autrement
V(jns ne parleriez pas de pardon ! Savcz-
vons bien, ajoula-t elle avec une énergie
croissante et en secouant le bras de la
jeune fille, save/.-vous bien qu'il m'a
abandomiée, moi qui n'aimais que lui
sur la terre, (jn il m'a laisst'e seule au
monde, qu'il ne s'est jamais informé
de moi, qu'il a rou|ji de moi, de sa mè-
re, lui, mon fils !
— Voue fils !
— Oui, oui, mon fils I j»ardonner à cet
inj;iatl non, Dieu ne l'exige pas do moi,
jamais !
— IlélasI dit Esdur en fondant -• '*""
nus, pardonm /- |K)ur ramo*» de vous-
nu nie ; i)ardonnez afi" a obtenir le par-
«lon du Dieu (ju^ vous ap|Hlle i>our vous
récomiK'i>«^ **i pardonne/., jH)ur détonr-
inj- Je la tète de cv fils, qui jadi> vous
lut clu r, les malbeuis que votre inimitié
atiirerait sur lui ! pardonnez enfin au
nom de Jésus, ipii pardonna, en mou-
rant, à ses lK)unean\ !
(^ltllelilu* gardait le sileiuv.
— Vous anniez votre fils? Sans doute
il vous aimait aussi ; |vardi>nnez à S4*t
égarements : ne nous si»uvenez |vis de
ses fautes, ne vous sou venez (|uc tlc^soii
y enfance, «niand vous le teniez sur vos
gt n»>nx, qu il vous t luii.iss.ul et vouh
ap|H'lail ftifi ;mvr /
- Je l'ai trop aimé! il m'a tUvbiré
le cceur! ne m'en jvirlez plus!
INtlur souj>ira, cl, av«v un clan de
foi, s'ailressant inléneurement .'» ivlle
Vierge sauilc, qui l'avait guidtv daiu
13()
cette dilîieile entreprise, elle répéta la
prière : Monlrcz-vous notre mère ( 1} !
Puis, serrant encore la main île la ma-
lade, elle lui dit avec feu :
— Yovez; si vous pardonne/, le eiel
sera dans votre eonu* ; l'absolution du
prêtre vous purifiera, et vous recevrez,
pour la première fois, la sainte comuui-
nion. Dieu même viendra vous visiter
ici, dans cette pauvre chandire I il ne
demande de vous qu'une chose : un
j;t'*néreux pardon I
Catherine parut hésiter encore. Enfin,
elle dit :
— ^ladcnioisellc, faites venir le prê-
tre !
ITT. LE 31 MAI.
— M. André BerthautI dit le domes-
tique en introduisant un jeune homme
dans le cabinet de M. de Courson.
— IMonsieur, vous m'avez fait de-
uiander une entrevue, dit cet étran^jer
au p'^re d'Esther : je me rends à vos
ordres.
— Croyez bi^^n , Monsieur , que je
n'aurais pas commis u^^p pareille indis-
crétion , sans un motif iir.^^ortant....
bien important.... Monsieur, votre v>ière
habite cette maison !
Le jeune homme, à ces mots, devint
pâle, et dit d une voix étouffée : — Ma
mère I il serait possible ! ma pauvre
mère I
— Des circonstances que vous cori-
naîtrez plus tard, Tont mise eu relation
avec ma fdle ; votre mère lui a confié
quelques particularités de sa vie ; elle
lui a enfin dit son nom et désigné votre
demeure.
— Ah I Monsieur , que vous devez
me croire coupable I Je le suis en ef-
fet— oui — bien coupable.... Ma mère
me pardonnerait I...
(1) Hymne : Ave maris Stella.
— Elle vous pardonnera. . . je Tesj^ère. ..
— Oui, je fus bien coupable!....
Comme elle m'aimait î. . et cette ten-
dresse me pesait I... je voulais être li-
bre .T'osai demander compte de la
fortune de mon père.... ces conjptes me
furent rendus, mais ma mère me bannit
de sa présence I... .Te lis un lon^ voya-
^c moitié pour mes plaisirs, moitié
pour mes affaires IVndant mon ab-
sence, ma mère quitta son petit maga-
sin, elle vendit tout.... Quand je revins,
je cherchai en vain à savoir ce qu'elle
était devenue... Des mois, des années ont
passé depuis notre séparation.... Ma for-
tune a doublé ; mais toujours j'ai eu là,
au cœur, un chagrin qui me rongeait —
Elle s'est souvenue de moi !... elle me
rappelle!... elle me pardonnel
— Tous allez la revoir, reprit M. de
Courson avec bonté : elle aussi, elle a
bien souffert ! Un dépositaire infidèle l'a
dépouillée du peu qu'elle possédait :
l'âge, les maladies, sont venus.... Je ne
puis vous le cacher, vous allez la revoir,
mais peut-être pour bien peu de joursl..
André Berthaut ne répondit point; il
cacha sa tête entre ses mains, et pleura.
Quelques instants après, un vieil ec-
clésiastique entra dans le cabinet, et dit
» iM. de Courson :
— Elle est préparée ; Mme. de Cour-
son et votrt fille sont auprès d'elle.... je
vais chercher le s&lnt Viatique.
— Tenez, mon cher Monsieur, reprit
M. de Courson, venez, votic mère va
vous recevoir.
Ils traversèrent la cour et montèrent
l'escalier : André s'arrêtait souvent, ac-
cablé d'émotion.
Mme. de Courson et Esther tâchaient
de préparer la vieille Catherine aux
deux visites qu'elle attendait : à celle
de son fils et à celle de son Dieu I au
pardon qu'elle devait accorder, à celui
qu'elle osait espérer I
137
— N'cst-i! pas vrai, disait Miiir. de
<Joms()M, rjiie vuus avez repris jioiir vo-
tre fils toute voire tendresse daulreiois,
f t (pie s'il se présentait maintenant, vous
le Iji'niriez, vous prieriez pour lui .'
— Oui , répondit Callierine d'une
Toix laihle, tout est oublié- — j'ai été
impérieuse ( t dure pour lui, tout en 1 ai-
mant j'ai eu des torts..,.
— Nous voudriez le voir? demanda
E^tlM•^.
— Alil si Dieu me faisait eeltegràee!
— Il vous la fait ! ^ Olre fds est iei,
dit ^Ime. de (jonrsoii av«e ('motion.
— ()u il \ icniic ! <péil vienne !
Au mémo instant, M. de (loursoii en-
tr'ouvrait la ])nrte. André s'élanea «'t
vint tond)er à [;(miou>: devant Catlierine.
Elle le saisit dans une éticirUe silen-
eieiise, l'attira vers elle »-t l<^ tint em-
brassé.
Tout le monde pleurait. Dans uu
muet é'panelienient, la nu'Te et le (ils
retrouvaient tout ce (pi ils avaient per-
du.
Une ]i( tit(^ tabl»^ avait viv transformée
en aulcl. INtlier v avait ])laei', snr nn
linjje éclatant de blancheur, un erueilix
(Mitre i\vu\ eirrj;es allumés; d'un e('>té
1 eau b«''nite, où trempait un rameau de
huis, et de l'antre nue assiette eontenniit
du coton ( t lin pain, destin('S ;\ essuyer
les doi|;ts du prètie après 1rs saintes onc-
tions.
datlieriru' cloi};na d ( lie nn nu'ment
son lils pour le mieux rej'arder. ...
— I*réparez votre e(cnr, ma bonne
(lalli(>rine, dit M. de Ooursou, car notre
Seij;neur va venir I
— Ali I c'est trop de |p'.ie(\s! Audn'*,
tu ne sais ]>ns^ je vais faire nin pnMinèie
eomnnnuon — «t ma dernicrc aussi....
l'^tlier s'asvil dans la ruelle du lit. et,
d'une voi\ h iilc cl diMUi-, (lie Inl et*
passajM" de V I//ntit(i,'n :
«• J tnrztt /;/o/, diles-YuUS, vous r«<//ï qui
» elts dans la peine et qui êtes chargés ^
• 1 1 Je volts souta^eral. O quelle d»»u-
" ceur ( t (pielle biciiveillaneo celte |>;i-
» rôle fait entendre à un jx-clieur, lors-
• que vous-même, Seigneur, mon Dieu,
" vous invitez l'indij^ent et le pauvre à
>» la communion de votre très - saint
• corps! Mais qui suis-je , Seigneur,
■ pour oser m'approcbcr de vous ?
>« Quoi ! la vaste étendue des cieux ne
" peut vous contenir , et vous dites :
» Kt luz à moi^ tous ? »»
— Il vient lui-même î dit Estlier, in-
terrompant sa lecture; entendez- vous
des pas sur l'escalier? (>Vst le prêti*e qui
vous apporte votre Dieu ! Mèi-e du pur
amour et de la belle espérance, ô ?Marie,
prie/., pi i( / pour nous !
Ouand le prêtre entra, tous priaient.
Le visage de Calbeiine, quoique ]v*di
par It s appriH-hes de la mort, semblait
illnmint" d'une flamme inlérieuiv : le
bonlieur et la foi r('elairaient. Klli*
courba la tête avec bumililé sous l'abso-
lution soleimelle que \c minisln' du
Seigneur pmnonça au nom de son divin
maître, et recul, avec le sentiment le plus
religieux et le plus piY»fond, le saen'-
ment des mourants, ces derniérrs onetions
par les(pielle l'Eglise pr('pare ses enfants
au banquet étenirl. Enfin, le prèire, pre-
nant (Il m im II coupe du salut, é-lera
l'hostie et dé|>osa sur les lèvres He la
momante (*e pain du ciel, gage piiVieux
d'une vie meilleuif*.
In long sileiuv ivgna : le dennersouf-
llc de (l.iilierine sVxhalnit en aelions de
grAc«*s —
Elle tourna enfin vers s<in fils pi-osicr-
ix un n*j;ard pirsque i teint, et lui dil :
Nlon cher enf ml. s<m-s le Wm\ IHeii. afin
(pie nous puissions nous retrouver. ...
cl vous, .Mademois<-lle, vous (pii m'avez
appris à et>nnaitn* Dieu, sovcz l»t'*nieî..
et prie/., prie? |H>ur moi... prie/ la sainte
Vicii;e ' ...
138
Ce fut son dernier mot... elle s'affaissa
sur Toreillrr, ci son àinr s'rxliala en
paix riilir 1rs mains de Dieu !
Au moment où elle expirait , les clo-
elies sonnaient le dernier office du mois
lie IMarie, et l'œuvre de charité, entre-
prise sous les auspices dclaVierge sainte,
était accomplie ; Estlier avait conquis à
la vie éternelle une de ces âmes si chères
à Jésus et à IMarie !
Charlotte Simo?î.
UN INTERIEUR CHARMANT.
ESQUISSE,
— Quel bonheur que de s'entendre
appeler ^Madame I Si vous saviez, Ar-
thur, connue je suis contente I Vrai,
vous m'avez rendu un immense ser-
vice I Entre nous , je m'ennuyais à
mourir au coin du feu de ma grand'-
mère : cet intérieur était d'une mono-
tonie fatigante , et c'est là que vous
êtes venu me chercher pourtant !
Un aimable sourire accompagnait ces
paroles qu'une jeune fenmie adressait à
son mari. ÎNI. d'Esessars relevait sa
moustache , et regardait complaisam-
ment la jolie enfant, qui n'avait pas
craint de lui donner sa confiance, quoi-
qu'un long séjour en Afrique lui eût
valu le grade de colonel, la croix d'hon-
nem', et un teint de bistre jouant assez
bien l'arabe.
Quel âge avait M. d'Esessars? Qua-
rante ans, disait-on, et Léonie n'en avait
que vingt-deux : cependant leurs ca-
ractères opposés sympathisaient si bien
que personne ne blâmait celte union.
Les uns disaient : Le colonel a besoin
de distraction, sa petite fenune l'amu-
sera; les autres : Cette jeune femme a
besoin d'un mentor, le colonel la diri-
gera, tout est pour le mieux.
Trois semaines s'étaient à peine écou-
lées depuis la célébration du mariage :
l'aimable autorité du colonel ne pesait
pas à Léonie; le joug d'Ardiur était lé-
{;er comme celui de tout homme qui
s'attache lentement , sérieusement et
pour toujours. Fatigué de ses longues
campagnes, I\I. d'Esessars avait donné
sa démission, et se promettait vm ave-
nir doux et tranquille, lorsque, tout-à-
coup, il découvrit dans sa jeune com-
pagne un vif dégoût pour la vie d'inté-
rieur, et pour les simples devoirs que la
femme est appelée à remplir. Léonie,
franche et gaie, ne cherchait point à dé-
guiser sa pensée ; elle disait tout simple-
ment à son mari : Ecoutez, mon ami,
je me suis ennuyée outre mesure avant
mon mariage, en voilà assez : je veux
aller, venir, voyager, danser, donner des
fêtes, m'amuser toujours, toujours, tou-
jours, entendez-vous, mon colonel? »
Le militaire souriait ; mais, au fond,
la peur le gagnait, lui qu'on croyait si
brave I II se disait : Quoi I échapper au
feu des Arabes pour venir camper à
Paris? Mener en France la vie noma-
de du désert ! c'est impossible I J'ai be-
soin de repos : j'entends lire, écrire,
m 'occuper tout le jour, dîner tranquil-
lement , et surtout ne pas aller tous
les soirs dans le monde; est-ce trop
demander?
En homme habile , il ne demanda
rien.
— Léonie, dit-il un jour, comment
prétendez-vous diviser votre temps ?
139
quel [;rnre de vie vous plairait davaiitajjf?
— ."Mon ami, tous ceux qui ne res-
semblent pas au (jcure de vie qu'on
menait chez ma grand'mère.
— Chez votre [jrand'mèrc on s'en-
nuyait donc bien ?
— Ail I je vous en réponds I ]uî;r/,-en
vous-même ; je me levais à sept luurrs
en hiver, et à six lieures en été : ainsi le
voulait ma {;rand'mère, assurant que le
repos du malin ne me valait rien — 11
fillait l'aire ma toilclle et vaquer aux
s<jins du njénajje; à midi, j'avais déjà
lait mille choses : j'étais habillée, j'avais
déjruné, lu, éeiit, travaillé ; vraiment
j'' m'admire (piand j'y pense! Puis ve-
nait l'heure îles visites : nous eu rece-
vions rt'};nliircm(iit «Icux ou trois, qu'd
r;dlail rendre promptemenl. Ces visites
charmaient ma |;raiurmèrc. C'étaient
d'anciens amis à rliumalismcs ; on par-
lait de la pluie, du beau temps, de la
pt)lili(ine , et des malheurs de ce bas
monile ; tout cela me berçait, et j'ilais
prête à m'endormir , (piand , à noire
tour, nous sortions pour allrr savoir
comment telle ou tille personne avait
passé la nuit, ce (pii m'incpiit'tait li-
{;èrement. A six hnurs nous dinions.
J^e soir, (piel([ne parenl, «liiix ou trois
anus, nous arrivaient : on causail ; jt*
faisais un pt n de musiipu*, souvenl une
]>arlie de wisth ; nous prenions une tass<*
d«' iIm', et (piaml la ]>endnle s<»nnait dix
heures, chacun stî retirait. 1> aulrcs lois
nous restions en lêle-A-lêle : ma (;rand -
mère s'endormait en lisant, nmi je bro-
dais en m'endormant. Ah! les jolies soi-
rées! De loin en loin nous avions dn
monde : ma |;rand nière invilail une
vin;;laine de ]>ersonnes; ou s'égayait un
])en, on ilansail nu «inadidli*, par eom-
plaisanci* pom la /ntitr I/onie; mais
jamais de loide, pas de bruit, pas de
grandes loileUes ; on venait à huit heu-
irs. on s'en allait aV'Oit minuit. Kieii de
bourgeois et d'emuiyeux connue ces i>e-
tites soirées sans façon !
— Mais, ma chcre amie, que faudra-
t-il donc faire pour vous dé:>cnuuyer .'
— A raimcnt, je n'eu sais rieu.... J'ai
besoin, voyez-vous, d'une vie acciden-
tée.
— Kn vérité- .'
— <)h oui ! il me fuit im inlérieur
gai, bruvant, animé ; en un mot, je veux
et j'entends cpie mou mari st» donne la
])eine tle créer tout exprès jujur sa
fennne un inlé-rieur cliarm int.
— iNIais tous l<*s intérieurs sont char-
mants si l'on y vit en paix. ^ ous cou-
cevez, chère enfant, qu'on ne donin* pas
sa démission pour courir U"s chaïu-es de
la ;;nerre : j'ai besoin de tranquillitt' ; je
demaiule bien peu. (^)ue me lanl-il à
moi? uuc gentille pi lile femme.* I^i
voilà.
-- r.iavo!
— Puis le confortable île la vie, qui,
j;ràee à Dieu, ne nous manque pas; |kis-
ser l'été à la campaj;ne, y vivre à l'aise,
tiaiiquilItMiKMil —
— C'est ça! si'uier de la In/eriu*,
c'est dé'licieux I
— Revenir à Paris Thivcr, aller uu
peu dans le monde ; plus souvent en-
core réunir qnehpies amis intimes : on
causi% ou s'égaie au coin du feu....
— Ah! vraiment, il me .stMuble que
j'entends ma j;rand'mèir î Je me vois
déjà, entn* la |>elle et les pimvttes, nio
chaulVant indétinimeut les pieds! eunuiic
1 'est amusant! é|>ous<v. donc des colo-
nels!
M. d Ks<\ssai> se niU a ine, et trouva
fort jolie la |><>tite moue de Ix-onie. ICii
etVet, iTlte aimable feuunc mettait tant
de geutillessi' à tout ovi, qu'en rrpc-
Ix'-Lmt Jr vrnjr, elle s«Miililait faire uih»
prièiv, et «mu reg-*»»**! di*ait : ^ mis êtes
bon, ma joie %crA de vous ol>«''ir, mais je
suis une enfuit, gàleiL-moi !
140
— CluTO l.t'onie , il faut |)oiirtant
qu'on fasse votre bonheur 1 C'est pour
cela qu'on a quitté le service.
— Ail! alil Eli bien! coiubiiscz-nioi
au bal.
— Au bal ! au bal! c'est à merveille,
mais encore faut- il que je donne ?
— Ali ! sans doute.
— Léonie, vous iii'eiiil)aiTassez beau-
coup ; qu'appelez- vous un intérieur
cliariiiant? 3Iontre/--in'en un du moins.
— C'est bien facile ! Nous allons vova-
^;er puisque je suis invitée chez plu-
sieurs de mes amies. Nous devons passer
quelques jours à Bordeaux chez Louise ;
nous arrêter à Libourne chez Lina; puis
aller chez Noénii au château des Tour-
nelles : ces trois jeunes femmes sont un
peu plus âgées que moi, et mariées de-
puis quelques années ; elles ont épousé
des hommes tout- à-fait... Oh ! vraiment,
des maris....
— Quoi î des maris charmants ! Bon I
voilà qu on va faire des comparaisons !
Ah ! décidément, j'ai fait une folie ! que
ne suis-jc encore simple lieutenajitl
Léonie regarda M. d'Esessars si genti-
ment , qu'il se réconcilia tout d'abord
avec son grade de colonel, et la conver-
sation devenant plus sérieuse, on parla
lies préparatifs du voyage qui devait avoir
lieu prochainement.
A quelque temps de là, Léonie accom-
pagnée de son mari, traversait Bordeaux
pour se rendre chez M"'* de Tourville,
une de ses anciennes compagnes de pen-
sion.
En airivant, on s'embrassa cordiale-
ment, on s'adressa de part et d'autre mille
félicitations. Léonie se promettait de bien
s'amuser chez une jeune femme mariée
depuis dix-huit mois et qui n'avait pas
encore d'enfants.
L heure du dîner approche : Louise
veut présenter sa compagne à la mère
de son mari.
-- Ah ! tu demeures avec ta belle-
^?
meri
— Oui, nous sommes ici en famille.
]\Inio ([(» Tourville habite le premier
étage, et deux autres ménages occupent
l'i'tage supérieur. Ce sont les frères et
sœurs de mon mari.
— Ainsi vous êtes tous réunis ? Com-
me c'est agréable I au moins tu n'es pas
isolée, quand ton uiari sort, tu as quel-
qu'un à qui parler ; puis on passe la
soirée ensemble. iMais , ma chère amie ,
sais-tu bien que voilà un intérieur....
— Charmant I répondit Louise d'un
air passablement ennuyé. Et le colonel
se dit : Bon I voilà une femme qui ne
s'amuse pas tous les jours I Les choses
commencent bien !
Léonie fut présentée à I\I'"<^ de
Tourville , dont l'extérieur imposant
l'intimida beaucouj). Puis elle monta
chez 31'"° Alfred de Tourville, jeune
l)londe au regard inanimé, qui la reçut
d'un air sentimental et ne lui plut qu'à
moitié ; de là , on passa chez IM'"''
d'Harfeuille , sœur de 3LAL de Tour-
ville ; celle-ci , mariée depuis huit
ou dix ans, reçut froidement Léonie, lui
parla peu et lui déplut beaucoup.
En descendant IM'"*^ d'Esessars dit à
son amie :
— Comment t'arranges- tu avec tout
ce monde-là ? Ces figures ne me revien-
nent pas : l'une me paraît sévère, l'autre
ennuyeuse, et l'autre insupportable.
— Que veux-tu ? on se fait de petites
concessions. La vie commune, qui a ses
avantages, a sans doute aussi bien des
inconvénients, mais où n'y en a-t-il
pas?
Le colonel affirma qu'il y en avait
partout , et, à partir de ce moment, il
répéta le plus souvent qu'il put que
Louise était une femme pleine de juge-
ment.
On se réunit pour dîner. Madame
lU
dllaift uillr p.- rut av( c son air luajps-
tucux et srs trois enfants. IVl"'^ Al-
fred entra suivie d'un j)etit jjarcon de
trois ans qu'on mit à table entre sa mère
et Lt'oiiie, rt qui se eliarr^ea de faire
toutes les maladresses possibles pendant
le repas, au fjrand déplaisir de M"**
d'Ksessars (pii n'aimait pas beaucoup
les enfants.
Les trois maris se trouvaient la. Le
colonel était en <piatrième. Tout ce
ijîonde parlait tour-à-tour politique et
colifieliets : les lionnnes ne s'entendaient
pas sur la (pieslion linancière, et les
femmes furent deux fois au moment de
se (pierellrr à ])roj>os d'un j).>tron de
eorsa{;e; mais comme cliaeun apportait
à la vie conunune les éjjards et la po-
litesse cpji ]>rovienneut d'une bonne
étlucation, il n y eut aucun clioc violent,
seulement l^'onie se ilit tout bas : —
A oilà bien drs nuances di* earactcres !
Qu'il faut «le pi ndencc et de souplesse
pt)ur vivre en paix (piaiid on est si nom
bn'ux !
De son («»i('' le colonel se ilisait :
Mieux vaut cent fois mon tète-à-tèle
avec ma femme.
Après le dîner, Léonie s'approcliant
de Louise lui dcmatula si toutes d« ux ne
pourraient pas aller causer un moment
dans sa cliandire ?
— Lnpossible, ma elicre !
— (lomuMul im{M).ssiblc ;*
— (ie serait reninripii'. Il est plus con-
venable (pu* je reste au salon ; je tlois
faire tont-à-llu ine la partie de ma belle-
incre.
— Tu aimes «lonc bien les caries?
— O'esl un usane établi.
— Ml <piel ennui !
Li soiri'e fut assez, monotune. il \ml
une visite, t)n causa, «-es dames se mi-
rent à travailler; deux iK* ce* messieurs
sVn allèrent. I nu ni < crele , Tautn* au
speetaele. Les «piitre enfantH, après
avoir fait un tapage impossible à décrire,
disparurent. On respira plus à l aise, et
vei-s onze beures cliacun se relira.
— Ali I mon ami, dit Lt'-onie en ea-
trant dans la cbaudjre qu'on lui avait
préparé'e, savez-vous qu a la place de
Louise je m'ennuierais beaucoup? Elle
n'est ici qu'une jH'tite fille, sa belle-
mère diii{;e tout, clic n'ose pas com-
mander, et j)arce qu'elle est la plus jeune
de toute la maison on la rcj^ard»- cuaunc
une enfant. Ab I (jue je me tiuuvejais
malbeureuse !
— Mais, c'est pourlanl la vie de fa-
mille, dont je vous ai souvent entendu
vanter les cliannes. Je vous dirai que
j ai causé avec ce Monsieur dont on a
reçu la visite. Il ma appris que M"»*
d«' Tourville, la mère, est le motlèle de»
maitresscs de maison. C'est, m'a-l-ildil,
une femme du plus baut mérite, ilont la
vie n'a éU* qu un loiij; dévouement. St^-S
enfants doivenl leur fortune à sa sage
administration, clic est bonne, pru-
dente....
— C'est possible, mais elle joue trop
lon{^;ttMnps, c'est ennuyeux.
— M"'« Alfred est une fenune très-
délicate , fort nerveuse, mais inlé-
ressante au plus baut de^ré. Elle a di*s
talents, elle est musicienne, clle|Hinl...
— Véritable momie î Elle dort en
marebant, et le nn>iiitli(' bnnl bu lait
mal aux nerU.
— M""" d'Il.irfeuille est une lemme de
earailèrc. Elle c>t fort iiislruilc, cièvc
elle-même ses enfanls , c*c>l une |>cr-
sonne toul-à-fuil distin^^uév....
— .\llons donc! Elle parle À soii mari
cx)mme à sou domestique ; c'est une
femme bauuine, dominaiile, j'ai vu tout
cela, moi !
— > oUy aiu'tr cepcMulant n» nC |HÙnt
en j;ueriv avix* elle.
— Je crois lueii, elle lui cîile toujours!
Si lA)uise était utoius douce, uioius ix)u-
142
cillante, cet intérieur serait un enfer!
— Un enfer? Ce monsieur appelait cela
un intérieur charmant I
— Sans cloute, parce que le inonde
ju[;e sur l'apparence , et ne tient pas
compte lie l'opposition des caractères.
Quoique je n'aie pu causer qu'un mo-
ment avec Louise, j'ai su apprécier sa
position : sa vie se passe à étudier les
(jonts de chacun, et à sacrifier les siens.
A'ous croyez que cela m'amuserait ? Elle
s'eilace devant sa belle-mère, fait des
fiais jiour IM^^ Alfred, baisse pavillon
devant 31'"<' d'IIarfeuille, et ne conserve
dans la maison que le droit d'entretenir
la paix entre tous. Ah I quelle vie ! j'ai-
merais mieux retourner chez ma grand'-
mèrel
M. d'Esessars, enchanté du début ,
s'endormit plein d'espérance. Léonie rêva
qu'elle avait une belle-mère, deux beaux-
frères, trois belles- sœurs et huit neveux,
ce qui lui donna la migraine.
On passa quelques jours à Bordeaux*
Louise et Léonie se quittèrent à regret ;
on se promit de s'écrire et on se sépara
le cœur gros ; mais Louise essuya ses lar-
nu^s, car il fallait ce jour-là être aima-
ble. Sa belle-mère donnait un grand dî-
ner et eonqUait sur elle pour faire les
honneurs. Tout se passa à merveille;
Louise ne fut pas triste , elle s'occupa de
sa parure, reçut gracieusement les invi-
tés, chanta le soir, et linit par danser....
Et le monde disait : Que cette jeune
fenmie est heureuse I Elle est là conune
une petite reine I aucun souci ! jamais de
chagrin ! Ah 1 vraiment, c'est un intérieur
charmant !
Ainsi jugeaient les étrangers , et Dieu
seul voyait et bénissait en INI'"*' de Tour-
ville d'invisibles combats et de perpétuels
sacrifices faits à la paix du foyer.
{^La fia au jnochain numcvo.)
JOSÏPH DB B.
INSTRUCTION.
POESIE.
COMPARAISON DE LA BEAUTÉ, DE L'ESPRIT ET DE LA VERTU.
La fleur que vous avez vu naître,
Et qui va bientôt disparaîtie,
C'est la beauté qu'on vante tant ;
L'une brille quelques journées,
L'autre dure quelques années,
Et diminue à chacpie instant.
L'esprit dure un peu davantage,
Mais à la (in il s'afî'aiblit ;
Et s'il se forme d'âge en iuge,
11 brille moins, plus il vieillit.
La vertu, seul bien véritable,
Nous suit au-delà du trépas ;
Mais ce bien solide et durable,
Hélas I ou ne le cherche pas I
M*"" de ScUDÉRY.
143
VOYAGES.
SOLVE.MIt'^.
La rivr occklentalf de la l>air qui for-
iiir If Port-Louis de l'Ilc-iIi'-Fiaiice est
|)ivs(|uc lUst'i U". Lis voilts s viï i loi^iicnt,
car srs ahords sont scim's d't'cut'ils ; des
iiiailn'pon s y inontrrnt sous Ti-au h'ins
crêtt'S niarbrrcs, tics Ijancs de sal»K' y
j.uuusscMit la surface tic la nier, et, (|uaiid
elle est h.isse, ou peut iK couvrir dans sa
profontleur les {jrautls corps de j)lu.>ieurs
navires (|ui ont aucieuiienient péri dans
ce lieu. I^a terre plate 1 1 connue noyt*e
ne prt'sente cpie des buissons d'aloès,
des enclt)S de ])icrrcs sèches, et (juelqut^s
clMtives cabanes où vivent tics nèjjres
pc'clieurs. I)e lt>in en lt)in seulement, on
aperçoit un cocotier balançant sa tcte
superbe au-tlessus tle ces niist'rables con-
structions, ou bijMî lui tlattier tpii fait
uiiroiterau soleil ses palmes luisantes.
liordez cette ceinture tlune liyue tle
nt)irs niaos, ces sapins tle la zone torridc
tlont la feuille sifîlante imite le bruisse-
ment de la va|jue et <]ni se plaisent à jeter
sur les ctJles leur t)nd)re et liur tristesse,
vous aurt*z alors une vue complète de ce
morne jiaysajje.
Pt)urtant, cette pla{;e si tl«'laissi'e n'est
pas sans (]nel<]ue cliarme. On y trouve
tle la fraielieur, une si d<)U<-e chose ilans
les climats brùl mis ! La brise ilu l.U{;e
y arrive pjut* et vive, encore toute char-
(;ée tle r.iir salin tpii j>i<|m' la < hair « t
ranime Tt^spiit.
Le silencj' y .sn.iu (lop prolon»! , la
st)lilu<le trop {;rande; mais le silentr
(^coute au loin !<* liatlement tles rame.s,
les chants adoucis tl(*s matelots, Ct CTS
mille petits bruits tpù lui viennent du
l«>ntl de la baie nu la ville est alItV sas-
setiir. La si^lilude se raisiné en apeitc-
vant les mâts dt^s vaisseaux avec leurs
bandcrtjlles flottantes , les sonunets des
maisons avec leius blanches ar^amasses.
J'ai passt- là tpieltjues st)in'cs qui ne
sont pas les plus mauvaise^s parmi cellt^
tlont ma nu'moire a jjartlé le souvenir.
Si l'on me demantle ce t|ue j'v faisais?
Mon Dieu I rien, »t le plus souvent
je ne jHMisais à rien. Je respirais à mou
aise, je me stnitais vivre, voilà tout. N'é-
tant point troublt* par lt*â importuns,
point arraché à moi-même |>ar le mou-
vem< nt ou la nouveauté tles t)bjels ex-
tt'rit urs , j'avais cette tpii( lutle tl'exis-
tence |>our latjuelle il ne faut ni plaisir
ni peine.
Ouoiipie le tt lups et la tlisLince aient
emporté bien loin tléjà cvs lieux et ce^
imj)ressions , je It^s vois, je les stMis
connue si j'y étais ent\)iv^ I^'S luoiutlrt^
cireonstauees luc reviennent : je retmuve
le ei« I, la mer, l'oiseau qui volait, la pi-
re >j;ue tpù (;lissait au lt)n[; «lu riva^je, et
les rares visiteurs tpn* le tlésteuvreniiMit
ou la rêverie amenait tlans nutn silen-
citHix domaine.
Parmi ces tlerniei-s, il en est un tlont
l'histoiri* est assez sinj;ulière. Ce n'est pas
t|U elle ci>ntienne des aventurer ronia-
ncstpies ou des laits bien merveilleux ;
mais, tlt^puis le (;ranil Hobinson, de f.dui-
leuse ménit)iiv , je n«* |H'ns«* |»as qu'il se
soit iviHX)nin' un linnunr ayant (;oût<*
plus larjM'Uient les Irivte*,^!» et les ji»it»s
tle la st)htude. Je ne crois |wis.ius<ii (pToti
puisse citer un plus euiit*u\ exenqde de
rinet>nstantY tle nt>s prt>jrLs et tlu vitle tle
nos tlt'sin».
J'étais, suivant ni.i t^'^ulume, .issi^ sur
un p« tit tertre qui re-ude la luie. Il
iu
vint s'asseoir à mes cotes , donnant un
sini])lo salut pour tcnito att(Mition à mon
voisinaj^o , jniis il aj^puya son ronilt' sur
le (^azon, ]>osa sa tète dans sa main et se
mil à consi(l('rer la mer.
Son visa{]e avait de la distinction, ses
traits étaient ré^ulieis ; mais une ex])res-
sion Va^^ue, indécise et connue vacillante,
S(Mtait de rensend)le. On eût dit la lu-
mière douteuse d'une flamme qui a man-
qué d'air et qui menace de s'éteindre.
Son costume avait une couleur ])lus
prononcée. Il était complètement vêtu
de toile blanche : pantalon presque flot-
tant, j;ilet rond à col pendant et à larges
manches. De cette toilette, la pièce capi-
tale était, sans contredit, un grand cha-
peau de feuilles de latanier dont les
bords évasés formaient le parasol et om-
brageaient jusqu'à ses épaules.
Tout cela était d'une ampleur mal
dessinée et fort peu gracieuse, mais cal-
culée de manière à donner le frais et la
liberté ; tout cela sentait le primitif, et
je devais avoir pour voisin quelque bon
créole d'ancienne lignée, quelque mo-
deste habitant de ces petits cantons per-
dus dans l'intérieur de File, où la mode
a moins d'empire que le soleil.
Il sortit tout-à-coup de sa contempla-
tion, et se tournant vers moi : Oh î me
dit-il, connue un navire filerait brave-
ment vers l'Europe sous cette jolie brise
de Sud-Est I
Je lui répondis : Ce vent le pousserait
bien vite au large, et cette nuit qui vient,
il la passerait avec les goélans. Croyez-
moi , il vaut encore mieux être où nous
sonunes. On dort mal sous les rafTales ;
votre case est plus tranquille. Oui ,
croyez-moi , contentez-vous de votre
vie créole ; ne demandez point à quitter
vos montagnes; ne perdez jamais de vue
la tète <lu Pi ter bot h.
— Moi ! me dit-il avec un sourire
mêlé d'orgueil et d'ironie. Vous vous
trompez , ces montagnes ne m'ont point
vu naître ; je suis un enfant de Paris !
Je voulus m'exeuser de ma fausse et
maladroite interprétation.
— Ce n'est pas la peine, me répondit-
il. Ne vous excusez pas , vous avez tra-
duit ma figure et mon habit. Il est vrai
que vous avez fait un contre-sens; mais
il faut avouer aussi que le texte est pas-
sablement obscur.
Après cette lueur d'esprit, son visage
parut s'illuminer. Ce n'était plus le même
personnage, il devint causeur et, petit à
petit, il me raconta sa vie et ses projets.
— Tel que vous me voyez, me dit-il,
j'ai pourtant été bercé dans un des plus
somptueux hôtels de la Chaussée-d'Antin.
Mes yeux se sont ouverts sous des lambris
dorés et des tentures de soie ; mon enfance
s'est roulée sur les plus magnifiques tapis
d'Aubusson. J'étais le fils unique d'un
banquier bien connu pour sa grande
fortune et son grand luxe. A mesure que
j'avançais en âge, la vue devant moi se
faisait plus séduisante : tous les plaisirs
du beau monde, toutes les joies de la ri-
chesse m'attendaient à mon entrée dans
la société. J'allais atteindre ma dix-
neuvième année , j'arrivais , je n'avais
qu'à ouvrir les bras pour attirer à moi
toutes les jouissances. Eh bien î... regar-
dez là-bas sur la mer, voyez-vous cette
vague qui monte. . . qui monte. ... la voilà
tondjée ! il n'y a plus à sa place qu'un
alMuie. Ainsi tomba la grande fortune de
mon père. Il mourut de chagrin et je res-
tai seul avec ma pauvre mère , mes vains
rcjjrets et mes désirs trompés.
Le bonheur m'échappait , je voulus
courir après lui. J'avais entendu parler
des colonies, on en racontait des choses
merveilleuses : celui-ci en avait rapporté
des lingots d'or, celui-là des tonnes d'ar-
gent. L'ambition me donna du courage,
j'embrassai ma bonne mère en lui disant:
Je reviendrai bientôt. Trois jours après,
1
10
j'étais sous voiles, emportant au-dtlà drs
mers mes rêves de vinj^t ans, les lx*lles
esp<Tancrs de la jciniesse et cet esprit
aventureux qui repousse le doux rivage
de la patrie.
Avec ces richesses naturelles, je drhar-
quai à rile-de-Franee. J'y trouvai la plus
j;<''iu'reuse hospitalité. Quant aux trésors,
ils «'taient, comme partout ailleurs, cachés
sous la terre ou renfermés dans les veines
du commerce. Pour les eu tirer, il fallait
planter des cannes à sucre, élever des
{;irollier.s, cultiver rindi{;o, faire la récolte
ducalV'. Il fallait les lah<urs du comptoir,
la science des affaires , K'S chances de la
spéculation ou la patiente économie du
marchand.
On m'odrit <les occupations qui de-
vaient sufiirc à mes besoins; je trouvai
des emplois qui j)i»uvaient mener douce-
ment au bien-être de Texistencc crénelé ;
mais je n'avais point traversé tant de
uiers, je n'étais point venu jusqu'aux In-
des pour y bâtir une cabane et passer
toute ma vie à l'ombre d'un bananier.
A cette époque, un armateur du pavs
venait d'obtenir de l'amirauté la conces-
sion d'une petite île déserte, à peine con-
nue des marins et jusqu'alors oubTu-e des
spé-culateurs. ^ Oïdant v foruK-r un éta-
blissement, il y avait transporté (jueKpics
noirs et il cherchait un réjjisseur pour
aihninistrcr sa possession.
Les contlilions cpiil proposait pas-
saient pour lrès-avanta{;euscs, et cepen-
dant p« isonne ne se pressait d en faire
son profit. O't'lait, disait-on, sCnlcrrer
tout vif, c'était accepter volontairement
le sort «l'un naufraj»é ; c'était vouloir
tenter Dieu , (pic d'aller ainsi faire sa
demeure au miliru d«s vaches marines,
et disputer la pi h f un plit><|ii< s il<' I »
(jramle mer.
Moi , je me présentai sans souri de
toutes ces craintes. Je n'avais a|vryu (}ue
l'occasion d'arriver plus vite à la fortune,
je ne considérais qnelc bonheur de ren-
trer quelques années plus tôt dans notre
belle France.
Dès la première mtrevue tout fut ar-
rêté, et je me mis aussitôt en mesure de
partir. V w petit brick me conduisit en
vin{jt jours à ma destination. Il dél>arqua
les outils né'cessaires , des instruments
de pèche et quelques provi>ions, puis il
tourna son beaupré vers le large, reprit
sa route en fuyant sous toutes ses voiles
et dis|)arul.
Ohl ce fut alors que je compris la so-
litude! Elle était partout ! Dans la mer
qui s'clendait devant moi blanchissante
et nue jusque sous li»s bnunes de l hori-
zon ; dans le ciel ardent et fiie au-dessus
de ma tête ; elle était à mes pieds sur
cette lonj;ue {;rève sablonneuse, semée
de coquillages brist's; je léc-outais dans
l'air qui me disait le sourd i-oulemenl des
flots , rélernel clapotis des lames , et pas
un son de l'humaiiilé; je la respirais
dans cette saveur acre îles terres nou-
velles, dans cette odeur de rivage qui
porte avec elle connue une inq>n^ssion
de sauvagerie, connue une idée d'aban-
don.
Je tlemeurai quelque temps étomili àc
ma situation, ain^i (pion l « si au s«>rtir
d'un rêve pénible. Je me demandais si
c'était bien moi, ix)mment je me trouv»iis
là dans quel lieu!* J'eus lvs<^in de
raj>peler tous mes souvenirs : mon enga-
geuïcnt , mon départ , les deux i-ents
lieues que je venais de faire sur la mer
des Indes. Ah ! j'étais bien nrlleimut sur
le rivage de l'ile dWgaléga.
Agaléga ! voiU le nom île mon triste
royaume. Au temps de ma jeunesse, il
m'< tait arrive deux ou tmis fois, en par-
(X)uranl tics cartes mannes, il'ariéter mes
reganls sur un |>oint pres<]ue im|M'reep-
tible jeté entre la côte tl'Afrique et ivlle
de >!alabar, i deux cents milles envimn
tle la jvïinte septentrionale île l.n grande
14G
île de IMa(la{;ascar. Je ne ino tloiilais
[{uère alors que ce point nratteiidait ,
qu'un jour il devait lu'attirer à lui, que
Dieu avait luaiqué dun mcnie sijjiie,
moi, joyeux enfant de la grande ville, et
ee pauvre îlot solitaire.
Enlin ! puisqu'il nie lallait y vivri% je
voulus eonnaître son clenilue , ses pro-
ductions , ses ressoiuces et ses dan^jers ,
et je nie mis à le parcourir avec cet in-
térêt triste et tendre qui s'attache aux
lieux où l'on doit soulVrir.
L'île entière peut avoir en longueur
quatre lieues tout au plus, et sa plus
{;rande largeur n'excède pas une demi-
lieue. KUe est environnée d'une plage
It'gèrement inclinée sur laquelle le flot
monte et descend deux ibis le jom'. A la
uiarée pleine , il vient battre la côte au -
dessus de laquelle il roule en grondant,
et alors on dirait que le sol s'enfonce
connue le pont d'un navire qui va som-
brer. iMais quand le reflux entraîne la
mer, il se forme à la place qu'elle aban-
donne une ceinture de sable d'un aspect
onduleux et qui brille au soleil connue
les glaciers de la Suisse. On voit en même
temps apparaître tout à l'entour de gros
rochers de corail qui montrent leurs tètes
limoneuses et se tiennent rangés en cercle
conune s'ils étalent les gardiens de la
contrée.
Ln canal sépare l'île en deux parties,
et cette rivière d'eau salée qui s'élève et
qui s'abaisse, qui répand son amertume
et son bruit, donne plus de désolation
que de joie à la terre et aux arbres.
L ne épaisse végét'Uion couvre ce petit
pays ; mais sa parure la plus belle et aussi
la ])lus précieuse, c'est le cocotier. Il est
là dans son climat natal, il y forme de
véritables forêts, il y donne toute la ri-
chesse de son fruit. Ce noble palmier est
bien la providence de toutes les îles bas-
ses et madréporiques de la uier des Indes.
L'année entière il produit sans jamais se
lasser. Au milieu de son luisant panache
se trouvent en même temps des rameaux
qui fleurissent , des grappes de jeunes
cocos et des branches chargées de grosses
noix grises qui toudjent de maturité.
Elles fournissent en abondance une huile
très-enq)loyée dans nos colonies , et qui
est aussi l'oljjet d'un grand conunerce
ilans tous les états de l'Inde. Voilà ce
qui avait attiré les regards de l'industrie,
et décidé les frais d'uu établissement sur
ee petit coin de terre.
Les noirs que je trouvai dans l'île
étaient sans cesse occupés à ramasser ces
noix et à les ouvrir pour en tirer les
amandes qu'ils broyaient ensuite dans
des tiones d'arbres creusés comme de
grands mortiers. Ils s'acquittaient avec
zèle de ces différents travaux, et pourtant
il ne leur revenait rien, ils u'avaient ici-
bas rien à prétendre autre chose que
vivre et mourir sur ce misérable rocher,
car ils étaient esclaves ; le maître de l'île
était aussi leur maître. Presque tous
étaient sortis de la nation des Mozani-
biques. C'est une boime race, bien tra-
vailleuse, ne songeant point à mal quand
elle a son appétit satisfait ; et l'abon-
dance du poisson, sur cette côte qui n'a-
vait jamais été pèchée , donnait tout
contentement à ces pauvres créatures.
IMais mon Dieu I pour moi quelle so-
ciété I nous n'avions point le même lan-
gage , point les mêmes pensées ; nos
habitudes et nos goûts étaient si diffé-
rents ! Leurs traits rudes et leur couleur
africaine me faisaient souvenir du loin-
tain de ma patrie ; leur présence me fai-
sait mieux apercevoir mon isolement.
Ils avaient établi leur camp sur le ri-
vage. Comme ils ne connaissent guère les
souffrances de l'imagination, c'était })our
eux la meilleure place. D'ailleurs, qu'a-
vaient-ils à regretter? Cet aspect sau-
vage de la grève , cette morne étendue
d'une mer sans vaisseaux, devait leur
147
plaire , c'était l'image de leur pays bar-
bare. Tout au contraire, je fis choix, pour
y bâtir ma case , du lieu le plus retiré.
L'abandon est conune la nudité ; il fuit
l'espace et la vue, il a l'instiiiet de la re-
traite et du mystère. En vérité, je trou-
vais mon âme moins délaissée quand j é-
tais tout seul, bien caelié au fond du buis.
C'était là que j'allais elierelier un peu
dt! calme quand le' travail ne su! lisait
pointa dévorer mon emmi, et rêver à ma
mère.
Durant le jour, les heures s'en allaient
encore assez doucement. J'étais poussé
par mes occupations; je visitais les tra-
vailleurs, je faisais l'inspection de nos
pêcheries , je surveillais la récolte des
noix de cocos. La chaleur du climat
domiait de la fatij^ue à mon corps , de
1 apaisement à mon cteur. Je crois aussi
(pie la lumière rendait mes pensées plus
saines. Mais sitôt que venait le soir, je
me sentais pris d'une aj^itation que je ne
saurais dire. Le démon de la solitude
s'attachait à moi , me poursuivait en
tous lieux. Conune un hunnne qui a
perdu la raison, je courais sur le rivage;
connue un enfant, je faisais crier sous
mes pieds le sable durci par le (lot. Sou-
vent je montais à la cime (.l'un innnense
cocotier (jui dominait toutes les parties
de Tile. Selon leur coutume, les noirs
avaient creusé des degrés dans son écorce
pour arriver sans trop de peine jusqu'à
ses rameaux ; cai* ils y avaient fait une
incision et suspendu un loiij; tnvau de
b.mdjou dans lequel coulait goutte à
goutte cette liqueur sucrée (pron nonnnc
Ciilvu dans les Indes, et tpie les Kuro-
péen appellent vin de palme. C'était ià
mon observatoire , je m'v établissais au
nulieu des grandes palmes et j y demeu-
rais des heures entières à regarder la
mer qui se prolongeait suus les derniers
rayons du couehant. ^on , jamais vous
n'imagineii /. (ouïes 1rs (ii.N(e»ses tpii
sortaient de cette eau profonde perdue
dans l'infini, sous ce ciel qui s'abaissaiti
Quelquefois, je découvrais dans la lu-
mière mourante du crépuscule un navire
qui cinglait bien loin. D'où venait-il?
où allait-il? Peut-être qu'un pauvre
matelot suspendu dans ses cordages me
donnait un salut de la main, disait un
mot du c(L'ur à ce pays inconnu qui de-
vait lui parai tre connue mie t lehe verte
à la surface de l'abhne.
La nuit venait, elle enlevait la voile
avec mes rêves , s'étendait sur la mer,
tombait sur mon île. Je ilescendais alors.
Oh I si je pouvais rendre les elVets de la
miit I La nuit de la terre d'Agaléga ne
ressend)le point à la nuit «les grandes
terres habitées; elle a des bniits étran-
ges. Une légère ondée, une folle brise
qui courent sur les têtes des cocx)tiers,
snllisent à réveiller la forêt tout entière.
Aussitôt, les longues feuilles ailét^ de
ces arbres toujours tremblants , battues
par la pluie, soulevées par le vent, |H'til-
lent comme la iKnnme ou sonnent conune
iXvs cynd^ales.
Lonj; temps avant l'aube, du creux des
arbres et de la fente des rochers, partent
des volées d'oiseaux pêcheui-s. Je les
sentais, pour ainsi dire, passer au-dessus
d(* mon habitation où ils martpiaient
leur route en laissant descemlre jKir iu-
tirvalle un long cri bien plaintif. 11 y a
surtout une famille de ces oiseaux qui
fait r( pouvante des noii-s. C'est un signe
de maiht ur (pianil le jouquct vient à
chanter au-dessus de leurs cas<*s, cl il
faut avouer qud n\st p*is gai de l'en-
tendre. Celte esiKHre de gixw p«'-lrel, d'un
roux lrès-soud)re, ne st* montre <pie dans
les ténèbres; \\ Vi»le toujums en nind, et
sa vt)ix e>t si lugubiv, qu'on dirait les
gémissements d'un |M*(it enfant qu'on
em|H>rte dans les airs. ."Mais ce qu'il y a
de plus saisissant, c'est la gramle runu ur
des tlols. Selon les lieux où elle anive,
148
la mer lait riitinuliv uiio voix diiU'i*2utt\
Kilo nuisit sur les };rùves, vWc ru(>it sur
K'S rocliois, clK" loimr dans les eaveiiuvs.
Kt tous tvs bruits sont cutivcoupc's de
silences ]>iofonds , duiaut les([uels ou
distiujjue la chute des noix de cocos à
travers le bois.
J avais pourtant tini ])ar uiaccoutu-
iner à cette harmonie sauva^^e. Elle me
beryait dans mou souuneil; dans mes
iusouuiics, elle ui'apportait des pensées
un peu trist(^s, mais attachantes.
Aujourd'hui que mes nuits sont tian-
quilles, le croiriez- vous? j'attends, connue
s'il me manquait (juclque chose; invo-
loniaircment j'écoute s'il ne viendra
point quelque souffle de mon désert.
Ah I vraiment c'était bien un désert I
si loin de toute terre habitée, je me con-
sid(Tais comme retranché du monde
vivant. Les arbres étaient mes seuls
amis, le ciel avait toutes mes confiden-
ces, mes plus intimes rapports étaient
avec la mer. Seulement une fois l'année,
nous avions la visite du petit brick qui
m'avait porté dans mon exil. L'extrémité
de ses mats pointait à peine hors de l'eau
que déjà les noirs l'avaient signalé. J'ai
souvent admiré le merveilleux coup dVeil
de ces hommes de la vie sauvage. A quel-
les marques pouvaient- ils rceonnaitre
ainsi cette voile qui formait une sinqile
ligne blanche à l'horizon, connue routes
les autres voiles que les courants entraî-
naient quelquefois dans nos parages ? Et
cependant, jamais ils ne se sont trompés,
lîientot le corps du navire était en vue,
il grossissait, il approchait. Je ne quittais
])lus le rivage, je couvais des yeux la
place où il allait jeter son ancre; il n'a-
vait pas encore fdé son câble que déjà
j't'tais rendu à bord.
Il fallait me voir embrasser ces braves
malins tout ébahis de ma tendresse.
J avais un si grand bonheur à les regar-
der, et les entendre parler ! J'étais en
admiration devant tout ce qu'ils disaient.
Je leur demandais des nouvelles du
monde entier. Et la paix et la guér-
ie et les grands hommes du jour....
et les livres nouveaux.... et les inven-
tions ? je faisais mille questions ; j'étais
presque aussi naif et tout aussi curieux
que ce bon vieux solitaire de la Thé-
baïde qui voulait savoir si les hommes
bâtissaient toujours des maisons, s'ils
étaient toujours ambitieux et querel-
leurs.
La présence de ces étrangers donnait
du mouvement au rivage, de la vie à la
mer et presque de la joie au paysage.
Le matin, en ouvrant la petite porte
de mou pavillon, j'étais réjoui par la
vue du navire qui se montrait entre les
arbres; le soir, en me retirant, j'étais
rassuré par son feu qui scintillait en se
balançant sur les lames. Les pirogues
allaient et venaient, il y avait des goû-
ters sous les cocotiers, de longues cau-
series dans ma case. Cette bonne exis-
tence durait trois ou quatre jours. Puis
le capitaine venait m'annoncer qu'il avait
sa cargaison complète; il me serrait la
main, et, sansplus de souci, commandait
la manœuvre du départ.
Jîeauté des bois, beauté du ciel et de
la mer, bonheur et confiance, tout s'en-
volait en même temps, et ma petite île
me paraissait comme une grande mai-
son vide et abandonnée.
Les heures traînantes ramenaient l'a-
battement; les jours sortaient des nuits,
les nuits succédaient aux jours et pas-
saient dans ma vie sans y laisser plus de
trace que les oiseaux de marine n'en
laissent derrière rux quand ils glissent
dans l'air ou plongent dans les flots.
Toilà mon histoire pendant quinze
années. Quinze années 1 c'est un bien
long espace dans la durée humaine !
Enfin , le temps les a emportées comme
il emporte toutes choses.
149
J'avais réussi , comme on dit dans le
monde, car j'avais fait fortune. Notre
('tal)lissenient avait prosprré, ma part
dans les b<'néfices s'était [grossie sous les
mains honnêtes et intellijjentes de mon
armateur. !Mes piastr<"S bien comptées
me donnaient droit de bourjjeoisie.
Aussitôt j'ai dit adi«'U , adieu pour
toujours à la terre d'Agaléj^a. Je vous
laisse à jn(;er de mon bonlirnr alors que
j'ai vu fuir ses fcjréts solitaires et sa
{^rève sablonneuse I ù peine si je pouvais
croire à uia délivrance, j'appelais la brise,
je bénissais la voile qui m'emportait. Sur
le soir, aux lieux où {;isait mon île, je
M apercevais plus que les palmes de
queUpies cocotiers qui semblaient sortir
de la m«r « t floller à sa surface. Kli
bien I ce tjui est étran{;r , cette dernière
apparition m'a dit quebpie chose de si
touchant (pie j'en ai pleuré, (tétait
cx)mme un reproche ou une tendress«*,
et je 11 ai plus osé regarder derrière
moi.
Dès mon arrivée ici, j'ai pris passap^e à
bord d'un bâtiment fran<,:ais qui retourne
vers lu mère patrie. Je reverrai ma mère,
je reverrai la France , je reverrai Paris
avec toutes ses merveilles, Paris, le cen-
tre de toutes les |;loiivs , le rende/.- vous
de tous les plaisirs! Comme battra mon
cœur sitôt que mes yeux auront d«cou-
verl les tours de Nolre-Dauïe à travers
cette vapeur blanche, pareille à un (jrand
manteau, (|ui descend sur la grande ville!
Kl «pi.nul la voiture aura cessé de rou-
ler... alors je n'aurai plus ritiià rej;rrller,
rien à désirer : je ne rencontrerai quedes
hommes élé'(;ants , drs femmes (;racieii-
srs, d» beaux cavaliers, de brillants écpii-
paf;es. Quel mouvement ! comme cette
voix d'un j^rayd peuple sera douce à mes
onilles ! Tout ce que le génie du luxe
peut inventer pour les jouissances du
monde entier , y le trouverai là sous ma
main. Là jamais une heure vide, pas la
plus petite place pour l'ennui. Les jour-
nées sont pleines d'activité , de courses
joyeuses , de promenades ravissantes sur
les quais, sur les Houh-vards , dans des
jarilins où l'on voit ù peine les arbres ,
tant il y a de kiosques , de vases ciselés,
de statues de marbre et d'airain. Les
nuits sont remplies de danse et de musi-
que. Lci tbt'àtres chantent, les caiVs ba-
billent. Le ^az lait éiinceler ses mille so-
leils qui ne brûlent point, et qui sont
aussi lumineux <pie ce soleil di s tropi-
ques qui nous dévore. Paris I Paris I lu
es pour moi la terre promis<' 1 Pour loi
j'ai j)assé tant d'années dans le dcsi'rt !
Pour toi je vais braver encore les ennuis
et les soull'rances d'une longue traversi'r.
^'oyez-vous à l'entive de la baie tv grand
navire avec tous ses mâts et tout»^ sei
ver;;ues , portant ses voiles hautes et re-
j;arilant la pleine mer : c'est mon hU-ra-
lenr. Demain , au premier souflle de la
brise île terre , il prentlra sa course pour
me |K>rter au |>ays où vont toutes lucs
pensées, où sont toutes mes es]n'rantvs.
A ces mots, il s<' leva. Je lui souhaitai
la mer Inlle et le vent favorable. Puis, le
Voyant s'éloi(;uer tout joyeux , je me dis
A moi-même : Kntin voilà un houuue qui
tient son lK)nheur ! cet homme , il s'i^t
assis là , il a eaus<> amicalement Avr<
luoi, et je ne le reverrai plus !
^Iai fin au prochain MHmèroJ)
II. Duoi IM.
150
i<:coxoMiB^ i>oiii:«Ti(iui^
L.V MAITRESSE Diî MAISON.
I.
I-mploi (le la iiuitinéo.
Ta Irllic m\i fait (^raïul plaisir, ma
l)oiinc et clièie CK'inence, et cllo a forti-
fie' la ivsolutioii . ])liis il à moitié prise,
d'obtenir tle ma belle- mère qu'elle
veuille bien ui'eiiseijjner l'art de tenir
ime maison ; ear e'est un art, entends-
tu ? INlais j'ai ri eu voyant que tu te dé-
clares mon écoUcie^ et que tu veux faire
de mes lettres l'objet d'un cours pour
celles de nos amies qui doivent, connue
toi, quitter cette annre la })ension. At-
tends du moins que j'aie appris quehpie
cbose I Au reste, la pensée de t'ètre utile,
ne fût-ce que bien petitement, me don-
nera le courage, oui, le courage de de-
mander une instruction qui m'a offert
jusqu'ici peu d'attraits, je te l'avoue.
INIa belle-mère consacre toutes ses ma-
tinées à sa maison ; moi, je m'étais pro-
mis, en me mariant, de consacrer toutes
les miennes à la peinture, que j'aime de
passion. ^.. Il est vrai que pas un seul
des projets faits au moment de mon ma-
riage n'a pu jusqu'à présent se réaliser,
et qu'il faut prendre mon parti de n'a-
voir pas mon mari sans cesse auprès de
moi. Tu sais qu'il a des terres dont il
surveille l'exploitation. Il est souvent
obligé d'aller à notre maison des cliamps,
et je reconnais la nécessité de me créer
des occupations de diverses sortes. D'ail-
leurs , si ma belle-mère venait à nous
quitter, connue elle eu parle quelque-
fois, ou bien si sa santé ne lui permettait
plus d'être aussi active que par le passé,
cette maison si bien tenue j)rrdrait tout en
pass -Uit dans mes mains ; idée (jui blesse
et stimule à la fois mon amour-propre.
Ces réflexions, dont j'avais été préoccu-
])ée depuis que je t'ai écrit, et l'arrivée de
ta lettn^ m'ont décidée ces jours-ci, pen-
dant ime absence d'Edouard , à aller
trouver Mme. Beaumont, un peu avant le
dc'jeuner, et à lui rappeler qu'elle a con-
senti à m'admettre comme auxiliaire
dans les travaux du ménage.
Elle m'a embrassée tendrement , m'a
fait asseoir à ses cotés, puis elle m'a mon-
tré ses livres de recettes et de dépenses.
— Mais, ma mère, me suis-je écriée ,
conunent pouvez-vous tenir à. vous seule
toutes ces écritures?
— En ftiisant , ma fdle, une distribu-
tion sage d'un revenu que nous possé-
dons tous, du temps qui nous est donné,
à cliacun, dans la même mesure. Dès ma
jeunesse , j'ai pris la bonne liabitude de
me lever de grand matin, été connue hi-
ver. Après avoir consacré à Dieu les pre-
miers moments qui suivent mon réveil ,
je me mets à mon bureau , et, avec la
ponctualité d'un teneur de livre , j'a-
pure les comptes portés la veille sur une
main courante ; je vérifie les livrets de
chaque fournisseur que la cuisinière est
obligée de me remettre à la lin de cha-
que jour; au bout de la semaine le total
de ces comptes, ainsi apurés, est facile à
faire ; il en est de même du total du mois ;
ce qui reste en caisse m'aide à établir la
balance. Je peux voir d'un cou]) d'oeil ,
mois par mois , à combien s'élève la dé-
pense, s'il y a eu économie , ou bien s'il
n'est pas possible d'en faire quelqu'une ,
nécessitée par une dépense inq^révue
pour le mois suivant ; car je ne ])uis em-
ployer pour la maison qu'une somme
loi
invariable, et qui doit suffire à tout.
— Une somme invariable' ! n'pétai-jr.
Pourtant , ma mère , il y a des mois où
vous recevez plus de monde? ^ ous don-
ne/, même de [grands dîners , des soi-
rées ?
— La somme à dépenser pour l'auncc
est invariable , ma fdle ; seulement elle se
distribue iné{jalement suivant les saisons,
et jamais le nombre des vxiras ne doit ,
\(i le répète , di'passer les limites fixées
par cette somme.
— -Mais quand on est riclic on peut
se trouver maljpé soi entraîné...
— Si Ton cède à ee };enn* dentraine-
ment, ma elière Pauline, on n'est pas ri-
che lon(; temps I
— J avoue , ma mère , fjue calculer
ainsi toutes ses dépenses sans jamais, ja-
mais se permettre d«' (h'passcr la limite
fixée, me paraît bien ilililcile !... Par
exemple, supposons.... quehjue [jrand
mallieur, un incendie qui ruine une fa-
mille , un villajje I...
— C'est alors , mon enfant , (pic Ion
compiend la valeur d une saj^e écono-
mie qui laisse la j)ossibilité d'njjir avec
{;énérosilé, et presque sanscoinpter , dans
Ics.'dlreux fléaux quitlésolcnt (piclquefois
tout*' mie contrée. Si , d avance on n'a-
vait pas rc{;K' ses dépcnsi'S ; si l'on avait
cédé à ces entraînements dont vous par-
liez à l'instant, comment céder plus tard
à rentraîneinent du ( œur? où trouver la
Honune nécessaire pour venir utilement
au secours de ceux tpii soutirent, et cdiu-
mcnt alors ne pas reconnaître cpion a
mérite' d'être place au nombre th's maU"
vais riches ?
Trouveras-tu qucbpie chose à ré|H)n-
dix; A cela , (lléincnc»- .' pour moi je suis
restée muette.
Ma belle-mère ma montré l'article :
Aumônes journaltrrr.% ; elle m'en a lait
voir le chillre pour l'anniv en me disant
ipie celui-<i varie aussi pendant le mois.
suivant les saisons , et que presque tou-
tes ces aumônes sont données en nature;
ce qui les rend bien plus profitables
aux malheureux dont les besoins réels
s<jnt ainsi prévus et s<jula(^és dune ma-
nière certaine; dans ce cliitlic n'entrent
pas les reliefs de chaque jour ni les rète-
ments , le linge qu'on réforme pendant
l'année dans la maison : car, j'ai hâte de
te le dire, ma belle-mère, très- économe,
n'est pas avare ; elle aime à donner ; elle
dit (juc le riche doit dépenser auUnt que
le lui permet une sage prévoyance, et, en
ofirant du travail à pluî«icurs, faire tou-
jours la part des vieillards, des inlirmes,
des enfants incapables de gagner un sa-
laire.
Nous en étions là , lorqu'on est venu
avertir Mme. Ik\aumont qu'elle était .«cr-
vie.
Je t'avouerai que depuis notie entre-
tien de l'autre soir , ma belle-mère inc
jiarait plus aimable. Sa figure, toujours
grave, me semble ex [>rimcr plus d'allec-
lion pour moi, et j'ai cessé d'épnuiver au-
près d i-lle C( tte gène qui me glatirait , cl
qui venait, sans aucun doute, des dispo-
sitions |)eu bienveillantes dans lesquelles
j'étais à son égard.
Après le di'jeuner, je 1 ai t imuein e au i
salon en lui disant gaimciit tpi elle né- 1
tait pas quitte, et qu'elle me devait Tex- |
j)Ost'- fidèle de l'emploi de sa maluite /w/i-
tifiitlc ; ordinairement, à la suite de ce
premier repas , elle n*ste au salon à
jïarcourir les journaux , et à causer a%'ec
Kdouaril et moi ; ensuite elle va faire
quehiues visites , des emplettt*s » et le
reste de la journi*c est consacré aux al-
lants et venants quelle re^xjit sans ct'-ré-
monie et sans ciss<t un instant «le rou-
lire , tic faiiv de la tapiss* ne , ilu filet ou
de tricoter ; elle a toujours un ouvrage
d'aiguille ou bien un livre .'i la main.
— Où en é(ais-jc.^ uie »leuàaniLi-l-cllc
du ton lie ralVtvliou.
152
— Tous avioz apinv vos comptes de
la veille, ma mère.
— AKirs le moment est venu de don-
ner andiiMice à ma cuisinière d'abord,
n'est-ce pas? car il faut à déjeuner, à dî-
ner pour tout le monde. Je eonunence
j>ar demander compte de la desserte du
jour prt'cédent ; compte toujours lidcle,
parce qu'on sait que chaque matin je
visite lofllee et que je parais à la cuisine
à l'instant même où Ton s'y attend le
moins.
— Jai entendu dire, ma mère, que
les cuisinières de Paris ne resteraient ])as
dans une maison dont la maîtresse
— Ne les laisserait pas complètement
maîtresses, n'est-il j)as vrai? interrom-
pit Mme. Beaumont en souriant. Nos
cuisinières de province sont tout aussi
despotes, mon enfant, dans les maisons
dont la conduite leur est abandonnée
par une fennne légère, plus occupée de
sa toilette et de ses plaisirs que de ses
devoirs; mais, ici, la rè^jle est si bien
établie, on sait si positivement que telle
est ma coutume, que lorsqu'il m'est ar-
rivé de changer de domestique, chose
rare bien heureusement, des fdles pro-
bes se sont seules présentées. Je donne
de vive voix le menu de chaque repas
lorsque nous sommes en famille ; je le
donne par écrit lorsque j'ai du monde,
et ces jours-là on me voit un peu partout.
A la cuisinière succède la femme de
chambre. Pendant qu'on m'habille, je
m'informe des travaux de couture. Une
fois la semaine, je fais visiter devant moi
le linge qui a été mis de côté pour être
réparé; ceci est l'une des occupations du
samedi; le travail à faire se trouve ainsi
préparé pour la semaine suivante. Je
donne en suite, et en compte, le linge
pour la maison ; je me fais rendre cha-
que lundi celui de la semaine précédente.
IVIe voilà prête à recevoir quiconque
a besoin de me parler seule à seule.
Parfois j'ai bien de la peine à expédier
tout mon monde avant l'heure du dé-
jeuner; les gens de campagne surtout
n'en finissent pas, et j'en reçois beau-
coup : je me garde bien de les in-
terrompre dans leurs récits; mais, lors-
que d'avance je sais l'affaire qui les
amène, je les aide à arriver prompte-
ment au fait; la réponse est donnée en peu
de paroles, et je me trouve libre de con-
sacrer deux bonnes heures à mes enfants.
Ainsi, ma lille, quatre heures chaque
malin de travaux sérieux et inqjortants,
le reste de la journée, le coup d'œil de
la maîtresse, uti peu partout, et la vie
])asse plus ou moins paisiblement et plus
ou moins agréablement, suivant ce que
la volonté de Dieu amène en jouissances
ou en amertumes, en ])laisirs ou en dé-
ceptions. Ce n'est pas une rude tâche,
comme vous voyez!... Nous parlerons
plus tard des inspections du linge, des
vêtements , des armoires , de toute la
maison enfin... Tous êtes bien pensive,
mon enfant I Quelle idée vous occupe?
— INIe permettez- vous , ma mère , de
vous dire toutes mes pensées?
— Je vous le demande, ma chère fille.
— Eh bien! vous avez été jeune, vous
avez aimé le monde, vous êtes allée au
bal, en soirées, en parties de campagne. ..
Ainsi plusieurs fois vos matinées ont été
prises par le plaisir, parle sommeil, par la
fatigue, ou bien par la maladie
— Et vous en concluez naturellement
que la conduite de la maison a dû en
souffrir, n'est-ce pas? Cette conclusion
est juste; seulement avant, comme après
mon mariage , j'ai peu fréquenté le
monde, et l'habitude de l'ordre était en
moi si bien enracinée , que je me cou-
chais tard le jour où je m'étais levée tard,
afin de ne pas laisser mes comptes s'ar-
riérer. Pendant mes maladies , trop fré-
quentes, hélas ! et que Dieu m'a envoyées,
dans sa sagesse, pour développer en moi
i53
la patience et le coura(;f, je prenais mon
parti d'un surcroît de dépenses inévi-
tables.
— ^'f>us n'aviez donc pas, ma mère,
une seule personne à qui vous pussiex
vous eonfur aveuj^lément?
— Aveuglément! n'péta M"* lîeaumont
en sreouant la tête avec un sourire. L'n
de ces jours, si vous le voulez, ma
fdle, nous causerons d'un sujet bien im-
j)ortant, des doinesiifincs. Pour aujour-
d liui veuillez remarquer uniquement que
le sainfire de quatre heures par jour et
de quelcjues joui'uécs par an, suiiit pour
maintenir, dans une maison, l'ordre,
1 économie , d'où résulte saos efl'ort la
paix domestique. Cela ne vaut- il pas la
peine de se lever du matin et tle />a>jffr
rinspectiun ?
Décidément, Clémence, je Unirai par
aimer de tout mon cœur ma bclle-uière.
Paidiue Beàimoit.
ivj.ou>"^J3.
THAVALX A L'AUiLILLF.
Moflc? (lo printcmpc. — Mode ptuir les premières communiantes. — Voiles. — Calinr en jacona5. —
Sac au point do rr(»chet. — Col, broderie anslaise. — Patron de robe en gerbe. — Dessin sur étoffe.
— Fleurs en papier, pivoine. — Corbeille de mariaijc. — .Ameublement. — I.a Vierge aux rose*.
— Traduction. — Art culinaike. — Nettoyage des élofTe*. — Patron de kadaveika, de chapeau,
de coisel, grandeur nature. — Broderies diverses.
Tu as sans doute déjà remarqué, ma
clière Adèle, que nos j^raviuTs de modes
ne ressend)lent point à celles des autres
recueils; ce sont des tableau.x de ^enre
que nous donnons, et de très-jolis ta-
l)leaux. N'est-< lie pas charmante notre
mode de ce mois?
La jeune maman est velue d'un p«M-
(jnoir en batiste brodée sur lecpul rlle a
passi- une j///)r à ceinture, en talUuis lilas
jjarnie d'un volant brodé et festonne à
crclc de coq eu soie pareille. Pour sor-
tir, <lle a endoss»'- son kadaveika de talTe-
tas pareil à la robe et brodi* de même.
Les j;arniture;< cpii sortent de tlessous la
manehe pa^;()«leou en entoimoir ou à sa-
bol du katlavcika, appartiennent à l'élé-
(;ant pei;^noir, <jin, an U»{;is, lient lieu
tle corsage blanc ; c est eouune si on avait
un cane/.ou dont la ceinture serait eachén*
%nits celle lie la jupe. I,a «aixjt»* «le eré|>o
blau»' est orné»' de ileux lH)U<|uets de plu-
mes blanches ; nu tic « liatpie » ôt«'-.
La robe de la jeune fdle est en pope-
line vert Isly. Le corsage décolleté et les
manches courtes sont recouverts par un
canezou corsage à manches lonj^ues, en
mousseline froncn-e; le col et le bas des
manches se termiuent par im bouillon en
mousseline dans lequ«l passtMit les ru-
bans roses à longs lK>utsqui foruH^it san-
ton- rt bracelets. Trois lH)utons de métal
émailK- frrnuMU le tlevant du cane/ou.
Ceinture «Il larj;»* rnban à dents, vert Is
1\ , de ménu' nuamv que la robe. IU)ttines
en tlrap de soie noire. Capote en gros de
Naples et erè|>e lisse roses.
On halidle de dillerenti^ façons les
petits garçtius de A »i 7 ans; ceci déjHMu!
de la fantaisie <li*s jeunes lucres ; ccpou-
d ant la blousi', plaU» siu* la poitrine et ou-
vrant devant avec une rauj'/vdelKHitons.
est tonjoui s \c vêt» nient »le pn-thUvtion
pariv qn il est le plus ix>mmode. Xjc ve-
loms non n'est pis rt''S«Tvé seulement
|Hnir l'hiver; mais bicntùl il faudra lui
154
substituer les piqués de coton, le nankin,
et les étofl'es plutôt unies quV'eossaiscs
qui auront la vo{;ue cette année. Les
jambes doivent être nues entre le panta-
lon blanc très-large, riclienient brodé par
le bas, descendant un peu au-dessous du
genou, et les cbaussettes rayt'^es qui sor-
tent des souliers à (;uètres. Le clinpeau
de leiitrc gris sera aussi renij>lacé pro-
cliaineuient par le cbapeau de paille, en-
touré d'un velours uoir.
Les premières conuiumiantes portent
celtt^ année des robes de mousseline ornées
d'un large ourlet montant presque jus-
qu'au genou ; au-dessus de Tourlet il fnut
faire de quatre à cinq petits plis; quel-
ques confectionneuses remplacent les
j)lis ])ar quatre ou cinq rangs de petite
dentelle très-peu coquilléc. Le corsage est
montant et froncé. Autour du cou, deux
rangs de dentelle basse tuyautée ; manclies
en entonnoir terminées par un large our-
let ; au-dessus de l'ourlet cinq petits plis
ou cinq rangées de petite dentelle, sui-
vant C ornementation du bas de la jupe.
Les sous-mancbes en mousseline sont
froncés et se ferment par un poignet uni
ou brodé ; point de manchettes. De même
que Tannée d(Tnière le boimet, en tulle
illusion, est recouvert d'un voile en mous-
seline aux coins arrondis; l'ourlet qui
l'entoure doit être large. Tu peux recou-
rir, pour la coiffure, à notre planche de
1S-J9.
Les voilettes sont remplacées par de
grands voiles brodés en plein et entourés
d'une bordure. Je t'ai envoyé au mois de
mai 1849 une bordure charmante avec
son plein, et quia été levée sur une vé-
niable dentelle. Brodes-la en reprise
avec du fil plat; le fd qui forme les con-
cours doit être assez gros pour les bien
dessiner. Regarde, d'ailleurs, comment
est faite une véritable dentelle, et copie
soigneusement; avec du fil fin tu brodes
en reprise Vcritoilage de l'intérieur des
fleurs et tu fais les points de dentelle sur
le tulle même.
Si, pour le jardin, tu préfères à un cha-
peau de paille ime coiffure plus légère,
fais une câline en jaconas imprimé. Relis
l'explication que je t'ai donnée pour la ca-
liiK^ en velours, du mois de mars dernier..
Lst-ce fait? Eh bien! prends ton jaco-
nas inq^rimé, coupe un lé de 37 centi-
mètres ; sur la largeur de l'étoffe , enlève
une bande de manière à ce qu'il ne reste
plus que de G 4 à G 5 centimètres d'ampleur.
Arrondis le devant de la câline de chaque
côté des joues. Double ce devant avec du
jaconas ])arcil, sur une profondeur de
1 8 centimètres. A présent forme dans ce
devant doublé huit coulisses larges cha-
cune de 5 centimètres ; ces larges coulis-
ses partent du fond de la câline et abou-
tissent au bord du devant ou passe. Tu
glisses dans chacune un morceau de car-
ton mince et lisse portant un peu moins
de 5 centimètres de largeur et un peu
moins de 18 centimètres de longueur;
arrête des deux bouts par un point de sur-
jet ; tu as la passe d'une espèce de ca-
pote. Ferme le fond par-derrière comme
pour la câline de velours ; fais une cou-
lisse dans le bas, par-derrière, de manière
à te donner un bavolct; passes-y deux
rubans ; attaches les brides, et, si tu le
veux, garnis la câline tout autour d'un
bouillonné en pareil, ou bien d'une
étroite valencienne peu coquilléc. Cette
espèce de capote se plie et se met dans la
poche, de sorte qu'on l'emporte avec soi
à la campagne, sans (ju il y paraisse; rien
de plus léger , de plus commode, et,
ajouterai-je, de meilleur marché. Tu
peux, si tu le préfères, te servir de ba-
tiste écrue ; mais le jaconas imprimé est
plus convenable.
Tous les dessins que je t'envoie s'expli-
quent, pour ainsi dire, d'eux-mêmes; la
dentelle n» 1 , la serviette n*> 2, sont très-
faciles à copier. Arrêtons-nous au n" 3.
155
Il te faut, p >iîr un sac, 1 bobine de
soie noire, 1 de soie jaune pâle, et 2 de
soie bleue ou cerise, à ton choix, puis
des anneaux en laiton comme pour la
Ijouiso duchesse.
IVeiids un de ces anneaux et recouvre-
le au point de crochet plein en soie jaune
j)àle, rloilc A.
Prends un autre anneau et recouvre-
le de même, mais en soie noire, étoile B.
J^ première ranjjée de mailles co-
lonnes doit être faite en soie cerise, si
lu as choisi cette couleur; la seconde
ranf»/'e de mailles pleines, en soie de la
même eonlenr que celle qui intoure
l'anneau du milieu; la ran^^ée extérieure
à «lents, mailh's colonnes, en soie cerise.
Tu alterneras A et IJ. I^e sac se com-
pose en hauteur de o étoiles; il en faut 10
pour lui donner la largeur convenable.
1/intcrvalle, (jui S('pare quatrede eesétoi-
les, se renq>lit par un moulinet en soie
noire, ainsi que le le montre le dessin.
Tu termines le sac dans le haut par
quatre ran{;é-es de crochet carré, en soie
eonlenr cerise. La ]^remière ran^jée de
dents en points de colonne se fait avec la
soie noire ; lu la bordes dune ran{;éc de
mailles j)leines en soie jaime pâle. La se-
conde ranjjée de dents en mailles colon-
nes se fait avec la soie cerise, et se borde
éjjalement d'une rangée de mailh's plei-
nes en soie jaune pâle.
Tu passes dans la première ranjjée de
crochet carré, en partant des étoiles, une
j;anse de soie où se trouvent mélan;;érs
les trois couleurs emplovées pour le sac,
et tu garnis ee*lui-ei, de ehacpie c<*)té tle
l'ouverture du huit, d'un {;land dans
Kquel se retrouvent ces trois couleurs. I^\s
deu\(;lands doivent être aussi lon(;squ(*
le sac Uïême.
Le u" 1 se broile à l'anclais*» sur ja-
connas ; tous à jour, les olives Iwrdt^s^
*«>Mnne W le montre le dessin <jui est
eharniAMt exécuté-.
Les n», 5 et G sont le devant et le dos
d'une robe en gerbe. Le patron est ici
réduit au cinquième, et excellent. Tu
fronces les épaulettes par-devant ; le »los
et le devant se froncent au bas de la taille
et se montent sur une ceinture lanje de
de deux doigts seulement.
Voici trois jolis dessins pour bouton-
nières de chemises d'hommes, n** 8, 9
et 10, et tm joli coin de mouchoir n' Il
tout en boutons de roses.
C'est au point de chaînette et sur ca-
chemire que tu brotleras le brodequin
d'enfant, n''* l2 et 13. I>a broderie doit
trancher avec la eoultur de l'élofle ;
beaucoup de personnes enq)loient de pré-
férence la soie blmchc sur toutes les
couleurs possibles. Le graveur a oublié
d'indiquer à droite du n" 12 les l)outon-
nières; mais la place des /fort/om étant
indiquée à |;auehe, tu sauras bien les es-
pacer convenablement.
Puisque tu ne réussis pas à Tiire tenir
ton décalque sur étolTe en ponçant avec
du blanc d argent et de la sandaracpie, il
faut pren<lre le parti de repass* r sur le
poneis au pin<'eau. Pour faire le |>oneis,
écrase et réduis en poussière impalpable
sur du marbre ou sur un morceau de vi-
tre, du blanc d'Espagne ou de la craie ;
un hajpnent de marbre peut t«* s«*rvir de
mnlritr pour cette o|H''ralion. Forme une
sorte tl'estompe avec une bande de feu-
tre roulée sur elle-même ; prends de
cette ]Kiudre en quantité sullisanle , cl
frotte avec cette estonq>e tout le d«-ssin
soigneustMuent pi«pié- , après que tu l'as
]>ose sur l'étolVe): délaie ensuit»* du blanc
d'argent dans de l'eau où tu as fait fondre
de la gonune arabique eu |Hnidre, en y
mêlant un |M'u d*eau-«le-vie ordinaire ou
d'r.ui-tlc-vie de lavande; prends un pin-
; ceau; essaie si ce m»*la«ige me ^/ bien sur
I rétolVe, sans fain^ de intiu/rs^ et avec ton
pinceau n*|visse sur tous \cs traits du |x>u-
1 cis. — P«>ur ixmci'r et di*S5iner sur étoile
156
blanche^ ivduis on ]iou(liv iin]>alpable sur
le inaibiv, Je l'intli};o au licni àv ciaio,
rt fais foiuhv rnsuili' dr rindi}',o au liiii
ilo Itlanr trar|;tMit, dvins *\c l'eau {join-
nuV, nièléo d'eau -tle-vie.
Tu trouveras au u" li un patron de fi-
(dius ]>c'lerine à pans pour entant, rédue-
tion aneinquiènie.lA^ toutse faiten uious-
si line hrcnlée au ]>t)int de eliainette et à
rainaj^e. Tu [;arnis la pèlerine et les deux
pans, qu'on noue par-derrière, d'un rang
de mousseline pareille, iestoinié; ce vo-
lant doit être brodé et festonné si le corps
est en mousseline unie; un second vo-
lant se place au contour intérieur que
te montre le dessin et sinude une seconde
pèlerine. Il ne faut pas donner plus de 3
centimètres de hauteur à la garniture.
Le n"^ 1 ô est le devant d'une guimpe à
plastron. Ce riche dessin se brode au plu-
metis. Le coin des fleurs , à jour avec
points de dentelle. Le n° 16 est l'entou-
rage du cou par-derrière.
Je t'en(jage à faire en papier rose la
pivoine pour l'exécutiou de laquelle je
t'envoie les patrons n°» 1 7, 18, 19 et 20.
Découpe huit ])étales sur le n° 17;
douze pétales sur le n** I 8 ; huit ])étales
sur le n° 19, et, en papier vert, une fois
seulement le n" 20.
Tu gauflres en creusant avec un étui
ou avec l'outil boule sur ta pelotte , les
découpures de chacun des huit pétales
11" 17, quatre doivent être creusés en
didiinsj quatre creusés en dehors^ puis
tu les roules en forme de cornets.
Gaullre de même les découpures des
douze pétales n'^ 18, de façon à renverser
ces découpures en dehors. De même pour
les huit pétales n" 19.
Les deux parties du n* 20 doivent être
creusées profondément en dedans.
Roule un peu de coton vert, en carde,
à l'extrémité d'un fd de fer recoiu-bé en
crochet; étends de la gomuie sur ce cœur,
et, avec de la soie, attache 1 un après
l'autre tout autour les quatre ]K'tales
n" 17, gaullrés m dedans. Attache en
second rang lis (piatre pétales n" 17,
gaullrés m dehors. Tu montes de même
sur deux rangs les douze pétales u* 18;
de même eueore les huit jH'tales n° 19 ;
aie soin d'alterner de façon que le uii-
lieu d'un pétale enveloppe , pour ainsi
dire , les bords des deux pétales de la
rangée précédente. Enfde les deux sépa-
les n" 20 qui forment le calice, et colle-
les à la ileur avec un peu de gomme.
Yoilà une pivoine rose épanouie.
Si tu veux en faire une à demi épa-
nouie, quatre pétales n* 17 te sufliront;
tu les creuseras m dedans, tu entoureras
le cœur avec ces quatre pétales; puis tu
gaulTreras en dehors quatre pétales n" 1 8.
Il faut, avant de les monter, les rouler
tous en cornets plus serrés que pour les
fleurs épanouies. Les sépales du calice
Ug 20 envelopperont le dehors de cette
espèce de bouton.
Léopold vient de se marier. C'est à
moi qu'd s'est adressé pour la corbeille
et pour l'ameubleuient. Il jouit, tu le
sais, d'une certaine aisance ; mais la jeune
fille qu'il a épousée ne lui a apporté
qu'une très-petite dot. Il fallait agir en
conséquence.
Nous avons fait choix chez Tahan
d'une élégante table à outrage destinée
à servir de corbeille, c'est-à-dire à ren-
fermer un des beaux cachemires français,
longs, qu'on ne troure qu'au Persan, rue
Richelieu, ensuite une grande pointe en
dentelle de laine blanche. — Col et man-
chettes en dentelle. — Berthe en dentelle.
— Une robe de moire grise pour les vi-
sites. — Une robe de popeline couleur
écrue. — Chez M'"*^ Perrot , nous avons
fait emplette d'une très -jolie guirlande
en roses blanches et boutons de fleurs
d'oranger, avec le bouquet pareil. — Chez
Prévost nous avons acheté un évc-t-id
monté en nacre. — Un flaco^i. — Des
\
r> i
liants. — Dp là, nous sommrs all«'s clior-
clirr clioz Gillon un cliarinant bracelet
vu rinail , cliaînc et croclict; une tiès-
jolie broche en ramée animé; ceci est
tout nouveau. I.a couroiuie en petites
fruilles et la draperie de la tête du cauit'e
forment un relief de couleur, relief ad-
mirable. — liièvuet iious a donne' une
cliarmante et excellente petite montre. —
Knfin , Léopold a choisi lui-mèuie une
bourse eu soie blanche et acier, <Wu\
(jont exquis , et il l'a remplie de pièces
d'or.
L'appartement «si bit petit. ^|(JUS n'a-
vons pu trouver place dans l'antichambre
que pour une banquette formant coffre
à IkjÏs et pour une armoire à portes
pleines en uover.
I^a salle à manj^er a étt' bientôt meu-
blée avec \\n bullet à étagère, \\\\c table
ronde et douze chaises, le tout eu aca-
jou; les chaises sont garnies eu caime;
sur ré'taj;ère des grès artistiques et des
porcelaines.
Le salon s'est trouvé ])lein avec deux
causeuses, six fauteuils, six chaises, une
table ovale au milieu , uue table à jeu ,
et uue étagère à glace entre les deux
fenêtres. Le bois des meubles est en
palissandre, stvic Louis W ; rélolle,
pareille aux rideaux, est en dauias de
soie rouge. Doubles rideaux en mousse-
line brodée, et stores pavsages. Sur la
cheminé-e une pendule sinqil«" et de bon
|,()ùt, en bron/.e avec les candélabres pa-
reils, de chez (lolas et Harlx-dienne.
La chaud>re à coucher est charuiante.
Llle est toute eu toile de Pc'rse; papier
de cluz Cuulat-Simon , pareil aux ri-
deaux ; doubl(*s rid«-aux eu uiousseline
buMiée. Armoire à (;la«"e, lit à baldaquin,
deux fauteuils Voltaire , deux chaist^s
ehaunéuse5, six p4>titeschais(*s,ci)nuiiude
formant s<erélaire; tt>ul tvla est élégant,
joli et Irais lonnue la n«)U\elle niariév ;
Leroy et (!an<lrelier avaient été eharj»i''s
de fournir rameublenient. Le cabint t de
toilette contient une armoire à liiige et
une table toilette , ornée de ridt aux en
mousseline brodé'e. La nouvelle mariée
les remplacera sans doute bientôt par
des rideaux en tricf>l , avec dentelle au
point de cnx'hel, et elle fera, je l'espère,
d'après le dessin de notre journal , au-
quel elle est aboimée, un joli couvrepieil
en crochet carré. I^a pendule de la cham-
bre à coucher est en porcelaine de Sèvres,
genn^ Pompadonr^ avec petits flambeaux
pareils; i\v\\\ lampes montées sur des
vases en j)Orcelaine , eonipletent la gar-
niture de la cheminée. J'oubhais de te
dire que, dans la corbeille , nous avons
placé d'élégantes passementeries chez
Uiehnet-Havard, et des dentelles de laine
de couleurs ass*jrties aux robes de moire
et de |>opeline. Les dentelles de laine
dans toutes les nuances possibles sont
les garnitures ob/ifjér des robes d'étoffe.
Les tafletas chan^rnnti ont irmplacc
les tafletas {;lacé*s. On fait aussi des taffe-
tas imprimés en ramage de branches et
de fleur<tt«*s ; ])Our ces rol>es-là, des vo-
lants avec guirlandes courantes sont pn^
parés. C'est de la nouveauté, mais ce
n'est pas joli.
Mon oncle vient de me donner un»*
a^uvre d'art, h f'iffgr aux roses dessinée
et gravée d'après I^* Dominiquin |var
M. Leroux, avec c«*lte 1«y,<^hiI<' : •^<' fème
lie ri)st'.i /r cfirnrn qui mrnr nu ctrl. Mon-
seigneur de Paris a adirsso à l'artiste,
si ilislingué, la lettiv la plus flatteuse au
sujet de l'hounuage res|>ectueux que ce
th'rnier lui avait fait de son nruvrr ; dans
cette httn" il est «lit : - Xa' choix tin sujet,
la puret»' du burin, le fini de l'i-xéeulion,
tout u»e parait admirable dans cet ou-
vrage. Je le n*coiuman«leral avix* enq^res-
sement. tant je dt^irr qu'il soit connu, cl
il ne tiendra pas .^ moi que cette gracieuse
image île la tii-ssainte Vier|;e ne déxx^n^
tou'i 1' 'i nrifi/nci ef n.- figurc (laus l(^ ha-
158
bltations dos familles tle mon diocèse. »
Celles de nos jennes amies qni von-
diont possédtu- la f'irrgc aux roses, si
di{;iie sons tons les rapports de la liante
approbation accordée A cette nonvelle
(vnvrt^ de Inu de nos meillcnrs artistes,
penveiit s'adresser soit à notre bnrean,
soit à 31. Leronx Ini-mème, 1, place de
1 Kstrapade. Le titre {\.\ihonncc au Journal
(les Jeunes Personnes, leur assure des
épreuves choisies, et une remise sur le
]n\\ qni n'est pour elles que de 2 fr. à
Paris.
L'espace nie manque pour te donner,
chère amie, quelques pensées en italien.
Nous n'avons reçu que deux traductions
de nos citations en anglais. Nous enga-
geons nos jennes amies à comparer leur
travail avec celui de Mlle. A. Montmoret
que voici ;
TRADUCTION.
ï . — Nous ne comprenons aucune épo-
que du monde qu'à demi si nous n'en
étudions pas les fictions; il y a autant de
vérité dans la poésie de la vie que dans
la prose.
2. — Les passions, semblables aux
vents, ne se font sentir que lorsqu'elles
s'agitent : invisibles, leurs effets seuls les
révèlent.
3. — Ce n'est qu'en traversant l'ad-
versité que nous apprenons ci réfléchir;
car le miel de la sagesse humaine ne se
recueille pas sur des fleurs, mais sur des
épines!...
4. — IMieux vaut semer le bienfait
dnns un noble cœur que du blé dans un
ciiamp, car la moisson du cœur estéter-
nelle.
i'). — Nos pensées, semblables à des
nonnes, ne devraient point se montrer
aux yeux du monde sans un voile.
G. — Ln solitude est devenue pour moi
ce que, pour la tortue, est son écaille ;
elle est mon égide, elle est ma vie!
7. — Il me semble que chez l'homme,
l'ànie comme le corps fut créée pour
marcher droit et re{j;arder les cieux.
8. — Le bonheur et la vertu réagis-
sent Tune sur l'antre. — Les bons sont
non-seulement les plus heureux, mais les
heureux sont généralement les meilleurs.
9. — La honte ne réside pas dans la
perte de l'estime d'autiui, mais dans celle
de notre propre estime.
10. — Les longues distances éteignent
tous les faux éclats, et ne laissent sub-
sister que les vérités. — Dans cette salle
du festin d'hier, les lampes se meurent ;
mais à mille ans de nous, les étoiles que
nous contemplons ce soir, brilleront aussi
piues.
11. — La nuit, selon une croyance
égyptienne de l'antiquité, est la sombre
mère de toutes choses ; les siècles, en s'é-
loignant d'elle, approchent de la lumière.
Puisque nos recettes c/^/Z/îo/r^* te plai-
sent tant, en voici quelques-unes.
Adieu et aime moi.
Annica BmCOGNE.
ART CULINAIRE.
Epigramme cV agneau, — Entrée.
C'est, je t'assure, quelque chose de très-agréable
k l'œil, à l'odorat et au goût qu'une épigramvie
d\t(jneaH. — Prends un des quartiers de devant
d'tm agneau, et fais trois parts de l'épnule, des cô-
telettes et de la poitrine. — Lrs côtelettes se panent
et se mettent sur le gril. — L'épaule doit être rôtie
et accommodée ensuite en blanquette. — Quant à
la poitrine, tu la fais cuire dans le pot-au-feu. Dès
qu'elle est cuite, retire-la. Tu l'aplatis entre deux
couvercles de casserole, et ensuite lu la découpes
en forme de côtelettes. Tu te sers des petits os que
tu relires de la poitrine pour les piquer dans le
bout pointu des morceaux que tu viens de décou-
per ; celte façon achève de leur donner Vapparence
de vraies côtelettes. Tu panes deux fois ces fausses
côtelettes avec de l'œuf battu, et tu les fais frire.
Ces diverses opérations doivent avoir lieu presque
en même temps, car, lorsqu'il s'agit de dresser ton
epigramme, il faut entourer le plat en couronne,
et alternativement, avec les côtelettes grillées et les
morceaux de poitrine frits; tu verses au milieu la
fricassée faite avec l'épaule. Mon onclo u'aimo l'a-
gneau que préparé de celte façon.
lo9
Lapcrenuj: confits. — Hors-dNruvrc.
Cest ma taule qtii m'a euseigné a préparer ainsi
«1rs lapereaux. — Quand ils sont dép»juilles et dés-
ossés, on les pi(|ue avec des lardons de lard et de
jambon cru. 11 faut mettre dans t'iniérieur du sel,
des épices, les ruuler serrés dans leur lon^^ueur, les
liceler, puis les mettre dans une ca>serole a\ec de
riiuile, du sel, des epic» s, du lautier, du thym et
du basilic. Fais cuire pendant une In urc a feu
doux, sans laisser bouillir, 'lu auras soin de les
retourner de temps en temps pour qu'ils cuisent
«*;;alemenl partout. Tu les retires, et tu les laisses
c'^outter jusqu'au lendemain. Alors tu les pares en
enlevant les liceiles, tu les divises par tranches éga-
les, el tu les places dans de petits pots que tu rem-
|)lis de bonne huile. Lor>(jue tu veu\ en servir sur
la table, tu coupes en rouelles minces les morceaux
que tu retires du pot, tu les dresses sur une as-
fiette. tu les entoures de persil haché, et tu les ar-
roses de leur huile.
Gâteau de ponu/ics. — Entrcmcls sucre.
Il faut prendre douze belle.* pommes. Tu en ôte-
rns les ccrurs, lu les couperas par (juartiers et tu
les feras fondre (ou cuire) sur le feu avec le reste
d'un citron et un peu de cannelle. — ra.<!s« au ts«
mis. Tu remets ensuite cette marmelade dans la
ca>seritle avec une cuillerée de fécule, 125 gramm.
(demi-livre) de sucre râpe, et 62 grammes (i onces)
<lc beurre bien frais. I.ai<se mijoter et réduire. Re-
tire du f«u. Quand la marmelade est froide (ne la
laisse pas refroidir dans la casserole, au moins!), il
faut y mêler six œufs. B» urre un moule; verses-y
rappircil, et fais cuire au bain-Marie pendant une
d.-mi heure, renverse sur un plat, et sers chaud.
Ile /luttante. — EiUroiiicts sucré.
Huit ou neuf belles pommes suffiront pour te
donner un joli plat. Tu les fais cuire a Teau iM)uil-
l.iTite. Quand «Iles sont refroidies, passe-les au ta-
mis, et Diéles-y de beau sucre en poudre (la quantité
suivant Ion goùl) Tu bats ciiu) blancs d irufs avrc
une cuillen-e d'eau de rose. Feu ii peu, lu mêles
ces bl.iiirs d'u'iifs battus avec les pommes, en cou-
llnuaiit de battre pour rendre le tout bien léger. Tu
AS préparé sur un plat une belle gelée aromatisée il
la roRe . tu «Iresses alors celte mou.^se au milieu du
plat en Ur Jluttante. — Tu pourrais encore te s« r-
vir, pour faire une ile Jl<ttitntf, de blancs d'n-ufs
battus en neige avec de la geU«e de gr«»seille, couiinr
nous l'a enseigné Caroline (t), et ^ervir sur unu
gelée de pommes.
/:t()//'ts (le laine et de soie.
Il faut nettoyer non rol>rn de laine avant <juc de
leur dire iidifii pour jusqu'à l'hher pri»ch.iin , p.is
»i prorhiiin, heiireUNeiiient ! et |>our Ceci II faut les
(1)T. III du la l'iéiW, p. 341.
défaire, ainsi que celles de oos rot>es de soie qui ont
l>»'Soin de subir la même opération :
Prends JtOgr - ' i-' bonne eau-de-v ic ;
155 gi . «avon noir,
et tsc grammes ( 6 oncrs) de miel. — Tu mêles
ces trois choses ensemble jusqu'à ce qu'elles for-
ment «ne s^irte de pâte liquide et bien hee. Étends
l'étoffe, lé par le, sur une talde recouverte d'un
drap plié en plusieurs doubles Tu t'es munie d'une
bros*e douce ; avec la brosse tu prends un peti de
cette pite et lu l'etends sur l'étoffe avec soin, de
haut en bas. I.ors^iue l'étoffe a été bien impreign^
partout de cette p."\»e, lu la rinoes sneressiveroent
dans tniis eativ différentes, sans li tordre, sans
l'etreindre en aucune f.icon ; puis tu l'elends sur
une corde et lu laisses écou!<'r l'eau.
Il faut aitarfurr la /«ine, mais on rep-tts" la tfu
avec des fers un pe»i chauds, et lorx|ue l'une ou
l'autre est a demi- sèche.
Explication de la plaixchc de Broderies,
(rETITE ÉDITION.)
>'o 1. — Dentelle au point de crochet.
N" 2. — .Serviette de dessert, crochet carre.
>vj 3. — Sac au iKuiit de crochet.
Ko 4. — Dessin de col, brod'-rie anglaise.
No« 5 et 6. — Patrons d'un corsage en Rffbe, ré-
duction au Cinquième.
N* 7. — Enlre-drux, p!umetis et feston.
No« 8, y et 10. — lioulounuTCs.
R* 11. — Coin de mouchoir, a broder au plu-
nietis.
N"* 12 cl 13. — Brotlequin donfanl.
(gr.\m>b Édition.)
IS'oU. — Fichus-pelerine a pans, pour enfant;
réduction au cinquième.
Ko* 15 et IG. — (Guimpe a plastron, broderir au
pliimeti.s.
>o« 17, IS, |9 et 20. — Patrons pour faire une pi-
voine en papier nise.
No il. — Passe pour un chapeau, la forme rsl
peu différente »le celle qu'on a portée CfX. hi*rr. Tu
d«)nneris au bivolel 8 centimètres de hauteur el
57 centimètre» d'ampleur; le bavolel a une lèle d«
2 centimètres. Il présente par-<lerriere, quand il r>l
monlé, la f«»rme tl'un f«r a cheval. On met Wmi-
coup de fleurs des champs sur la forme et ru-de«-
sous de la passe. Les rose» sont préférables piMir
les rhapeaiix eu crêpe H.inc. Je ne tr parlerai pAs
de- ^
de .
pas au\ Jetines prcMMine» Il y a une gran<le varirlo
dans les tissus de p.iille ri dans 1rs driL^ins des ru-
bans. Jusqu'à pn*seul rim ne domine posllhr-
menf.
K« fi. — D«-s«in et iviln>n pour le dtH du c-»or-
ïoM tliHit Je r.»l ei^ roi* passe.
N.*i3 el ii. — l. . .^ ^. •rieansUbr.
K» i5. — Kntre-deux au plamrlia.
N* i7 |H)ur le cuin d'un mOMboIr, bro-
derie au
-I
160
Explication de la planche de Patrons.
PETITE ÉDITION.
J'ai donné l'an dernier à nos Jeunes amies un
patron de corset; en voici un autre pour Illicite de
douze à quinze ans. Cet excellent patron sort des
ateliers de Mme. Pousse, et l'on pfut tros-aisément
l'ajuster a la taille d'une jeune personne. Il faut
ajouter au dos.'soit ce (ju'on appelle un dHaçaye,
soit une bamle d'étoffe «garnie du'illets en laiton.
Le gousset maicjué B s'ajusie au point du devant
raaniué B. Devant, l'élui A, destine à la baleine, se
continue sur le gousset marqué A. Le buie est
remplacé, sur la poitrine, par un élastique large de
4 a .■> centimètres, à partir du haut jusqu'à la flèche;
le reste, de la flèche au bas du corset «e compose
d'iuie bande de coutil de même largeur que l'élas-
tique. De chaque coté on pose un ressort en «cier.
le trait ponctué en donne la largeur et la place;
d'autres traits indiquent l'endroit où l'on fait des
étuis pour l«s baleines.
Je n'ai pu donner que la moitié de la passe du
chapeau ; mais il est facile de tailler double ce pa-
tron.
(grande Édition.)
Dessin et patron d'un kadaveika à broder sur
mousseline.
Je n'ai pas pu trouver place pour te donner le
de^sin tout entier du kadaveika; mais le dessin du
devant l'aidera à le compléter. Tu porteras le
bouquet de la grande dent h côté de celle man^uée
C, fti fe retournant, dans la dent marquée D ; tu en
feras autant pour broder le tour au bas du dos. Lis
attentivement les indications tracées sur le patron ;
suis les contours indiqués par ces traits --et ces
petites croix +, et, comme toujours, commence
par couper un patron en grosse mousseline que tu
ajusteras à ta taille avant de couper et de dessiner
la mousseline destinée au kadaveika.
Le bas de la manche pagode , ou à entonnoir,
doit élre brodé de même façon que le tour de ce
par-dessus. La dent niar(|uée C, répétée autant de
fois qu'il sera nécessaire, te servira pour les man-
ches. Tu feras les feuilles du semé et des dents au
plumetis; les grappes en œillets, largement brodés,
et au point de feston. Il est bien entendu que 1«
semé doit être reproduit sur les deux manches. —
Ce dessin est très-riche, très-beau. — Tu peux en-
core te servir des grandes dents pour festonner un
kadaveika «n soie ou en toute autre étoffe pareille
à celle de la robe que tu achèteras; mais dans au-
cun cas ce par-dessus ne doit trop marquer la
taille; il faut le faire un peu flottant.
Les bouts de manches pagodes, ou plutôt a sabots
ou larges volants, partent du haut du bras. S'ils
sont en tulle, tu les garnis par le bas de deux
rangs de haute dentelle avec entre-deux en dentelle.
S'ils sont en mousseline, l'cntre-deux est brodé au
plumetis, et les volants brodés de même sont fes-
tonnés. Je t'ai envoyé, dernièrement encore, une
multitude d'entre-dcux et de bandes avec feston;
tu n'as qu'à faire un choix.
LES JEUX DU SPHINX.
ENIGME.
Honneur soit à celui qui me donna naissance I
Si ce fut un tyran il n'en a pas moins fait
Un utile présent au royaume de France,
Oii chacun applaudit à son rapide effet.
Grâce à mes soins constants, rapprochant les familles,
Je sers avec ardeur leiu'S plus chers intérêts ;
Aussi voit-on souvent les femmes et les filles
Confiantes en moi me livrer leurs secrets.
Mais sous ce beau côté si vous pouvez me prendre,
J'en ai d'autres aussi hasardeux à saisir :
Par exemple celui qu'on vous force à défendre
ÎMalgré mille dangers sous peine de mourir;
Celui que vous pensez devoir vous satisfaire,
Et qui, prétendez- vous, comblerait tous vos vœux.
Ah I croyez-moi, lecteur, restez dans votre sphère.
C'est le plus siir moyen d'être toujours heureux I
GUERNU.
L« mot de la charade du numéro d'avril est ceiif-volant.
i61
ÉDUCATION
a3i2;â'ji>jî ^^\s :iîsD3i^ii3.
Lb Boxhelh.
l/antl(init«'' tout nitlèrr a dit (jue le
luit di' rcxistciice Iniiii liiu* t'tait \c boii-
licur.La souveraine iVliriu' sVstpiésontéc
aux aneiens sous toutes les formes, tan-
tôt nobles, tantôt plus ou moins niaté-
rielles, mais l'itlée de la cluMelier a tou-
jours dominé. De notre temps on essaie
de ressusciter ce [^cuve de philosophie,
sous le nom assez équivoque d'utilité; on
prétend n»cme donner le soin du bon-
heur pour fondement à la morale. CejKMi-
dant le trait saillant comme le tiait
sjblime du chrislianisme, c'est d'avoir
pro|)osé un autre but aux hommes que
celui de la félicité ici- bas.
Que nous dit la relij^ion chn'lienne
dans le lanjjnj^;»* quelle a consacré .' Elle
nous dit : «< qu'aidé du secours céleste,
l'houune peut, dis cette vie, conunencer
à rétablir tlans son âme l'imaj^e elVacée
de la divinité, et que s'il renq)lit les con-
ditions inqu)sées tl.ms 1 Kvan^ile, eoudi-
lions dont raeeonq)lissement tend à pn-
rilier son co'urde plus en plus, la {;rande
expiation, olVerle |H>ur S4S ollenses, lui
assure le salut éternel ou la réunion avec
Dieu dans une auliT vie. •» Cette doctrine
n'est antre elios*^ que la perfection pn)-
mis«* pour n conqu'us»' » 1" iivre du p«'r-
feetionnement.
Si l'on s'exprimait avec une ri';ueur
Aucun des nrllclos inMift rontenuA dan.^ ce
rccuoil ne peut être reproduit, «ans le con»cn-
tonirnt foiii! .tours, tout peine de pour-
SUllC- «Ml Ooi ' ( 1.
Il» Si:i\iL Tome IV. N» n. -
que ne permet guère l'usage ordinaire,
jx*ut-étre trouverait-on qu'il v a quel-
que chose de faux et de contradictoire
dans l'idée que nous sonunes obligés de
nous former du bonheur. Que ce soit une
situation exempte de prines, cela va si!i>
tlire; mais puiscpi'un désir non s;iti>fait
est déjà une jH'ineque l'imagination pt^ut
{jrossir à son gré, on est forcé d'ajouter
que c'est un état où nos vœux sont com-
blés. Or, cet état serait Histidieux à la
longue. Il n'y aurait plus de motif [>our
agir, et nos forces resteraient oisives.
Nous avons des facultés qui demandent à
être exercées, et loflice de riinagination
est de susciter quelque désir capable de
les mettre en jeu. .Nous st^mmes donc
laits pour former dt*s vonix, c'est p^^r
nous l'étal de santé morale. Noiiv .i
S'élance en souhaits, connue la sève d'un
arbre vigoureux s'élance eu rameaux.
Point de botdieur s.'ins activité, |HÙnl
d'activité s^ms but, et qui dit but, dit un
objet qu'on voudrait atteindiv et qu on
n'a pas encore atteint. La suprême fé-
licitt* serait donc ici-bas un état où il
nous man(|uerait quehpie chos*», ce <pii
est .ibsurde.
.^lais siée mot n a piN d- mmis absolu,
il en a un |Kir eonq- ;. Noliv sort
|X'ut s'améliorer, le stnitiuieul de l'cxis-
teuee |Mnit devenir plus animé et plus
agivabh*. (^)uantl cela nous arrive-t-d .'
(Test qu mil nous croyons avantvr tcis
le tenue île u«»s vœux; e*e>t quaiul le
Jil.x 18:)0 G
102
luoiivouuMit moral est soulcim par Trspr-
rancc. Les objets 1rs j^liis cU'sirables do
celle espérance en contiennent en\-
nicnics d'antres en {;cnne, ils transpor-
tent la pensée an-delj i\e Icnr ]iosscssion
et la font avanciM' ]ilns lapidcnient dans
la route cpielle s\\st frayée. Le savant
s'attache à découvrir telle vérité qui jclte
du jour sur une autre pîns J^éni^rale ;
rijonnne charitable voit dans le bien
qu'il opère le connnenci nunt a un bien
plus p^rand : toujours il v a de l'avenir
dans les jouissantu'S qui répoiuu nt à
notre attente. S'il en est autrement, le
plaisir de les avoir obteiuies no vaut pas
celui de les cliereher.
Le bonheur, tel qu'on peut le conce-
voir ici-bas, n'est donc pas une situation
arrêtée; c'est une uiarclie, c'est l'état où
lin mouvement doux et réj^ulier est sou-
tenu en nous par l'espoir. J^orsqu'on
s'avance vers un but bien choisi, on
exeice des facultés qui, retournc'es en
dedans, nous touinienleraient ; on jouit
]>ar anticipation du monient de l'arrivée
et CMJin on a la vive satisfaction de ce
nionu lit. îMais s'd ne renaît pas de là
(pieKuiautre iiitéièt , quel([n'alinient
noTiveau ]ionr r.'.ctivité de l'àme, notre
situation n a pas beaucoup f;agn<'.
Jj'art dètic heureux est donc celui de
distribuer l'cspi-rancc sur toute la \'u\
de lui faire toujours reprendre son cours.
Le sort le plus envial)le est celui où Ton
a en perspective une suite de buts, tous
assez acc?"ssibies jour qu'on puisse y
marcher avec calme et confiance, mais
dont les plus éloignés sontles plus dijj,nes
de nos vœux. Alors aucun de nos pas ne
nous semble perdu, nous supportons
gaîment les fatif],ues du voyaj^je, et l'a-
venir s'offre à nos regards sous un aspect
riant et favorable.
]\{me ]Ve(jkER DE SaUSSUKE.
DÉVOUEMENT ET RESIGNATION.
RECIT.
— Tu as beau dire, ma chère îMarie !
disait Elisa de Montvilliers k sa sœur,
faire sa volonté est toujours ce qu'il y
a de meilleur au monde! Eiisa avait
seize ans ; sa phvsionomie animée expri-
mait l'insouciance de son âge. Elle offrait
iiu contraste frappant avec ÎMarie , dont
la figiue réflf'chie était empreinte d'une
douce mélancolie. Quatre années n'a-
vaient pu art'aiblir, malgré sa résignation,
la douleur où l'avait plongée la mort de
sa mère.
•— Faire sa volonté ! répéta Marie en
regardant sa sœur avec une afl'ectueuse
tristesse; tu ne crovais pas que ce fût un
si grand bonlicm-, après aroir lu Lr par-
clininn du docteur Maure ( 1 ) ; tu avais
reconnu le contraire, il me semble ; t'en
souviens -tu?
— Ah ! oui , c'est vrai....
— Connue cette histoire m'a rappelé
les conseils de notre pauvre merci repiit
ÎMarie. Avec quelle profonde conviction
elle m'entretenait de l'heureuse nécessité
où nous sonunes de remettre entre les
mains de Dieu nos désirs, nos espérances,
en cherchant premièrement à connaître
et à accomplir sa volonté I « Confions-
nous en la Providence, me disait-elle
souvent, sa divine bonté saura diriger
(I) Par Emile Souvcstrc, Journal des Jeunes
Prr'<n)inrs^ t. II ûc l;i î" si'iio, ]). 4i.
I«i3
toutrs ( lios^\s (le la mniiièrr la plus avan-
tageuse pour nous, nialj;!»' les apparences
qui peuvent parfois nous porter à en
flou ter ! M
Eiisa fjarda un inouient Ir sileuee ,
puis ellr st* jeta au eou de ^larie en s'»'*-
eriant : Parle-uioi de notre mère, (iis,
ma SOMU-; veux-tu?
— Si je le veux ? répondit Marie avec
émotion. AIi ! depuis longtemps je dé-
sire te dire Tliistoire dr notre pauvre
mère et nos derniers entretiens; assirds-
toi là près de moi.
Elisa s'approcha de Marie , passa un
bras autour d'elle, et dit eu penchant la
tcte sur son épaide : J'écoute.
Marie commença aiîisi : — j avais dix-
huit ans, lorsqu un jour, en éprouvant
un«^ vive contrariété, je m'é'criai connue
toi , mon Elisa, que je serais bien lirn-
rciise de pouvoir toujours faire ma
volonli'.
— «• Si tu dé'sires jouir de cr hoidi-ni ,
répondit ma mère, je t'en indiquerai le
moyen.
— » Le moyen de faire toujours ma
volonté" I Oh ! chère maman, dijcs-nioi
vite votre secret I m'écriai-je fort intri-
guée.
— ». IMa pauvre enfant, reprit ma
mère avec bonté, ce secret, je te l'en -
wigne tous les jours, mais tu n'as guèn^
profité" juscpi'ici de mes hçons.
» Pour faire toujours notre volonté,
et voir nos désirs s'accomplir, d faut
vouloir tout ce que Dieu veut ; ne rien
vouloir de ce qu'il ne veut pas et nous
scMunettr»' hnnd)lem("nt aux é"preuv("s
<pi il nous envoie, en puisant notre
<"onsolation dans la ferme conliantv (pi'a-
j>rès avoir béni , avec résignation , la
main «pii nous frappe, nous ta bt'nirons
plut tard, avec reconnaissance, eu jouis-
saut des biens cpii seront la n*eom|w'nsi*
lie e<'s épr«'uv«s. •
— Célail-là le secret »le nnirc mère,
dtnianda Elisa avec un ptlil n.«Hiv<-
nwnt de dé'pit ?
— Oui. ma sœur, répondit doucement
Alarie, et ma mère ajouta :
• Je te parle bien s<Tieuseuient, mi^
fdie ch('rie, mais tu nés plus une enfuit
et tu te tn)uves dans une |x>sition qui
doit tinspirer de profondes réflexions.
.Ma santé, tu le sais, s'afVaiblit de jour en
jour; peut-être devras-tu bientôt servir
de mère à ta s^^eur et à ta cousine. Pénètre-
toi bien, ma chère Marie, des dfvoirs
que timposera cette grave mission ; cesse
(\r niminurer contre «le légères contra-
riét»'s ; applicpie-toi à fortifier ton âme
contre les douleurs rét^lles et à acquérir
les vertus qui te seront si nécessaires
jiour remplir tes devoirs dans toute leur
«'•tendue I ■
» J'embrassai ma mère eu pleurant et
je lui promis «!«• profiter de ses con-
seils ; elle me rendit mes caress«*s avec
effusion, puis ell«' m'engagea doucement
à prendre plus d empire sur moi-même.
Je m'elforçai de montrer un visage calnu-,
afin «le la satisfaire ; mais mou cœur
«'tait p«'"iiihl«'inent alTecté. l>e souvenir «le
celte conversation ne selVuvra jamais
de ma mém«)ire I •
.^larie garda un moment le sileniY,
comme absorbée dans l'amertume de ««^s
pensées.
- — Et Ihistoire «l«" n«>tre niere ' ile-
manda Elisa en end)rassant sa s«eur.
Marie alla ouvrir un jx-lit me»dde «pii
avait appartiMiu à celle qu elle pleurait
et eu retira un « aliiei s«)igueus«'menl en-
v«'l«>pp«\
— La voici, dii-ell«' , iell«" «pic ma
mère me l'a rac<mtee , cl telle cpie je
l'ai écrite après chaque cou versai ion. —
Elle pr«*ssa le cahier sur s»*s lèvres, et lut
( e «pii suit :
« A «pnn/e ans | « lus \ain«* tl«' ma
j«)h«' lii;ure, «"t ilu luxe dont je me vovaii
entourée; mou orgueil me ivudait insup-
(il
|)orL»l)l("; l('s conseils t't rt\oui{)K^ de ma
iiit'iv, si simple ot si inotlcsio lualjjiv K-s
brilluuls avautn;jt s qu'illi' unissait aux
plus soliiles vcituSj n'avaient pu me cor-
riger.
«• ].e II tulemain d'uM bal où la flatterie
m'avait ('té prodijjuée, tout occupée du
souvenir de cette soirée si délicieuse pour
uion auiour-jiropre , je léiléeliissais gra-
vement aux nunens de me surpasser ]>our
la lèlt* (|ui m\t lit jiromise lors île Tan-
uivcrsairc de uics sci/.e ans. Tout devait
concourir au triouiphe de uia vanité ;
notre ancienne demeure était enfin \cn-
duc ; le nouvel liotel , que ma mère
venait d'acquérir, serait fraiclieuient
meublé pour cette époque. Je me li-
vrais ainsi aux plus doux rêves lorsque
ma mère me fit ai)pelcr. Je nie rendis
aussitôt près d'elle et je lui demandai si
elle était remise des fatigues de la
veille.
— « Je nai point dormi, me répondit-
cile avec tristesse.
— » Pourquoi donc , m'écriai-je tout
inquiète?
— •• Ta conduite d'hier m'a trop affli-
gée. J'ai éprouvé tant de douleur et d'in-
quiétude en reconnaissant qu'au lieu de
développer dans ion cœur les qualités
solides qui nous font aimer et estimer, tu
ne cherches qu à briller et qu à éclipser
tes compagnes I La beauté passe vite ;
les vertus seules demeurent. N'abuse
point des dons de Dieu pour l'offenser
par un orgueil et un égoïsme si contraires
à cette vraie charité que je me suis effor-
cée de l'inspirer. Si tu veux faire mon
bonheur, demande à Dieu de l'éclairer
par de salutaires pensées. Deviens bonne
et modeste, c'est ta mère qui t'en sup-
plie. »
>» Et ma mère pleurait en m'attirant
doucement à elle, connue pour atténuer
ramertume de ses reproches.
» Enuie de sa tristesse, je lui proniet-
l.iis (.lu ['owd du cd'ur de suivre ses con-
seils, lorsque nous fûmes interrompues
par l'arrivée d'un ami. Son air sondjre
m'inspira ime crainte vague cpii redou-
bla (juaiul il m'eut priée de le laisser
seul iwcc ma mère.
» Quelque temps après, ma pauvre
mère vint me retrouver; elle m'em-
brassa en fondant en larmes; je trem-
blais, mais je n'osais point faire de (pies-
tions. ]Ma mère ujc dit enfin : » Nons
sonnnes ruinées, ma fille ! c'est pour toi
que je souffre; connuent pourras-tu te
résigner à l'obscurité et à la misère .' «
» Je me jetai dans ses bras, en la sup-
pliant de se calmer, en l'assurant que
j'aurais du courage, et nous pleurâmes
cnsendjle.
» Lorsque nous eûmes repris un peu
de calme, ma mère m'apprit que le no-
taire, mon tuteur, auquel elle avait
confié la gestion de ses biens , avait lui
à l étranger. A sa demande il venait de
réaliser toute sa fortune poiu* la placer
sur l'Etat et il avait profité de cette cir-
constance pour nous dépouiller eutièie-
ment; il avait emporté jusqu'au produit
de la vente de notre vieil li(jtel , nous
laissant pour toute ressource les bijoux
de ma mère. »
— Comment se fait-il alors qu'au-
jourd'hui nous soyons riches ? demanda
Elisa.
— Lu peu de patience , tu le saïuas
bient(jt. Et Marie contiiuia.
«< 3Ia mère se résigna , sa piété lui of-
frait de puissantes consolations ; elle
voulut ce que Dieu voulait et sa soiunis-
sion fut récompensée par la réalisation
de son vœu le plus cher, le changcjuent
de mon caractère. Souvent elle avait dit
qu'elle donnt^rait avec joie sa fortune
pour me voir douce et modeste ; ce dé-
sir d'un cœHU' de mère fut exaucé. Le
malheur m'ouvrit les yeux et je rougis
de mes défauts. Naturellement indolente,
16o
j'avais appris peu de cliose ; en iralilt-, je
ne savais rien. Ma tendresse pour ma
mère me fit peu à peu acquérir de Té-
i»<i};i(' ; (omme elle, je mis ma confianee
en iJieu en me défiant sincèrement de
moi-même. Otte tendre mère m'aidait
si bien ! illc encourageait mes moindres
eflorts avec tant de honte I La voir lieu-
reuse par moi, cjuand toute joie Immaine
lui manquait, obtenir un sourire de sa-
tisfaction, dérider un peu son front si
grave, si sérieux, en emlx'llissant par
ma résignation, par ma gaité même, sa
vie si triste et si pénible, c'était là du
bonlienr I bonbeiu' bien ])réf('ral)Ie à
celui cpie me faisaient goûter autrefois !( s
misérables satisfactions de l'amour-pro-
j)ir. .1 Oubliais tout alors, et li nii-èrc
qui nous menaçait, et la faim cl le froid,
et les douleurs de toute sorte (jui assail-
lent le |)auvre, surtout le pauvre <|ni a
vécu dans Taisanee , cpii a connu l.i ri-
cliesse et ses mille jouissances I
» Le travail i\t' ma mère suflisali à
peine à nos besoins ; quant au mien, il
ne pouvait eonq)tcr. INLiis je trouvai
bientôt Toecasion d'apprt ndre un ( tal
lucratif; une personne tle notre mai-
son, touchée (le ma tristesse, m en
avait d<*mandé la cause ( t je lui avais
avoué" notre |u)silion. Klle uéolIVit aus-
sitôt de m enseigner à raeeonnnnder la
(lentelK-; j'acceptai aveejnie et, (juel(|Ues
mois après, j'étais assez, babile cl j'av.ns
suirisauujunl de travail ponr satisfaire
nos moth'stes désirs.
» J«' n'avais j>lus d«* ujotils d nupiic-
tude ; le bonheur habitait noire petite re-
traite; <'l ma mère, heureuse de me voir
plus dij;ne tle son alfectiou, répétait sans
cesse (ju'elle ne v»)udrait point recouvrer
sa fortune, s'il f diail à ce prix que je
n'4P^'»'»t' <«' (|n«* j'aNaiA été «lans la pii)-
spérité-,
» l'ar une b« Ih* soirée «l'été, j'ein-
plt)yais les derniers instants du jour ^
faire lir«' iino petite voisine que j'avais
|»iise euafî'ectiou, lorsqu'une dame, siui-
plt ment vêtue, mais remarquable par
ses manières distinguées et son air alfi-
ble, se présenta avec son fils pour récla-
mer une dentelle qu'elle m'avait envoyée
(jn«>hpie temps auparavant. L'eufaut qui
me l'avait vue serrer dans une armoire
s'empressa d'aller la chercher ; mais elle
l'apporta si étourdiment (ju'tllc raccro-
cha en courant et v fit un»* énorme dé-
( liirnre.
»» Je perdais quin/.e jours de travail et
pi iit-ètre une bonne cliente I •»
— Connue j'aurais grondé cette ctoiu-
die ! .s'écria IClis:i.
ALarie reprit : « l'u vif mouvement de
colère me fit monter le rouge à la figure,
mais j(* parvins à me dominer en priant
iiilé-rieurement (cette pieuse habitude
(]ne m'avait donnée ma mère, m'aidait à
lue sounu ttre à la volonté de Dieu, dans
les contrariétés connue dans les mal-
heius les plus {jraves' ; je puisai dans
ma prière assez décourage pour ne faire
aucun reproche à l'enfant (]»n pleurait
amèrement son étourderie. Je cherchai
même à la consoler; puis je mV*xcusai
près de la dame qui, ainsi que son fils.
avait observé cette |H*tite scène avee une
gramle attention. Elle me téiuoigui un
tonehnit intérêt et m'engagea av^ ï-. ■
t»' à prendre tout le tiunps i^
ptMU ré'parer le ilouuuagr.
• Pt n «le teuqis aprts, le fils \int me
consulter pour une blonde dont s«i mèii*
de'sirait ci>nnailre la valeur; il revint u\\
.nuire jour me montrir, dans la crainte
d'être tronqié, disait-il, une dentelle dont
il voulait faire pn'srut à celte bonne inèrr;
une autre fois, c'était luw Xtcvlhc appar-
tenant à sa sn-ur «pi'il fallait blai.chir
au plus vite, ou un autieuuc den'- ^l-
que sa tante votdait fain» nnnonter.
• Si* cliar^^cai.t ainsi de toutes lesrom-
niisâious de aa famille, il nou< fil en i\
1()G
mois de frc'iiuontrs visites , le ]>lns sou-
viMit seul, ([uolquelois accoin]Kij;iic de
sa mère (jui me t«'moi(;nait l>eane(nip
(l'aneetion. »
— Om 1 était clone ee nionsieiir ? (1(^-
manda Klisa.
jMaiie sourit et eoutlnua sa lecture :
« IM'"'" de lMt>ntvilliers
— De 31outYilliers! répéta Elisa.
IMario sourit encore et reprit : « IM"" de
IMontvilliers vint liienté)t seideà son tour;
i\\\v\ ne fut pas notre élonneuîent et notre
joie, je Tavoue, iorscprelh^ nous dit que
son fils, touché de ma patience et de ma
doucciu-, avait pensé cpi'une femme, maî-
tresse d'elle-nuMne et de ses impressions,
devait assurément faire le bonheur de
son époux. Elle était du même avis;
elle savait d'ailleurs avec quel soin j'a-
vais été élevée ; on lui avait parlé des mal-
heurs qui étaient venus nous frapper, de
la résignation de ma mère, de sa dignité
dans la pauvreté et de la charité que nous
trouvions encore moyen d'exercer.
» Le désir de son fds avait donc ob-
tenu l'approbation de IM'"*^ de Montvil-
liers , mais elle Tavait engagé à étu-
dier sérieusement mon caractère avant
de prendre une détermination ; cette
étude ayant été tout à mon avantage,
c'était avec une véritable satisfaction
qu'elle venait me demander à ma mère.
« De ^lon coté j'avais été frappée de
la modestie que M. de Montvilliers unis-
sait à un savoir qui en faisait un profes-
seur très-distingué; je lui étais surtout
bien reconnaissante des égards qu'il té-
moignait à ma mère , de ses touchantes
attentions pour elle. Ce fut donc avec
joie que j'accueillis sa demande , et je
remerciai Dieu tle m'avoir inspiré la pa-
tience , première cause de mon bonheur.
Plus que jamais je reconnaissais que le
vrai moyen d'être heureux était de vou-
loir tout ce que Dieu veut. >
— Ainsi , c'étaient notre grand'mèrcct
notre pèrel dit Eîisa! je l'avais deviné
presque tout de suite ! IMarie continua de
lire : « Les trois premières années de
mon niariaj;e furent marquées par un
bonheur aussi grand qu'il est donné à
l'humanité de le goûter iei-has. Tendre-
nuMit aini('e de mon mari avec l(Tjuel je
navals (juiuie volonté ; trouvant une
seconde mère dans l'c xcc^llente ]M""^ de
IVhintviUiers (pii répondait si bien à mon
allr(iion vrainuMit (ili.de; goûtant toutes
l(^s douceurs de l'amitié dans uwc étroite
liaison avec la sœur de mon mari, que
j'aimais connue j'aurais pu aimer ma pro-
pre sœur ; estin)ée, conddc'e d'<'gards par
ma nouvelle famille, j'étais vraiment trop
heureuse! Ma mère partageait mon bon-
heur: quelque vives (pie fussent mes au-
tres joies, c'était celle qui me touchait le
plus vivement. Pauvre mère I elle nVn
jouit pas longtemps ; je la perdis!....
« Je nVssaierai pas de peindre ma
douleur ; ton cœur, ma bonne fdle, te
la fera aisément comprendre. La religion
vint encore à mon secours ; ses divines
espérances adoucissaient l'amertume de
mes regrets ; la foi me montrait le bon-
heur de ma mère ; je la voyais trouvant
la récompense de sa soumission et de
ses douces vertus dans la possession du
Dieu qu'elle avait aimé et béni pendant
ses épreuves. 11 me seniblait l'entendre
me dire avec l'apôtre saint Paul : Lrs
soiiffrdnres de cette vie n'ont aucune pro-
portion avec la gloire qui éclatera un jour
en nou^ ( l). Ces pensées avaient une dou-
ceur ineffable qui venait tentpérer la-
mertume de ma douleur.
» Un joiu", ton père rentra à\\\\ air
sond)re : effrayée de son trouble, je lui c\\
demandai le sujet avec anxiété; il m'ap-
])i it que l'un de nos parents, banquier à
Paris, désespérant de remplir ses eng^(>-
ments, venait de se brûler la cervelle et
(ju'il laissait trois enfants dans un entier
(I) Rom. VI il, 18.
1137
déiiùinont. ^NIoii premier iiiouveuient fut
de lu^'crii r : Sous nous cliarceroiis de
ces iiiallirun ux orphelins.
»» — J V ai pensé, me répondil-i!, mais
la modieilé de nos revenus nous défend
de nous imposer une si lourde charge.
>• Alors je lui rappelai les ressoiuces
que y m'étais cn'ées avant mon ma-
riaj^e en n'-parant des dentelles, je le
suppliai de me permettre de reprendre
ce genre de travail; il y consentit quoique
avec peine, et hienlùt je me vis mère de
cinq enfants. Aons plaçâmes tlans une
pension du quartier les deux aînés qui
étaient des garçons, et je résolus d'élever
Anais avec mes filles chéries.
» [Malgré uuc stricte économie et le
};ain que je retirais démon travail, j'avais
hirn de la peine à suhvenir à t(»ul<\s les
d<'-penses que nécessitait cette augmenta-
tion de famille. Pourtant nous nous trou-
vions heureux ; nos enfants u'étaient-ils
pas notre joie et noire distraction la plus
douce? •
— Qu'elle était bonne, noire mère I
connue elle nous aimait! s'écria Elisa.
— «< D'ailleurs, reprit Marie, la re-
connaissance de tes cousins , déjà en
âge de senlir ce que nous faisions ]K)nr
eux, et]surlout la conscience de remj)lir
notre devoir nous dé-ilounnageaient des
sacrifices (pic nous nous (lions im-
posés. Cependant en vous voyant tous
grandir, nous ne ]wnvions nous em-
pc( lier de penser avec (picUpie inquié-
tude au temps on il faudrait vous éta-
blir. Ija I^rovidence y pourvoira, nous
disions-nous alors, et le calme renaiss;ut
dans notre âme un inslant lioublée par
noire sollieitudc.
» La Proviilence y pourvut en i (léi
aprc;j nous avoir lait passer par une rude
('•preuve ! m
— Quand donc saurai -je a^minent
nous sommes devenues riches^dit encore
Klisa.
Marie ne répondit pas et reprit : « La
travail fatijjaiit auquel je me livrais alt«'ra
ma vue; je voulus braver le mal, mais il
s'aggrava tellement que je dus appeler
un médecin. L n repos coyiplrt me fut
prescrit comme indispensable pour ma
guérison. Je me soumis! mais e(3mbieu
inétait p«'nible la penst'e délie iinilile à
tous I Oui^lles anxiéu's n*éprouvais-je |>as
en calculant les d('i>*^nses m'cessitées par
mon traitement et la perle n'sultant de
la cessation de mon travail I Je trouvai
en(\)re dans la piété un refuge contre le
d(-couragement qui parfois venait m'as-
saillir. Je priais alors avix ferveur, je de-
mandais à Dieu la patience , la rési-
gnation; ma prière était toujoui*s exau-
ct'e.
>» Mon médecin entra un jour au
moment où je me disais avec ellroi, que
nos économies étant bientôt épuist^:^,
il nous faudrait nous restreindre encore ;
je lui demandai avec an\i('"té s'il jwuvail
lixer le terme de mon traitement ; il n'--
pondit d'une manière vajjue (pid (espé-
rait une guérison prochaine.
» A oulant éviter de nouvelles qiu^-
tions , le docteur me racxDuta aussitétt
(pie, se troiiTant (pielqu(*s mois au|vi-
ravant en nelgi(pie, il avait etc appelé
dans une maison opulente où se mou-
rait un homme atteint d'une cunsc^mp-
tion (pii avait ivsisté ju-s<pie là à lotis
les eflorts de la nu'tlecine. Pensant que
la mclan(x>lie de son eliiiit )K>uvait
avoir une cause morale, le dinMeiir s'é-
l «il jHrmis de rintern>ger à ce sujet;
mais 1(^ ir|K>nses brèv(*s du malade el
sou air inquiet lui avaient montré «pt'il
devait éviter de renouveliT de sembla-
blcs (pieslions. ('^*|x*ndaut le mal <^u-
pirail, et le malade était souvent eu proie
à une agitation si violente (jue I«*fliH !• nr
ciaij;nait quel(]uef()is |H)ur sa liiisoti.
•• KuTin. pn^ssé- plus viveuirnt (pie ja-
nvils n.ii l(-s 1 1 ini>i i!^ iiiis Mit » ■< ni î<- in i -
08
naieiit, \c malheureux avoua un jour au
dicteur qu'il avait ruiné la veuve de son
ami irenfance ; il ajouta qu'il donnerait
tout au monde pour pouvoir faire une
restitution, mais qu'il craignait, s'il ren-
trait en France, d'être poursuivi. Le doc-
teur s'était efforcé de lui persuad» r qu'il
fallait à tout prix reujplir son devoir et
il y avait réussi. Dej>uis huit mois, tous
deux faisaient les démarches les plus ac-
tives pour trouver la personne qu'il avait
dépouillée, sans avoir pu arriver encore
au moindre résultit. »
— Celle personne, s'écria Elisa, qui
était-ce donc, 3Iarie ?
— Comment, tu ne devines pas?.... En
ce cas, écoute ; et elle reprit sa lecture.
« Ce récit m'avait d'autant plus fra]>pée'
que j'y trouvais beaucoup de rapj oit
avec l'histoire de ma mère ; je deman-
dai au docteur avec émotion le nom de
la personne qu'on recherchait. Enentcii-
dant nonmier ma mère, je ne pus rete-
nir un cri de joie cl je tombai à genoux
pour rendre grâces à Dieu. La mort de
jua mère et mon mariage, en effaçant
nos traces, avaient rendu les recheichcs
inutiles. »
— Ainsi c'était le tuteur de notre
mère... le notaire qui nous avait... volés!
— Justement, et Marie se remit à
lire : «< J'expliquai tout au docteur qui
me quitta aussitôt , me laissant bien
jovf use: j'allais cire ridie ; si je devenais
aveugle, je ne serais pas du moins une
charge pour ma famille î
» La restitution eut lieu, et l'auteur
de notre ruine passée témoigna l'énîo-
tion la plus vive, lorsqu'il apprit que ma
mère lui avait pardonné en mourant.
La joie que j'éprouvai d'avoir recouvré
une fortune si nécessaire à mes enfants
contribua beaucoup à mon rétablisse-
ment.
» Depuis cette époque jn^qii au nio-
meut on je perdis ton père, ma lillc ché-
rie, nous vécûmes heureux. Sa mort re-
nouvela la douleur que j'avais ressentie
di- la ]>erle de ma mère ; je demeurai
longtemps conuiie aff lissée sous le poids
de mon malheur; je restais seule, char-
gée du soin de votre éducation, si bien
connnencée par mon mari....
» !^Lais bientôt ie rou -.is des nuu'mu-
res qui m'étaient échappés; je m'humi-
liai devant Dieu, je m'adonnai avec cou-
rage à l'accomplissement de uîcs devoirs
et, faible par moi-même, je puisai en
Dieu la force qui me manquait. >»
3Iarie s'arrêta profondément émue,
puis elle dit :
— Ici, se termine le récit de notre
mère ; sa faiblesse l'avait souvent obli-
gée de s'interrompre et j'écrivais de mé-
moire pendant quelle reposait; j'ai con-
servé ainsi la plupart de nos entretiens:
j'ai recueilli ainsi ses conseils; nous les
relirons souvent ensemble d tu y puise-
ras comme moi des forces et des conso-
lations.
Malgré les illusions auxquelles on s a-
bandonne dans la jeunesse, je ne pus
longtemps me dissimuler que ma nure
chérie approchait de sa fin. Sa soumis-
sion et sa résignation la soutenaient ;
elle demanda d'elle-même le digne ec-
clésiastique qui possédait sa confiance
depuis de longues années, et qui l'avait
souvent visitée et consolée pendant sa ma-
ladie. Elle reçut avec une douce joie 1rs
derniers sacrements; puis elle nous fit
appeler près do son lit, nous bénit, et
adressa pour nous une fervente prière à
]Marie, la mère des orphelins, la consola-
trice des afiligés.
— Je m'en souviens, dit Elisa , les
yeux humides de larmes. Elle te parla
ensuite à toi, ma sœur ; que le dit-elle?
— Ma mère, reprit ^Marie d'une voix
altérée, me dit : « 3Ia fille bien-aimée, je
te laisse une grande tâche à remplir! Sou-
viens-toi que tu dois être la mère de ta
IfiO
sœur cl <lr trs roiisiiis. !M'"*' de ^loiitvil-
liors, toujours dc'voiu't' malj^iv son jjiainl
il{;o rtses infiriniu's, m'a [iromis de nio
rcinpl.irci près <le vous, dr {juidrrtoii in-
expérifiicc; rrnds-lui crttr mission douce
et facile; imite ses rares vertus, puisses-
tu lui r<'Ss<MnIil' r iiM joiu' ! Reporte sur
elle tonte ton alïeetion filiale, connue je
1 ai fait moi-même, lorsipie j'ai perdu
ma mère. One le sentiment de tes de-
voirs mûrisse ta raison e( la m( lie an
niveau de ton ecrur. J'aurais voulu pou-
voir vous élever tous! Dieu en a dispos*':
autrement dans sa sajjesse, que son saint
nom soitla'ni ! jailore les desseins impt'-
nélraMes de sa Providence. Ma fille, je te
demande de supporter avec eoiuaj^e notre
séparation. Piélé* et résignation, cliaritéct
dt'vouemenl, lelledoit être ta vie ici-l»as,
juxpi'au jour d'une réunion éternelle.
Aiiieu, encore adieu I nous nous rever-
rons... » iMa mère cessa alors île j)arlcr,
ajouta iNIarie, ([ni contenait avec peine
ses sauj^lots. Klle continua de nous rc-
{jarder avec tendresse,... encore une fois
elle murmura adit u, et pnssa siu" ses le
vres le petit crucifix cpii ne la quittait ja-
mais... Klle était dans le sein de Dieu!
Le soir de ce jour, pendant lequel
Klisa s'était montrée moins étourdie ipie
de coutume, elle endirassa sa s<eur avec
ime tcndr«sse plus vive, et resta lon;;-
trmps en prièn s.
Fiien dis lii'ures s'écoulèrent sans
(pi'elle ]>nt trouver le souuneil. C'est
<[ue, pour la première fois, < lli- compre-
nait ce (|ue iM.nje avait été pour l'ile,
pour leur vieille j;r;in«rmère, pour eux
tous; c'est que la réflexion lui faisait
apprécier le dévoucnieul de crtt<* so'ur
chérie I Plu^ii urs partis s'étaient pn'*sou-
tés pour iManc, mais iMaii»' avait dé-
ilaré <pi*« lie ne quitterait pas s;i lannlle
aussi lon|;lemps (pie la mission (|u'elle
I avait reeuc de sa mère ne serait point
accomplie. Marie tiendrait parole. Elisa
le savait.
Le lendemain, Klisa demanda à lire
les conseils de sa mère; elle se jeta en-
suite dans leshrasde ^Liriecn luidisaut:
— Apprends -moi à vouloir, coiuine ma-
man et loi, ce que Dieu veut '
A dater de ce j(3ur, runi(»u .i* -s i «nx
sœurs devint plus iniiine, plus douce.
Marie aidait Elisa à vaincre %(h\ carao'
tère , et la tendresse d'Elisa donnait û
!^L^rie le honlteur le plus pur.
J)ieu bénit cette famille. M'^* de Monl-
villiirs eut, avant de moiuir, la joie de
voir ses p( titcs-filles et ses anièn-ne-
veux l)icu établis, tenant à Marie, elle
refusa de laisser seule sa vieille j;rand'-
mère et continua à faire la consolation
et le })onli( ur de .sa vieillesse. O* ne fut
qu'après avoir nvii sa dernière Wnédic-
tion «pie la dc'vou('e jeune fille crut en-
fin sii mission terminée. Elle consentit
alors à s'unir à im lionnne aimable et
instruit qui la recliereliait depuis lonj;-
temps, et dont elle avait a&s« /. «tiidie
le caractère pour reconnaitn^ qu'il |>os-
s«'dait les qualité-s les plus préeieufus de
l'esprit et du co*ur.
LorsipiElisa se sintait fnlim -^ous le
poids des contrariétés, des |Knils mal-
heurs (pii accom|ui};ncnt la vie la plus
heureuse, c'était auprès de Marie qu'elle
venait, suivant son expiTSsiou, ntrrtn^
/jrr son dmc,
« Relisons 1 Insione d»* noue mcie . -
dis:iit-elle à .M.uii*. Elle lYtournait en-
suite chez elle, ealme, cons*)!!-»», et elle
répétait :• Oui, uia mère et ma Mrur ont
raison ! Nous di^vous couronner notre
volonté à la volonté de Dieu et prrndn*
p<iur ncitre dcvi-^e iei-b.is :
/'. < trinrnt r( /ir*tgitfitton ! ■
E. V. nB PLoroàsTKi..
170
UN INTÉRIEUR CHARMANT.
ESQUISSE.
fSuifc et fhi.J
A Liboinnc doincurait une antre amie
(le Léonie, INI""' Diipunt, qu elle iravait
pas vue depuis einq ans. A la pension,
rien crainiai)le et d'enjoué connue Lina,
<;entiUe espiè[;le aux yeux noirs. ^Monter
sur les tables, courir sur les bancs, jouer,
folâtrer, c'étaient là ses passe- temps :
heureux quand, entre deux fou-rires, on
trouvait moven de lui parler des Mèdcs
et des Parthes, dont elle se souciait moins
encore que des Francs nos illustres aïeux.
Cependant elle était si jolie, si gaie, si
franche, que tout le monde l'aimait, et
que M. Dupont l'avait désirée pour com-
pagne ; mais le temps avait opéré de
grands changements chez Lina.
Léonie savait bien que depuis son ma-
riage, M'"^ Dupont avait eu la petite-vé-
role, et que sa fortune assez médiocre,
était réduite encore par une perte consi-
dérable; mais de loin, les vicissitudes de
ce monde apparaissaient à Léonie comme
un brouillard ; elle disait à son mari :
Bah ! cette aimable Lina aura bien su
s'arranger I Et puis elle a trois enfants,
c'est gentil, cela amuse !
M. d'Esessars était d'avis de ne faire
qu'une simple visite à ÎM^^ Dupont :
— Non, non, dit Léonie, je ne veux point
aller à Ihotel, je descendrai chez Lina
qui me répétait souvent à la pension :
Quel bonheur quand nous serons ma-
riées, et que nous pourrons faire tout ce
que nous voudrons I Cliaque année tu
viendras passer quelque temps chez moi ;
on s'amusera, on danserai
— Bon, se dit le colonel, la voilà en-
core dans le merveilleux I A oyons ce que
lui présentera la réalitt*.
En arrivant chez Lina, Léonie sautait
de plaisir. Une femme pâle et maigre
parut.
— Madame Dupont?
— C'est moi, Léonie!.... tu ne me
reconnais pas?
Léonie s'élança au cou de son amie,
et Lina baissa les yeux pour cacher une
larme donnée au souvenir tle sa beauté
perdue.
— Tu parais souffrante, dit M'"*^ d'E-
sessars !
— Oui, je le suis beaucoup. Tant d'é-
vénements se sont succédé depuis nos
folies de jeunes filles !
Tous les trois entrèrent dans un petit
salon . Léonie en cherchant vainement des
yeux les élégantes bagatelles et les futiles
ornements qu'elle croyait nécessaires au
bien-être, se souvint que son amie était
devenue pauvre.
— Ton mari, où est-il?
— Il est à son bureau, je ne le vois
que le soir.
— Et tu passes ta vie toute seule ?
— Avec mes enfants, dit Lina sou-
riante.
En ce moment deux petites fdles en-
trèrent en se donnant la main.
— Oh 1 les jolies enfants ! s'écria le
colonel.
— Elles sont jumelles, dit la mère,
voilà, Monsieur, toutes mes richesses I
Avec Cécile et Antonie j'oublie mes
malheurs, ceux du moins qui peuvent
s'oublier !
Le militaire soupira, mais Léonie tou-
jours joyeuse et folle dit étourdiment :
— Elles ont un petit frère, n'est-ce pas ?
171
Liria baissn la irtc, et ses larmes
(^onlèrent sans ([u'tllc sonjjeat inèin»' à
les rctruir. Moaiitr, joie, fortuno, elle
avait tout jK-nlii, ri Tavouait sans fai-
l)l(\ssr, mais son petit Fiant/ (|iii l'ai-
mait tant !...
Lina sanjjlotait. Cécile et Antonie la
rr{;artlaient pleurer, et montraient du
«loi.';f, ronnne pour excuser leur mèic, un
petit berceau vide.
Léoriie embrassa son amie, le colonel
lui serra la main : peisonne irosait rom-
pr«* le silence; enfin M. d'Esessars tlit
avec émotion :
— Vous aviez un (ils, .M<Klanie.' A ous
l'ave/ perdu l)ien j(Mme?
— lïélas! iMonsieur, il disait papa;
«lans (piehpies jours peut-être il aurait dit
maman !
Kn ces mois se résumait toute la vie
de Frant/., et la mère v voyait un abime
de douh'urs que la reli^^ion seule pouvait
coudjler , «n lui montrant, sous les
ailes d im anjje, l.hne de son ])elit en-
fant.
li'lieure du dîner allait sonner, M. l)u-
|K>nt i-entra. Il salua cordialement les
étranjjers, et, d un icj; ard, r«'leva le cou-
raj'e de sa clière I.ina <pii sortit du salon
pour surv«'ilN'r les apprêts du mo<leste
repas (pj'elle voulait oflrir à ses amis.
— Pauvre I/ma, dit L('onie, (pii aurait
pensé (pie Dieu lui réservait tant desonl-
IVauces?
— INIadame, lé'pondit .M. l)upont, ma
femm<' »sl «lu pj-lit nomlne de celles (pie
le meilleur j;randit. Je ne l'ai jamais en-
tendue miirmmer. iille a snpporlt- les
plus poij;nanies douleurs sans se laisser
ab.itdc vous l'ave/, vue jeune fill»',
vous ne la (onnaiss»/. pas. Klle était
l«'j;ère , étourdie; le eliaj;rin Ta ren-
due pieuse et redeeliie , je ne l'ai jamais
vue se ré'V(»lttr, même après la imn l de
son fils; mais ce dernier coup laissera drs
traces inelVacabli'S. La pauvre remme
ne parle jamais de Franiz, mais comme
« lley pense toujours, elle pleure souvent.
Lina reparut calme et fjraeieuse. On
se mit à table. La conversation s'anima;
on se trouvait à l'aise dans ce p<'lil cercle
intime d'où l'étiquette était bannip. Pen-
dant la soirée, M. Dupont proposa une
|)iomenade. Les dames préférèrent une
( auserie en tcte-à-tête, et ces messieurs
sortirent seuls.
Les jeunes femmes parlèrent avec bon-
heur des souvenirs de la pension, des
jdaisirs du jeune â{je.
— A ois-tu, dit Lina, j'étais folle à
(jnin/.e ans I je crovais que ma vie serait
ne'cessairement douce et facile; je ne
faisais que la part du bonbeur, et me
voilà tombée tout-à-coup dans un cercle
de douleurs qui nramaient bristV, si
Dieu ne m'avait pas soutenue I Tu sais
mon rêve de jeune fille* Ktre aimév ,
jtlaire et briller. Oli! «pi'il était beau
mon rêve, mais combien encore plus
vain et ])lus lé(;er ! L'avenir est un livre
lermé dont on ne devine rien, sinon de-
voir et souffrance I
Léonie sV'tonnail du cban(Tement de
sa compa{jne,et remerciait Dieudansson
cieiir de la profonde paix qu'il lui avait
doniH-e et qu'elle n'avait pas appnvié-e.
Fn lui ouvrant «on âme, Lina sans le
savoir instruisait son amie, lui montrant
Il vi«' comme un ptM|H'>tuelenehainenient
d'iiKpiiétudes et de douleius, entre K^-
<pielles le plaisir et la joie ne sont que
lies accessoires (pi\in accepte avtv reci>ii-
naissaiice, mais sur Icsipiels on ne «t>mple
pas.
Lt'onie passa tleux jours seulement à
Libonrne «i K^prit avtv son mari la route
de Paris,
Pétulant lespremièies lieun's du voya-
ge, il ne lut (pie.stton «pie de> ni.dlu iir<i
lie !Mme Dupont.
— Je ne croyais pas, ilit Mme d'F-
»es*iU-5, qu'on peu lutter aviv tant de
T>
rouraj;o ccnitro ratlviMslti'-I C'osl la ic-
lijjÎDii (j\n souliiMit I.ina. l^llt* ma illt
qu'après avoir pt relu sa bcaiili' , cWc
s\\st iniso à {jcnoux devant im criuifix
et s'est éeiiéo : <• A oiis Tave/. voulu,
mon Dieul soyez béni!» Elle a fait la mê-
me eliose quand sa fortune a été enjjlou-
lie; jHiis, quand son petit Franlz est mort
elle s'est encore aj^enouillée, et connue
elle disait : » A ous l'ave/ voulu... » son
eœur s'est déeliiié, et n'a pas pu diic :
<i îMon Dieu, sovez bénil » Depuis, elle
s'est soumise , et maintenant tout en
pleurs, elle répète, ebaque fois qu'elle
pense à son lils : « Soyez- béni, mon
Dieu, mais aidez-moi! »
A vinjjt lieues de Paris, on s'arrêta tle-
vant la grille d'un superbe cbâteau ; ici
Léonic allait retrouver Xoémi , riclie
et brillante jeune femuie, mariée depuis
trois ou quatre ans. Dans les annales de
de la pension, il n'était bruit que du
bonbeur de JNoémi, du faste qui l'entou-
rait, même étant jeune fdle, et des grands
biens que M. des Tournelles avait unis
aux siens en l'épousant. On disait qu'eu
ce cbâteau la vie passait comme un
éclair, sans souci, sans douleur; des
amis nombreux se pressaient autour de
la jolie cbàtelaine. Ce n'étaient que fes-
tins, danses, cbasses , gais passe-temps;
en un mot, IN oémi était la plus beureusc
des femmes !
D'après la description de Léonie ,
31. d'Esessars aurait vivement soubaité
retourner à Paris sans s'arrêter au cbâ-
teau des Tournelles; il ne voulait pas re-
nouveler une liaison qui, sous aucun rap-
port, ne pouvait convenir à sa femme
et moins encore à lui-même.
Le colonel organisa tout un plan assez
savamment combiné. Une fois ses bat-
teries dressées, il se crut fort. iMaisL('o-
ni.^ déclara qu'elle aimait Noémi, que
ne pas la voir serait pour elle im vrai
«ba.'riii et tout aussitôt il fallut se
soumettre à la petite encbantoresse.
En arrivant au cbâteau on trouve
joveuse compagnie. M. des Tournelles,
en<;age31. d'Esse ssars à passer quelques
jours cbez lui, et voilà Léonie bien beu-
reusc : sa vie est une longue fête. De
rlelies voisins de cam]iagne accourent
au gai rendez-vous: on rit, on danse,
on s'amuse, et INoémi, toujours parée,
toujours souriante , send)le une jeune
reine entourée tle sa cour.
— Ob I qu'on est bien ici I pensait
31'"*' d'Esessars. Voilà l'idéal du bon-
beur, la vie de cliàteau î un reflet, une
ombre de ce beau temps de la cbevale-
rie oùlesbeures coulaient calmes et poé-
tiques comme un ruisseau limpide entre
des rives encbantées I Qu'elle est belle
ma Noémi, sous sa couronne de dia-
mant, ou sous son diadème de roses !
Que son mari doit raimer!
Les repas et les fêtes se succédaient.
I\I'"' des Tournelles, toujours occupée de
ses botes, n'avait pas un moment de loi-
sir. Les deux amies passèrent plusieurs
jours' ensemble sans pouvoir épancber
leurs cœurs. La solitude était presqu'in-
connue dans ce brillant manoir.
3[me cVEsessars enivrée, étourdie de
plaisirs, vit arriver avec peine le jour fixé
pour le départ. La veille au soir, pour
la première fois, elle put causer longue-
ment seule avec Noémi. Celle-ci parlait
des joies, des succès et des espérances de
Léonie , souriant à ses rêveries enfan-
tines ; mais quand sa jeune compagne
lui dit :
— Parle • moi donc de toi ? Tu es bien
beureuse, n'est-ce pas ?
JM'"'^ des Tournelles baissa les yeux,
et voulut cbanger de conversation.
— Quoi, tu ne me réponds pas? au-
rais-tu quelque cbagrin?
— A Dieu seul ce secret, dit Noémi
d'une voix altérée : mais en serrant la
main de 31""^ d'Esessars, elle laissa tom-
17:^
hfv qiK'lfjurs larmes, iiu'vitalili" liibiit
(jiic toiitr souffrance^ paic^ .'i rimiiianil»'.
— S«rai.s-tii donc niallieiiiTUse? de-
manda Li'(,nic t(jiit l)as.
— Mallicnrcusc' ,\on, car je suis eu
paix avec Dieu rt avec moi-même : mais,
vois-tu , le lionlunr n'est j)as dans 1<'
faste joyeux (jui m'entoure, il est dans
le sanctuaire du fover de famille, où la
foule ne pénètre pas, et njoi iNIais
non, je dois metaiicl Dieu sait ce que jt*
souffre; demande-lui de me soutenir
dans celte longue voie d isolement où
mon eo'ur est <'n(jnj;('.
— D'isolement ! n'pc'ta Lc'onie. Quoi I
l«'s diamants et les roses eaclient aussi
des larmes?
— Des larmes amères, ( l (jui ne doi-
vent pas couler !
— Va moi (pii te croyais <ompl('te-
ment lieurense I 11 n'y a donc ])as de
lioidieiu- sans uu'lan(;e.*
— ISon, ma Li'onie, il nv en a pas :
Dieu l'a (jarilé poui" son ciel; c est l Dm-
liie «le ce lioiiliem" seulement (jni con-
sole la terre. Ali ! prends }^;arde, ne sois
])as inj;rate : lu dis «pic dans l«s jcnus
de trislessc ton mari est d<jà ton sou-
lien ; va, n (»\i';e pas d.ivanlaj;e I m
possèdes un ln'soi (pie Dii u donne la-
reuunl : jouis en paix, < l si parlois lu
sonllr«*s, pense à njoi....
— Mais lu es ainu'r pomt mt .'
— Je tdi vw beaucoup.
— Pauvre .Noi'mi !...
\.\ conversulion lut interrompue par
la l)rus(|ue enln'e île .M. des romnelles.
(Croyant sa leuuuc seule , il lui |Kulait
d'un peu loin d'un ton sic cl froiil (pii
« tonna AI""* d'Ilsessars : Tayaut apcriyuc,
il s inclina eu souriant, Si> dandina d'une
fat^ou merveilleuse, « t Int. < n un mut,
ravissant !
l'ailin le colonel repiil a\ec sa ti nune
Il roule ile Paris, (ielle dcinièitî caui-
pa;;ne lavait iati(;u«- prt\s«ph> autant
qu'une cau)pa(^ue d'Afrique, a il stn
allait répétant que six mois de service
au cliâtcau des Touruclles le lucttraienl
hors de cond)at.
Presqu'aux portes de Paris, on s ar •
rèta pour la dernière fois : ceci n était
qu'une simple ï)olile3s.' : ^I. d'Esrssars
coiuiaissait à Saint - Germain une fa-
mille à laqiielle il v»)ulait présentrr sa
fennne.
Dans une ]>elite maison, d'assr/. trisie
aj^parence, vivaient dix uw douze |)er-
soimes qui ne se quittaient jauiais ; c'é-
tait, v\\ petit, \v j^em-e de vie de l.ouis<^
à lîordeaux, moins l'aisance. I^a famille
Honnt ville était pauvre. Cette famille s<^
<«)nqiosait «luii père et d une mère in-
fn mes, d'une vieille cousine, d'un jeune
nn'najje et tle cinq enfants : pour tant
de monde il n'y avait qu'une seide do-
mesti([ue. l ne a{;ilalion jH^péluellc ré-
gnait dans la petite maison : c'était un
de ces intérieurs où l'étranger sent qu'd
nt' ])onrrait pas vivre, l n logement
beaucoup trop exi^u , des liibiiudes
mes(piines, des caractères aifjris, tel était
le nouveau spectacle ofl'ert à I.é"Ouie cl
dont son mari es|M'rait tirer \\\\ bon
parti.
Céilant à des instances réitéri-es, le
colonel consentit .'i jvisser deux ou lii»is
joins à Saint Germain.
Il v avait, dans cet inléiicur, mie jeune
fenune irenviri>n trente ans, I^I'"' Au-
pjUSte Bonucville, sur qui iYpi>s;»it loul
le soin ile la maison. Jamais on n'avait
vu fennne plus lalK)rieuse : elle .suflîsait .'i
tout, il parvenait, par de constants el-
forts, \ remplir sa noble ticlic. Di>train*
les (grands i>aixM)t<«, plaire à son mari,
soi(;ner s<*s enfants, diriger la donies-
li«pie, entretenir au delioi^ qui-l«]ue^ re-
lations, Al" Aui;uile faisant tout e.li.
cl savait ètix' aimable, Qracieus«\
M'"'' d'K4ess,irs rul»s<Mvait avec éion-
nemeut. Cette ct>niplieation d'alTairrs,
174
cl\)I)li};;Ulous, de cK'lVrences et do petits
travaux luanuels rrlfiayait. IM"" Auguste
lui avoua qu'elle n'avait pas un moment
de loisir.
— ^lais, Madame, ne vous ennuyez-
vous pas quelquefois ?
— IMemuiyer? Ilélas ! INIadame , je
voudrais en avoir le temps.
— A ous ne vous ennuyez jamais !
— Non ; mais je m'impatiente sou-
vent. Quand je considère ma vie dans
son ensemble, je la trouve difficile et
pesante ; mais en Tacceptant connue
Dieu me la donne, jour par jour et heure
par heure, je sens que cette vie n'est
point au-dessus de mes forces.
— Ah I Madame , combien je vous
admire!
En effet, la vie de M"ie Auguste Bonne-
ville était digne d'admiration ; douée
d'une âme élevée, d'un esprit supérieur,
cette femme avait courageusement im-
molé de nobles penchants aux simples
devoirs de sa position. Elle aimait la lec-
ture et ne lisait presque jamais ; elle était
pieuse, et trouvait à peine le temps d'as-
sister à l'office du dimanche : le travail
à l'aiguille , l'éducation des enfants , les
soins d'un ménage restreint par la plus
stricte économie , et les obligations de
famille faisaient de sa vie une course
pressée, où toujours se hâtant, et toujours
en retard, la pauvre femme, tout en fai-
sant de son mieux , ne paraissait jamais
en avoir fait assez.
Le colonel, qui estimait profondément
]\Inie Auguste à cause de sa vertu simple
et solide , vit avec joie que sa femme se
plaisait à causer avec elle, et il se promit
d eiu ourager par la suite cette liaison
naissante.
Enfin , on revint à Paris : quelques
jours furent consacrés à se réinstaller et
à revoir ses amis; puis, quand le calme
lut rétabli, on songea à créer définitive-
ment cet intérieur exceptionnel dont il
était question.
Lt'onie avait perdu bien des illusions.
A l'agitation du voyage succédait cette
innnobilité où l'âme recueillie retrouve
en elle-même des impressions reçues à
la hâte et à peine senties. Dans ses heures
de solitude, la jeune fenune se demandait
quel serait l'objet de son choix entre tous
les intérieurs qu'elle venait d'observer :
elle ne voyait partout qu'inconvénient
et déception. Ce bonheur pur, cette vie
exempte de petits ennuis, de soins maté-
riels, de concessions pénibles , cette vie-
là n'existait donc que dans sa pensée ?
M'"6 d'Esessars en demeura convaincue,
et , désespérant d'échapper au malaise
général, elle résolut d'accepter franche-
ment et aveuglément le sort que la Pro-
vidence lui destinait, en se promettant
de mettre à profit tous les petits bonheurs
qui lui adviendraient, et de se rt'signer
de la meilleure grâce possible aux soucis
et aux contradictions inévitables.
Un soir, le colonel se montrait plus
sérieux que de coutume, et son aimable
compagne cherchait vainement le moyen
de le distraire.
— Qu'avez-vous , Arthur? vous êtes
triste.
— Je suis inquiet , et c'est vous, ma
chère amie , qui me préoccupez en ce
moment.
— Moil comment cela?
— Je crains que vous ne vous trouviez
malheureuse. Je voudrais rendre notre
maison agréable; mais j'ai peu de rela-
tion, et d'ailleurs, je ne le sens que trop,
je n'ai plus cette gaîté qui convient à
votre âge.
— Ah î ne me plaignez pas , Arthur!
je ne suis plus cette Léonie que vous avez
connue si enfant, si légère; celle-là se
croyait libre de n'accepter de la vie que
la jouissance et la poésie, maintenant
j'en accepte les devoirs. En peu de
175
lomps jai vu \nci\ des cliosrs, mais
liiMi d'aussi Jicau que mou rêve. J ai
aj)pris de Louise que la paix ne s'eutie-
liciit dans la vie eouuuune que par de
muluilles co!i<-essions : j ai vu daus le
cœur deLina tout ce que le boidirur de
la tnrc pfut couler de iannes ! Noéuii
m'a cliarmi'e, je l'avoue, jt- lai crue Ih u-
r<u>r. Pauvre femme! (juand ou la re-
j;arde elle sourit, et quand ou m- la volt
])as elle pli'iuu'I
— Ainsi donc, clière enlarit , vous
nenvie/. le toit d aucune tle ces jeuunes/
— iNtJu; Louise, Lina et iNoi'-mi sont
loin d'être parlaileuu'iit lieureuses.
— Lu ce cas, nous allons vous faire
j»rt'parer à Saint-Germain un apparte-
miMit bcaueoiq) Iroj) jxlit, et. Dieu ai-
dant, nous arriverons im jour à toutes
les com| liealiuns voulues pour vous po-
ser en ce monde sur le même j)ied ipie
M'"*' Auj;u.ste JJoimeville.
— Ali I mon ami, (|ue dites-vous là I
(iràce pour de telles «'«preuves! celte
femme admirable a rectifié mon jnj^e-
menl. J-llle dit qu'elle est heiuruse,
mais vrai, ce bonlieur-là me casserait la
tète. One deviendrais je s'il fallait ainsi
me jxnlre dans le ménajje, les addi-
tions, les rneconunodjj;es et les petits
pois? -Non, ce s*'rait inq)Ossible.
— Allons, allons, nous renonçons à
Saint-Cicrmain, décidément Tair ne vous
eonvient pas, il est trop vif. ."Mais ipie
ferons-nous à Paris? Voyons, causons,
discutons, créous-nous, s'il se juut, un
inU'riem.... je ne dis pas tli;^iu' «!e vous,
mais, du moins, supportable.
— Couunenl supportable? y ]X'ns<••/.-
vous, Monsieur, moi cpù deuiaiide un
intérieur cbarmant
— Lneore ! (pioi, hmi^^ii i\ uilli-
enlh-?
Oui, cbaruianl , et nous y par-
viendrons. Keoute/.-uiui : je ue suis pas
si enfant t|ue vous voidei bien le diiv ;
je siiis raisonner, moi... à présent.
— Comment doue, je suis cbarméde
ce que vous me dites là, c'est une ? -
ble sur]>ris<.' I
— Kiez, moquez-vous, mais laissez-
moi parler, et faites ce que je dis.
— Ou'ai-je fait jusqu'ici
— Lb bieni Artbur, «lepui- queLiue
l 'mps je « berebe aussi un anan{;enieut
de vie qui satisfasse, autant que po>Ni-
ble, votre {;oùt et le mien. Ab ! je vou-
drais bien ne pas vous contrarier , je
vous l'assure I
— Moi, jeveiiv u>ni.». tpievousvou-
1»'/, ma bonne Ix-oni»* , dit allcclueuse-
ment le brave oUicier; vous aimez le bal,
nous irons au bal. Vous n'ainu z pas la
canqvi^ue, nous n irons pas à la cam-
pagne.
— Non, lion, cber Arduu-, ne me
sacrifiez rien : je n'ap|H'lle plus bonbeur
ce qui n'est agréable (ju'à moi. Je vais
vous exposer mon plan de vie.
Depuis (pie je suis niaritV, il y a
cpi( bjunn qui t st bien triste, bien à
])laindre. C est ma pauvre (;rand'nière
que je n'ai pas rendue beureuse, et qui
pourtant m'aime par-dessus tout. Je
voudrais babiter auprès d'elle; nous se-
rions indé|HMulanls, mais nous la verrions
souvent. ^ ous passeriez votre temps à
lire, à écrire, à vous promener, avec moi
ou sans moi, et je partagerais le mien
en ire les occupations ulilt*s et les dis-
tractions ayivables. Je voudrais aussi,
puiscpie nous le pouvons, faitr un peu
de bien, et donner aux pauvivs; non |vis
toujours de l'argent jKir la main d'un
intermédiaire, mais ausii des consiîla-
tions,en les ét-outanl et en les plaij;nant.
Je WMviiai Dieu daus la sinqduitt- »le
mon etenr. S4>uniis<'au\ pieus<»s pratiquer
de l K;;iiM'. Je làcberai d'eln* lK>nne
ctMume Ix>uisr, couiai;euse connue Lina,
aimable ix)muie Not^mi, et labiw'KUse
cx)mme .Mme Bonueville. \ odà iv que
170
je veux lairo, mais vous, vous m'ai-
merez l)i( II, ii\st-cepas?
Le eolonel ne répondait pas.
Léonie le regarda avee anxiété : son
visajje était sérieux, ses yeux baissés, une
profonde émotion faisait trem])ler ses
lèvres.
— Oli î parle/.-mol ! dit la j( luu*
fennne.
— Kli bien! J^éonie, nous ave/. déj)assé
mon rêve de bonlieur, vous avez eom-
])ris ee que tant de fennnes ne savent
jamais I Oui, partout il y a desjieines,
des ennuis, des devoirs ; partout aussi,
vous le verrez, il v a des joies piues, des
satisfaetions vraies ; pour en jouir que
faut il? Se faeonnner soi-même au eadre
dans lequel on se trouve placé ; ne pas
se reljuter aux piemiers eliocs, et surtout
s'exercer chaque jour au support mu-
tuel Oui, mon amie, mon petit an-
ge, nous diviserons notre vie ainsi que
vous venez de le dire ; vous consolerez la
vieillesse de votre aïeule, vous secourrez
tous ceux qui auront besoin de vous, et
moi j(^ m'edoieerai de vous distraire en
vous ])roeuiant les plaisirs de votre agc.
— Oh ! oui, n'est-ce pas, vous me fe-
rez danser de tenqis en temps?
— Reposez-vous sur moi du soin de
vos plaisirs!
Pendant qu'il parlait, M. d'Esessars,
tenait dans sa main la petite main de
Léonie, et regardait avec un noble orgueil
ce visage à la fois sérieux et enfantin.
La conversation se prolongea, et Léo-
nie la résuma gaîment en ces mots.
— Ainsi je serai heureuse chez moi ;
j'aurai la paix, le calme et l'amitié; vous
y joindrez la distraction et le plaisir ;
je mettrai mon l)onlieur à vous rendre
heureux , et nous aurons un intérieur
cliariuartt^ entendez-vous, mon colonel?
JOSKPII DE BlŒSLER.
IINSTRUCTION.
POESIE.
A MA NIÈCE iMARIE C.
MAI.
C'est le mois des roses,
Le réveil des fleurs ;
Où sur toutes choses
Dieu mit ses splendeurs
C est la tiède haleine
Passant dans l'air pur,
Liondant la plaine
De ses flots d'azur!
C'est l'oiseau i\\ù chante
Alix bois parfumés.
Dans la douce attente
De ses o.'uis aim('s.
C'est riierbc qui pousse
Partout sous les pas ;
C'est le nid de mousse
Au pied des lilas.
C'est l'eau des fontaines
Qui creuse le sol.
Chantant sous les frênes
Comme un rossignol ;
C'est le frais rivage,
Où le lys penché
Mire son visage
Au soleil caché,
i77
C'est dans les prairies,
Le pnpillon d'or,
Aux tijjes fleuries,
Prenant leur trrsor :
C'est avec leurs uièris
I^s petits moutons
Paissant, aux fouj^ères,
I^s premiers I)outons.
Mai I... c'est de l'année.
Le joyeux berceau ;
C'est la matinée
Du printemps nouveau ;
C'est la frêle enfance.
Qu'on verra j^randir :
Mai î,... c'est l'espérance I
^Lli !... c'est l'avenir I
Au front des monta{',nes
rictuil le raisin.
Et, dans les campa{',iies
Germe notre pain :
Ma ( lière Maiuf,
Tu portes ce nom ;
Pourquoi, je te prie,
Te If donna- t-on .'
C'est que ton visage
F.NVOI,
Partout la nature
Accomplit son vau,
S'éveille et murmure
Le nom de son Dieu.
Ainsi donc, sur terre.
Dans ce mois des fleurs,
Dieu fait (pi'on es|>ère
Tous les vrais l>onheurs.
Sa toute-puissance
^onlut, à nos yeux,
Ktaler d'avance
Ix*s grandeurs des cicux.
Pour rendre complètes
Toutes ses faveurs.
Pour que tout fût fêtes.
Amours et douceujs,
l^e ciel et la terre
Cliarmt's de ses lois.
Du nom de sa mère
Oni uounué ce mois.
Ainsi que ton c-onir
Sont la douce image
Be tout ce honlieur.
Galoppe d'Oxyi AIRE.
LlTTl-UATllU^.
Roviio liibliourupliiqtio
AssociAiiON porn l'édicatio.n roriLAiRi.
Hiblinthcipte I . Ciirmrr (l ).
A oiei une ivxwvc philanthropique dans
la saine ai'ception du mol; «)ui, c'est l'a-
monr snieèn*, ériairé, île I liumanit«'* qui
a rapprorlié tous ers lionnues tl»»nl la
position, les occupations sont si ili versos,
(0 *'ff ruo nichcîiou. au premier.
une
1,1.,
il qui a lait de toutes iv^ \
volonté- unique, olle tl arrivr. ..
une laïune inqHMlante dans 1 «
ment dit pf^fmlnirr.
l'n besoin intellectuel bieti imp«Tieu\
a été cnv par l<*s Kcoles primiin-s, «-elni
dr II livlun\ et. en France, d est |m lit !••
178
iioiul)iv ilos llvivs approprit's aux classrs
oiivricirs. Drpuls ])lus de viii^l ans 1 1 So
cit'if jnnii riiislniclion ('h'incrUairoscroii-
«ltVj>ar un (.'iliicur, iM. Louis Colas, a cou-
Iriliut" etcontril)ur oncoiv à la ]>ul)ll(\uioM
(Ir ce '^\cnic il ouvra|;(\s si (.'iiiuuiur.u'iil
uti!(\s Cl ([ui lie sauraiont clic liopiiiulii-
|)'u''s ; aujouitl liui l'A.'^^ociniion j»>iir
/' F.tt'irat'on pojjuldiic \\cui dounoi" plus
iXc (lôvfloj^pciut'ut à celle (vuvre, cl, à
sou tour, elle liouvi* un utiK' concours
(huis le zèle d'un éditeur, 31. Lt'ou Ciu-
j;:ci . (pii conçut l'un des premiers l'idée
tic loncUr dis i»il)hotîjcqucs connmi-
iiales.
jNos jeunes aniics \\c ]i(Mivcnt rester
clranj'èrcs à luic entreprise si nolilc.
Elles savent tout ce (pu* la lecture a{)-
l'Ortc d'alu^jeuîcnt à 1 1 souiiranee nliv-
sifpie ci aux soulVrances de l'ànie; elles
savent aussi conune le cour s'énuiit, se
l^'issionne ]kuu' un récit qui exciie la
léllexion, lorsque surtout ce récit of-
IVe un rapport plus ou uioins (iirect
avec notre situation morale et matérielle.
(a'Uc d'enlr elu's qui visitent iVé(picm-
ment les salles d asile, les écoles, la
cliaumicre du paysan, li mansarde de
l'ouvrier, savent, en outre, combien dif-
licilement cllcis trouvent, ])armi les livres
qu'elles possèdent, quelques ouvrajjes
(pîi puissent ])r(>curcr au j-auvre, à 1 i-
(jiioraut, des jouissances réelles," et des
enseignements ausii utiles que faciles à
saisir.
Eu effet, la plupart des livres destinés
à la jeunesse ont été écrits en faveur de
cette classe moyenne où l'éducation,
1 instruction (plus ou u oins bien con-
çues), couanencées au ]>erceau se con-
tinuent dans la famille, dans les pen-
sions, dans les collèges. Les cutunsianccs
de la vie, pour cette classe moyenne, ne
sont pas celles de la vie j^our les classes
pauvres, vivant du labeur de chaque
jour. Si le fonds des cnseigucmeuts est le
même ])our tous, si les consé<pi(Mie: s de
la versatilité tlans les {joûls, de l'oisivi lé,
de riMiioraiice, du désordre, de la proili-
(^alité sont les mêmes pour tous, 1( s e/>-
co.'i^td/K es qui préparent ces tristes lé-
sullats, dillèriMit ilans leur (\sseiiee, clans
leurs lorines. Or ces circonstaiiees, ces
formels exercent une j;rande iallniiice sur
res[)ritdu lecteur; l'iles rendent ]"'0(U' lui
la leçon plus ou moins sCiisilde, plus ou
moins applicable à la j)osilion dans la-
quelle Dieu l'a placé.
iVous en dirons autant au snjit de ces
livres, uioitié réciéatils, moitié inslruclifs,
auxquels les jeunes lecteurs de la classe
moyenne prenr.ent tant de ])laisir. JDi'S
études préliminaires, des entreliens en-
tendus chaque jour, les queslions qu'ils
ont la possibilité d'adresser à des gens
instruits, donnent pour eux une grande
clarté à l'exposé des ])liéi.omènes de la
création et des merveilles de l'industrie:
ces lumières manquent à l'enfant ilu
])auvre qui sort di- l'écoU* pour entrer en
apprentissage, à l'adulte dc'jà ouvrier.
Et cependant de semblables lectuies
leur feraieîit tant de bien î Ils seraient si
heureux de trouver, dans les livres, des
leçons appropriées à leur situation maté-
rielle et morale, à leur intelligence I Oi\
reprend courageusement, à la suite d'une
lecture qni a ému le eccur et fourni à l'es-
prit des souvenirs instructils, le fardeau
des misères de chaque jour!... Nos jeu-
nes lectrices, qui connaissent ce plaisir-
là, ne seront-elles pas heureuses de pou-
voir exercer, d'ime manière plus com-
plette la charité, et, après avoir poiuvu
aux besoins matériels, de satisfaire aux
besoins intellectuels du pauvre? Be-
soins presque aussi iuqiérieux que les
autres; elles ne rignorent pas.
Les noms les plus honorables compo-
sent la liste des membres fondateurs de
! l'Association pour l'Education populaire
I dont fait partie 3L d'Albert de I^uynes :
179
dans le coinitr d'exanuMi des ouvra^jcs
(envoyés aux divers concours, nous trou-
vons les noms de iM. l'ahhr I^^ Drruill»\
ainnônier du A al-df-Oràtr, df ]M. Cli.
de Kriuusat, d<' ]M. Vivien, de >I. Orun,
de M. Yillenné, de M. Gustave de Beau-
niont, etc. Les concour souverts ont ])our
objet de provoquer la composition de
récits moraux, instructifs, de manuels
teclmolo(jiques, ric, etc.; ft déjà un
jjrand noudjre dWrivains ont répondu à
ra])l)el ; déjà la Bibliothèque L. Tin nier
s'est enricliie de plusieurs petits volume?
destinés à n'pandre dans les classes ou-
vrières des iih'cs justes, saines sur la mo-
rale et les sciences.
Connue, à rexemple de TAssocialion,
nous plaçons en première li^jne Vrducd-
tinn^ nous couunencerons par donner à
nos jeunes amies un aperçu des ouvraj;<*s
composés en vue de \ cmei'^urnieiit nionil.
Nous mentionnerons d'abord un conte
ou n/jo/o^rur qui a paru dans leur journal
en 1.S43 : Histoire d'une Rosr^ racunlcc
par rllr-nu'ine, de INf. Clément d'ICIbbe ;
ce joli poème en prose, dont elles ont
j;ardé sans doute le souvenir, est un
charmant tribut payé- jvir le Jouninl des
J vîmes Penonnes à la Biblintlièijuc L.
dinnrr.
Drnx .nulres approbnlions ont cW ac-
cordt'<'s au menu' auteur pour X'hi^tmrr
de Marc t Ilot et ])our Philippe le in-
tclier.
\4 histoire de Mareillot , si ambitieux
d«' tievenir atthef^iste , est raconlt'c par
un ami, à un jeune lernner (pii a/nhitiofi-
ne, ini, de ilevemr né|;<H'ianl ; tout est
naturel et vrai dans ce récit attachant;
point lie di'clamations ni des longueurs;
totii ce tpj'ti faut, et com/ue il faut.
Phiiipfie le batelier est I un de cfîl
beaux Iv|h*s de chantt* pratit/ue, tel qu'il
s en trouve pins dnn dann les clanes
pauvres; \o récit des belles actions fait
chaipie année \ l'A» \d« niic française eu
offie bien des exemples. Il est impossible
de lire ce récit sans sentir ses yeux se
mouiller des plus douces larmes.
J),ins les liirnfaiti de l'Epargne, par
INÏme l'iuck, Tauteur sait amener son
le( leur, avec le secours dune fable inté-
ressante, à comprendre l'importance de
cette institution ; en qurhjues coups de
pincranx . dans h'squtls on m-omiaît la
touche «lélicale de la h'mme faisant la
part (lu cd'in- et celle d'une sage pré-
vovance, elle montre ([uon peut être tout
ens<Muble bon et économe^ et elle ouvit,
en outre, une voie utile à cf-xw qui peu-
vent donner.
In Manuel des tlevo r€ de la vie, à
rusa};e (le la jeunesse , sans nom d'au-
teur, et Devoir et bonheur par M. Oa-
bri<'l Huck, pi liront moins |>eut être à la
{^é-néialilé* des lecte'urs (pu jHJUrront bien
n'|M'ler avec le fabidiste :
Irii' iiior.ili' luio ap|»ortc de IVnnui;
l.e route fait pa-stT la morale avec lui.
mais ce (jenre d'ouvraj;e est d'une {grande
utilité potu- le maître et la maîtresse d'c'-
cole de villa|;e.
Nous avons remanjué encore trois
petits voluniis tont-à-lait à put ]vn le
sens droit cpii les a iuspiiV'S ; ce sont les
i.KirRRSA MON W! JAC^i'ls, de >î. Mau-
rice lU(»ck. — Première lettre : Dh^ HI-
CHF.s. — Deuxième lettre : ui i.luroT.
— Proisième lettre : LK BtDOET.
Oue nos jeun<*s amies ne «'effraieiit
pas de ces titres. Klh's ne $i)nt pas obli-
jM-cs, d'ailleurs, de lire des sujets si f,ra-
ves ; mais nous promettons i tvlles «pii
amont le eomagr d'en faire l't^ssai . le
jtlaisir de (H»uqin'ndre plusirui-s tics
(pieslions, dont tout le monde s'(HVU|H'
aujoiu'd'hui. Plus «l'une fois le spiritu» l
auteur des i.rttrei à mon ami Jaci/ues,
les fera sourur; |vnil-ôlre, n>nuue jeuni^s
filles. rej;n'tterant-elU*s cr|>endant «pie
l'esprit «-t le raisoiUMMuent aient tV de
pn-l'«''rruceemploN'^. l^M^ tjne, |>. m |><t-
180
suadrr, une doiire IjuMiveillancc envers
ceux (|ni sDiillVeiit ili* la pauvreté, aurait
j)ii vcmUc /'fil/xil'lc''., d'iUic inaiiiciT tout
aussi vive, mais moins douloureuse, des
vi riti'S i néon ti stables,
l.c Mantiel du jure, par ÎNI. lîaroclie ,
V Instruction cirif/iic des Français^ par
INI. C.-J.-B. Aniyot, voilà des titres laits
pour donner, à nos jeunes amies, la
c/tnir de potilr. Mais leur père, mais leur
frères reconnaîtront de quelle utilité il
est de répandre des onyrajjes qui ensei-
gnent à toutes les classes lis J)EVoirs et
les droits des mendjres d une société civi-
lisée; et leur mère sera lieureuse de trou-
ver, à la lin de Y I/islruction civique^ des
modèles d'actes que, précédennnent peut-
être, elle avait en vain clierchés ailleurs.
Qui n'a pas à faire mie déclaration de
mutation après décès, un testament, une
reconnaissance, etc., etc., et quelle est
la personne, la femme surtout, qui sait
avec certitude en quels termes ces actes
doivent être rédigés ?
Au nond^rc des livres destinés à Yen-
seigncnient élémentaire se trouvent les
Principes de dessin linéaire et de géomé-
trie pratique y>^y iM. Jacques, et les Elé-
ments d'histoire universelle y^av M. Antoi-
nin Macé. Nous ne nous aviserons })as
d'émettre une opinion sur le premier de
ces ouvrages approuvé par des hommes
compétents, mais nous dirons que le se-
cond nous paraît être le mémento le plus
utile, pour quiconque sait l'histoire, et
un précis largement dessiné, et plein d'in-
térêt pour quiconque ne la sait pas encore.
Un Tableau chronologique des principaux
faits de C histoire universelle termine et
complète cet utile volume.
J^s sciences' nnturellrs appliquées a
l'hygiène ont trouvé depuis longtemps ,
dans 31. le docteur Emm. LeMaout,-
un de ces professeurs qui répandent la
lumière sur tout ce qu ils touchent. JNous
engageons vivement nos jeunes amies à
lire les quatre petits volumes déjà pu-
bliés, l^es deux premieis, (|ui traitent de
la compnsitio/i de l'air et de C( Ile de l'eau
leur ollViront ]ilus d'un sujet tladmira-
tion envers le Créateur, et les données les
plus ciuieuses sur (juelques-unes des
manipulations de la chimie, ainsi que
sur les travaux de la physique. Dans le
\ troisième volume, elles feront connais-
sance avec les diamants les plus célèbres
et peut-être, en reconnaissant la nature
de celtepierre précieuse, reporteront-elles
à TAuteur de tout, l'admiration jusqu'ici
• réservée à ce produit du travail des siè-
\ clés. Le quatrième volume enfin leur of-
■ frira Y Histoire de f éclairage par te gaz.
î Des anecdotes curieuses et bien choi-
' sies animent ce cours, autorisé par M. le
INJinistre de l'Instruction publique, et font
de l'ouvrage de 31. le docteur Le ÎMaout,
une lecture attrayante autant qu'instruc-
tive.
Si nous enj'aî'eons nos jeunes amies
à lire la plupart tle ces dix-sept petits vo-
lumes et à en parcourir au moins quel-
ques-uns, cest que nous sommes assurée
qu'elles y trouveront du plaisir et un
avantage réel. Il est bon qu'elles recon-
naissent par elles-mêmes de quelle ma-
nière l'éducation, l'instruction doivent
être données à ceux qui manquent de loi-
sirs, et connnent quelques-uns des livres
qu'elles ont jusqu'ici distribués, par bonté
dànie, aux enfants des écoles, peuvent
être pour ceux-ci plus nuisibles qu'uti-
les; car l'enfant du pauvre, entraîné,
connue elles le sont elles-mêmes , par le
charme d'un léeit, se laisse aller parfois
à tles rêves qui lui rendent ensuite la réa-
lité plus pénible, plus dillicile à suppor-
ter. Dès (piil ne trouve , dans le livre
qu'il ht, rien qui se rapporte à sa situa-
tion, rien qui l'éclairé sur la route qu'il
doit suivre, il ne peut que sentir plus
amèrement l oubli on il est laissé , et
bientôt des aspiiations vaines à un
\H\
sort incilltiir lui iciulent insupporta-
ble celui auquel il se voit coiitlamué.
Ce sort peut sanu'iiorer, sans iloute ;
leufaiit du pauvre est en droit, coniine
tout être intellij;eiit , de croire que ,
les eirconstai]ees aidant, il parviendra
un jour à la fortune, à la ct'léhrité
}Kut-clre... Mais il ne recueillera que dé-
eeptioji et misère si aucune direction
n'est imprimée à ses pensées par des lec-
tures (\uï doivent, avant tout, développer
en lui l'amour du devoir, du tiav.ill, et
la rési{jnation à la volonté de Dit u.
A ous le voyez, jeunes amies, il y a un
l)ien immense à faire, et vous le ferez.
Slinudées par l'exemple de ces lionunes
si haut placés dans l'instruction, dans les
sciences et qui consacrent leiu' savoir,
leur udent à l'éducation , à l'instruction
de l'ignorant «t du p.ui\ ic, vous vondri /.
apporter votre quote-part à cette honne
(l'uvre. Pour 4 francs par nu^is, vous
pouvez devenir associés fondateurs et re-
cevoir chaque mois les volumes auxcpiels
vous aurez droit ; pour un sonnne déler-
niinée, vous aurez un anlic droit, celui
d'iudicpier les niatièresque vous voudriez
voir traiter, et si votre indication est ac-
<'<ptée , si un ouvrn{;e «'crit sous votre
inspiration est approuvé, vous recevrez,
dèscpi'd aura été imprinx-, un imndjre
de vohunes équivalant à la sonune dont
vous aurez disposé en faveur tle l'Asso-
ciation. Voulez, vous simplement vous
borner à ilistribuer (ju» Iipu N-mis des vo-
lumes di'jà pidjli 's? La dépense sera mi-
nime ; les di\-s<'pt volumes dont nous
venons de vous parler coûtent s«'paréiuent
dr 10 à 4 0 centimes l'un, et, tous en-
sendjle, 2 francs, pris à Paris; il faut
ajouter, pour le port, 4 cenlinies par
chafjue fraction de 10 centimes.
Nous insisterons sur la demande que
nous venons de vous faire, de ne donner
aucun de ces ouvra{;es sans l'avoir par-
couru au moins. S'il est très-vrai que
rimaj;ination du pauvre peut s'exalter
d'ime manière danjjercuse par la lecture
(11111 livre (pii n'a pas vie /ait /jonr lut\ il
est éjjalement vrai que les j)ersonnes plus
ou moins favorisées par la fortune gtt-
gnri'onl toujours qui ijuc cUnw à la l« c-
tnre des livres fi.its pnur le pauvre. Klles
V juiiseront dahord la connaissance de
ses besoins, de ses misères, de ses ei ivui-s,
et, par const'quent, des lumières sur les
movens les meilleurs à emjîloyer |K)ur
subvenir aux uns, |>our soida};er K'S au-
tres et pour tarir la source des dernières;
ensuite t lies y {ja^jneront une instruction,
en (pieKpie sorte />r«//V/Mr, et qui inaïupie
prestpi à nous toutes. One de clios«\s vtuis
ijjnorerez, chères et jeunesamics, «t de
combien de jouiss^uices vous vous piive-
rez vous-mêmes si vous vous contente/
de répandre, sans les ouirir^ les ouvrages
lie la bibliothèipie L. Curmer, approuvés
par l'Associalion pour llMneilion jx^pu-
lairc I
S. l i.i.iAC Trk.m ^dki rk.
vnvvcrs.
iOlNlMUs. .Smir rt Ji n ,)
I)i\-hnit nuiis après lelie rencontre,
je me trouvais un soir à la même plat e ,
re(;ard;ml le i ici cl l'eau, rêvant connue
t«inii'Uis ,1 j«- iH N.iiN ihuh. \ M i ii.iii' I r
ji.uut au bord de la baie , il avait n Ite
ntis«' rixliereliée^ mais un {x it Uuinle. et
18i
cvi ail ilt'pavst'- (jui distiiijjuont los Eiuo-
])(»Mis à Km ariivtt' tlaus nos tolotiics. 11
se iliii^«>a de mon colc. Qnaïul il wc lut
plus (|u'à qut'liiuos pas... — (loinineut!
v'cst \ousl nrt'vrlai-je. J avais nroinui
nioii 11 »l)lt.iut trAjial»'\<>.a.
O II
— ^ DUS souvriioz - vous do moi .' me
♦ lit il (Ml mt' st riant la main avrc ('mo-
tion. Ali ! vous dovo/ (jtre suipris , je le
com|)r(Muls ; mais icil)as, mon Dieu!
(|ui (le nous sait h'wn où il va ^ qui mc'uir
sait hitMi ce (pTil vrut .'
J an ivi" do Franco , de cette Franco
tant d(''sirt''0 î j'ai revu ma mère , Paris;
tout une amu'o, j'ai vécu de la vie la plus
l»ollo. Je n'ai rion ('pai|;u(' poui être litui-
loux. Je n ai point à mo plaindre non
])lus du monde : il ma donne tout son
honlieur, il m'a vendu toutes ses joies.
J ai promené ma curiosité dans les fêtes,
dans les tluMtres , dans les assenddt'cs,
(.lans les salons, partout enfin où m'atti-
raient respéranced'un plaisir, la promesse
d'un amusement. J'ai vu les acteurs les
plus célèbres; j'ai entendu les chanteurs
et les musiciens les plus renommés; j ai
IVéquenté les savants et les gens de let-
tres ; j'ai clierclié des distractions dans
les pompes ]ndjliques ; je me suis mêlé
à la foule, me laissant aller où elle allait,
marrètant où elle s'arrêtait pour mieux
goûter toutes ses sensations , pour vivre
comuie elle de légèreté et d'inconstance.
3Ialgré cette active recherche de tou-
tes les jouissances extérieures , je n'avais
point oublié de me donner un bon c/if^z-
iitoi. J'habitais le quartier le plus élé-
{jant ; je m'y étais établi comme on lait
dans une demeure d'affection qu on ne
doit ])lus quitter. J'avais paré mon ap-
partement de meubles délicats, de porce-
laines, de tabl(>aux, de ces mille objets de
fantaisie qu'on regarde chez les autres
comme l'expression du contentement et
le témoignajje d'une douce vie inté-
rieure.
I Je me croyais au comble de mes V(rnx...
l'^li bien ! au milieu de toutes ces délica-
tesses et de ce luxe tant désiré, voici que
ma ])etite maison d'AgaU'ga m'(\st appa-
rue. Pauvre case créole I assise au pietl de
son grand palmiste , je l'ai revue tran-
cpuUe et souriante, moi qui la trou vais tris-
te aux joins de ma solitude, à cause de
son air calme ; je ne l'ai j)lus regard('e du
même œil au fond de mon souvenir, à
travers le bruit du monde, et je me suis
])iis à l'aimer à cause de sa bienfaisante
sérénitél En présence de ces hautes mu-
railles blanches et de ces longues cliemi-
n('es noires des maisons de Paiis , com-
bien elle me paraissait avenante et hos-
pitalière avec ses palissades toutes feston-
ncVs de lianes fleuries, ses treillages de
vettiver où la brise se parfumait en pas-
sant , et son toit de feuilles jaunies sur
lequel couraient les ond^res des feuilles
vertes !
Le chemin de mon île une fois retrou-
A'é , ma mémoire ne se lassait point d'y
faire des vovages. Elle me montrait des
lieux charmants que j'avais habités avec
indifférence , des beautés sublimes que
j'avais considérées avec insouciance. Sou-
vent elle me conduisait dans la profon-
deur de ma forêt, au centre de ces grands
cocotiers, véritables colonnes vivantes,
groupées, éparses, perdues, fuyant dans
la nuit du bois sous leurs chapiteaux
épanouis comme des éventails de bronze
antique.
Sur leurs têtes le soleil et les vents ,
mais à leurs pieds l'éternel oubli, l'apai-
sement de toutes les choses , le repos au
sein de cette lumière blonde et nacrée
qui découle de la cime des hauts pal-
miers et qui ne se trouve qu'aux régions
de l'équateur.
Quelquefois elle me transportait en
face de la grève retentissante à l'heure
où le flot se retire. J'aimais à contempler
ce lit de géant qui garde l'empreinte du
183
vaste corps et des lonjis inouveiiieiits tle
son maître ; cette couclie aliaiulomice ,
mais encore toute remplie de sa royale
mn;;iiifieence : ici des tapis de varreli à la
teinte J^lauqiie et satiiw'-e, des manteaux
<ral(;ue verts connue l'émeraude et doux
à Tceil connue le velours ; là des };erb<s
de corail fleuries comme des corbeilles île
roses vt dVeilK'ts ; des coquilles de toutes
les fornu's, de toutes les coideui s siinées
sur le sahle connue des bijoux |M'rdus ,
on r iss<Mnl)lées connue les pierres j)n'-
cieuses d'une mosaiipie éblouissante.
Pendant (pie la mer eidève et roule à
l liori/.on ses innnenses volutes, le lirnia-
ment déploie son voile d'orient si bl«u,
si pur, si transparent sin* cclt»' valK'e «les
{grandes eaux. Il send»le alors (pToîi soit
])rès des j'ternels mystères; on croit sentir
derrière ces nua.';es d'or d(»nt les lind)es
éiinctllent connue uneauréole, les rej;ards
de Dieu qui se promènent sur Tabîme
et qui se plaisent à contempler la plus
piodijjieuse de ses œuvres.
Ali ! combien toutes les pompes de
l'humaniU' me paraissaient vaines alors
(pie je descendais de ces bauteurs et tle
ces lointains on m'avait enlevé ma mé-
moire ! Il me restait le {',oùt d un bon-
beur impossible au milieu du monde ,-
je un* repr-jebais mon injustice à rej;ard
de ma solitude, ^(ju, je ue l'avais pas
bien comprise, je ne lui avais pas Irau-
cbemenl livre mon e<i iir. J étais connue
Vauù qui a perdu son ami et (pii s'ac-
cuse d»' ne lui avoirpas bien dit toute sa
ten«lresse.
(jlrupie objet ])resenl me rappelait un
objet pass('', eba(pie pas dans la sociélé
me faisait faire un retour vers mou dé-
sert. Sous la voûte d«*s catbeilrales ,
l'ombre samte de ma lorèt s'allon;;eail
jus(prà moi. Si je montais au souuuet
iU'A tonrs ou sur l(\s plati'S-lomieH des
(;rauds édilict*», voyant W)us mes yuth
les maisons alignées et les lon;;ues rues
où s'aj;itaieut les passions, où remuaient
les mille jx-tits intérêts de la foule, je
stjujjeais à ce paisible coc-otier du ri-
va<;e qui tant de l'ois m'avait bercé sur
ses palmes caressantes, uie moulrautà sa
racine un sol vierge couronné de sou
abondance native, tout à reutoui' le mou-
vement sublime des Ilots et des uuaj;«s,
une peis|>eclive iuunriu»e, iuiiuie, con-
fondant les ( lioses des yeuA avtn; celles de
riuia};ination.
Au milieu des bouuues, les poètes et
les arliles m'avaiiiil d'abonl stH.luit;
mais II parole bumaiue, les couleurs lac-
tiees, les instruments et les voix sont im-
puissants à rendre ces aspirations qu'au-
cune jdume ne |HUt écrire, qu'aucun sou
ne |HMit dire, et (pii s élèvent de l'esprit le
plus simple en pn'senee de tvt être inde-
liiiissable cjui <st la nature, qui «st la so-
litude, «pii est le père de la méditation
et (jui rem|)lissait toute mou ilc d'iiar-
monie, de lumière et de |Kx'v.ie !
Hors l'amour de ma l>onne mère, je
n'avais trouvé (pie dt'txption et troiiijH-
rie. Les plaisirs me rendaient triste,
j'étais énervé, sans jouissaiicv; je regar-
dais en pitié ma ridiesse acquise au prix
de tant d'inquiétudes ri de |>eiues; je
fnvais les Imnimes que j'étais venu clicr-
clui t 1 1 i\ ■ is c iiif «il- I il; ne* 1 1 de dan-
{;er>
Dans toutes mes iiua(pnatioiis , je
vovais veiiioyer un arbre des tit)piqui^,
et j'aurais donné de Ihiii eiiiu tous les
tilliuls et tous les marionmers des Tui-
leries |Hmr une s«ule ti(;e de bananier.
(^)uand je suiseutn*' tlaiis la saison des
bromllarits, de la uei|;r ei dos feuilles
mortes* quand j'ai vu ce ciel pris d'Ku-
rope tleseendiv si bas que j'aurais pu le
toueluT de mes mains (;reU»ttantes» aus-
sitôt toute nuMi âiiio s'csl envoUW* vers
mon ileou U*s feuiUi^s sont éleruellt^. ou
le soleil est souverain, où monte le
iY(;ard, où vo)a(;e la |m-us*v toujours
18i
(l.uis IfS sj)liMi(iciirs (1 iiii ciel iMlim.
Sur l.'i lurctlc ma naissaïuv, j'i'jMOii-
vais \v mal du pays pour la Iciic rliau-
{]cvc. 1/ouuui mo th'vorait, une lau|;U(an-
inoroso iu\Micliaîuait à mon foyer où je
(lemomais dos journées entières sins ])a-
lole et presque sans mouvement, 1 reil
fi M- sur la liraise riunanli* et laissant eou-
li r s uis lin mes lon{jnes rêveries.
:Malj;ré eette apathie, je sentais une
ardeur siuj^nlière dans mon eorps ; c'é-
tait la lièvre (pii connneneait à hrùler
mon sanj;. IMes lorees s'épuisaient, tout
mon être dépérissait. Souvent ma pauvre
mère me considérait avec inquiétude, et
quelquefois je la voyais essuyer ses yeux.
Un soir, après m'avoir embrassé plus
tendrement, plus longuement que de
coutume : « Mon fds, me dit-elle, tu n'es
plus le maître de rester ici. Ta vie s'est
attachée quelque part dans les pays d'où
tu viens. Mon fds, il faut nous séparer
encore. Oh I oui, j'aime mieux... » et elle
se mit à pleurer.
Rien ne pouvant guérir mon mal, elle
se vit réduite à faire elle-)nènic les pré-
paratifs de mon départ. Quand le moment
fut venu, elle courut chercher d'anciens
amis ; on m'entraîna, ou me conduisit à
bord d un navire comme un enfant qu'on
embarque.
A travers mon assoupissement, j'ai vu
la terre de France s'éloigner, je la regar-
dais fuir avec cette indifférence de l'étran-
ger qui passe devant une côte inconnue.
Ce fut seulement lorsque la haute mer
commença de frémir sous mes pieds, que
mon cœur se réveilla. La brise et les flots
m'apportaient une joie que je repoussais
connue une impiété; le remords s'était
assis à la poupe du vaisseau, tandis que
la proue se couronnait de mes espéran-
ces. Longue et cruelle traversée I Enfin,
après cent jours d'impatience, nous avons
signah'î la montagne des Bambous, Hier,
au lever du soleil, notre voile doublait
le eap d \inl)i(\ ( I avant la iiiiil, clic me
déposait à cette même pi lec^ d où j't'iais
parti, vous vous en souvenez., avec un
amour si passionné du monde et de ses
plaisirs.
J'y rapporte un esprit bien diflérent.
Aujourd'hui, je soupire après ma soli-
tude, comme le cerf de vos forêts soupire
après rond)re des ravins, l^a vieille l'Eu-
rope (.lans toute sa gloire n'a ri(Mi tl'aussi
beau pour moi que le palmier V(Mni li-
brenuMil au bortl des grandes eaux ; rien
qui me ravisse comme la mer étincelaute
sous les feux du tropique ; rien qui me
séduise connue cette vie rêveuse bercée
par l'iusouciance, et qui tout doucement
se laisse aller à la dérive connue la piro-
gue du pêcheur endormi.
Avant de quitter la France, j'ai fait
deux parts de ma fortune. La meilleure
est demeurée à ma pauvre mère.... j'au-
rais voulu pouvoir rester près d'elle....
L'autre, je l'abandonne à mon armateui-,
i à condition qu'il me laisse vivre et mou-
! rir dans son île.
I Par bonheur, j'ai retrouvé mon an-
cien brick au mouillage et tout prêt à
partir. Au premier sou {(le de la brise de
I terre, qui se lève ordinairement avec le
' jour, il fdera son câble, et avant que la
j forteresse ait tiré le coup de canon de la
j Diane , demain nous serons en route
pou r Agaléga. Adieu pour la dernière fois î
I Moi q!ii vous raconte ces inconstan-
; ces et ces désirs tronqiés, je le plaignais
1 alors et ne pouvais conq:)rendre son éga-
I rement....
: Connue lui ie suis aussi venu sur la
! terre d'Europe, et quelquefois je me sur-
■ prends à penser que la meilleure place
! est à l'ond:)re d'un cocotier, que la soli-
j tude est bonne, que l'ignorance est heu-
' reusc dans ces îles tranquilles de l'Océan
Lidien. Le beau soleil ne manque jaujais
à ces doux pays d'Orient !...
R. Drouix.
I8:i
^^Ù'S^X^,
TUAVALX A L'AH.l ILLi:.
Corsaires en cœur. — ÉfnllVs. — Panirr hongroi?. — Cache-jK)!. — Bourse'de quêteuso. — Musique.
— IJoiitR riiués. — (*^uvre fie bienfaisance. — Abt cu.inaire : entremêla au\ çroieille» terlc*. —
Fiitinaiie à !a Monlinoiem y. — (>»ns<M valion du lait, du bouillon el des pclils poj?. — Tricol pour
îinbe. — Dentf'lle an trier. t. — Broderie dr SmNrne. — M.int«\Tu de nuit. — Hrf-»!» ri*»* d?\fT*^#.
Oui, m.i clicrr aiiiic, 1rs «oi^.ijms njiis-
1rs, ouvrant du liaut en bas en cccui\, sont
ce. qu'il y a de plus en vo|>ue. On Us
{jarnit ]ku lois d'un revers declnque côté;
ce ((iii les rend plus j;raeieux encore. La
cheniiselte hrodi'e en plastron, ou for-
mée d «'Mire-deux plae«'*s en éelielle «l
surnio!il«'s de petites valeneiennes cocpiil-
lées et remontantes, parait ainsi dans
toute son éb'jjanee. Les ieuunes seides
porlent de lielies dentelles en jabot à la
Louis \\ . J.esmnnelies pap,odes, };arnies
]>ar le bas île volants brodés (de denU l-
les pour les ieuunes), sortent de la inanclie
d'étoile cpii esl plate el fort éeourlée. Les
sous-manelies (hinoi.\t s , telles «pie t en a
jHiiu' notre planclie de lin{;erie *\\\ mois
d'avril ilernier , nuuu'ros 7 el 8 , sont , à
mon avis, pnférablespour les jeunes per-
soimes. Tu sais «pie j aime tout i«- (pu
est simple el <pie je crains tout ce qui lait
ettilii'^c.
On laii pDii) iioiiN. pour toilrlte liabit-
{«'•e , «les pi kins à mille raies ou à p«lils
carreaux ros«^s , bleus, blancs, j»ris, tout
SiMut'S de bou(pirisbrocli('*s dans la nuan-
le. (lest frais el j«)li. ie préfér»* «le b«an-
e»)n|> ces p<kinsau\ lalblas v«'rl-I.s|v av<v
«le larj;«'s ravur«'s blanelies S4'm«'es «le |h'-
lits b()U«pii ts «le roses et de pi«|u«'ivlle« ,
«I an\ la Ht las à relit ts verts sur n>se.
Ceux-ci s«>nt p«)urtint bien jolis, mais, à
mou avis, ils munf.unt Imft^ cl ils mtiuiI,
par c«)us«'«pii'nt, plus piouqileuicnt hon
lit mode.
Pn!>ipi( in M n\ \.iiit i t i iuinicdu k.ida-
veika,au lieudelarrondir, trrmine-lepai-
dcvant en poiittc de Hcbus de cba«piccôté ;
cette manicreest fort jolie; mais il faulaloi s
(jarnir tout le tour de deux Tolants eu
monssi line brodés et festoimt*s àcrèlede
co(| ; tu |>oinras ainsi faiiv Si^rvir cikxhc
la mante d'été «pie lu l'es donnée raiméi*
tlernière I).
Les l)otlines continuent de rcui|H>rter
siu" les souliei-s. Jeu suis ravie, car celte
ebaussuic est «les plus connu(.»<les.
(Juantaux ceitilurcs eu ruban, ou uVu
j>orle {juère , si ce n'est avec les cauez/i>us
en mousseline fouct*e , parce que les ro-
b(*s se font toujours luisiiuévs devant cl
ilerricre; mais les brnc«'l« Uonl la v«Y,ue.
(jtllion \ient «l'en inventer decbarniants,
entre autrcb un double bouton |>«iur fer-
mer, an-«lessus du poi];ncl, le»sou$-mnn-
dus à boullanls.
l\>ur l«s eli »|H'au\ , iK> lbni>. «lis
tleius auioiu' de la lurmecl s«>us l.i )>a>>e.
Je suis cbarmée «]ue tu aies couiuiaiw
dt* un cors«'t à .Mme l*ouss4\ Tu seras
mcrv«-illcus«Mnent bien babdlet* avec cet
en'^'in inib>|HM)S.dile , « t tu n «prouveras
|KiN la monuire |;ene ; cIiom* nn|HirUinle !
SI iuqxM tante «pie l liabde i\>nftclion-
neuse à obtenu duyn/^* ctmtntl ^ |H)ur s«s
e«usets, lors de rei|>a»iliou de 18-10, uim*
iiii.i >n r, L n corset uial fait |x m
ii>nq>i«Miti iu( .1 la fois la santé et la plus
(1 V. T. III do la Z' hétif, planche do modes
il !.. '.M S.
80
jolie tnllli^ (lu nioiuli'; c'rst trop de moi-
tié, n'ost-co pas .'
Travaillons luaiiitcnant. Tn ycvuwi-
tras i\nc je \c\\\o\v à la lin do ma Icthc
rrxpliration de ce r'wUc tricot, n" 1, dcs-
tiiu'à lairr mu* aid>t\ et de la diMitcllr ;ni
trirot, 11" 2 , dont tu t«' si-rvir.is ]Hmv la
{garnir. Passons sans plus tarder à o^
j;cMîtil panier lionjMois tout en v(Mrc ,
11" 3.
— lui xevie 1 diras-tu. Oui , ma elièrc
Adèle. IMais connue (u ne peux eoupc r
toi-niènie le verre de Bohème tlont tu as
besoin, lève, en papier très-l'ort , un pa-
tron du n" 4 , réduit au /i'"*', mais qui
porte les dimensions vrnirs en centimètres
et millimètres; dimensions indiquées par
les chillVes 8, 17, 22, et lève de même les
patrons des numéros 5, G, 7 et 8.
Il te faut deux morceaux de verre du
n" 4 ; deux morceaux de verre du n<' ô ;
un seulement du n° (>; //// id. du ii'' 7 , et
deux du n° 8. Fais-les couper sur tes pa-
trons par le vitrier, et recommande que
le tout soit de la grandeur juste de cha-
que patron.
Tu as t'ait emplette de comcU\ petit ru-
ban de satin rose ou bleu , n" 1 et 1(2 ;
la pièce de 14 mètres coûte 1 IV. ôO chez
Guyot, 24, rue de Bussy.
Prends ton ruban, replie-le par le bout,
et pose-le h c/ifiui/ sur l'angle de l'un des
côtés du no 6. qui doit former le fond du
panier. Avec de la soie de couleur pareille
au ruban, tu arrêtes par quelques points
de surjet ton ruban à l'angle du morceau
de verre. Continue à le poser ainsi à
cheval, et en le tendant bien, jusqu'à l'au-
tre angle. Forme chaque angle propre-
ment en repliant en dedans le ruban,
qui f^od(? nécessairement à cet angle, et
fais quelques points de surjet.
Lorsque tous tes morceaux de verre
sontainsi exactement entourés de ruban ,
tu les assembles par quelques points de
surjet, de cette manière :
besd(>ux numéros 1 par la partieelroite
(l(^ chaque eôté du n'» (i.
Les xieux nunu'ros '* par la partie
étroite de ehacpu^ bout du n" G ; ])uis e(\s
(piatre more(Mux (Misemblc* , parle haut.
^ oilà le ]>anier fait; nous allons ajus-
ter son couvcrrlc.
'Place juste au milieu des deux côtés
n" 4, le n'» 7 , et fixe-le avec quelques
points de surjet.
Pose à présent de chaque côté du n" 7
les deux morceaux n" 8 et attache-les de
chacpie bout au n" 77?// tic Ixui^c pas ^
tandis que les deux numéros 8, formant
coiucrrl(- , doivent pouvoir se .sonlevfr à
volonté.
Avec le même ruban, fais douze roset-
tes; tu en coudras une à chacune des an-
gles du panier pour cacher les points de
surjet qui réunissent entre eux les mor-
ceaux de verre.
Pour l'anse , assemble deux bouts de
ruban , entoure-les d'un autre bout de
ruban enroidé régulièrement , et couds
solidement cette anse ainsi préparée de
chaque côté du n» 7 .
Le panier honjjrois peut devenir une
élégante corbeille à fruits poiu' peu (jue tu
en aies la fantaisie. Au mois de septembre
de l'année dernière , je t'ai envoyé sur la
planche IX, n" 2, un patron d' octogone à.e
11 centimètres 5 millimètres de diamètre,
pour faire le fond d'une corbeille dont
chaque pan coupé, portant T) centimètres,
doit recevoir un monta/itde 9 centimètres
de hauteur sur 7 centimètres de laigeur
par le haut et 5 centimètres par le bas.
Yeux-tu faire quatre corbeilles à fruits
tout en verre? lève le patron de l'octo-
gone ; taille celui des huit montants ;
fais couper le tout par le vitrier, et assem-
ble tes morceaux, entourés de comète s ,
tout comme pour le panier hongrois.
Tu peux exécuter très-prompteinent et
très-économiquement de fort jolis cache-
yjo^ Jct'ai envoyé au mois de décembre der-
187
nier, )). :)7o , la i Manière d'exécuter eu
é|)in[jl('S à tele vt en laine ou clienille
nn f/<irîr-h'Jf)Ujr. Fais tailler un morceau
(le lit'ye un |»u plus lai^^e (jue le loiid <lu
pot à fieurs ; pique tout au tour 14 ou
20 bouts de fds de fer de laliautcur du
pot à llcurs ; «iiaque l>out se termine par
un croclict, et {;arnis ces fils de laine om-
l>r('»', comme pour pour le portc-hijou.x.
Tu cacheras sous une Ijouirelteen prluclie
de laine les croclietsdu haut et le li«'j;edu
bas ; pour ceci tu peux choisir de la laine
(carlate , qui tranclwia avec la mousse
que tu auras mise au pied de la plante.
Aimes- tu mieux te servir de ton cro-
ch< t? je viens de t'envover en mai, plan-
che \ y n,) o, dcst'loiles que tu peux exé-
cuter en {;r<)sse laine ondin'e ; tu auras
soin d'enfermer un fd de laiton flexible
dans le dernier rang cxtrrieurn.u point de
chaînette. Fais d'autres étoiles plus peti-
tes et d'une couleur tranchante pdur
renq)lacerles moulinets; qunnd tu en au-
ras en fjurintiti' suffisante, attache-les les
unes aux autres de manière à former un
tout qui enveloppe et cache parfailenuMit
le pot à fil nr. 11 Jani s'inf^rarrr , comme
le dit mon oncle, et savoir, ainsi qu Eu-
gène le dit à son tour, tinr ri'iui snc tltiix
nmittuns; ceci se trouvera parfaitement
juste cette fois , puisque le dessin cjue je
t'indijpie a iw destiné à fiire \\\\ sic ,
cl que tu p< nx le transiormer m cachv-
pnf.
Tu ne rt'ussirns, ma chère amie , à
monter toi-même une b()nr>e de (]uè-
teuse que si tu pi n\ i en procurer une
pour modèle. JCssaierai pourtant de
l ex|)li(pier de quelle manière il laut t v
prendre, (ionnneneons par tailler en
velours ronge un rond de 2'.iccnl. 5 mil-
limètres de di.unèlre, ce (pii donne de
circonférence DO cent, à tliviser eu t 0.
i*lie eu <leu\ ee rond tle velours ;
marque dt* chaque bout cette moilit*.
Dessme de ehn«pie c«'>lé <le la maripie
!«■ n" 0, en ayant soin de placer le des-
sin à 3 centimètres de cette marqu ;
continue ainsi tout autour de celte pre-
mière moitié , rn espaeant la brotlerie,
comme te l'indique le n* 9.
Tu as i>onct'-, dessiné au pinceau avec
du blanc d'argent; brcxle maintenant
avec de la souUche d'or, en suivant
bien régulièrement les contours.
L( s (eillets destinés à receroir les cor-
dons de la bourse se font en fd «l'or, un
p<'U bordes, ei se placent entre les brode-
ries ; mais il ne faut l«"s fiire qu'après
avoir doublé- la bourSi% afin (pi'ils //<.>r-
(Itnt sur la doublure.
J.a broilerie étant terminé-e, coupe un
rond de carton un p<^u fort de î» centi-
mètres ô millimètrt^s d»* diamètiv. Place-
le nu milieu du rond en velours après l'a-
voir enduit d'un p«ni décolle p<nir qud
s'v attache. Recouvre le tout de satin
blanc très-fort et apprêté. Le ron«l de
carton se trouve ainsi plact* entre le ve-
lours <t le satin, bien caché par cons<*-
qneul. 11 f ml à présent border la l)ounc
ainsi doublée ilun galon d'or, faire les
œillets, et enfin former si pi pli» à l'in-
léri»ur, un entre chaque rangév de bro-
derie ; «'//le pli extérieur doit se trouver
la brinlerie. Il ne reste plus qu'à passer
les gans<"S d'or «lans les o-illels, qu'à les
termim r y\r d«*s j;lan«ls en fil d'or 1 1
qu'à serrer les eonh/is de ta bonne, afui
qu«' les plis s<^ forment bien.
One dis tu de ce l)eau dessm île tx>l,
façon guqMir»^ u" 1 4 !* Avec un peu de
patience lu 1 exécuteras et tu auras à
olVi ir un channaut cadeau.
Dessine le n' 14 sur de Ix'lle* UK>u»r-
liui's ; achète du cx>ton à lm>ler n„ f.O ;
la poignée o)ûte 90 c. Traiv tout le d«*s-
sin. I.<'s |vtitesert^i\ iniliquent les parti«*9
où la mouss«'line doit être eulrv»^; ; il
fuit, par couM-queut, que h*s encadre-
ments de toutc*s tx'SiKirti»^ stïientexévu-
lés au |xiinl île feston ; le reste se fait
188
tout (Ml cordomun : It^ston tics-liii, cor-
(loiHul tivs liii , cl points do dcMiU^llo
]);irt(UJl ou If dessin t^st (juadrillé. ]\i(Mi
de plus ('l(';;ant cl de pins dôliiMtcuuuit
joli, (n viMias. Pour l(M(\str, ronsullc
mon éiiornu* j>ost-.scrij)liiiu.
Notre journal est iavorisc rntro Ions,
M. A (Mvoittc aîné, niaîlre de cliapcllo
à la callu'di'.de ilo llonen , a hicn voulu
le tloter Awn canticpie à la A ierjje, à trois
voix é^jales, soi[jneusenient travaillé, et
d'une mélodie suave autant (jue (gran-
diose. Ce l)eau morceau , empreint du
cachet du Duirsiro dont les œuvres sont
si recherelu'cs, a été composé lotit ca^prcs
jxuir nous. Tu juges de la joie avec la-
cpielle il a été reçu ! et je suis assurée
qu'avant ])eu nos auiies le clianteront
toutes. J ai envoyé Eugène aclietcr pour
moi chez l'éditeur de M. Yervoitte, Ma-
dame veuve Canaux, rue Sainte-Apolli-
ne, les belles compositions dont voici les
titres : IMou Dieu ! invocation. — O uia
mère I sérénade. — O bon Pasteur I
prière. — Pauvre mère î romance. —
Le printemps , nnctnrnc. — L'Ange gar-
dien, prière. — Les travadieurs, chœur.
— A saint Joseph, canticpie. — Mon seul
espoir, loniance. — Le mois de BLarie,
caniifpic. — Regiua cœli, chœur reli-
gieux. Mon oncle est très-content de me
voir ainsi étudier de bonne nuisique
d'ensemble qui réunit la mélodie à une
savante harmonie.
Tu sauras, chère amie^ que plu-
sieurs de nos abonnées ont voulu aider
!M'"e Adèle Cléret dans sa bonne œuvre,
en prenant sous leur patronage quelques-
unes de ces pauvres jeunes fdles qu'avec
tant de bonté de cœur elle élève. Je veux
te citer entre auties deux dames que je
ne désignerai mèuîc point par des ini-
tiales, car la vraie charité fuit l'éclat.
L une, après avoir souscrit pour une en-
fant, a remis à IM"ie Adèle Cléret une
petite sonune destinée à chausser pen-
dant tout l'hiver c[ui a été si rude, si
long, les petits pieds nus. Non contente
de ces deu\ bonnes œuvres, la même
danu^ a habillé deux enfants auxquelles
elle s'est trouvée intéressée par Textrème
misère des parents.
L'antre dame a pris deux souscrip-
tions, et elle s'est entendue avec l'excel-
l(Mite institutrice pour que ces souscrip-
tions servissent aux trois sœ>urs, qu'elle
s'est engagée, en outre, à entretenir de
tout. Depuis six mois ces pauvres enfants
ont abondannuent le nécessaire. Ces
choses-là font du bien, n'est-ce pas?
Elles reposent l'àme de tout ce qui , au-
jourd'hui, l'adlige si souvent I De nou-
velles souscriptions ont eu lieu dernière-
ment ; mais comme beaucoup de per-
sonnes désirent de connaître M"'*' Adèle
Cléret et de choisir elles-mêmes leurs
protégées, c'est rarement chez M. le curé
de Saint-Ambroise qu'on va souscrire;
c'est chez l'institutrice même, 53, rue
Popincourt.
L'album en langue étrangère sera sa-
crifié cette fois aux recettes de la saison.
Nos jeunes linguistes me le pardonneront
en mangeant des tartelettes aux groseilles
vertes. Voici pourtant, à titre de consola-
tion , des bouts rimes qu'Eugène vient
de m' apporter.
CouRo^^E.
YtRTU.
E>VlHOiN>E.
COMBA'n L.
Li:r.Kiu'..
CilAHMi;.
SÉVÈRE.
— Aimé.
RÉCOMI'EiNSE.
BlAU.
I)ÉCE>CE.
ClIVI'KAL.
Nous avons reçu des remercîments au
sujet Au. jeu (lu typographe ; il fait jureur
dans quelques départements ; on le varie
à l'infini ; mais le fond reste toujours le
même. Eugène a la prétention de com-
poser un autre jeu qui détrônera celui-
189
ci. \ous rciToiiS bien. Eu attendait j'aii
notice à un (>ranil noiuliie de nos ai-
mables amies, qui ont demandé avec in-
stalla* un j)rovrrbe, li- plus fau possil>Ie, !
qu'riles seront satiiaitcs le nK)is pioeiiain.
M. Emile Souveslre vient de faire pour 1
elles quelque chose à'chourijfanl ; une '
véritable bonliuimerie, une vraie r//^r^r,
en tt rnie d atelier, avec clianf-ement île
. I
costumes ; et il n y a que les chfiri;fx qui
fassent rire. Rien ne manque à celle-ci,
tu yen as !
Adieu, et aime-moi.
Akmca liuicoi.^iE.
ART Cri-INAIRE.
/'//7e aux GoosEHEniES, ou groseilles a
maquereau.
D'afxird sàLs-tii laire une tlmballe? — Non 7 —
Kli hieD ! »olci oommrnt il faut l'y prenflre : Vfi^f
sur la table «le cui.oine. bien lavt><*, 1:5 ^iranimes (un
«l'jarlfroii' df farine, rai> un trou au niiin'ii r\ m<'ts-y
du «el lin. IrO ;;ranmi»^ il** f»eurre. un œuf, un quart
de vrrre dVau; d^fLiy»* Ip toul, puis pttris ri pa**e
trois \o\*> ta pâte au rouleau. A la qynlriéme tni«, tu
ne lui l.iisses ((ue l'épaisseur «le deux p éces de 5 fr.
Beurre un moule, {isrois-en le fond el les parois
avec ta \ii\^, cjupe le surplu.s â la main c»s ro-
gh.jn.-» le S4'rv iront a faire un couvercle ^owr la tim-
bttUe. Couvre le fond de la limhalle d'une couclie
de surre en poudre , ensuite un lit de proseilles ver-
tes bien éplucheeâ et lavées, un lit de sucre, un autre
d>' ! ^, et ainsi de >uile, jusqu'à ce que la
11!. t pleine. T^-rinine par un lit «te *ucre,
cni\ le .nec le reste de la pâte, et fais cuire au (our,
ou bien sous le four de caiopa;ine, pendant trois
quarts d'heure. — 61 tu préfères de* tartelettes,
libre k toi : Tu I»-* garniras de pro»«'illes vertes l»ien
U«ei*». bien eplut liée*, en atteml.tnt que \irnnent
le» autres fruits, et tu m'en d:r«^ de> i' —
Veux lu un mets plu* délicat, plus rerli. us
un ji> DR caosr.iu.Ks xnr».» ai roiR. Pour reri.
Jette de Tenu l>ouiliante jur un litre de pro>eilte<
\ert«*s. eerjse-|e» i-t passe au tamis; ajoute au Jus
re en poudre, autant
n six macarons, qua-
tre <rii!s lurn butlu» ; lu roOle» l»lrn et tu fais cuire
dans une lonrtiere sous le f<»ur de campagne. Vuila
trois emtrrmttt mcm a cliollir.
fromage à la MtrUtuorency.
M'I» sur le feu environ 5 dêrUitres mne chopIn»-)
«le l>onne cr^njr. ai»c C,i gramme* Vi onrr»>de sucre.
Oiiand la rn-n.e a boui I'. retire du feu et laisse re-
(nMilir , .ijuitr une dit; nr
d'ur,(i);:«r; fi uilte a%er i ; \ »f«*
que »e forme la iuous*e un peu epai>»e, tu Tenlftw
arec une écumoire et la la verses dans le caserra
garni d»- linge très fin, datis lequel le fromaze «loil
prentlr- forme. Il 'aui foortter la crHiie Jusqu'à ce
qu'il ne l'en - • . Liiase ésoutter, et frappe de
«lace avant -
Moijen demprcher le iail de tourner.
Voici uoe rerett<> excellente et bien nccrssaire en
élc pour eir- tourner le U:l avec lequd oa
%eut faire u . ..e prise. Ce moyen cuosûle a
mettre dans un btre de lait, plas ou moins dumUms
et surtout p.ir les leinp« d'orage. 1 r ' de fri-
carboitalt de âoudr : truis les pbir. . \ru-
deiil.Non-^' leliilair:-
pas sur le le., e>t, eu <j -i
plus (dcile.
Conservation du bouillon.
l,e même mi»\en s'emploie, a\ec un • _ »«,
p<jur con-er\rr le lx>uiilot). l t;rimmc '-
nate de >oude par litre de bouillon. L- n,
ou fait iHJuillir le tHxiillun , et a>aul d . .. . .>ir
on enlevé l'écume blanche dont il se rou«re. l>n
peut , le surlendemain , s» le bo ■- -.re
a\ail pourtant une oJ^-ur aci r-
bonale de soutle, et l'odeur d>»par.til.
Conservation des petits pois.
Mets dan* une l»a*sine, V v .deux
trois litr»-s «lu pois tins. < - inr« de
sucre pile et t.uuiM; par cluiqut litre de po s ; tourne
c«}nlinuellemrnl, jusqu'à ce que le sucre soit bien
altsorlM* ; étends les p.'tits pois sur uue feuille de
p.ipier. tt posée ' .r un grand lami» ren«er**
sous lequ«*l lu < - Jf^s cendre» et. .'uie>, ou
bien place le papier Couvert «le p«»is sur une claie
dans un (our doux. Lorsqu'ils sont partaitrroeot
desMcbes, enferme-les dans des s^io» de papier, ci
suspt'iids ceux ci dans un lieu bien scc. ijorsqu'oo
VI ul lare cuire ce> petits pois, on les met tremper,
dans de l'eau un peu chaude, deux a tmu heures a
l'a tance.
Je t ai donné eu 1W7, pige iSO. le pn^rde pour
faire de l'eau de roae tam» aUimbtc . reiltetilM^le.
Tricot jiour aube n' \ ,
Arbete du coton Oo 10, preuds des alf«illes d'oa
ceniiroetre de rirconferroc**, et monte un noabrc
d. • - ' t lier par 13. A»e< ce
t., Il » dunnenl I mK S0
de lar^
lr# r. . , illes unie*. — t rrln^rte ♦, —
I ausmrniee, — i u«k, — 1 ausmmler, — 1 reti*-
cie, — \ rétrérie. — t aoçmeniee». — I nMrtrte, —
1 unie, — I retrei'ie. — i aucmeotee», — I rrtf^
cie. - ne
fou .1 .
;;■ r,tH.,<f. tout unie a I envers, et de isfMM
pour tiUlt» » 1rs 'J" •• •■» I 1 rr«
3» r.fM'jfe « t rrlrecK
\ ■ r.--
I le«
sur retrecie, — i au^jmenlert, — I rrtrrvie, — l ré-
190
trécie (reloiirne au signe +); termine p;»r 1 ;niu-
mentt'e. — 4 unies.
5» ranger. 5 inuilics uniep, — 1 rétrécir -f, —
1 augmentée. — 3 unies, — 1 aiiutnentee, — 1 refrc-
tie, —5 uniesr — \ relr«'rie (retourne au signe 4.);
termine par 1 auiimentee, — 5 tinies.
7f rangée. 4 mailles unies, — 1 rétréci*» +, —
1 augmentée, — 7 unies, — I jetée, — \ rélrécie. —
3 unies, — 1 rétrécie (retourne au signe +); ter-
mine par 1 augmentée, — 6 unies.
9* rangée. S mailles unies, — I réirécie -f , —
l augmentée, — \ unie, — 1 rétrécie, — 2 aug-
mentées, — 1 surjetée sur rétrécie, — 2 jetées, —
\ rétrécie, — \ unie, — 1 augmentée, — 1 retrecie,
— 1 unir, — 1 rétrécie ( retourne au signe -f ) ;
termifie par 1 augmentée, — 7 unies.
\\t ran(iép. 2 mailles unies, —1 rétrécie-!-,—
1 augmentée, — 1 ur)ie. — 1 rétrécie, — 2 aug-
mentées, — 1 rétrécie, — I unie, — l reirérie, —
2 augmentées, - 1 rétrécie, — 1 unie, — 1 augmen-
tée, — 1 surjetée sur rétrécie (retourne au signe -I-);
termine par 1 augmentée, — 8 unies.
13' raufjre. 3 mailles unies -f . — 1 augm niée,
— 1 rétrécie, — 1 rétrécie, — 2 augmentées, — 1 ré-
trécie. — 1 unie,— \ rétrécie, —2 augmentées,—
— 1 rétrécie, — \ rétrécie. — 1 augmentée, —
^ unie (retourne au signe -f ) ; termine par I aug-
mentée, — { rétrécie, — 7 unies.
13<- rangée, h mailles unies, — 1 augmentée, —
1 rétrécie, — 1 rétrécie, — 2 augmentées, — \ sur-
jetée sur rétrécie, — 2 augmentées, — 1 rélrécie, —
1 rétrécie, — 1 augmentée, — 3 unies (retourne au
signe -f-); termine par 1 augmentée, — 1 rétrécie,
— 6 unies.
17e rangée. .5 mailles unies -f , — 1 augmentée. —
1 rétrécie, — 5 unies, — 1 rétrécie, — 1 augmenté»^,
— 5 unies (retourne au signe -f), termine pari aug-
n)entée, — 1 rélrécie, — 5 unies.
19e rangée. 6 mailles unies -f , — 1 augmentée,
— i rétrécie, — 8 unies, — 1 rélrécie, — 1 aug-
mentée, — 7 unies (retourne aH signe -|-) ; termine
par 1 augmentée, — 1 rélrécie, — 4 mailles unies.
1U rangée. 7 mailles »inies -f , — 1 augmentée, —
1 rétrécie, — 1 unie, — 1 rélrécie, — \ augmentée,
— \ unie, — 4 rétrécie, — 2 augmentées, — 1 sur-
jetée sur rétrécie. — 2 augmentées, — 1 rétrécie, —
1 unie (retourne au signe -f-); termine par 1 aug-
mentée, — 1 rétrécie, — 3 mailles unie.s.
23« rangée. 8 mailles unies -|-, —1 augmentée,
— 1 9urj8tée sur rélrécie, — 1 augmentée, —1 unie,
— 1 rétrécie, — 2 augmentées, — \ rétrécie, — 1 unie,
— i rétrécie, — i augmentées, — 1 rélrécie, —
unie (retourne au signe -f-); termine par 1 aug-
mentée,— 1 rétrécie, — 2 unies.
Ce tricot peut encore servir pour nappe d'autel,
rideaux, couvre-pieds, etc.
Dentelle au tricot pour la garniture de
l'aube. N« 2.
Monte 16 mailles.
i't rangée, k mailles unie?, — 1 augmentée, — 1 ré-
trécie, — 2 unies, — 1 augmentée, — 1 rélrécie, —
1 unie, — 2 augmentées, — 1 rétrécie, — 3 unies.
2' rangée. 5 mailles unies, — 1 à l'envers, —
3 unies, — 1 augmentée, — 1 rétrécie, — 2 unies,
— 1 augmentée, — i rétrécie, — 2 unies.
3'- rangée. 4 mailles unies, — 1 augmentée, —
1 rétrécie, — 2 unies, — 1 augmentée, —1 rélré-
cie, — 7 unies.
4'' rangée. 9 mailles unies, — 1 augmentée, —
1 rélrécie, — 2 unies, — l augmentée, — 1 rétrécie,
— 2 unif's.
5'- rangée, 4 mailles unies, — 1 augmentée, —
1 rélrécie, — 2 unies. — \ augmentée. — 1 rétrécie,
— 1 unie, — 2 augmentées, — 1 rélrécie, — 1 unie,
— 2 augmentées. — \ rétrécie, — 1 unie. (
6<- rangée. 3 mailles unies, — là l'envers. —
3 unies, — là l'envers, — 3 unies, — 1 augmentée,
— 1 rétrécie. — 2 unies, — l augmentée, — 1 ré-
lrécie, — 2 unies.
7e rangée. 4 mailles unies, — 1 augmentée, —
1 rétrécie, — 8 unies, — 1 augmentée, — 1 rélré-
cie, — 9 unies.
8e rangée. 3 surjetées, — 7 unies, — 1 augmen-
tée, — 1 rétrécie, — 2 unies, — 1 augmentée, —
1 rétrécie, — 2 unies.
Recommence.
Explication de la planche de Broderies.
(petite édition.)
No» I et 2. — Tricot et dentelle au tricot pour
aube, nappe d'autel, couvre-pieds, etc.
^■o» 3, 4, 5, 6, 7, 8. — Panier hongrois. — Patrons.
No 9 — Dessin à broder en soutache d'or pour
bourse de quêteuse.
N» 10. — Pèlerine d'enfant, broderie anglaise.
N" 11. — Dessin pour boutonnière, pluraelis,
point de plume et point d'arme.
N° 12. — Dessin de col à broder au plumelis et
points de dentelle.
N» 13. — Entre-deux-plumetis et point d'arme.
N" 14. — Dessin de col façon guipure.
(grande Édition.)
No 15. — Dessin de manchette pareille au col
no U.
N" 16. — Beau dessin à broder en reprises sur
tulle, pour grand voile.
N" 17. — Dessin de broderie de Srayrne. — La
broderie de Smyrne se fait en soie sur drap, pour
meuble, on bien en laine sur un tissu de paille qui
donne un tapis de pied Irès-frais pour l'été. Ce
tissu, dont il faut au moins trois lés (|u'on assem-
ble, se vend 2 fr. 50 c. le mètre, chez RafTaélli,
86 et 38, rue Neuve-Saint-Eustache. Monte sur ua
métier l'étoffe que tu veux broder; ponce et des-
sine sur celte éloffe le no 17, et brode au passé à
}X)int lancé. Tu comprendras la direction dans la-
quelle doit se faire le point lancé, lorsque je l'aurai
dit que les traits qui forment une sorte de briqne-
tage se font en dernier, et en traverf du point
lancé. Atin d'épargner la soie ou la laine, quand
tu as lancé un point d'un bord du dessin à l'autre,
repique ton aiguille tout à côté, et ramène ainsi en-
dessus soie ou laine; de cette façon, il n'y en a
point de perdue en-dessout. — Il faut que tous les
101
I I
points Inupén soient bl«>n prefR"^ Ip« un» c^'ntrc Ifs
autres <t ne Inis^f-nt pas voir IVfofir. — Ji* snpn -»'
<jiie II* lancé soît CMinoisI : !«• point iTat'ache i!i»it
«Hn» vtrl clair. Tu |ii(|in*» en «lifî«<»u» Ion ai^uili«
enirf» A*'\\x point» laî'rés; tu la rppi'jn»*s rn-<lc-^iis
entrr *l<-ux aiitn'S, de m inU-rf a re qm* If ;,">//
d'ultarhe rmhrmse ou cnse> rc quiitr^ t ojtit'^ l;iiif<'s,
oii fix , suivant quf tu Vfux un briqurtniip plu!«
CMiid III plus pel.t. Pour la ro«.ve «|i* i'ln»#rl«*iir,
la horrluri' ou \\-^ri'. doil ^tre faite .nu pns>é ordi-
n;«ire eu ronleur verl c'air. Lps quatre fleurons
(l<>|\»»nt i'\r^ Itroifi'H pu rou'nir orangt-; les liorns
s<' ft-rml alors en Meu d'azur. Il laiit dns rnu eurs
\ives et tranchfts pour <•<• fit-nre rli* iirodi-rl<'. —
La soie a employer est relie qu'on appelle mi inrsr,
de grosseur moyenne; la laine est de la Inine de
B'riu». Les li<^n''Ji >e font en dernier, a i i.jnts
pre.s«é«, réguliers, et r' produisant tidelemenl le»
Contours.
N<- 18, ly, 20, 21, 22, 23, 2î.— Patrons rcduits au
(-in')uiêmn t)oiir un manteau de nuit aver les me-
sures en chiffres vrnit. — Sur la piécette no 18 se
monte le devant no t'J; il ne fuit point U\fr"uiir ;
il (aul former de.'» piis réguliers conune pour uw
chenu^e rl'homme, et les placer en're les deu\ (lè-
ches du n" IS. La pii'ceUe peut élre ornementée de
trois fiç-ons : sii:n»U nient garnie par-di\ant, ainsi
que tout le lour du manteau de nuit, d'un volant
en mfnjssellne festonnée; ou tden hro«!«*e faci^n an-
glaise ; oti, enHn, hrodée a- • '•"■ -» * a*ec un" '• '•
telle coquille- «u liord. I. - Ucnoi'^
lir — I-a p
» • s n-:f!. '
rninp:eler. un le it un mètre de ';•
7» ceiitimelre5, que tu froncfr-,». ■
la cf)»i!is<e du Imh». H que tu
deux «levaid*. — 20. mnn<J»»'. - i i 'i
l'orneras «l'un »o!anl rrmonfniit j .uimi-
ture du m.int'-a<i de ntiit. — t^ i-t :* •. |.-.-iirp d i
col et col. — Tu ganlir.■«^ de n ènv !•• rd. - f ' t
excellent patron. s«»rli (\r> ni.-iKA^.i't de >ïii«-
n-ire (>ltaml>rey, SB, nie ?lru» e- Saint - Hi'i *.
p ut encore te servir pour un peifno»r rt p«»dr on^
r{»'>e a Cf>rai:e montant et frouo-. Il «ullira de le
nir plus courts l«>s deux de\ants, ainsi que la pte-
celle. que tu T ra< moins larue du bas.
^o 2ô — Dentelle au crocliel.
><> ifi. — Kntrr-detix, bro-lerie an|{lai«e.
Planche dr crochet carré.
Voici ce que tu m'as demande un e!<^:^nt do^ni
pour coussin et pour toilrlle de fjutruii. Tu p«*tn
garnir l'un et Paulre avec la dentelle au cro-
chet n- 25.
LES JEUX DU SPHINX.
CH.KRADF.
Oii'il est flntlnir
P(Uir lin .iiiti'iir,
Dr tic s «Milriuin*,
A li'lr fnidrr.
Partout n in
Oiic iiuui pniiiii ri
(yointiM' .111 rollfjji'
H«'las! <|iir ii'.ii-jo
Enror \c (Ion,
P.ir mou srcoiul,
Dr lur ïlistr.TJro
Di' loiiU" alTniiv,
P<>tir MP saisir
Oui* 11' plai-iir!
IM.ais ;\xor V'\[\i\
(li'V i-l I II s I ■ 'I •
Qu'y f;agnr-t-on?
Ali ! rieii de bon !
On rst inaussailr,
Souvrul iwai ulo,
Oiiintnix, altirr.
Ou irarassiiT.
.Mi*m«* «'Il t uiiillt'
Une vc'lill.*
Suffît |vu fois.
Pi ixlaut nu mois,
Pour qu'on rm"a|»e.,...
l'/«Nl «Ml int'uaj;»'.
Oii'on voil surloul
>aîtiv mon tout!
Le mol i!t l in.^uu- <!u niois de mal rst l>o^Tr..
Sii' Jului Fiaiikliu est rt'lroiiNt'! Au
mois (II- Icvrin" ilfrniiT ci* hiMVc cnin-
inaid iiit v\ ses t'cjni; ii^i-s >;iliiaitMit h ;«
llis .Sinil\\ich (juils ont ijniUéfs il y a
ciiig ans. Cinq ans ! sur ce-; ciiui aii-
l\vv> trois ont l'Ic uix' sorte d'ciiipri^o:!-
iicinfiit dans une |)as-i' (itTouvertt* par
le iM)r(l-oiie>t »'t ou It^s ■:l.ice> ont r- tfcui
It's N.iis>e.nix caplilN. Ainsi l'tspoir (!••
la nol)!»* vl divine épouse se réalise ! Sa
loi l'a soulenu'-! .-tule, peut élre. »'lle a
cru a II pdsvilulile ti'iiii retour, et Dieu
l'accorde a sa pcr.>evéranee ! (^)u'oii ne
me p irle plus j.un.iis de raiili(pie Pé-
nélope qui sVst contentée (l'allemire
LMy>se en faisant et en iléfa;sanl son
étiMiielle t.ipi>ser;e. Quand le me ma-
rierai,(pn* le ciel ilai^ine uï'aceortler une
autre la(i\ Kiatiklin! Mon intenti)n
nVst as>uiénient pas de coiuir les yr m-
des aventures sur terre et sur mer; n\,iis
une IVmme qui ot cap.il)le de reclicr-
clier son mari envers et contre tous, (pii
ne veut al)so!umpnt |)as se croire veuve
et <|ui ne soni;e pas luie seu'e lois a con-
voler en secondes no«'es, est un phiiiix
que chacun est l)itn aise de nommer
si fil.
('elte bonne nouvel! ' m'ayant mis en
belle liumeur, je me suis iaiVsé amuser,
comme liuis les bonnètes Parisiens, par
les leles du '» mai ; fêtes un peu trop
send)ial)ies en la forme a toutes les
fêtes i)ubIi(|Uf s lie tontes les époques
pid)l (|'iemeiit fêtées de la civilisalion
euîopeetuie. Jai trouvé majiniti(iue le
ballon monstre ou h' monstre de l)all:>n,
suivi d'un antre \>[v\ m ciiii/iif d'nne so-
ciit. })(irtk'uli('.rc : n)aiiniliipies les ibu-
mi!îalioi>s >urnominées. t)arje ne sais
mù.J'aiitdstifjius, des deux fontaines de
la plaee de la Ci»ncorde; mafiniliques,
quoi(tu'uu peu surannés, les piiones il-
lumiriato;res de la rue Nationale ; ma-
ge.itiiines les (juatre arcs de triomi)be
a\ec ou sans sphinx, avec ou sans bus-
te>; magnilique le lustre colossal aussi
liant que le portail de la Madeleine; ma-
îZniliipies les vases d'or sÏLiantt s(pies ve-
nant en lijjne droite de la Californie,
nui décoraient les deux frontons de la
Madeleine et du palais Lesislatif; ma-
Uniliipie.s les liuirlandes de lampions et
les lustres suspendus d.ms les entre-co-
lonnes du fiarde-meuMe et du minis
tere de la marine ; ma2nifii|ues jus
qu'aux jirands ri ifs paxoisé^ qui sont
(lu ie>>ortde toutes les fêtes publique^;
maunifi(}ues les danses plus ou m{)i">>.
échevelét^s oui tourbillonnaient au rond-
pt)intdes Champs-Klysées aux sons d'un
orchestre monstre; majimliques enlin
les tiois fi'ux d'artilices, (juoicpie je n'en
aie vu (juUn. Mais ce (pii m'a cliarmé
surtout, ce sont les nnt> de la fouie. Que
de lêl''s pensantes! me di>ais-JM en l'e-
gardant couler ces (lots pressés.
J'anr.ii» vo^ilu pourtant (jue le con-
Reil municipal m'eût demande mon avis.
Il me semble que j'étais en mesure de
lui sufj'iérer, comme a l'un versite f(m'i-
nine de la ville de Hiimbour^, (juel-
qu'idée iiiiive, atlenilu que j'abonde en
idées. P,ir exemple, n'y aurait-il pas eu
moyen de faire venir le celé!)re clown
de la ville de l.eeds. et île l'' fiiire esca-
moter par une s(juris, la souris parmi
cliat, lecb it i)ar un chien, le chien pai
un lion. le liop par le dromadaire ap
privoi^é du jardin des plantes, le dro-
madaire par un éléphant?... l'-i je m'ar-
léte en me souvenant iVinic dvmohelli
qu'un mouskur ennuyait fort et d«)ii'
\\\\ ^ieux poète nous raconte ainsi la ma-
lice :
1.3 plu» pro»s<- bcle, dil-rllr,
Jlons'fiir, roninu- r«l-cc qu'on l'apprlle ?
I II t-lrpliaiit, M.idi iiioitulJK.
P'>ur l)i< II, élt'pliniil, r.r dit-elle.
Yii-l-cii dune iliiif laisse ici ;
Or, depuis le déluge, l'éléphant étant
la plus grosse bête connue, je ne voi-
pas par quel antre animal le consed
municipal aurait pu faire escar.iolej
CAUSERIES.
l'eléphanl contenant, s'il \ous en sou-
vient, un dromadaire apprivoisé, c.elui-
i un lion, le don un chien, le chien un
clial, le (dial une souris, et la souns le
elovvn de la ville de Leeds (]ui, sorlaid
vainijurur de l'épreuve, ser.ul apparu,
vêtu en prêtre e^iyptien, au laite de To-
belisipie de I.uqsor, au «irand ebahis-e
ment des bons Parisien^, si izrands ama-
teurs d'e>(amota::e. l'.t (pi'on ne ci le
pas à rimpos>ible' ihjfz plutôt <'e cpie
vient de faire ce célèbre clown, M. Ba-
ker, par suite d'un pari !
.Sa taille est de 5 pieds 10 pouces an-
glais. Il a parié qu'il trouverait {ilace
(I ins un p uiier de 2 pieds 7 pouces de
t)rofondeur suri piid7 poucrs de lar-
}î;'iir; qu'ainsi roule sur lui-même il se
br.iil e\|)edii'ra Bradlorl dans l'un des
waiions a 1 a;iai:es ])our le même prix
qu'un colis; et (jue, une heure après, il
serait de retour à Leeds.
Le pari ayant été tenu. M. lid\er a
f.iit son apparition devant le cii(|ue, vê-
tu d'un hal)it de peau de couleur roujie.
Il a placé son s!irtout|au b)nd du p i-
iu<'r ou il s'est blotti, rmporlant des
or.inszes et un (lacon d'eau de-vie pour
%e rafraîchir et se réconforter en route.
Le panier a été liC' le . corde, cbarj^e
Idans \{\n des wagons aux marchanili-
Ue> et expedii' à Bradfort, puis dépo.-é
dans un liAtel de cette ville. Peu de
temps après on le réexpédiait à Leeds
lou il arrivait à l'heure dite. Déballe i\
lia station même, le clown est rentré a
'Leeds en voiture et accompagné, dans
sa marche triomphale, d'une foule en-
I thousiasinée qui l'applaudissait avec Ire-
inésie
I Comme on ne s'avise jamais de tout,
I personne n'avait son^é à [^w^ assurer le
[colis, de sorte que s'il lui fût arrivé
malheur en route, la ville de I^eeds eût
! perdu, sans compensation, l'une de ses
[pins ijrandes gloires, tandis qu'un my-
iord Roosbief qui aurait pris, en par-
tant, une assurance pour sa i:rosse per-
|>0!uie, aurait pu laisser, en dédomma-
1 izement de sa précieuse vie, à ses béri-
j tiers, la somme de ((iiin/e mille francs
Car, en Anjuielerre, dans plusieurs gares
de chemins de fer. on vous «s.s»;-e con-
tre les chances de la route. .Après avoir
paye sa place, le voyageur passe au bu
reau voisin, et nKvennant 3 centimes,
U'il e.-t voyageur dans les voilures dites
didsï^nc.es' il reçoit une assurance de
1.!), 000, de tO.OoO'pour -2 centimes aux
secoiules places, de 5,000 pour l cen-
|time s'il voyage en wagon Mais en-
tendons-nous bien ! ces assurances ne
nréservent nullement le voyageur d'a-
voir les os rompus et la tête cassée en
cas de rencontre de deux convois, de
lierai llement d'une locomotive, etc., etc.,
elles r«.ss»/'t'/(/ seulement s'il péril d'uni
mort \ i')ienle produite par quel(|u'un
lies accidents trop fré(|uents sur les
Voies (le fer, qu'il laissera à ses ayants-
causes une somme de... pour leur dem'
et pour payer deux ou trois ilouzaine>
le mouchidrs destinés à élancher leun
larmes. On prétend que nombre d'An-
glais attaqués du splc'ii font, de ces as
siirances, une sorte de ?p-culation ; ou
spécidera-t-on, si ce n'e.stjen Augletn-
re '.' et voici comme. .Se tirer un coup ue
pisloleloiKse pendre tout p.'osHïipiement,
c'est seulement faire iiagner les pompes
iunébres. Aujourd'hui l'Anglais (pii veul
nour.r prend un billet de lu-emièrc
•lasse, son assurance de 3 lectimes, el
noute en ddi|',eiice. Là, se livrant à de.-
l'Xcentncilés effrayantes pour évcxpier
la mort, il ijlace d'horreur et d'épou
\ante ceux (le ses compagnons de rout'
qui n'ont nulle envie de (initier ce mon
le, en leur faisant courir mille et mill'
le ces dangers qui ne naîtraient pas
l'eux-mêmes. Ceci est a la lettre; dt
lelle sorte (|ue les voyageurs non assn-
rr's ont demandé positivement d'êlri
.ssuri's coulre les ris pies que leur font
courir les voyageurs assures,,, Kt voilà
icommenf, en ce bas monde, il n'est de
[bien qui ne serve à mal, tant l'esprit
I humain est pervers de sa nature!
1 .M. .Sudre poursuit ses succès en fait
Ide télégraphie aïoiistique. Plusieurs
experii'i'ces aus.si concluantes que cu-
rieuses t>nt eu lieu; une eiitr'aulies
pour laipielle on avait échelonne, de
Idistance en distance, des clairons, ù
î partir de l'École militaire, d'où éma-
naient les ordres, juscpi'a Bueil. Tous
les ordres ou avis (loiuiés par le général
commaiidint ont été transmis pres-
(piinslanlaiH ment a Rueii. Il y avait a
reprodiiiri' 'les phrases assez longues:
ISoiis sDiitines attnqiiés par des forces
supérieures. — Prenez vo-t disposilioiis
p'iur que rassaui soil donne demain
malin. Qui'lques notes de musique ré-
pétées par les clairons, comme d'échos
en échos, ont suffi pour faire eiiLendre
ces ordres a 10 kilomètres de dislance.
J'étais du nombre de ceux qui ont
assisté à celte curieuse expérieiic-, et je
m'en revenais à Paris rctlechissant sur
tous les genres de télégraphie possibles,
sur. toute;-, les manières d'abréger les
distances (pie les découvertes de la
science mettent h la disposition de cha-
cun et de tous, lorsqu'au moment de
prendre p'aee dans le convoi, j'aperçus
a mes pieds un petit papier plie (u (|iia-
tre. Je le r(devai en regardant aulourde
moi pour en découvrir le propriétaire ;
mais tout le monde se hâtait de monter
dans les voilures ; je montai a mou tour,
et après m'êlre informe de mes voisins
et voisines si personne n'avait pcM'dii
quelque cliose, j'ouvris ce papier lin,
satiné, tout parfumé, el je lus ce qui
suit :
« Chète amie , je suis dans l'oreille
d'ouis! on a fait des clochettes sans lin
sur ma grenade, en ce (jui touche les
acanthes, et sur l'emploi que j'ai fait
de mon peiiolier blanc ; on a dit que
mon jasmin n'était (pie du iiéranium ;
(jue je n'ai pas l'ombre de platane, que
ran'.iél;({ue me manque!... Ma luzerne
est fl trie à jamais! Dans ma giroflée
blanche je croyais avoir un prunier sau-
vage, lel était le but de mon pin .. Plus
d^ tubéreuse, chère amie! pas même un
f oquilicot ! Ma giroflée jaune pour les
acanthes me conduira â l'héliotrope et
peut-être au basilic! Que ce monde a
de renoncules et d'èbeniers!)»
.\pres avoir lu, je relus, sans me trou-
ver |)!iis avancé qu'aui)aravant. Le bil-
let est écrit en luuijacje des Jlcurs, rien
de plus visible. Je me suis donc liàte
d'acîieter un, deux, trois, ju-qu'h six
traité» de ce lauiyage, mais ils se conlredi-
sent tons. Mesaimaliles lectrices, venez-
moi en aide, je vous en supplie ! Ma cu-
liosilé est vivement excité*^. L'écriture
est une écriture de femme. Que veulent
tlieces tletu\s, ces arbres ainsi mêlés
sans ordre?... je n'en dors plus! Il faut
pie Je sache à tout prix ce que sont ces
acanthes qui conduisent à V/u'ltolrope et
lui ne laissent pas même un coquelicot l
Si personne rie peut me le dir»-. je pren-
drai en grippe le laiigage des Ib-iirs et
je le placerai de cent piques au-dessous
lu langage en chilfres iiue voici el (pii
i été emidoyé par un garde national
montant rarement sa garde et craignant
p ir-dessus tout Vlioteldcs haricots:
Mes ni;inqurnu'nl!i, >IM., ne sont pas trèn-coiii 1
.\iijourd"liiii je deni.inde indulpeiiee pour 2
\l;i luèrr «'•l.nit malade en la >illc de •>
P.iiir p;ii-lir àriiislaiit, j'ai faille diable à A
Voii» m'avez, il esl vrai, eonimandé pour le 5
^ÎI1^ auprès d'un malade il faut être pié G
l'oiir iipplii|iier ù temps l'oie^ueiit et la laii 7
Dieu merci ! j'ai vaincu la fièvre el la p.t 8
J'ai fait à ma malade un ettomac tout 9
Vous pardoniii'rez hieii mon zèle, cadc 10
(^ar. piiiif un til", vos cceuis ne seront pas de br 1 1
Je serai de retour à l'oitiers pour le 12
.Mort je monterai des gardci par douzaines.
Ceci du moins est clair et positif
comme 2 el '2 font ■'».
I Feruand pe L.xstol'RK,
103
Énuc\Tio\
uiLSCL^iii^^;^/ ji'ji iaoïiii^iiî.
SrJITS l)i: MIDITAIIDXS.
OIJLKIA I li)\ IM I \M(iI It I>r pr.n(H\l\.
(À' n (*st pas sans raison (jiic jr vous
entiTlii'us soiivciit do la vraie vl parfaite
cliaiiU'. J«' \c lais, païur (pic ]«• ne con-
nais aucun rcnicdc si saluliic ni si clli-
cacc pour les lilcssuies îles péclienis.
Ajoutons (pie, (piehpie |>uis>>ant (|ne >oit
ce reniètle, il n v a personne <pn, avec
1 aide de Dieu, ne puisse se le j)rocurer,
l*o«u' les aulies bonnes feuvres, on jx nt
trouver (pieUjne excuse ; il nv en a
point pour le tlevoir de la clinrili'. (^Miel-
(|n un |i( ni nie dire : « .le ne pnis pas
'» jeûner; •» tpu peut nie «lire : « .le n<'
» puis [)as aimer.' « On peut dire :
« A cause de la laiMesse de mon corps,
'» je ne puis pas m'al)stenir de viandes
» et d<' vin ; » cpii p( nt dire : " Je ne
•> puis pas aimer mes ennemis, ni par-
»» donner à ceux cpii m'ont ollensé.* .»
Oue personne i\v se lasse illusion; car
personiu' ne trompe Du'U... Il v a beau-
coup de clioses <pie nous ne pouvons ti-
rer du trésor de notre grenier ou iU' no-
tre cellier; mais il si'rait honteux dédire
(pi'il y a (pieUpie chose <pie nous ne pou-
vons tirer de notre c(cur;car ici nos pieds
ne Si; lassent point à courir, nos yeux à
re|»aider, nos oreilles à enteuilre, nos
mains à iravailh r : nou^ ne pouvons
alléguer aueunt* lati|;ue pour excuse. On
Aucun (les nrlicles inMitt contenus Han* ce
ronicil nf f)ont «Mie ni nilni' 'ii-
Innont fornu'l (1o$ niilnirH. «f iii-
sullos en conlrcfnçon.
il" Si*i\iF. ToniO l\. N" 7. —
ne nous dit point : •« Al!«v. à rOrieul
'» pour y chercher la charité, naviguez
" vers l'Occident et rapport» 7. en laf-
" iection.» C «si en nous-mêmes et dans
nos co'urs qu on nous ordonne de ren-
trer; c'i'st là cpie nous trouverons tout.
« Mais, dit quelqu'un, je ne puis en
'> aucune laeoii aimer mes ennemis. -
J)ieu te dit ilans les Kcritures que tu le
peux ; toi, tu réponds que tu ne le peux
]>as : regarde maintenant : (|ui faut-il
croire de Uieu ou tle toi ?... Quoi doue!
tant d'honnnes, tant de feuuues, tant
d enfants, tant et de si délicates jeunes
lill«\s ont snpp(M té d un i-u'ur Icrme ,
pour ramotu- du Christ, les ilauunes, le
j;l>iive. Us hètes féixxx'S ; el nous ne
pouvons supporter les outraj;es tle quel-
«pies insens«'sî et pour <]uel«pi«^ |>«iits
maux que nous a faits l.i nuchancete
«le «piel(]ues lu)nnnes, nous jHiursuiviuis
loniii- tux, justpi'à II mort, la ven-
j;«anei' «le nos injurts! Lu vériti'*, je nr
sais «le «ju«l front el avec quelle con-
liance nous «)s«.ins prctemlre à partap,er
avc«' l« s saints la Uatitiide éleniellr,
nous qui ne mvou^ (vis suivn* trur
exeinpU* , mèm«* «laus l«*n mnindm
ch«)scs! S.iiul (<ES\lRE,
t.\< iuo li .\ri«>>. «le :i4H à SU J .
1) 5Ain( r/Mlrew»
1 imr drï ît^m Arr< «Ir i i
M* -hVU* , ;1 r<'lo ti«* Itii
5ermon?.
JlilliT IHMI
foniHJe
'-< mi
,0 «l«»
104
BLANCHE.
ESQUISSE,
I.
« IMon Dion ! que je souftVe ! >• Ce cri de
douleur s'écliappait dime pnuvre man-
sarde on une femme, malade depuis six
mois, attendait, dans les secrètes an<>ois-
ses d'une misère inconnue, que la main
de Dieu la toucliàt.
Pour cette lenune l'avenir était si
soud)re qu'elle ne sentait pas d'horreur
pour la mort : il v a des êtres qui, sous
le reyard de Dieu seul , soullrent la vie,
comme une lente a{j;onie que rien ici-bas
ne console.
IMadame Descares était veuve, et, par
suite d'un enchaînement de circonstan-
ces, trop longues à raconter, avait descen-
du tous ces degrés qu'on nomme aisance,
médiocrité, gène, pauvreté ; elle en était
à la misère absolue. Noble misère qui
trop souvent se cache sous des souvenirs,
connue une reine fugitive sous les lam-
beaux de sa grandeur ; misère inaperçue
du monde dont les regards légers ne lisent
point dans l'obscurité ; misère que rien
ne soulage ou du moins qu'on ne soulage
qu'en la blessant, caria pitié des hommes
la fait pleurer I
Pleine de courage et de résignation ,
madame Descares aurait su mourir sans
faiblesse ; mais deux jeunes fdles récla-
maient sa présence : pour ces pauvres
enfants leur mère était tout; en elle
seule, elles trouvaient appui, conseil,
amour ; le reste du monde leur était
inconnu et ne savait pas leurs noms.
Aussi, la nuit, quand, s'éveillant pour
soulh il-, la malade songeait aux dangers
de toutes sortes que rencontreraient
Blanche et Nathalie, elle se cramponnait
à la vie de toutes les forces de son âme,
et dans son cœur maternel se croisaient
plus de tlésirs, ])lns d\\sj)érances que n'en
ont jamais enfantés les illusions et les chi-
mères qui parfois fontdemander aux êtres
frivoles une prolongation d'existence.
Ici, ce n'était ni nmrnuue, ni révolte :
c'était amour et compassion pour deux
fleurs si petites, qu'elles seraient mortes
à l'instant on on les aurait séparées de
leur tige.
lUanche avait l^ ans et Nathalie avait
15 ans. Blanche était frêle et maladive,
mais pleine de courage et d'énergie :
elle s'appliquait à apprendre tout ce qui
était en son pouvoir; docile aux leçons
d'une mère, elle a vaiteonstannnent étudié
sous ses yeux, et depuis que la maladie de
madame Descares ne lui permettait plus
de contiiuier ses utiles enseignements, la
petite Blanche lisait des livres instructifs,
choisissant avec intelligence les interval-
les de la fièvre pour demander à la ma-
lade l'explication de ce qu'elle ne com-
prenait pas. Quand, fatiguée de l'étude,
l'enfant voulait se distraire, elle caressait
d'abord un petit chat qu'elle aimait, et
qui était à lui tout seul l'unique jouet de
sa jeune maîtresse et son plus grand dé-
lassement; puis elle revenait s'asseoir
près du lit de sa mère, et là, d'après ses
conseils, elle s'occupait de petits travaux
manuels plus anuisants qu'utiles, et que,
dans toute autre position, elle eût cepen-
dant considérés comme une fatigue ou
un devoir.
Nathalie aussi bonne que sa jeune
sœur, plus afïVctueuse, plus démonstra-
tive, ne quittait presque jamais non plus
la chambre de sa mère. Tous les matins
elh; sortait furtivement pour acheter du
pain, du lait, et les petites provisions
495
iiidispciisalilcs. Ili-las, la p;iuvrc ciiraiit
lie n'Vi'iiait jamais cliargt'e ; m irtour-
ii.iul au lijjjis elle se (;lissiit le loiifj des
imiiaillrs, dans les i"ues les jilus dt' séries,
elle aiiivail en {jraiide liàte, sapproeliait
du lit, cl pleurait sur les ilouleurs de sa
mère.
(ij aude, forte, robuste, Nathalie scni-
lil.til pn siju une feuniie, mais sa nature
ni;>ll(' (t tiiiiii!»* i l lil ('ncrvi'e pat l^-s
eoups du niailM ui ; i lie eouih.iit la tète
sous un poids tiop lourd, et ne {(aidait
d'autre ilidensc conln* 1 iului lunr 1 1 la
di'tresse que des laruics, toujours des
larmes I FOlle t'iait helle à voir celte (ille
aimante et (gracieuse, lorsque, tout en
pleurs, à jjenoux devant sa mère , elle
essayait par ses désirs de prolonger sa vie,
ré pt' tant :
<« Mère, je l'aime plus que tout, plus
que moi ! Reste avec nous ! Dieu ne peut
pas vouloir nous st'parer ! »
Puis, accablée par la véhémence de
ses transports, elle rceonunençait à pleu-
rer écoutant sa mère (pii disait triste-
ment :
»• Pour moi tout tsl lini ! rt''si{^;iM'-toi,
ma fille, jr l'abandonne à Dieu I mais
c'est à toi que mon cœur confie Hlanehe :
vois connue elle est frêle et pâle I Pour-
rait elle se passer d'une mère? \on, tu
me renq»la«Tr.is ! >
Alors, la belle jeune fille serrait Tune
contre l'autre ses mains suppliantes; ou au-
rait <lil(pi'elle voulait prier, mais sou âme
au lieu de s'élever s'allaissait. iNathalie,
l«s ( heveux épars, les lévns bl.uuhes,
les mains ^;laeées, passait (|uelipielois
une heure dans iiu complet évanouisse-
ment ; U)orte à l'auiitié, morte à la dou-
leur, elle ilevenait inutile, et sa jeune
so'ur avait à soigner deux malades.
Ainsi passi'rent de lon(;s mois d hiver:
madame Deseares $<* demandait si les
Ihmux jours lui rendraient des forcrf, ou
si plutôt le printemps n'ouvrirait pas fia
tombe. Elle peusait avec auiertunie à
I isolement de ses fdlcs, et, quoique sa foi
eu la Providence fût grande, il lui sem-
blait que Di»u dans l<»s trésors de sa
|)itié ne gardait rien d'au&si Ik)u que le
ereur d'une uière : surinoutant ja fai-
blesse, elle disait à ses eufauts :
« Dieu ni a don:ié*e à vuiiS pour
vous mener à lui ; je vous l'ai fajt con*
niitif, ce Dieu dr:» p* liLset des puivres :
> il nri'loi,;ne |)our un temps, il s'appro-
ilura lui uième et vous couuaitrez le
Dieu des Orphelins. »
Lue seule espt'-rauce restait à la mal-
heureuse veuve : un riche paivut de
son mari toueli lit à 1 extrême vieil-
lesse, il n avait point d eufauti. D an-
ciennes divisions de famille avaieut
existé de tout temps entre lui et les Def-
cares ; jamais aucun message, aucun
souvenir n'était venu rassurer la veuve,
qm, trop licre \hjuv faire une démarche
directe, avait cependant cherclié par
toutes sortt s de moyens à intt'resser le
riche vieillard à s<»s enfants.
Des amis , voisins de campagne de
M. lieauval . i laient chargés de pitH
nonci r souvent devant lui l*'S noms
de Blanche et île Nathalie : on lui disait
que l'une était grande et belle. 1 autre
faible et souOiante : il ne ré|>oiuiait
rien. Ktait-ce bizarrerie, haine ou ava-
rice .' Nul ne le savait.
In soir, vers la fm de l'hiver, une af-
freus<* tristesse régnait dans la mansarde.
\jc mé-<ltvin, vied ami, qui |vir nttaehr-
ehement venait souvent visiter la m.ilade.
avait Iaiss4- deviner aux enfants une |Kir-
tie de son inquiétude : il ne tnnivait pas
le mal sans nMuètle, mais le remètirrtail
im|H)Ssible. Il fallait avant tout rhangrr
d air, puis se sonmettir au& exigrnees
d'un traitement diN|XMuheu\ et long.
s'entourer de soins minutieux, éloigner
les {X'nst'es tristes ; en un mot, i\ fallait
196
CP qih' l(\s paiivros no se doniunt ]xk...
un \)cn de InnAicuv.
iVcM poiiiquoi \c l)()ii tlt)('UMM n avait
pu raclu^r son tMU)tioii c\\ sciranl la
la uiaiii (lis tMifaiits qui lui disairiU : —
*i (ïU»''iira-l-elle, notre nirre? «
l.a nuit, une forte eiise vint ajouter
aux touruieiUs ilu jour : les jeunes (illes
ne s'étaient point coueliées. Blanelie al-
lait et venait relevant les oreillers de sa
mère , lui olïrant ini breuva^je préparé
de ses mains, et, de temps en temps, ra-
nimant les étineelles éparses sous les
cendres du misérable foyer.
Natlialie éperdue n'était plus capable
de rien. Pâle connue sa mère, elle at-
tendait, inunoblle et terrifiée, que le sa-
erilice s'aceonij)lit. Send)lable à ces
belles statues de marbre qui représentent
froidement la doideur parce qu'elles
n'ont pas la vie, la jeune fille ne donnait
aucun témoignape de crainte oud'amour;
elle soulVrait en silence un borrible mar-
tyre, et ne pouvait rien de plus.
Vu long soupir de la malade sembla
tout-à-coup répondre à une idée terri-
ble. Les mourants sont vrais, ils disent
ce que nous n'osons pas penser. Après
un moment d'hésitation , madame Des-
cares appuyant sa main brûlante sur le
beau front de Nathalie dit à demi Aoix :
« Mes enfants, je n'ai rien appris de
votre oncle, je n'en espère plus aucun
secours, je me sens bien mal, qu'allez-
vous devenir? Hélas ! dans bien peu de
jours peut-être vous serez toutes seules,
et vous n'aurez pas même de quoi faire
dire une messe pour moi !.. »
31adamc Descares s'interrompit, en
voyant Tinij^rcssion que ces derniers
mots avaient produite sur Nathalie dont
la tète se penchait , et ne se relevait
plus.
Blanche accourut vers sa so'ur, I'cmu-
brassa, la réchaulhi dans ses bras ; pauvre
petit anj^e d'espérance, elle était prc-
<pie ealuK* entre deux immenses dou-
leurs, etcjuand, nnt' heuie après, un ])eu
de sonnneil ferma passaj^èrement les
veux des deux seuls êtres qu'elle ainiàt,
on eut pu la voir assise devant une ])etite
table, cachée derrière le lit, écrire à la
hâte uiiv lettre, la plier, la cacheter, puis
conunencer avec une étranjje ardeur un
ouvrage, inutile en apparence, un col au
crochet.
Blanche aimait-elie réellement sa mère
autant que l'aimait sa sœur? Oui autant:
elle pleurait nu'ement, ne s'é'vanouissait
jamais , et s'occupait continuellement.
D'où lui venait ce courage ? Etait-ce en
elle force phvsique ? Non, elle était petite
et maij;re ; mais dans son ànie silencieuse
il y avait, connue au fond de son pauvre
foyer, une étincelle qu'elle ne laissait
pas éteindre.
L'enfant grandissant entre la mort et
la souffrance s'était dit : « J'aime bien
ma petite maman, je veux lui être bonne
à quelque chose. »
Et depuis ce jour-là , surmontant la
puérilité du jeune âge. Blanche avait re-
doublé de courage et d'énergie.
II.
Le mois de mai s'approche avec ses
premiers parfiuns et sa riante ver-
dure.
Le pauvre va s'enrichir de la hunière
et de la chaleiu', seuls biens qui ne s'a-
chètent pas.
Madame Descares ne mourra point
encore. Dieu le veut ainsi à cause de sa
patience et de sa soumission. Elle est en
ce moment assise près d'une fenêtre fer-
mée ; elle regarde baisser le jour, et le
rideau qui s'étend sur la campagne ne
lui ]varaît ]>lus triste et sévère ; elle ap-
pelle la nuit un temps de repos, le jour
un temps d'esjn'rance.
Ln bon vieillard octogénaire l'a fait
venir dans sa riche demeiue. C'est le
197
I I
parent que jusqu'ici on avait en vain
cliorclK- à inti-icsscr au sort de la famille
iJc'scarcs.
Qui donc a su ouvrir ce cœur qu'on
disait dur et froid ?
CVst une enfant qui, sans art et sans
élude, a puisé dans son âme assez d'é-
ner{;ie pour tenter une démarche d»''eisive
au moment le plus désespéré.
Un jonr, M. IJeauval a rern de l^aris
u\ïc lettre ainsi conçue :
« Monsieur,
>i .1»' ne suis (pi nne p<'tile lilU' rivons
» ne me connaisse?, pas, mais on dit que
» vonsé'tiez 1 Oncle «l«' mon pajia, contre
- ItNpiel vons étiez fàelié , je ne sais ]>as
>• pour(juoi.
►» On «lit anssi qne vons avez une
• {grande fortnnc rt une In-IU' c.nn|Ki-
- [;ije, et moi je me décide à vous écrire
» j)arceqne niaman est si malade qu'elle
»« va mourir bien snr, si vous ne venez
»> ]ias à son secoms.
» Le nu'decin lui dit (pi'il faut elian-
>» {;er d'air et ne pas être mallieurense.
)» Klle iw peut pas changer d'air, puisque
»» nous n'avons j)lns »rar;;enl ; elle ne
• pent pas non pins être lu'urense, parce
» qne ma stvnv et moi nous avons trop
» de peine.
» \ oulez-vous que maman vienne «le-
>» meurer eluz vous à la camp.i{;ne .* Là
» elle j;uérirait, le médecin Ta dit.
u .le sais l)i(*n (pie mon papa a du
>• vous faire de la peine autrelois, puis(pie
• vous vous êtes fàelié ; mais il y a si
H longtemps I D'ailleurs, si vous vons en
1 souvenez encore , je vous demande
» paiiNui pour lui , potir maman , pour
» ma s(enr 1 1 pour moi (|ni n elai> pas
.. encore née. Je n'ai pas dit (pie je vous
u écrivais, parce ipie si vous ne me le-
• pondit A pas, ((la ferait trop de peine à
• maman, et aussi à Nathalie qui est hien
» pins sensible (jne moi.
«^ Oh ! je vous en supplie, r('|)ondez-
'> nuji, et dites-moi que vous voulez bien
>» (pie maman vive I
•' Adieu, mou cher oncle, je puis bien
» dire mon oncle, puisque mon papa le
w disait. Pardonnez mou t*criture et mou
»> style, je n'ai jamais écrit de lettres, et
>• je ne sais rien faire de bien, je suis si
« enfant encore I
» Je v(jus embrasse de tout mon copur,
»» parce que, j'en suis sure, vous aurez
» piti('' de mauian.
" Bla.nche Descabes. »
Le vi( illaid en lisant ces lijjues avait
oublié' son ancienne inimitié, il avait
aiiiK' lUanche, et, comme nous l'avons
vu, madame Descares et ses fill(^ étaient
instalU'cs chez lui , et n*(X*vaient, de sa
j;énéieuse pKJtection, des cX)nsola lions et
des soins.
Le vieillard, rajtnuii par la iDuscience
d'avoir f.ut le bien, se plaisait à s'entou-
rer eliacpie soir de l'inléressnnle famille;
il faisait asseoir près de lui Blanche, la
nièce préférée, rpii réj;ayait par ses jeux,
et ses saillii's heuivuscs.
Ce soir-là, plus j'aie, plus (•entille en-
core (pie lie coutume , Hlanche s'était
amusée à tresser les lonjjs cheveux de sa
s(eur pour lui en faire une iX)Ui\>nne :
• Parce cpie, disait-elle, ma s*eur est
belle; (t maman, (piand elle cliit mal-
heureus4>, se (xins^ilail en la n*(;ai(lant. »
Nathalie soupira, et dit tout l»as A sa
mère :
— C'est donc là tout tv (pie j'ai fait
pour Vous, moi qui vous aime tant ! A
«pioi vous ai-je s«Tvi .'... à rien '
— M \ lille, dit mailame lK*scarcs, tu
m'as tant ainuv, ne te repi(H'he rien !
Ta îU'ule f.iute est d'avoir maïupu-d'éner-
j»ie, de t'ècre liviVv pleinement à la dou-
leur, et d«' n'avoir |ms su ct>ns<'rver assez
de (ôvvc et de saiq; froid |H>ur luller
et^ntre Ihonrur de luMn^ siliniion. • Kl
J98
comme Nathalie soupirait encore , le
vieil oncle reprit :
« INIoii enfant, tu n'es pas coupa-
ble, tu es à planulre ; tu peux par tes ef-
forts acquérir réuerjjie qui te manque.
Le dévouement , vois-tu , se prouve par
des actes ; mais pour produire ces actes,
il laut plus que la noble exaltation d'une
belle àme, il faut ])lus (jue la poétique
douleur d'un être inconsolable ; il faut
du courage, de la hardiesse, quelquefois
même de la témérité. Les larmes toutes
seules témoi^jnent d'ini amour enfantin ;
les actes accusent un aiwour viril, ])ro-
fond et parfait. Faut-il pour lutter contre
l'adversité une organisation robuste et vi-
goureuse? Non, ce n'est point absolu-
raent nécessaire : la force principale de
la femme connue de riiomme est dans
la volonté. »
Ici M"'« Descares attira Nathalie sur
sou sein , la consolant par la même pa-
role: '» Ne te reproche rien, tu m'as tant
aimée I »
Blanche pleurait en contemplant cette
scène touchante. Le bon vieillard, pour
faire diversion, la prit sur ses genoux, et
apercevant dans la poche de son tablier
un petit portefeuille, il s'en empara, dé-
clarant qu'il voulait savoir tous les se-
crets de Blanche.
Celle-ci , troublée tout-à-coup , arra-
clia le portefeuille des mains de son
grand-oncle , et rougit comme une cou-
pable : M "^f Descares, voyant le vieillard
justement blessé de ce manque de con-
fiance , ordonna à sa fdle de rendre le
portefeuille, et M. Beauval l'ouvrant , y
trouva soigneusement enveloppée, dans
un petit morceau de papier, une pièce de
2 francs.
— On'(\st-(>e cela? s'éeiia-t-il en riant,
cette ])elite fille thésaurise! C'est fort
mal, INIademoiselle ! >» Blanche baissa la
tète , rougit plus encore et voulut sortir
de la chambre.
— Uestez-là, ditsérieusement sa mère.
IMa fdle, soyez franehe , d'où vous est
venu cet argent, et depuis quand l'avez-
vous? »
Simple et enfantine , Blanche releva la
tète et dit à sa mère :
'< Cet argent, c'est moi qui Tai gagné
à Paris, quand vous étiez si malade : j'ai
fait un col au crochet, la nuit pendant que
vous dormiez, maman, parce que vous
aviez dit que , quand vous seriez morte,
nous ne pourrions pas seulement faiie
dire une messe pour vous! Puis j'ai été
vendre mon col : plusieurs marchandes
m'ont renvoyée parce que j'étais petite ;
une enfin a pris mon col et m'a donné
2 francs, et je suis rentrée à la maison,
pensant que, quand vous ne seriez plus
là, je pourrais encore vous consoler et
que , si vous veniez à mourir, j'irais de
suite à la paroisse demander deux messes
en noir, l'une en mon nom , l'autre au
nom de ma sœur. »
Blanche se tut , et M'"<^ Descares , ser-
rant toujours Nathalie contre son cœur ,
tendit la main à sa plus jeune fdle, et re-
devint pale comme au temps de ses plus
vives souffrances. Mais ce n était ni la
douleur, ni l'angoisse qui la faisaient pâ-
lir, c'étaient l'étonnement, la joie, c'était
l'amour maternel I
Mme DE Stolz.
199
INSTRUCTION,
J^ W ^ (SJ - Jj«
A U!HE JEUNE MILE.
Vous qui ne savez pas couibicii l'enfauce est belle,
Kuf.iiit, nfiivH/. point notre .i}jr île (Knileins ,
Où le cœur toiu à tour est esclave et rel)ell»\
Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs !
A otre à(;e iiisouciaut est si doux qu'on loul^lie!
Il pa^se comme un souflle au vaste champ îles airs ;
(fournie une voix joyeuse eu fuyant allaiblie,
Comme un alcyon sur les mers.
Oli I ne vous liàtt /. point île mûrir vos peusi'es ;
Jouissez du matin, jouisse/, du ))rintemps;
Vos heures sont dv^ fleurs l'une à l'autre enlacées;
Ae les elleuillr/, pas pins vite que le temps.
Laissez venir les ans I le destin vous dévoue.
Comme nous, aux rcjjrets, à la fausse amitié,
A ces maux sans espoir ipie Torjjueil désavoue,
A ces plaisirs qui font pitié.
liiez pourtant ! du sort ij^norez la puissance ;
liiez î n attriste/ pas votre front j;racieux,
\ oli-e œil d azur, nuroir de paix et d innocence.
Qui révèle votre àme et réfléchit les cieux.
Victor Ilif.o,
IIISTOIIir.
€'iirl4>%ll«^« lii%(<>rl(|ii«*%«
l N PASSACiK sots l'eI IMIRATE.
Pendant des sièrîes H.d)vl«)ne hit , à
juste titre, la ville l.i plus eéUhn* de l'an-
cien momie et eonqitée an nondire des
sept Uïervrillei». In historien aiuàen
rapj>orte que, lorvpie la ville fut pris*"
par Cvrus, trois jours $<• passèrent «vaut
200
que la iiouvello en parvînt à l'autre evtiv-
uiité; et un savant uioderue , INI. Qua-
tivnièiv, auteur dun mémoire spécial
sur Jîabylone, soutient que le proiluit des
terres cultivables renfermées dans Ten-
ceinte de la ville, eut suftl à noiurir ses
nombreux habitants ; ainsi, sans la tra-
hison, elle aurait élt' imprenable.
La po])ulati{)n de ilabylone se compo-
sait de ]>euplades entières transplantées ,
poiu* ainsi dire, à la suite des conquêtes
des rois assyriens. Ces nations parlaient
chacune sa lan^^ue, vivaient séparées les
unes des autres, conservant leurs mœurs,
leurs usa^^es et continuant les haines de
peuplades à peuplades.
l n pont-volant réimissait les deux
rives de TEuphrate. Chaque soir il était
enlevé afin d'oter à ces nations, qui se
détestaient les unes les autres, la possi-
bilité de profiter des ombres de la nuit
pour porter partout l'incendie, le pillage,
le massacre.
L'élévation et l'étendue des miuailles
de Babylone ont' été constatées par les
historiens anciens. Le temple de Bélus,
les jardins suspendus qui s'élevaient par
degré jusqu'à la hauteur de ses murs ; les
parapets qui rétrécissaient la largeur de
lEuphrate ; les cent portes de bronze ;
le lac artificiel non loin de la ville; enfin
ces constructions tellement gigantesques
qu'on a pu douter quelquefois si la uiain
des honuues avait fait autre chose qu'ai-
der la nature , tout cela n'est plus que
ruines, que décond^res. Cà et là le voya-
geur aperçoit, dans cette immense so-
litude, des vestiges de temples, de pa-
lais, d'iiabitations. Une sorte de mas-
sif en briques cimentées se dresse encore
à cent cinquante pieds d'élc'vation ; or, il
est prouvé, par la comparaison des récits
de plusieurs voyageurs, que, depuis cent
ans, ce massif a baissé de GO pieds. En
suivant la pro{;ression de ce décroisse-
ment pour l(^s siédcs antérieurs, à quelle
efi'rayante hauteiu' il devait atteindre
dans l'originel Les savants pensent que
ce n'était que la terrasse, et, pour ainsi
(lire, le piédestal, sur lecpiel était bâti un
palais, un temple , celui de Belus peut-
être plus connu sous \v nom de tour
de Babel , dont l'élévation devait être
proportionnée^ ; car ce massif n'ofire
aucune trace de portes, ni de fenêtres,
et son irrégularité atteste que c'est seu-
lement \c fragment d'une tour colossale.
Partout d'énormes auias de matériaux
aussi loin que la vue peut s'étendre ;
partout la dévastation et le silence I
Là, cependant, là, dans ces lieux dé-
serts et désolés, régna Sémiramis ! J-.à,
toutes les recherches du luxe furent
inventées, et là,- aussi, fut ouvert \i\\
passage sons les eaux d'un fleuve. Il ne
s'agissait pas cette fois d'ollrir une voie
lUile aux habitants d'une ville populeu-
se, il s'agissait simplement de satisfaire
à l'une des fantaisies de la femme dont
le nom passera, de siècles en siècles, jus-
qu'à la postérité la plus reculée.
Selon ce que nous apprennent Dio-
dore de Sicile dans son histoire univer-
selle et Philostrate dans sa vie d'Apollo-
nius de Tyane, Sémiramis fit détourner
lEuphrate et arriver ses eaux dans un lac
que, par son ordre, on avait creusé aux
environs. Elle avait conçu le projet d'ou-
vrir sous lEuphrate une galerie voûtée,
afin d'établir une comnumication entre
deux palais situés siu* les deux rives
opposées. De nos jours, l'ingénieur
français lirunel n'a point détoiu'né les
eaux de la Tamise ; il a lutté pied à
pied avec le fleuve , trouvant, dans son
génie, les movens de mettre obstacle à
l'envahissement des fiots, et, dans son
cour
âge,
l'audace de braver une mort
presque certaine. Honneur, honneiuà ce-
lui qui a montré à rAngleterre, à la terre
entière, ce que sont le génie et le cou-
rajre français I
201
Kii deux cviii soixante jours, les tra-
vaux, entiepris par l'oniie de Srniira-
inis, jurent achevés. ï^ voûte, qui s'éle-
vait jus(ju'au fond du lit du (leuve à la
liautrur d«' 12 pirrls sur une lar;;rur de
I ô pieds, était composée de piern s dures
cimentées avec ilu hitunie et liées entre
elles par des crocliets d'airain. Alors les
eaux de IKuphrate lurent ramenées dans
h'ur lit, et Si'niiraniis ])Ut se rendre de
1 un à l'autre de ses palais en passant
sous le fleuve. Devant elle seule s'ou-
vraient les portes d'airain (pii ferniai«iit
la j;alrrie; ces portes subsistaient encore
sous le rè{;ne des Perses.
Oui , aujounriiui , pourrait retionver
dans cr'S ruines immenses les curioux
vestiges du passaf;e sous rKu|>lnate?
Le pàtn' conduisant son troupeau ,
1 Arabe (juidantiine caravane, s't'loiCjUent
avtc terreur de ces dt^nibres. La supir-
stition les a |>euplés ]H)ur eux detres
terribles et fantasticpics qui en défen-
dent l'approche. Ïjc voyajjeur eumpt^^n
lui-même s*éloi|',ne aussi, car des lions
apparaissent soudainement au sonunct
des collines formées de tant de débris ;
il craint d'aller troubler dans leurs re-
paires h'S animaux féroces qui rèj;nenl
à leur tour là ou n'{;nèrent jadis I mul-
li;;ence et la puissance humaine ! Puis-
sance frajjile ! puissance qui ne |H'Ut que
semer le itionde de monuments fraf,iles
connue elle ! Babvlone, ]\inive, Lacétlê-
mone, Tlicbes, Athènes, de vos mines
s élève une voix qui rt-pète à riiouiuic
orj'jUeilleux ces paroles du Prophète :
.V/r t/i/nstt f^lvna niundt ! Ainsi passent
les gloires de la terre I
h. R.
I 1
i;co\oiizi: iit>iii:^iit|ti:.
I A MAnUKSSK \>\i MA1S()N.
11.
Tu sauras , ma bonne (llémmir ,
(pTlldouard est iharmé du désir tpie j i-
pronv«> de tlevenir le dis( iple tle sa mè-
re, objet de son autour et de sa vj'nera-
tiou ; seulement, il ma priiv d'attendre
que .^I""" lleaumtxil m nivil.ïl il elle-
nièuH- à la sieond«"r ; et ei-lCe invitation
a eu heu très-|»< u lie jours après, j ma
grande joie.
«< ii(*main, ma iille, m a \\\\. ma Ih'IIi'-
mère, nous aurons tptelques |M-rsoune5 à
diner. Des \\\vv j'ai donné des t>rtlivs;
mais si vous êtes matinale, venex. me
trouver dans mou cabinet avant sept
heures, et j«* vous expliipierai les rai-
sons cpii m ont lait dis|HiM*r l«'S elios<*s
de telle fa^x)u plutôt que de telle autre ;
puis, vous uie direz quels s<Mâienl les
mets (pii vous paraîtraient prt'feralilcs
à leuv dont j'ai lait choix. '
— Merci, merci, ma mèiv ! •• s'esl
écrié Edouard en pie>sant sur s»*» Icvn'^
la main de M">* lieaunuMit; |K>ur uioi, je
lui ai saute au i\)U et je l ai embrasstv
de tout mou cumu. C e»t qiM*, vois- tu,
mon aime, il e>t |h*u a;;n-able |K>m une
jeune lemme tic miiUi que iicn ne d« -
|H'iid d'elU'i ne le^ort d'elle dan.n la mai-
son. Je xt'.ix .S.IIIS tloute UM* laiÀMT di-
riger eu tout )Kir ma lMllc-liièn\ uiai»
202
je veux aussi ivuii ici la \)\.\cc ([xi'oc-
cuprrait sa fille si elle eu avait une, et
cesser d'être eouiptée pour zéro par les
douiestiques. Je crois cpie IVI'"»^ IJeau-
uioiit a couij)ris cela; car elle Cit douée
d'une jjraiide délicatesse tlàuie, et voilà
sans doute pourquoi elle téuioi^jiie la vo-
lonté aiuiable de in (issorirr à son pouvoir.
Tu penses bien que j'ai été ponctuelle
au rendez -vous. Aussitôt, uia helle-
inère a sonné la cuisinière, et Texauien
sérieux du menu arrêté dès la veille a
eu lieu devant moi. Je uie suis bien
^jardée d'y prendre part; Geneviève au-
rait vu prouiptement uia complète i{i;no-
rance : les uiots de relevé de potagr^
c\ cnlrées, de hors-dœiwrc^ d'entremets^
étant tout-à-fait nouveaux pour moi,
comme ils le sont pour toi, clière amie.
Aujourd'hui je suis toute fièrc de pou-
voir te dire que tu as à la pension un
relevé de potage dans le très-ordinaire
bouilli, ou dans le miroton^ qu'on sert
en remplacement de la soupière ; des
\\ovs-d'œ livre froids dans les cornichons
et les radis, une entrée dans l'humble
plat de lentilles, et un entremets sucré
dans les tartelettes aux pommes que
nous acceptions, toi et moi, à titre de
dessert. Je copierai à ton intention, à
la fin de ma lettre, le uienu <le notre
dîner (\^anus; plus tard, tu te procure-
ras un Parfait cuisinier^ et tu pourras
ainsi faire connaissance avec tous les
hors d'œuvre froids ou chauds, tous les
relevés, toutes les entrées, tous les en-
tremets qu'on peut servir à ces divers
titres, en les variant suivant la saison ;
saiis compter tous les rôtis imaginables,
et l'ordre dans lequel ces choses doivent
être servies. On devrait bien nous en-
sei{jner la théorie au moins de l'art de
dresser un menu dans les pensions, puis-
qu'enfin nous sommes toutes destinées
à diriger un uiénage plus ou moins
considérable.
Quand Geneviève a été partie , m i
belle-mère m'a reproche amicalement
mon silence.
« Je ne vous aj)pelle pas nu conseil^
a-t-elle ajouté en souri.uit, pour que
vous opiniez seulement du honnet. »
Sans hésiter j'ai avoué ma complète
ignorance et la crainte que j'avais éprou-
vée de dimiiuuîr la considération de
Geneviève pour moi s'il m'était arrivé
d'indiquer, à la place d'une entrée, tel
ou tel niets appartenant aux hors-d'œu-
vre, ou bien tel prétendu hors-d'œuvre
appartenant aux entremets; puis je me
suis récriée sur la quantité de plats qu'il
fallait pour un simple dîner d'amis.
« Nos amis, a répondu M""* Beau-
mont, peuvent bien ne pas être comme
vous et moi, ma chère fille, complète-
ment indifférents aux plaisirs de la ta-
ble ; et puisqu'ils ont l'obligeance, alors
qu'un diner, fort passable au moins,
leur est assuré chez eux, de braver le
froid, la pluie, pour venir partager le
nôtre, il faut que nous leur témoignions,
en faisant quelques frais, la joie que
nous éprouvons de voir notre invitation
acceptée. Ne trouvez-vous pas que ceci
est à propos, que c'est même un devoir?
— Oui, ma mère, vous avez raison.
— Si nous ne traitions que des jeunes
femmes, des jeunes filles de votre âge,
ma chère Pauline, et des honunes de
l'âge d'Edouard, mon menu ne serait
pas tout-à-fait le même ; le premier ser-
vice contiendrait surtout des pièces de
résistance^ et le dessert se composerait
un peu difiéremment. îMais nous aurons
deux anciens amis de ma famille, et une
de mes amies de jeunesse ; à un certain
âge , mon enfant , on aime la bonne
chère; on se fait une afiaire d'aller dîner
en ville, et surtout on est en droit de s'at-
tendre à ce que la maîtresse de la mai-
son témoigne par tous les moyens pos-
sibles de sa déférence pour la vieillesse.
203
Ainsi donc, dans le clioix qup j'ai fait
des mets qui couvriront la tablr , j'ai
pris en considération 1 â{;e, les goûts de
mes principaux convives, dont la plu-
j)art n'ont plus de dents, bien plus que
rà»;e et les {;onts des amis de mon fds et
des jeunes femnics ou jeiuies lilles que
nous vovons Iiabiluellenicnt.
— Oli î clière maman, votre menu
confenti-ra tout le monde, je vous as-
sure
— C'est mon désir et mon devoir.
Donner à dîner, c'est exercer lliospita-
lilé ; il faut donc la rendre aussi agréable
que possible à ses invités.
— Mais , ma n»ère , il y aura bien des
reliefs, car nous ne s* ions que dix à ta-
blel.. Quoique je ne sois pas gourmande,
j'avoue que l'apparition, {)endant plu-
sieurs jours de suite, des mêmes j)lats ,
diminue beaucoup mon appétit. •
M""^ Bcaumont se mit à rire.
— Oubli» '/.-vous donc, dit- elle, qu'a-
près demain nous avons à déjeuner deux
de nos voisins de campagne?
— Ali! c'est vrai I Pour ceux-là, ils ne
laisseront pas de relirfs I
— Une mai Messe de maison doit tout
calculer, ma clière l'.iuline, et s'arranger
de trilc sorte que la déjxMise occasionnée
par un dîner de pins ou moins d'apparat,
serve à diux fins. Ainsi, par exemple,
nous donnons eliacpit* liiver trois grands
dîners ; ces trois |;randN r«pas sont suivis
d'un dîner moindre et de deux grands
déjeuners dînatoires.
— Mais, clière maman, comintiii
faites -vous pom- que certains de vos
invités ne se dontfMit pas qu'ils sont
conviés à faiie disparaître les reliefs?
— Rien tle plus simple, mon enfant.
Si le elioix , la di>(iibn(ion des mets,
sont «les rlioses im{H>r(an(es, (^ qui l'est
encore davantage, |XMil-être, et jvirtieu-
lièrrment en province , c'est le choix des
convives. Réunir dans un même raftt
des gens que séparent leurs positions so-
cial^'s, leurs occupations, leurs opinions
politiques surtout, ce sei^it cotnmettre
une fautf grave contre les bienséances,
et donner la preuve qu'on manque de
savoir-vivre. Par sa position dans le
monde , mon fils est ap|>elé à voir et à
recevoir la meilleure société de la ville,
fonctionnaires, gens de robt-s et d'épée,
riches propriétaires, gens aimables, ar-
tistes ; mais ses occupations ayant pour
objet une exploitation rurale, il se trouve,
d'antre part, en relations fréquentes avec
des voisins de campagne qui, connue lui,
font valoir; avec des fermiers, des négo-
ciants en grains, en bois, en bestiaux,
que sais-je encore ? Pour les gens de U
ville, les dîners d'apparat ; pourceax de
la campagne, les grands déjeuners dîna-
toires , et tout le inonde est content ; et
nul ne se doute, si ce ne sont pourtant
les bonnes ménagères , que je sais faire
concorder entre elles les époques de ces
dilTérentes invitations, de telle sorte, que
le repas pins moileste, qui suit un ^aln^
ne me coûte que très -peu de chose en
«us.
— Mais c^est tout un travail que cela î
me suis je écrit^e aussi slu|ïéfaite qiK' lu
le seras toi-même, ma Clémence, en me
lisant. Te serais-tu jamais dont«v qu'il
f;»llût tant de couibinaisons |»our niivoir
chez soi ? Et moi qui inVtais fait une
fête de la seule id«'e de docmer de^ fèlcs î
J'ai demandé encore k ma belU^iiièrc
si elle avait tnujnun du monde le len-
demain ou le surlendemain d'un diner
d'amis.
— Presque toujours, m'a-t-elle ré-
pondu , car je m'arrange {tour que ces
dîners aient lieu aux époques où nos
voisins de camp.ij;ne ont alTaire en ville ,
et j'ai soin que o'il.^ins pUts.qni p< iivent
être rajeunis le lendeiuain par un noiivrl
assaisonneiuenC , soirut tosn fort5 pour
servir à mes deux fins ; de la sorte
204
jai à ollVir un ( lianuant an\l)i{>u , irlcvi' I volent donc les nuances (lui nous écliap-
d*un <'>I('j;ant dessert, et j<' soutiens ainsi | pent, et ee sontelK^s (|ui enipèclient sou-
la it'initation dont jonit mon (ils d'avoir
une bonne l;»i)le ; ié|)ulatit)n qui n'est
pas à dédai{;ner eonmie vous pourriez le
croire, ma ehère Pauline.
— Ce que je ne conçois pas , dis-jc à
ma belle-mère , c est conunent Gene-
viève pourra venir à bout de faire à elle
seule les dix plats d'aujourd'hui I
— D'abord, ma clière enfant, tout ce
qui peut se ])réparer la veille, l'a été
dès bier; ensuite Suzette est cliarp^ée du
soin de faire les crèmes, et la fille de
cuisine, très-int(4lij;ente, seconde d'au-
tant mieux Geneviève, que toutes deux
vivent de bon accord. Ce qui nous re-
jjarde , vous et moi , c'est de donner le
linge de table, la porcelaine, les cris-
taux ; de faire monter les difl'ércntes
espèces de vins, soin que j'épargne au-
tant que possil)le à Edouard ; enfin de
dresser le dessert rt de garnir les bougies
et le:» flambeaux de ces jolies bol)èches
que vous laites si bien. Nous nous occu-
perons de tout cela après déjeuner, et
nous causerons alors tout en travaillant ;
maintenant, permettez - moi , je vous
prie , de m'babiller. J'attends plusieurs
personnes ce matin. »
Je suis allée trouver mon mari ; il a
bien voulu me laisser faire étalage devant
lui de ma science toute nouvelle en fait
de dîners , puis il m'a demandé en riant
si je croyais encore que le rôle de la
fennne dans la uiaison du mari fut aussi
peu inipoitaru qu'on le prétend en géné-
rnl. Jai cru échapper à la difliculté de
répondre, en disant que nous n(^ sonnnes
en réalité que le premier rninisifc de
notre seif^ncar et mniirr.
» Soit, a repris Edouard, premier
ministre î mais ministre présidera du
conseil ! Car les fenunes, moins distraites
que nous par les alî'aires du dehors, sont
dou('es, en oi tre, d'un tact exquis; elles
vent le seii:^ueur < t maître de n'unir dans
une fètc des élénuMits tellement h('téro-
gènes, (pie la discorde pourrait bien
naître de vc que le sdi^nciir et iixtitre
avait jugé devoir amener ime conciliation
générale. Réfléchis à tout cela, ma Pau-
line, et tu reconnaîtras (\v\v. la femme,
qui reste fenuue, est, non pas V esclave ,
mais la c<>rnj)ngnr de l'homme. »
Edouard a raison ; (pi'en dis tu , Clé-
mence ?
Après le déjeuner, uia belle -mère
ayant averti que nous n'y étions ()our
personne, a fait appeler le fils du jardi-
nier, et nous sommes descendues à la
cave .
L'ordre établi partout, mais plus en-
core dans le caveau consacré aux vins
fins, m'a charmée. Lue ardoise porte le
nombre des bouteilles contenues dans
chaque case ; au-dessous est inscrit le
nouibre de celles qui ont été prises ,
avec la date du jour du prélèvement.
]VImc Beaumont a fait monter du vin de
Bordeaux, du vin de Madère, et mettre
de côté du Champagne mousseux.
De la cave, elle m'a conduite à la
lingerie. Que de linge et de beau linge,
chère amie ! ^La belle-mère m'a uiontré
de magnifiques services en toile damassée
pour les jours de gala , et d'autres aussi
élégants, mais plus modestes; elle a
choisi un de ceux-ci.
Je ne savais pas encore combien nous
sommes riches en porcelaines et en cris-
taux. Déjà, pourtant, j'aurais pu les
reconnaître , lors des grands repas qui
ont été donnés pour fêter notre mariage ;
mais je n'y avais pas fait autant d'atten-
tion qu'aujourd'hui. Et l'ordre le plus
parfait règne aussi dans ces grandes ar-
moires si bien garnies du liaut en bas.
Suzette avait réuni sur la table les
beaux fruits qu'on envoie ici de nc^fic
205
maison des (lianips, à nu-sure du hc-
s<jiii , les petits fours, les pâtisseries, les
c(Mnpotes, les eonfitures qu'il s'agissait
de dresser sur les assiettes, dans dejulies
corbeilles et dans les compotiers. Pen-
dant que ma lulle-mère et moi nous
nous occupions de ccfoin, Su/.i tte ver-
sait dans des carafons (\c cristal l«'s dif-
férentes espèces de vin que Jean avait
montées. Puis elle arran{jea dans une
corbeille destinée à cet us.i^e, les verres
à vin de Clianipayne.
«« Quand nous sonnnes en petit co-
mité, dit ma belle-mère qui remarqua
mon étonnement, nous faisons revivre le
vieil usaj^e d'entourer des verres à vin de
cliampajjne, le maître de la maison, à
(|ni n-vient de droit riioimeur de faire
sauter le bouclion , afin (ju'il ))uisse
distribuer pioniptement le vin pétillant
de mousse. Cette iminœuvrc, vivement
exécutée, nous semble préférable à celle
établie par la mode de ])lacer un verre au-
près decbaque convive. Kn petit comité
encore, le potajje est mis sur la table, avec
une pil<* d assiettes à côté ; je sers, Su-
jette porte les assiettes, puis la soupièn*
est enlev('e, et le relevé' ap|>arait aussi-
tôt sur son réchaud. Pour les {jrands ili-
ners, nous avons adopté le st^rvice à la
Russe (l), non parce qu'il fait plut il't-
tdidi^r^ mais surtout parce cpiil est plus
connnode aux maîtres de la maison i t
plus facih' pour les domesticpies. >■
Inscris tout cria snr tes tablein^s ,
clière amie.
ÎSolre diner a l'ié* cbirmanl, |)li in «le
j;ailé; tout t'tait excellent , et, pour l.i
prennère fois «le ma vie, je me suis rétl-
lem«nl sentie nilé'resséT au MMvic»* de l.i
table, il nie sendiliit qne j'avais ilroil
à partajM'r les t'>l()j;es donnes à ma In-lle-
nièi<' . rlle-UH'nie l a iceunnu en disant
(I) \. l. 111 lie la •> HMir, |Mgo .lèu.
qu'elle trouvait en moi un disciple plein
d'intellij^ence et de zèle.
Le surlendemain, nous avons oflert à
nos voisins de Al.irtijj un très-joli andji-
gu, et maintenant je ne serai pas fâchée
de voir arriver l'occasion de prouver à
TVlme Beaumont que celle première leçon
a profité-
A oici notre menu :
ReU'vè.
Filet d'aloyau avec sauce piquante
froitlc.
Entrèet,
In lièvre en daube. — Carré de veau
aux fines herbes. — Anguille piquée
(cette anguille monstrueux» sortiit «le
notre vivier). — l'«)ulet à la parole sor-
tant de notre basse-cour, mais pas tout
acconnnodt-, au moins ! )
Nors-d'œiiiTr chauds,
l^ieds «le ctK'hon f.ircis. — Petits pâtés.
llors-d 'œu vre fro id^ .
Lapi-reanx confits. — An« bois. —
Olives. — Heurre aux noisettes.
Entremets de Irgumes,
P«tits-pois, consent-, — Choux -fleurs
au jus.
Entn mets Jn nh .
CrèuM* velouti'-e. — (iehn- au rhum.
Pour le dess« rt, le plat du nnlieu eta*t
un beau fromage de crème fouetléf ri /a
Mtintmorent y.
Il est grandeuuMit question de pirlir
|X)nr n«itr«* UMis4»n «les « hanqts. Huelques
allan«"s r«'liennenl eu«x)n' FMouani j \\
vdle. Ml Ix lle-mèn' et moi non» profite-
rons de Cl- relard |K»ur |u-issrr ruiS|tn*Uon
dt- tnule 11 lliaÎM»!!.
Au ie\(Mi . iii.i Clemeiue, aime-moi.
P\l I IM; RFil mom
206
MELANGES.
LE tesïa:ment de madame PATLRAL.
ci: Qll VIENT 1)1 Tr»03!PFTTK S'EN VA AU TAWIJOUR
i»ERSo:\^Mc;K:f^>
Madame ROBIN, e\écntiice testamentaire de
madame l'aliiral.
Cinquante ans.toilcUe simple, f«mmc raisonnable.
Ce lôlf pml êlrr joue. î-i on le veut, par un homme et
le per oniiage dt-Mcnt nlors M. Ro))in ; il suffit de faire
dans le dialogue, les légers changenuMis nëccssitc's par
celle subslilulion.
Madame la Marquise de ROŒNCOKF.
Soixante ans, costume suranné, le ton grotesr|iiemenl
hautain, raricature.
Madame de I.01\1I-:UX.
Trente ans, clégince exagérée, ton de précieuse.
JEAN.NETON.
Dix-huit ans, costume de gardeuse d'; dindons; jupon
court, sabots, chapeau de grosse paille ou coifTe.
GERTRUDE, servante de Mn'e Robin.
Soixante ans , l'air hardi, costume rappelant la vi-
vandière de l'Empire.
La scène se pnsse ù Montarpis, dans In maison de In défunte. Le théâtre représente un salon très-simple '
porte au fond ; deux portes à droite , une porte à gauche. Au fond, à droite de la porte d'entrée ^ un bureau ; à
gar'chc, un carlannicr.
Au côte gauche, une armoire, ou tout autre meuble h mettre du linge,
Fauteuitsà droite et à gaurhe.
SCENE pre:miere.
GERTRL'DK achevant de ccunptcr (lu liniïn
plaré dans le meuble à gauche, M"ie ROîîIN
écrivant, à s<»n bureau à dioile, ce que Gci-
trudc dicte '1).
jy|me Robin. Cinquante-sept paires de
draps... J'ai écrit, Gertrude.
Gertrude. C'est tout, 3Lic1aine; voilà
rinvrntaire de la drlunte aelievé
3Jniiitenantles héritiers peuvent venir.
3Ime RoBi>". Comme exécutrice testa-
(!) Les prs-onnaci's soiit'in.-crits en tête de
chaque scène comme ils doivent être placés sur
Ic^théàtiC; le premier inscrit tient toujouis la
gauche du spectateur ; les chaniicments sont In-
diqués par des renvois.
nientaire je leur ai écrit et je les attends
aujourd'liui à Montaq^is.
Gi-iiTHiioî'.. Cette brave i>I""' Pâturai,
tant qu'elle a vécu on l'a laissée toute
seule; on eût dit qu'elle n'avait pas de
famille; la voilà morte, et tout de suite
il s'en présente une I
l^îme Robin. CVst tout simple , ma
bonne; on n'a point de parents et on a
des héritiers ! Rappelez- vous, d'ailleurs,
que ma pauvre amie était une paysanne.
Le hasard l'avait fait connaître à M. Pâ-
turai pendant la Révolution , et elle lui
rendit de tels services, (pril ne crut pou-
voir s'acquitter qu'en l'épousant.
Gerteude. Comme mon pauvre dé-
funt, le tambour-maître du 45"'<^.
2i)
]\Ime KoBI.N. A 1.1 difli'i fllCC qui" i.«
famille de votre mari ne rrijaida pas son
choix comme une misalliance , tandis
que celle de ]M. Patur.il ne lui pardonna
jamais.
(ÎLitifiL'DE. (/t'taient «loue île l)icn
grosses fjens .'
M'"*' RoBi^s sonna/il : ^ ous les vernz
aujourd'hui. Il y a d'abord 31'"*^ de llo-
cencoef qui arrive dOrNans...
(jEIITULUE. Ail ! je la connais celle-là !
c'est comme on disait au ré(]iment, une
vieille njarqnise de (^irabas...
]M"" Roui.N. Dont le niar(|uisat est
aussi antlienti(pie que celui du meunier
dans le eliat botté.
(rËUTRiDK. Conuncnt! c'est un titre
de contrebande?
M"'" KoHi.N. Qu'elle doit à un vieux
château acheté par son mari. La vérita-
ble noblesse n*a point cette vanité' ridi-
cule ; U's titres sont des ornements
qu'elle sait porter parce qu'elle en a
l'habitude. 11 y a aussi M""' de IjO-
rieux.... une Parisienne du monde é-h--
yant, qui f;iit de j^^randes toilettes et de
petits vers.
()KHriu;DE. G)nnne le trond)onne du
4'}"*'^l un ninv< idin fini, (jui portait des
boueh's d'orciUe et qui parlait en rimes.
Eh bien ! en v'ià des |)artieuliè'ri s dont
aux(|uels on devra parlrr avec th*s mi-
taines à quatre |H»nees! [Conjld* nliel-
Icment ) ; Dites donc, Madame, faudra
IM'Ut-ctrc pas hnr dire (|ue j'ai servi
connue vivandière ,*
AP'"" Koiii.N, soiiriiinl. (Àla vous st la
dilVuile; VOUS avez consi'rvé tant <!• s"ii-
vcnirs de vos campaj;nes I
CfKRTiu nK. Ah I « 'est vrai. Dix-hnit
années de (guerre ! et de la rude, on |MMit
dire: le froid, la rati|;ue, la faim avec
tout le trendtlement ! mais e'it.ut près
(h* mon pauvre Tranyois, voyez-vous. Vax
nous mariant le curé avait dit que //r/i
nr (Ici'au tcparer ce que le hon Dieu avait
ufit ! aussi j'aurais suivi mon maitic tam-
bour dans les dix parties du monde I
3Iinc Kj^ui^j, Je connais mieux que
personne votre courage et voire dévoue-
ment, ma cher»' (itrtnide.
GtiiTaUDE. Madame est bien bonne ;
c'était mon devoir; et, connue a dit uu
colonel des anciens ti'uips : fois ce que
iloiSy et vienne que fjous%era. — A propos,
Madame n'a pas décidé s'il fallait asti-
(pier la batterie de cuisine .'
^^\n^v Honi.N. Nous verrons plus tord.
Achevez de ranger ici ; je vais continuer
1 inventaire.
(iKRTHunE. Bien, mon commandant.
('M""^ Robin sort par la seconde (torie à
droite, )
sckm: II.
GEHTHl DE j>cule, rangeant les cbal£CS et
épou85etant Ie:i meubler.
rrF.RTRlDE. Kii v'ià utie f nature du
bon Dieu î C'est la meilleure fenune
qne j'aie connue après mon pauvre
François!... c'est-à-dire, c'était pas une
fennne, lui, mais il n'en étiit pas moins
tonjoui-s iY)ntent et prêt à rendre ser-
vice, connue M™'' Robin. 'On entend
sonner ou dehors. ' Tiens , qui est-ce
(jni sonne donc î est-ce que ce serait
dé'jà nos parents? (elle vn regarder à
la porte du fond'* ; non, c'est une jv*ljle
paysanne... Ah ! la |H)rte est ouverte...
elle entre... Par ici, petite, par ici!...
(Elle rrdesernd sur la scène ^ Jeannetnn
parait à la porte du fond. '
sni:M: m.
JEANNKTON. (.KUTIK DE.
Jk4N>kiu> * art étant tmiide-f- • ■ —
le seuil. Pardon, excuse, la Ik>ui ,
c'est- il |Kis ici que demeure ma inai-
rainc .'
20S
Gertri PE. Ta mairaiiie? possible,
mais faudiait savoir qui elle est.
Je\>nfto.n. (]'ostunc aiicionnc friiinir
coimnrvous, (jui a l'tt' t iniboui-niaîliv
dans un iijjinient.
(ifiRTHUDE. Hein? tu veux (lire qui a
époust' le tauiboui-niaître .'
Jeamseton. Ca se peut bien.
Gertride. Gertrude Ricard ?
Jeanneton. Juste.
Gertride. Ainsi, cest moi que lu
cherebes ?
Jeamneton. Vous... c'est -il possible?..
Vous êtes ]>!'"« Gertrude?
Gkrtrude. Et toi tu serais?...
Jeanneton parlant très-vite : Jean-
iietoii Piclet, la fille à Tlicrèse Piclet,
la lemnie à Jérôme Piclet.
Gertrude. Ma filleule?
JEAlN^ETON. Vraie et véritable. Je mai
lavé la figure, ma marraine ; voulez-vous
m'permettre de vous embrasser ?
Gertrude. Eli ! viens donc, mon
pauvre cliat (elle f embrasse) ,' mais c'est-
il bien croyable ! toi si grande fille que
ca ?
JEAis>tT0N nniï'cmrnt. Ali I pas tout-
à-fait, jai mes gros sabots qui me haus-
sent.
Gertrude» Eh bien I je t'aurais pas
reconnue, par exemple !
JhA>NET0>. Ni moi, ma marraine,
rapport que je vous avais jamais vue.
Gertrude. Au fait , nous ne nous
étions pas retrouvées depuis ta naissance.
Jai quitté tout de suite après le Ver-
dier-en-Biie, et j'ai su, par hasard, que
tétais devenue orpheline... iMais com-
ment donc que te voilà à ÏMontargis ?
Jfi.A>>"ETO\. C'est parce que je de-
meure près d'ici, à Ferrières.
Gertrude. Et chez qui que tu es là ?
Jeanneton. Pour le quart-d'heure je
suis chez moi . ma marraine, ce qui l.'.it
que je me troure dans la rue.
Gertride. Conimcntea?
JEA^^ET0.^. \ oilà Thistoire : J'avais
ét('' "aj-iée, ]>ar Pierre (iodureau pour gar-
der ses dindons, et je puis dire que j'é-
tais la Providence de mes bètes, à ]ii(^u-
ve qu'elles devenaient grasses comme
des personnes établies et qu'elles m'ai-
maient tle cœur; aussi le bourgeois me
considérait et m'avait donné à Pâques
une paire de sabots: mais le brigadier de
la gendarmerie est venu tout brouiller.
Gertrude. Comment, le brigadier?
Ji:a>^eto>. Oui, rapport que pour
reconnaître mes dindons, je leur-z-avais
donné des noms analogues. Le plus fier
et le plus bète je l'avais appelé M. le
maire, le plus gourmand IM. l'adjoint,
le plus méchant le grand gendarme, et
ainsi des autres, le tout sans malice;
mais quand le brigadier a appris la
chose, il s'est mis dans toutes ses fureurs :
il a crié partout que j'insultais l'admi-
nistration, que j'étais une ennemie du
gouvernement ! Alors Pierre Godureau
a eu peur, et il m'a renvoyée.
Gertrude. Si c'est possible I De sorte
que te voilà sur le pavé ?
Jeanneto. Pas ici, mamarrainCj puis-
que c'est des planches, mais je suis tout
de même sans place.
Gertrude. Et bien tu vois ce que t'as
gagné avec tes moqueries? Quand on
veut rire aux dépens des gens, tôt ou
tard ils se revengent.
Jeain^eto. Olil j'ai bien vu ça par
après, ma uiarrainel on jette comme ça
des pierres dans les arbres et elles vous
retombent sur le nez; aussi j'ai bien
promis que c'était fini de rire.
Gertrude. IMais en attendant, t'es
sans place?
Jeannetox. Depuis hier, ma marraine,
et je viens pour vous prier de me cher-
cher une maison, n'importe laquelle. Je
néemploierai à tout : je servirai les bour-
geois aussi bien que les dindons ; j'ai pas
do miuvnise fi^if ',
HVJ
Gertrude. Eli hun ! on vtrra (m ;
rjuVst-co que tV'S capaljle de faire? Sais-
tu iiM peu «if cuisine .*
Jk\>nmo.\. Oliloui, ma niariaiue ;
c'était uioi qui faisais toujours la pâtée
pour les l)éles.
Geiitju DE. Va le nu''iia{;e .'
Jka.\>kto\. (lerlnineiueiil.... j étais
cliar/;ée tlu pouliiller.
Gertrude. Ilein .' tu «lois clone <pu'
je veux te lueltre eu service chez des
oies?
Jkanneton hdissdtit les yfJtx. Je ne
sais ])as, ma marraine; mais je promets
d'avoir bien du eoiuafje et bien de li
bonne volonté-.
Gehtiu Di:. A la bonne berne I avec «a
ou arrive toujojus. On s'occupera de toi,
fanfan. As-tu au moins lui c<*rlilieat de
ton ancien bour{^eois ?
.Ieanneton. l'ardon , excuse; il devait
le faire écrire par M. Ki^;oulard, le maître
d'école, et il a promis de me l'apporter
ce matin, avec tous mes jiapiers di' nais-
sance ''re^fi'dant ht pctidulr) ' mèmi' (pie
v'Ià 1 btun* (Ml je dois le trouver au
niarcbé.
(li:nTHi;i)r. Alors vis y, et (pinid in
reviendras je le pi('senterai à IM""' Kobin.
Jeatïneton. Merci, ma marraine î Oli !
je savais beu, moi, (|iie vous ne m .dt;m-
donuerie/ pas; je le disais toujours aii\
autres : les anciens militaires, ça a b«)n
co'ur !
CiEirnu i>i:. Parce cpids «onnaisscnt
les désa[;rémcnls de rexisteuce, vois tu.
et qu'ils nnt ('lé trop de fois dans le
pétrm ]>our y laisser les camarades. In
J''r,in( itis Sf itoit à s< s M/nh'af/fri ^ comme
disait le colonel ilu ^i.*»'"" « n sinvini d.^
Prussiens.
JkanNETon. Alors .« tcnt-.i riieuic ,
ma marrain(\
(IrniHi DE. A tout-â riieure, Holte.
Jr.\>>KTON. .le iMii-^ laisser Ij mon
paquet, pas vrai '
(ÏERTKCDE. Ail ! tu as uu patjuet ?
Jea>.\eto\. Je crois beu tt u/t l'u
grave tt un /jcu mystérieitxj. J'ai fait des
économies.
Gertride. Vrai '
JeaN.NETO.N tlltttnt j'irn in y<iu j,tl jurt
l lisse s:(r iinr cliaisc près de iti porte (l .
A(»\i/. plul(Jl : une paire de bas, trois
( licmises et deux jupes de toile î Je sais
beu cpie c'est du /us^/ue; mais quiiul on
est j(une, faut bu se donner qn'euq'
douceur.
(iKiiTRl'DE fui donnant une tape sur la
jour. Allons, je vois (|ue lu es une fille
d'ordre. (Jcanneton va reporter son pn^
tjuet sur la chaise.'
JHA^^ETO^. Par ainsi je m en vas. ma
marraine, /{e^^ardant au dehors.^ Ali .
mais , quoi(pie c'est donc que cette voi-
ture qui est arrêter à la jiorte?
(Ifrtrii)E. l'iie voiture?
Jkannkton. Avec deux !>ell. s dames
qui descendent.
(lERTRlDK allant rei^arder. Ali î mon
Dieu, te sont les bérilièrt^ de >I""^ Pa-
inr.d.
JhVNMTON. Ib ;; «niez , re};arde/ la
vieille, ma marraine I Klle n*ss<Mnble au
dindon que j'avais ap|MMé M. le inar-
(piis.
(il inui i)F. Jiisl» nu nt. i '«-««l une niar-
(piise.
JeaNNETON. !*-•<.• qni' «a »;.rni «
femme?
('•ERTaiDE iansant in voij . A'eux-lu
bien te taire 1
Jean.nfton parlant i>as. Oli ! ci l antie
(pli rc|;n(le avec un |>«'lil nioit^-AU de
verre. /•"'<* f'iif "m f^este tndapwnt t 'usa^r
du htrgnnn. Elle esl cK»ne aveuf*lr de
naissaïuv ?
('•KRTHl UE. 'l'ais-tui. Il*» TOI« I.
^1 tiniiinU'. J' .1. iic'rn.
210
SCENE IV.
JKANNKTON, >1"" I>H HOCKNCOKK, M-*" DK
I.OKII.rX, C.KUTUlDb:.
31"'^" DE JlocENCOEF entrant la pic-
mière. Eli bien , personne jiour nous
recevoir! A oilà qui est d'un sans-j^ènc
insolent.
^l™*^ DE LoRIEUX (l'un ton prcteinh'ux
et lorgnant autour d'elle Pas de coneiei[;e,
pas lie tapis, des meubles démodés.'....
mais c'est un vrai galetas î
Gertrude s'approehant. Pardon, Mes-
dames...
M™^ de Rocencoef. Ah ! enfin voici
quelqu'un...
31"'^ DE LohlElix lorgnant Gertrude,
C'est la portière, ça ?
Gertrude, 7î"èrf?///<?/7/. Du tout, Ma-
dame, je suis Gertrude, présentement
bonne à tout faire de jM""*^ Robin , et
autrefois vivandière en titre dans le 40"*^.
M""^ DE Rocencoef, avec un geste de
dédain. Ah I
M™^ DE LouiEL'X reculant. Une vivan-
dière !
Gertrude à part. Et bien ! on dirait
que ça les suffoque !...
M'"*^ DE Rocencoef, montrant Jean-
neton. Et cette petite ?
Gertrude. C'est ma filleule , Ma-
dame.
Jean?>eton saluant. Jeanneton, gar-
deuse de dindons pour vous servir.
M"^*^ DE Lorieux. Ah ! quelle hor-
reur !.. Avcz-vous entendu, marquise? Il
y a donc des êtres qui gardent les dm-
dons ?
Jea ^ NETON /?«i<^j ///<?/?/. Dam I fautben,
puisqu'il y en a qui les mangent I
M™* de Rocencokf. A'oyons, finis-
sons-en. Prévenez M™' Robin que je
suis ici , moi , ^M""*^ la marquise de Ro-
cencoef, née de Rocentuf... ainsi que
M™^ de Lorieux...
M™*^ DE LoBiEux. De Paris.
Gertrude. Ca suffit. Mesdames. (^
port.) Eh bien! en v'ià des paroissiennes
peu avenantes I... plutôt que de les ser-
vir je me ferais vivandière de cosaques !.. .
M""' de Roce^COEF la regardant dit
d'un ton liautain. Jc crois que vous me
faites attendre !
Gertrude. On y va, on y va!.. [Elle
sort par la seconde porte à droite avec
Jeanne ton.)
SCÈNE V.
M"'« DE ROCENCOÈF, M"»» DE LORIEUX.
]\Imc D£ Rocexcoef. Ces gens ne sa-
vent pas à qui ils ont affaire.
IM'"^ D£ Lorieux. Que voulez-vous,
INLirquise, en province ce sont des sau-
vages. {^Elle va se mirer et s'arranger à
droite).
3Inie j)£ Roce>coef. En vérité je ne
comprends pas que j'aie quitté mon
château pour cette misérable succession.
î\Jme DE LoRiEUX se mirant toujours.
Ni moi_, mon hôtel du faubourg Saint-
Germain.
M>"e DE RocENCOEF. Savcz - vous ,
Madame, qu'il m'a fallu renoncer à être
marraine d'une cloche ?
M'"e DE Lorieux. Et moi. Marquise,
à lire ma dernière élégie dans une grande
soirée littéraire.
M'"6 DE RocENCOEF. Je devais rece-
voir tous les honneurs que l'on rendait
autrefois à mes nobles ancêtres.
i\I"^<^ DE Lorieux. On m'avait préparé
une ovation.
M'"c x)£ Ror.ENCOEF. J'aurais été en-
censée. Madame !
Mni<^ DE Lorieux. On m'aurait cou-
ronnée, ^larquise I
M""^ de Rocencoef. Et renoncer à
tout cela pour connaître le testament
d'une dame Pâturai I une paysanne I
î\Ime j)£ Lorieux. Sans la moindre
teinture des belles-lettres !
211
IVI"'*^ DE IlocKxroEF. Entn'(Mlaus no-
tre faniillc iiial(;r('' nous !
]V[iiic nELoRIK( \ arrangrant snti xrlinll.
Et qui u\'i j.'iinnis su porter un caclie-
111 in* !
]>!""' DR UOCENCOFF />//<« bas (Hrr in-
térêt. Vous ne savez pas ce qu'elle a
laissé (le fortune.
]M""' i»i: I.oniKrx de nu'inr. On m'a
assuré qu'elle était très à son aise.
M""*^ DE R (:K^(:Ol K dr ntcmr. Au fait
ces gens de rien tli('sauiisent d li il)i-
tude ; c'est une (pialité.
iM"'" DE Ix)RIhU\ de niéinr. Pour leurs
Iiéritiers !
]M""* DE HoCENCOEF rrj>rrnant Ir ton
haut. Ali! Mulanie, quelle misère.'
penser qu'il faille s'abaisser à recueillir
une succession , moi , marquise de Ro-
cencoéf, dont les aïeux ont été alliés aux
rois clievelus!
IM"'*-' DE LoRlElX reprenant également
son premier ton. C'est pourtant vrai,
INIarquise î (Voirait on que ]M'n« de
Lorieux (|ui lè^le la mode à Paris et
dont tout le monde cotmait les vers iné-
dits, se dt'Taii|;e pour venir ree»'Noii une
part d'liérita);e.'
IVI'"** DE R CK>C0EF. Après cela on doit
queKpic cliose à ses paients.
IM""* DE Lf)KiEtX. (]erlainemeiit on ne
peut pas nluser ce (jui vient d'eux. (/V//v
biis n .!/"••' df l(ii( cnruef tt m pntfnnt
plus %yivenient. ) J'espère (ju'elle n'aura
pas eu l'audaee de disposer de s« s biens
en faveur de quelqu'autre ?
M'"»* DE ROCKNCOKF. Oli quelle idée,
Madame ! mais il v ani.iii de (pioi se
ile.slionoirr .
M""' DF. LoniEïX. Au fail nous y avons
tttnjonrs (ompl*-.
]Mmr ,,,. K oc K MOI F. Par «*nnsé(pient
ça nous est «léi.
M">* i)K Lonrki X. (l'est clair. ( /ire
a/naùiiité.) Je vois, !NIar(]m>e, «pie noiis
nous entendons admirablement.
Al'"^' DE RoCfXJOFF. T'est t'Ut simple
entre ^ens de qualité. — Mais vuici, si je
ne me ironqte, l'exécutrice testamentaire.
s(:i:xt: \ i
M - DK h«M:h;.N(:OKI', M— KoBI.N. eiitraai
par la Uroile. M»»' DE I.OHIKIX.
'M""'RoniN. >Iillee.\cusrs, >fesdames,
si je ne suis pas venue à l'instant ; je
cliereliais la copie du testiment de ma
di;;ne amie que je suis charM»'»' d»' vous
faire connaîlre.
M'"** DK Ror.EiycoEF. A la bomie heure !
Madame, nous vous permeltous de nous
1«* eoiuninniqm r. { Elle s'a* smit.')
.A!""* DE L'BiEi'x. Surtout passons
les d«'tails, je vous prie, et venons aux
dispositions essentielles ; j'ai horreur de
la prose. {^Elte s'a^smtt.)
M'"*' Robin debout et rrf^nrdnrtt tes
deux mitres dnnirs as<i^es. Ali !... As-
sevez-vous donc, Mrs<lames.
>I"»«' DK RocEXCOEP la rr<;nnle d'nn
air hfiiifa>n et dit d'un ton ser. Lisez, ma
ebèiv.
.AI""" DR I.' i.iM \ .'' t ■'■^n.tnt. .Nous
vous é'n^ulons, ma l>onne.
M""* RoMi.x. Je suis trop polie, ]^l«*stla-
mes, |>our ///e souflVirdclK>ul. 'Et/e prend
un fiuiteittl,^
M"'" DE RoCENCOEF il part. Ou*«*st-
ce que v'csi *
IM'"»* DE I.ORIFI X n pnrt. On dirait
qu'»lle vent .»v(>ir de 1 esprit î
M'"' Roni?«. Vous «avez sans doute
que* ma res|>ertable amie avait quitté
Monnrj;is p-u de mois avant sa mort
|K>ur visiter N* p< lit vi!la;;e où elle était
uér, «t qu'«'ll«* ainnit toujours comme sa
v«^ritabh' patrie.
M"»« DE R(x:F?trotr. n .V"« tte Lo-
rietix. Quelle idcv |>enple ! (a #f»* Tto-
hin} Et où était ce vdlaj^e?
.M'"*" R<>iu>. Au ci'ntre de la Brie.
M™' DE LoBiitx. Ah I fi I rhorreur !
212
pallie un (Mulioit où l'on fal)ri([ur ilii
fromajjr ?
]M"i'' IloiîiN. Mon amie en avait fal)ii-
(\\u\ ^ladame, et fllo se le rappelait...
d'aillems sou voyajje avait un autre but.
Elle voulait savoir s'il ue survivait poiut
quel(|ues uieuihres de sa propre lauùlle.
31'"'^ Di<: RocENCOKF. Conunent? pour
les favoriser à nos dépens?
]M'»*' Dii LoniEi X. Elle aurait eu l'idée
de nous dépouiller ?
^l'»« DE RocK?iCOEF. Quaiid on a
riionueur d'avoir des parentes eomnic
nous, on n'en clierelie point d'autres !
AI'"»' RoiJi.x. Rassurez-vous ; 31^*' Pâ-
turai n'i n a point trouvé et c'e:.t alors
qu'elle s'est décidée à écrire le testament
qui vous donne des droits à sa fortune.
31'"^ OK IlocE^(:OEF approchantson fau-
teuil de J/'»^ /îoZ>/>/. Voyons le testament.
INI"!^ DE LoRlEUX s' approchant égale'
ment. Nous écoutons.
j\IiTic Robin. Vous saurez d'abord ,
Mesdimes , que cette fortune se coui-
pose de deux fermes, valant chacune
cent mille francs.
M™'' DE LoRiEUx etM"™e deRocencoef
ensemble. Cent mille francs !
M"^^ DE LoRiKiix. Mais alors cette
pauvre >I"i^ Pâturai était riclie I
M^"^ DE RocENCOEF. J'ai toujours dit
que cette feuuue devait avoir du mérite.
j\[m(' Robin. Elle possédait, en outre,
une forêt estimée vingt mille écus.
]M"'e DE ROCRKCGEF et 31"'^ DE Lo-
RiEUX c^?.s6'///^/(". Une foret I
M'"" Robin. Avec un moulin et des
prairies qui produisaient environ cent
louis de riMites.
y\\w j^j.' Loin M X vivement. iMais c'est
une fortune de quatre cent mille francs!
M'"« DE RocE>C()EF. Ah I cette chère
défunte !
.Al"'c UE LoRiELx. Je suis tout atten-
drie !
]M"it' DE KOCENCOEF a M"^^ Robin avec
une majesté i^rote.ujue. Voyons le testa-
ment tle MA COUMiXE DE PaTURAL.
]\lme RoBi> salifiant. Le voici, Mes-
dames... je passe sur-le-champ aux dis-
positions (pii vous intéressent.
JM""'DERocE^coEFetM'"«DELoRI^:lJ\.
O^esiCfAîs.. {Elles se penchent toutes deux
vers iUiiip Robin jour mieux entendre.)
^I'"e Roiîi.x lisant. «< î>Toi, veuve Pâtu-
rai, etc., n'ayant pu retrouver personne
de ma famille et ne pouvant enrichir
mes ])ropres parents, je me suis décidée
à eiu'ichir ceux de mon mari. »
j\Ime pp LoRiEiîx. La digne fennne î
i\If"« DE RoCEXCOiT. C'est d'une per-
sonne de race I
]y|me Robin lisant, u Ces parents se
réduisent à deux ; il y a d'abord M"ip 1 1
marquise de Roceacoéf, très-noble et
très-illustre dame, quiconqitc beaucoup
moins de quartiers que de ridicules. •»
jyjme DE RoCENCOLF f/ui écoutait d'un
air souria/it c/iange de figure. Plaît-il ?
3Ime DK LoBlF. ux riant. iVe prenez donc
pas garde, c'est une plaisanterie. Cette
chère parente était pleine d'esprit. {A
ilfine Robin.) Continuez, de grâce.
]\jine Robin continuant. « Il y a ensuite
Tyjine de Lorieux la Parisienne , muse
très-connue dans le monde élégant et qui
fait faire ses vers connue ses cha-
peaux . . . •>
IM™e DE LoRIElix changeant de visage.
Comment.' que signiîie?...
Mme DE RocENCOhF riant. Rien ; la
chère cousine répète ce qu'elle avait en-
tendu dire... Avouez que c'est charmant!
[A M^^ Robin). Allez toujours, Madame.
]\Ime Robin lisant. «( Toutes deux
concourront au partajre de ma succes-
sion à défaut de mes propres parents ,
mais aux conditions suivantes : »
j\Inie DE RoCENCOEF Ct M"'*' DE LoRIELX
ensemble. Il va des conditions.^
.AI'"'' Robin lisant. « Comme je neveux
213
pas ciirifliir dos (joiis qui ini'prisrrairnt
ce que j'ai rt»' , jVxijM- (jiic iiu-s litri-
ticiTS ne soient admises au partage qu a-
piès avoir revêtu nu lirdjit de paysanne,
senil)! il)le ù eelui (\no je portais aulre-
lui^... .
]M""' i>F. IlocENcoEF et Mj"*" de Lorielx
po us s tint lin cri. Ali I
iM'"'" lloni.N m iij'pityaut Mir /t s niolK.
« Kt après S être niontn'es dans ce cos-
tume à mon exécutrice testamentaire,
.Mme Uol)in, devant Ia(pi<lle elles de-
vront ilanser la bourrée! -
M'"** nn KocENC'EFet M'"" bbLoniEix
se Irvnnt. (hielle atroeilt' !
M"'« DE Uoci.NcohF. Moi, d.uiser la
hnurrér* ! ..
Mme ,,^; LoniF.'Jx. M'Ii.ibiller en pay-
sanne !
1M'<"' i)K IlocFNcrEF. Ine d(seen<lante
<ies rois elievelus !
]>Ime j,p LoR!Ki x. Une fennne qui
rèjjle la m<)d«^ au faul)our(; Saint-Cicr-
maiii !
AI""' DK ROC.RNCOFF à J/""" Jv-hm.
\o(ie anéie, ."Mad Mn<>, «st une inij^erti-
nente.
M"" DR LoRiKHX. Ntnis ferons casser
le testament 1
M"" Roin\. Très-bien ; mais eonunr
lui seul vous donne \\vs droits, vous tl«-
vre^ alors ri'noneer à 1 ln'ritaj;e.
M"" DE LouiEr'X // prit t. (Test vrai !
!M"" DK Kor.ENCOEF // J>(irt. Klle a
raison î
IM"" l\onTN ^nnritint. Au reste, v<iu<^
ferez, vos n'flexiotis, Mesdames. Kn at-
tendant, la maison i\r >!"" IVilural est
à voln" disposition. .1 ai I ut pu p.urr »!«•
(■«' côte un appait'inent pour AI"" la
Alarcpiise; [EUr immtre le c^tt ^aurhe,)
( «hii (!«• .AI"" de Lirieux est ici : {Elle
ntnntrc l<t nrr/itirrr pnrtc à tlrnite,) Si
quelque rliose leur manque, elle» vou-
dront bien soiiu-i ; (ieitrud** sera à leiii-
• •rdres. [Elle fait t/ucit/ucs pas poiu sor*
tir, puis revient. j Chacune de ces dames
trouvera chez elle uu hahilltuieut com-
plet de lille de hass<»-cour.
AI"" DK LonitUX se rctnttrnti/it imU-
^/itr. Hein?
AI"" DE RoCE>coEF tle me me. Par
exenq»le !
; jy"'* Finhin salue et sort par ie jond.^'
SCK.NK Ml.
M"" liK LOHIF.rX, M"»« DE ROCKNuihl
AI '" F)K RocE>coBF. Quellc iusoU iicf !
Al"" DE LoniFLx. (yesl-à-dire que si
j'étais à Paris, j'en amais une crise tic
nerfs I
AI"" DK KocENCOEF. C«^ p<-tites f,rns
s'im:i{;inriit (pion lient à leurs biens!
AI""" DE L<JBiEi X. Connue si on n'é-
t»it pas au-desMis de cria!... Oiiaiid il
vous reste le monde et la littéral urc !...
AI"" DE KocE.MioEF. Si je fejjrtltc
(pu I(pie ( hose île cet liéritaj;e, ce sont
s»ul« ment Irs fermes î... parce que les
It rnu s, c'est d'un {jrand ton î...
AI'"' DE LoRiEi'x. Aloi je ie^;rrttf sur-
tout la i«)rèt.... il y a là Ax^i, ois«*aux.
des ombraijes : c'est {Kx'tique !... et puis
on peut faire des coupes.
AI"' DE KocENcoEF. Ix* iiuuliu aii.v>i
int" plusait ]\ir son caractère féi^ilal.
AI "^ DK I.ORIEIX. Kt h s prairies, avec
leurs pq>i lions, leurs fleurs, leurs i«'-
pliyjs '... On va iè\cr stîiis les saules!...
AI"»* DK llo<:r?tcoi F. Et l'on ven«l i.-
foin î
M"" DK Lonmx a^rc ienlin ent. Ah !
Aï idame, je vois <pie vj>us srnti y. la ua-
tnn" comme moi I [Chongrant tic /.###.)
Alais on nous met ces btons .\ un prix
im|>o5sibl<\
AI'"* DE UotKM;oir. I.< > .M ipnnr, ce
M'rait nous de>lionorer !
M"*» DE Ix)niri X. I)e sorte que nous
sommes diVitU^f, iiV»t-cr |>as?
Al"" DE Iloe.Rx.ukr. nien décidirsî
2ii
INI""" DE LoiuFix. Vous promettez do
neY>oint irinplir la clause thi teslanicnt?
31""' DE UocK.NCOEF. Positivement ; et
vims, iMadame?
M""" DE Lor.iEi \. Tout -à- fait.
IM'"*^ DE RocENCOKE. Du irsto, je n'y
pense déjà plus.
iM"" DK LoRiELX. Ah! mon Dieu! je
l'ai déjà uuMié I
IM""" DE KoCEycor.V ri pnrt, fnnfc pe/i-
sivr. Plus de deux cent mille francs!
connue cela relèverait le noble nom de
Rocencoéf !
IVIf"» DE LoRiEUX (de même). Près de
cent mille cens ! cela paierait tant de
toilettes et d'équipajjes !
SCÈNE yiii.
GERTRUDE, JEANNETON, >!•«• DE LORIEUX,
Mnic DE ROCENCOEF.
Gertrude. Ainsi ce sont là tous les
tes papiers ?
Jean>etox, tenant dc^ papiers ii la
main. Oui, ma marraine; le bourgeois
a bien dit qu'il n'y manquait rien.
Gertrlue montrant le bureau. Mets-
les là, je vais prévenir M"'' Robin. [Elle
entre à droite (l).
31"!*^ DE RocENcoEF. Ah! voici cette
petite campagnarde.
31""^ DE LoiuELx. Avec le costume
qu'on voulait nous faire ])rendre.
JEA^^ETO^ à port. Ce sont les héri-
tières. [Elle s/) lue.)
M"^« DE RocE.NCOEF à part. Je suis
bien aise de voir comment se portent
ces habits de manants. {Elle niet sea lu-
nettes et regarde Jeanttcton.)
31'"*' DE LoRiElîX à part. Il faut que
j'examine la coillurc, [Elle lorgne Jean-
/!( ton.
Jea>>'ETON à party dcconeertée. Quoi
(l)M"'« de Loricui, Jeannelon, M""* de Ro-
cencoéf.
qu'elles ont donc à me reluquer connue
ra?... Est-ce que j'ai quelque chose
de ma'propre après moi? [Elle regarde
derrière elle.)
31 "H' DR RocE.NCocF à part. Après
tout, une p(MSonne de cpialilc' donnerait
à cet habit- là un grand airi
3I'"<^ DE LoRiElJX // part. Eh bien! il
n'est pas si mal ce costume.... le jupon
est court, et quand on a la jandje bien
faite
Jeanneton, de plus en plus déconeer-
tëe., à part.) Sûrement j'ai que'q'chose...
(toussant haut pour se donner une conte-
nnnee.) Ilem ! hem ! — (j4 part.) C'est pas
tout de même honnête de regarder les
gens connue une cathédrale.... [toussant
haut.) hem ! hem!
(Elle Jinil par tourner le dos à la Mar-
quise et à iï/i"e (Iq Lorieux, et elle va
vers la porte du fond en chantonnant. J
]\Jaie D£ LoRlEliX à part, très-vire-
ment. 3ïais , j'y pense ! s'il n'y avait
qu'une de nous à obéir aux conditions
imposées, elle aurait tout I
]Vlme j)E RoCENCOEF à party d'un air
de' profonde méditation. Si je me dégui-
sais seule, il n'y aurait que moi à hé-
riter.
j\Jme DE LoRIEtix à part, comme si elle
avait pris une résnlufon . Allons I Haut à
j^jmc (/c Roceueoëf) Marquise, rien ne
me retient plus ici, je remonte en voi-
ture pour Paris.
31"'^ DE RocEXCOEF. 3Ioi, pour Or-
léans, 3Iadame.
3I"'« DE Lorieux. J'ai votre parole?
]\jme ^E RocE^coEF. Et moi la vôtre?
]\[me j)E LoRiELX saluant. 3Jadame la
3Iarquise
]\Ime DE RocENCOEF saluant préten-
tieusement. 31adame. . . .
( M^^ de Lorieux s'avance vers la
porte du f<>nd comme si elle allait sortir ^
puis elle se détourne , et voyant que
M^^ de Rocencoéf ne r aperçoit paSy elle
2i5
entre vivcnirnt (Inii.s /a i h(itnirc à (Imite
préccdcmnicnt dr^i^nvt; jjdr J/'"*' Robin.J
M""' I)K RoCE.NCOEF Af rd'ilii iitilit cl
n'apercevant j>lus M^^ de Lorinix à la
porte <lu fond. KIlc rst j)ailip.... vit<-, cn-
tiOiis !
(Elle eoitrt à l(i chambre de •nm Itc de
manière à y entrer prcufiic ati moment
mt'me où .1^""' de Lortettx entre dans
celle (le dioite.J
JtA»N4NET0.N, </ui 1rs a vues sans com-
prendre le mystère fjitelle'i (,nt mis dans
leur sortie.) tli Ijcm I (jiini donc fjii il-
les ont? On dirait (|u * lies se caclintt
connnr pour allrr niaiij;»!* It's ponunrs
du voisin ! Apres ya, j'aime mieux (pTel-
les soient deliors (jue dedans I ^lOnt-
cllcs dévisafjéc au moins ! J'en ('tais
si alnuie que j'aurais voidu me mettre
dans mes poclies.
SCKNi: I\.
JKANNKTON, CKHI lU I)K, M-"* ROIUN.
Gerti\i;de. Tenr/., la v'ià notre maî-
tresse.... salue !Mf"'^ Kobin, fiottr. {KL'e
fait passer Jcannetan de\'iint elle [\\
.Ikanneton saluant. A'otrc servanle ,
Madame.
M'"'" Ilom.N. C'est vous, mon eiil.uit,
(jui elierclie/ à vous plaeer.'
.Ikais.-skTo.n timidement. Oui . Ma-
dame.
(iKaTUt;i>F. N aie pas peur, va, .Ma-
dame te nianjjera pas. {A M"" fh-hin) :
Ces jeunesses, cVst timide, «a n'.i pas
vu le feu. (A Jeanneinn) : Dis ton fait à
la l)Ourj;eoise. [Certrude va porter sur le
bureau du ji>nd an carh>n qu'elle tient ;
clic sorciipe tt ranger Mtr le dernier plnriy
puis >ort un instant,)
.h:A\NETON en s'cnhardissant ^ à
i^/inc i\,,l,i„. VA\ l)ien ! Matlame eonnait
la eliose.... je vouthais heu tpi'elh" me
(1) G€rlruil«, Jcaunclon, M"" Uol'ii).
trouve, si c'tlaii un ellet de sa part,
qu\'cj*liassc-cour ou n'importe quelle
auin* honne maison ousqu'on ga{;nerait
son ])aiji.... avec un |hu de beurre des-
sus!
M"" IloiuN Jo//r/V/A/r. C'est-à-dire que
vous voultA une place lucrative.^
Jea.\neto\. Oli I c'est pas pour moi,
^ladame; mais c'est rapport à mon pe-
tit livre, (pii est encore trop moutird
pour {;a};«ier «le quoi, et (pi il laut l»ieii
que je lui donne de ma part.
M"" KoHi.N. Alil (iertrudc ne ina-
vait point parlé de cela.
JKA^^ETO.^ laissf/nt la r<>ir. (.»si
(pie je lui en ai rien dit, Madame. Pour
la première fois que je voyais ma mar-
raine, j'ai pas voulu la lourineutir. Si
je lui avais parlé de Pierrot, peut-être
heu qu'elle aurait cru (piil avait Ik*-
soin de sa lH)iité', et je venais pas ici
pour ea. Tant cpie je |>ouriai {ja[;ner,
oui. Pierrot n'aura rien à demander
aux auJies (pie leur amitié. PuiMpie
ma iiiere tst morte et (pic je suis sa
soMii aiut (* , ( 'est ix>mme mon en-
fant ; je lui donnerais mon sai»^; ,
vovtz vous, Madame I et v'Ià pourquoi
je voudrais (îe forts gaR*^» *^" travail-
lant tant «pie je |H)urrai, à cette s<'ule
lin de donner du contentement .'i Pier-
rot.
M'"' KoBIN avec intérêt. Vous clcs
une brave lille, Jeaimcton I
Jkannkto.n haïssant les yeux. Madame
est ben lionnète.
.M"" Honn. Kt il ne vous reste plus
aiieun parent .'
JrvNNKTON. Faites exeus«\ .'Madame,
il me reste le |>«lit Pierrot.
!M "• IbniiN. 11 est à rerncn^s?
.U. i\>t.T«)N. Cliei la mi're Breton ,
«pu le soi(»ne ixnnme un primv. Alil
laut vtùr aussi, M.ulame, quel cbcni-
bin ! surtout maintenant que j'ai donné
ma bonne jujm' |H)ur lui faire un babil
21()
lient ! il est lier eoiume un jeune eixj, et
avec ea si oàlin ! il vou^; embrasse, il
o
VDUS aj)pelle ma petite .leamu^loii. ma
jolie .l(\iniutoiî ! ea fait toujours plaisir,
vous eomjnene/.' Et })uis, si vous sa-
viez connue il ohéit! jamais ou ne l'a-
vertit deux lois ! un vrai anjje tlu para-
dis, (juoi, Madame; liorinis qu'il oublie
toujours tle se inoueber.
31""" lloin.N. l'^l il ne reste plus cpie
vous deux .*
.Ikanxkton. lïélasi oui.
INI'"'" 1U)BI^. A otre famille était })Our-
tant de J'\^rricres?
Je4l?«.\eton. Faites exeuso, Madame :
mes ])arents étaient venus de bien loin,
à ce (|ue j ai entendu dire; d'un petit
villa(;e qui s'appelait le A erdier,
M'"*' Rom IN. Dans la Brie?
.1 1- A^ > KTON . Justement.
M""^^ RoBLX. Et ils s'appelaient?
jKA?i>iETON. Piclet.
ÎM'"*' lloBlx ayant l'air de clicrchcr à
se rapfx-lcr. Ticlet!... Ce nom ne m'est
point inconnu.... mais vous devez avoir
des papiers?
GErvTRL'DE, (jui vient de rentrer. Cer-
tainement, ils sont là sur le bureau
de jMadame. (Elle montre le bureau au
fond.)
IM""= lloBTN. Voyons : {Elle va ou
bureau^ et se met à examiner les papiers
qui y ont été déposés par Jeanncton.)
GertiiL'DE venant à Jennncto/t , à
demi voix' Quand je t'avais avertie
qu'il fallait pas avoir peur I Comme di-
sait mon défunt : V effroi n'est pus fran-
çaise!.... et toi, t'es Française I [Elle re-
retourne ranger au fond (l).
.TkaNNETON seule sur le devant. C'est
ben vrai que cette brave dame a l'aii
d'être la reine dos femmes.
iNI'"* lloBl.N, (jui a parcouru les pa-
piers. Ah! mon Dieu ! est-ce possible?
(1) Jeanncton, M"»» Robin, Gcrlrudc.
(iEirrin;i)E se retournant. Quoi clone?
.Ieanxeton s' approchant. IMadame a
vu que'cju' mauvaise chose?
M""= Robin. Au contraire! Ah! ma
(hère eidant ! s'il était vrai le petit
i^ierrot et toi, vous ne inancpierie/, plus
de rien.
Gertuude et Jeanneton. Comment?
M"" Robin. Vn moment .... il faut
(jue je vérifie et que je m'assure. [Elle
va au cnrtonnier h gauche^ et consulte des
papiers ( I },
CjERTUIjDE (bas à Jeanncton). Tu vas
voir qu'elle te trouvera que'q' bonne
])lace!
Jeanneto.n. Peut-être d'iille de basse-
cour dans qne'qu' château ! Oh ! si c'é-
tait possible ! je serais-t-y heiucuse I je
les soi^nerais-t-y mes poidets, mes ca-
nards, mes dindons I je les aimerais-t-
y !... et mon petit Pierrot aussi.... Oh !
rien que l'idée, ea me met des ailes à
mes sabots; y me semble que je vais
m'envoler. [Elle se met à chanter et à
danser.) Tra la la la.... {Geitrudc est
retournée au fond , vers J/'^e Hobin.)
SCÈNE IX.
Lks Mêmes, iM"'^- DE ROCENCOËF sorlaul île
la chiiinhro à gauche, en habit de garilcuse de
dindons, M"'» DE LORIEUX sortant un peu
après de la chambre ù droite, dans le ménjc
costume (2).
M""^ J)K RoCENCOEF, à part , .\ans
Voir personne. M""^ de Lorieux est par-
tie, je serai seule héritière.
JEAiXNK'O-N C apercevant. Tiens! une
autre pastouve ! Est-ce qu'elle vient aussi
chercher une place ?
(1) M'"« Robin, Jeanncton, Gerlrudc.
(2) Les deux eostuines, qiiuuiuc de uicmc na-
ture, doivent différer pou. la couleur et les dé-
tails. Une des deux femmes peut avoir un eha-
p.>an de païtourc, l'autre une coiffe; il faut que
toutes den.K aient des jupons très-courts.
217
M""* DV. LoRIELX paraissant a droite,
à part. >i 'oublions pas que C(! dqjuisr-
nunt va nous lappoilei ciuq cnit mille
francs î
Jeannetojc l'a/jcrcevanf, à jjart. Vax-
«rorc une autre ! Alil çà, mais c'fst donc
ici le rrndc/.-vous des {;ardcuses de din-
dons ? iV""" Hohin rst ou fnnd^ le (loi
t(mini\ et montrant di:% papiers h (u r-
trudf^ (jni fait des si>^nf.s d'ctonncuK nt ;
Jcannt'ton rst un /jeu reniontrCy de sotte
que J/"" de Rocencoef et AJ""' de Loric ux
occupent seules le devant de la scène ;
toutes deux s* avancent sans s'apercevoir
d'abord.^
M"^** deLorieux reconnaissant M^^ de
Roeencot'f, Que vois-jel
]>Ime |)£ UoCE.NCOKF , reconnaissant
.17""' de Lnrieux. Mni«* i\c Loiieux !
iM"^*" DELonilXX. Ali I qurlle perfidie !
]Mme i)p^ RocENCOKF. (Test une trahi-
son I
OEnTHIDECt Ain»'' KoniN se retournant.
Ah !
j>Ime HoijiN liant. J'en étais siue (l).
(ïEiiTBUDF. Qu'est-ce que c'est qu«" ces
i\v\\\ mardis-{;ras!
M'"'' i)K Loi'.iEix. C'est ainsi qu«' vous
tencA vos promesses, .Madain»* .*
IM'"<* DE HocHNCOKF. A oilà douc le cas
qu'il faut faire de votre parole?
I\I'»'' i>K LoniF.i \. A DUS espériez m'e\-
elure du partaj;e!
.M'"*' I)F. KoCENCOFF. A OUS VOldic/ UlC
dépouiller!
INI'"'* DE LoniElx Mais j'ai reinph les
conditions, .Madame.
"\|mc Df.; UocK.NCDEF. M«)i aussi, Aja-
dame.
M""' DE i.OlUMA. .lai UIH" roill.- l-'
toile.
INI'"'* DE UoCENCOEF. J'ai des saholsl
M»'^ i)i: LoniLi \ l'.i je danserai la
bourrée.
(I) M'«« kW U()Cpnro«"'f, M»"^ Hobin, t'iortrud»',
Jrannt'loii, M""- do l.«>iirii\.
IMm»^ UE RocKxcOEF. Je la danse, Ma-
tlame I
M"'** J)E I>ORiELx. Pas avant moi, Ma-
dame !
Toutes deux se mettent à danser ridi-
culement la bourrée en cliantant, Gertru •
de et Jeannrtnn se tordent de rire.
j/m.' Hohin se tient dam le fond et rit
plus modérément. Elle s'avance enfin vers
Mmf de Rocencuéfet M^^ de Lorieiuc.
Mf"*" Robin. Assez , Mesdames , de
-r.ice !
Al'n<* i)K RocKNCOEF. ^ ous ctes témoin,
Madame, que j'ai obt'i au lesumcnl.
M™« DE LoRiELX. Comme moi I
^Inic DE RoCENCOEF. L'héritage m'ap-
pnrtieiil.
iM">^ DE LoRiEiA. C*»st-à-dire ipi«*
j'en aurai ma part.
Jeameton. Ah I bah! par ainsi c'est
p(»nr de rarg«'nt (pielles se sont dé^jui-
sées coumie ça, ces pauvn^s dames, et
«pTelles nous ont tlonné le bal.' Mais
alors, c'est connue les sauteurs de (x»rde,
qui sont veiuis au villa(;e et qui dan-
saient pour des gros sous I
M'"»* DE ROCB.NCOEF et M""' DE \a)'
i; lEUX. Couunent!
(iEUTiu DK. Ces dames prennent plus
cher, voilà la dilft'fenee.
M™^ DE RocE.xcoEF. Im|HM tiueulc!
(«FUTRl'OE, à demi voix ti Jcannetnit,
Va avec ça que pour s'exclure du paitage
«•lies s'étaient uunti l'mie .i l'-mlre,
Jka.nneion. C'est- il |K»ssible! \avee
conviction.) Ah! bcn, par exeuqiK , je
ne suis {piune pauvre fdle, j'ai jamais
fr»M|uent('' cpie les volaille.^ de maître
' (fOtlureau, et je sais lire que dans K*s al-
nianachs, mais j'ai pas oublié er que ui'a
dit notre ciué, <t plutôt cpie tic mentir
j'aimerais mieux manger dos croules
dans lie l'eau claire, et aller nu-pieils
par les chemins.... j'aiuierais mieux....
tout.... et même ii'im|xirle quoi î
M""** RoiiiN. Ru u Jeannctoti. tii e$
218
une li(imièto fillt\ [iroiiirjncDicNf. ) Mais
ces (lamos, vois-tu, ont plus tl esprit (jue
toi ; cllos ont trouvr (|U0 rien ne devait
router pour être Iiéritièie de iM'"^' Pâtu-
rai tlaus le cas où, selou sou testauieut,
flic ne Idissridil (menu piinut ! En eon-
si cpienee, elles ont pris \c ("ostnnie de
ferme, et elles ont dansé la bourrée ]>()ur
nous!... je les eu reuu^cic au nom de
uion amie (/jrcsr/itant Jeanncton). et je
leur présente la seule et l('};itime héri-
tière (1).
JEA^^ETo^^ iMoi !
M"»' DE RoCKNCOEF etM'"<' DE L()I\IEi:X
en nienie Irnijjs que Jeunnclon. ElU^ I
Gertuude en nie'tne temps <y//r les prc-
eéclenles. Jeanne ton I
JMtiic RoBlx. Le liasard vient à Tin-
slant morne de nie faire découvrir dans
cette enfant une petite nièce de ^l"**^ Pâ-
turai.
Toutes. Dieu !
]\[ine RoniN. Par conséquent, la clause
du testament est sans objet, et c'est à elle
seule que tout a])|)artient.
Jeanneton. Si c'est possible!
M'T'p DR RocE^coLF. Ah! les jaudjcs
uie manqu(M)t! [lille ise Inisu: tomber sur
snr un fau(e'iiL)
1M'"<* DE LouiEiîx. Je suis anéantie !
[Elle se laisse tomber sur un jnuteuit.)
Jeain]\kto\. l\)ut à moi!... Ali 1 ma
marraine... Ab ! Madame Robin... mais
alors je suis riche... riche I Ah! quel
bonheur pour Pierrot!
(jrKRTHUOE. Eh bien! à la bonne heure,
fallait que ea arrivât couune ça. L'héri-
tajje de rancienne vachère devait appar-
tenir à la gardeusede dindons, parce que
comme on disait dans le 45* :
Ce qui vient du trompette s\n lui ou
tambour.
5^<Î>^*4S3«
TRAVAUX A L'AIGUILLE.
Donne! d'homme. — Frivolité nouvelle. — Fleurs en papier, OEilIet. — Canezoïi corsage. — Bi •
bliothèque L. Cuimcr. — Comités de femmes, — recettes diverses, gelée de groseilles, remède
contre les brûlures. — Vins de groseilles et de cerises. — Racaou. — Col en tricot dentelle. — Mo-
des de lingerie. — Droderies diverses. — Tapisserie coloriée.
Chère amie, j'ai à te parler aujourd'hui
d'une foule de choses... Par où coin-
mencer ? Par nos travaux aiiués ; ils sont
en jjrand nombre cette- fois, et qiielques-
ims exigent des explications.
Devines -tu conunent il faut s'y pren-
dre poiu' faire un fond rond avec le
dessin n" 1 ?... Mais d'abord nous avons
acheté c:hez Guyot , rue de Bussy ,
60 grammes de cordonnet de Berlin, à
(i) M'"«- De Rocencoéf, M'»>e Robin, Jeannelon,
Gerlrude, M'"': de Lorien\.
1 fr. 25 c. les 10 grammes; 3o grammes
de bleu pour le fond du travail ; 1 0 gram-
mes de brun , 10 grauunes de jaune, et
tO grammes de noir; quant aux palmes
du n° 2 , nous trouverons bien dans
nos restes de bobines de quoi les exécu-
ter eu couleiu's variées et toutes de fan-
taisie.
Prends ton crochet, ton cordonnet
noir et monte 4 mailles légères; forme
une boucle et fait huit mailles dans les
4 premières, 2 dans chacune,
5'"*^ RA>GÉE. — 1 maille pleine, —
210
1 aujjinrutre f ou dnix mailles prises
dans la iiiciiiej , et ainsi alteriialiveineul
jusqu'à la fin de la S"** raujjt'e.
4"»*^ RA^GFE. — De iiièiiie que la
troisième.
■iine cl (,a.e bangées. — 2 mailles plei-
nes, — I aU{;meiiU«', alleniativeiiHiil.
7'"^ »A>GEE. — 3 mailles pleines, —
1 aii(;meiilée. alternativement.
Lorsque ee rond porte 42 mailles de
tour, tu connnences à «m «nier le dessin
11° 1. Il s'ajjit de rej>rodiiire les dents du
haut.
Prends ta ioie brune et lais einq
mailles pleines. Prends ta soie bleue et
fais une maille bleue pleine , et ainsi
allernaliv* nient sriit jua. 11 faut avt)ir
soin de placer I au()menlre au milu u de
ô mailles brunt^, ce qui te donne, pour
celte ranf;<'e, 7 augment»'es , nombre
suffisant. — Au\ ran(;ivs suivantes, lu
places ( lia(]ne au(;mt ntée au milieu des
mailles bleues, pins entre les palmes de
la p,uirande, <le lacon à ee que les auj;-
inentées se trouvent rarement (ih-(1(\mi<
les unes des autre s. L** foi ni dv vv bon-
net d lionnne doit former un rond rc{;u-
licr et p'tit. (î'est en jaune que tu lais
les dents qui le terminent.
Tu as pris mesure »le la };ro$S€iU' de la
tète (|ue lu as à coiffer. Mesure mainte-
nant le tt>ur du fond et vois si ces deux
mesun s sont è'{;ales. Si ci lie du fond est
jJits fjttitt'^ ajoute deux ou trois ranj;ccs
ru continuant de faire des au{;m -nt(< > .i
cbaeune. (j.deide le nombre île ti^ mail-
les de façon à n'avoir dans le [>4juitour ni
demie ni ipiart de palme; tu |hmix, |H>ur
éviter cet inconvénient. Us *//>/</ wcrr pins
ou moins ; il ne faut point iXauf^nn /. t r
dans le tour «le lète. (À)nunence-lc avec la
soie bleuie ; fais la borduiv eu soie noire
et jaune, en suivant les indications du
dessin, et les palmes de coulcmsili\ei>e5.
bien trancluts, toujours d apics le tien-
sin dont les si|;nes dilVerints t indiquent
les couleurs claires et les coidcurs fon-
cées. L encadrement ne sijjnitie rien.
Double ce joli lx)nnet, borde-h* d'un
galon de soie noire ou d'or, à lou clioix,
et acliève-le en l'ornant d'un f.land de
sine tiès-louj; ci très-fourni, de la cou-
1' ur (pii te plaira le plus, ou d'un gland
d or, si le (;alon du lK)ril est en or. Tu
auras ainsi à ollrir un cbaruiant cadeau à
ton père.
Pnis<pie nous nous occupons d ouvra-
j;es au ciixdict, passons au n" 6.
Je t'ai expliqué, au mois de janvier
18 1'», la manière de faire, avec une
navette, îles trèfles en frivolité; travail
dé'lié- , élé|;ant , mais qui exij;e toujours
un blancliissa{;e à n«-ul ; tu{>eux imiter
cette fi ivolité au point de crocbet , et
blancbir, sans tout cet rt///r<///, le joli ct»l
(pie lu auras ainsi exécuté*.
Prends un crocbet fin, du (il d lilanile
n" liO, et fais une l)OUcle de H mailles
lé{;ères. Cette boucle iloU tli^fmniitn'
piesqu'en totalité^ comme raniu^au de
nn'lal pour les étoiles que dernièreuient
j«* t'ai ensei|;né à faire, snus les mailles
pi» ines avec le>4piell«'S lu la reix)uvres.
Ta boucle est feriiu c , lais 3 nuilU s
])leines,G mailles légères qui forment
un picot, '1 mailles plcmes, 6 lé"j;ères ,
et ainsi jusqu'à ce que tu aii-s G pifx>ts
en mailles lcjjèri*s ; finis par 3 mailles
pleines, (lommcno*, sans cou|x r le fil,
une stxonde boucle de \i madies lé-
(;ères, fais 3 mailles pleines, C mailli>s
léjjèreselc; passe à la iruisiènie boucle ;
p^arnisla de même de GpicTils en mailk*s
l«'{;ères. Voilà un premier irèlle. Ompe
Ion (il, ri fais un autre iiclle. Tu |xnx,
cbeniin faisant, atlaclier, s«*lou U* In^soin,
les picots que tu fi>rint^ aux piix)ls des
Indes pn'i édenls , ou bien pn-parrr de
ivu\-ei la qiiantiu* né-ct^ssairr (xturi^tm-
|K)ser un col < t les ix>iidie ensuite lt*s \i\\s
aux antres |var quelques |>oint$ de smjet.
Aie bien soin d en\Tlup|M*r sous les
220
mailles ]>l(Miirs les mailles lrj;î^ivs qui
iDiineut les j;iancles l)i)iieles ; le Iravail
ainsi l.iit est ])!iis ilélieal el plus joli.
St'tK- le jjDtnt.
Il l'aiil i)r(>lit(M-, ma elière Adèle, de la
saison où les (x'illels sont en lltur pour
en produite unt^ jolie eollection en ])a-
pitr , ils te serviront, l'hiver proeliain, à
oiiua- une jardinière.
Déeoupe huil jais du papier l)lanc,
rou|;e, rose, à ton elioix , sur le ]>ation
de ])t'tal(^s H" ô. Avee ta piuee tu formas
luul plis dans eliaeuu des si\ pétales
unis eusendde, et sur ta pelottc molle,
avee une jjrosse aiguille à trieoter, tu les
tltiJDonncs par le haut. Prends un modèle
ncitnrc , enlève à e<'hd-ei son calice ,
lends-le eu deux, élale-le sur du pa-
pier et lèves-en le patron. Quand lu au-
ras découpé deux ou trois calices eu
])apier vert ylauque, assendjle les deux
bords de la ieule avec un peu de colle et
laisse séclirr.
Tu attaches à Tcxtrémité du fil de fer
qui doit servir de ti(je, deux barbes de plu-
uies bien blanches, après les avoir lVis('es
en les passant légèremeut entre le pouce
et le bord de ta pince. Tu roules lui peu de
coton vert sur le point où ces barbes de
pluuie sont reteiuies au fil de fer, tu
(>ouimes, et voilà le cœur tout prêt.
Enfile l'un après Tautre les huit pé-
tales, en mettant un peu de colle entre
chacun; enfile le calice , et recouvre la
tij^e de papier vert. Avec la nature sous
les yeux tu reproduiras aisémeut et les
boutons à demi épanouis, et les feuilles
en ]>apier vert .^jlauque.
\ ois pour le col en tricot dentelle et
pour le patron, à la fin de uia lettre;
mais arrètous-nous au n" 7, à ce riche
dessin de uiouchoir qui joue la dentelle
ancienne, quaud il est exécuté.
Il faut d(^ très-belle et très-bonne
l)atiste de fil ; tu eu trouveras au ma-
^'asin de ÎMme Maureau , au coin des
rii(\s de Tournou et du IVllt-lînurbon-
Saint-Sulpiee. Dessine tout r(Milourap,e,
(piini trait hachv distinj^;ue chi dessin, et
ne fais qu'u.N SF.tL coin complet. Celte
bio'.K lie s'ex('eute cnùcicinciU au point
de leston (pii a plus que jauiais repris
fiveur, à ])résent qu'on fait moins de
broderi(^ anj;laise et cpie le pluuK lis a la
voj'jUe; le feston sainr celles qui ne sa-
vent ])as très-bien broder. Tantôt, pour
ledi^ssin n" 7, le fi'Ston est très-fin, très-
serré; tant(jt il est bnnlcow lar/je. Il tant
faire ])aitout dc^ œillets plus ou moins
petits suivant l'indication, et n'enlever
la batiste que dans les endroits marqués
])ar des croix. La place que doivent rem-
plir les points de dentelle est 7//«r/r///ee.
J'ai vu ce riche dessin exécuté ; \\ est
d'un eflét prodigieux. Je donne diverses
couronnes afin qu'on puisse choisir celle
qui conviendra le mieux ; je donne aussi
un alphabet dans lequel on pourra pren-
dre les initiales desliiuvs aux deux écus-
sons ; le mois prochain lu auras un autre
alphabet d'un [jenre dilli'rcnt, et dont les
lettres pourront aussi être exécutées au
point de feston, tandis que celles-ci doi-
vent se faire au plunietis.
A présent })arlons lillérature.
En ce moment, ma tante s'occupe
de fonder un comité de fennnes pour
répandre les bons petits livres de l'As-
sociation pour rilducation populaire.
Quand nous serons vin^jt associées, se
cotisant chacune pour la modique sonmie
de 5 fr. j)nr an, nous aurons pour cent
francs de livres à répandre. IMon oncle,
qui est uu homme (^rave, tu le sais, se
montre partisan zélé de cette fondaticin.
L'autre soir, il nous a apporté le Cours
clcnie/i taire d'ii'^riculliirc pra'Hiuc, de
]M. J. Laureau. Ma chère amie, quelle
vie de travail que celle du lal)ourcur !
Et quaud on volt que sur le ])rix d'une
ferme qui rai>porte 2,'28ô iV. à son pro-
priétaire, le fermier ne retire que de
221
000 fr. à 1,000 fr., awc lesquels il lui
faut payer ses iiiipôls. iiounii et eutie-
teuir six à huit personnes, on comprend
coninieiit il ne peut que bien dilllcile-
ment mellre ({uclque ciiosc de côté |>our
ses vieux jours. Je ne erovais pas cpie
ce livre-là ni inspirerait tant diiitt'ièt,
et ferait naître en moi tant d'idées nou-
velles. Kien de curieux connne V JIi\rone
iluffti griion (t de la himpc de Mtrrlé^
inventée pour les mineurs I Je t'assure
tpie y\. leMaout/Yirf^A//*.' ht sc'unce d'uiu*
manière on ne peut plus intéressante.
Kt puis {Hi^toiir tic Jeanne d'Are , ]»ar
INI. Frédéric Loek : en lisant son livre,
j'ai liien vu que je ne la savais pas par-
faitement, cette toueliante histoire; enfin
j ai lu encore Les /ntHs auxiluiires <lu
cnlfifuiiar, 'pm M. de Frarière ; ce sont
les oiseaux. Fa son{;e, elière amie, (|ue
uon-sculeinent il est j'crmis de dire